Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.Mise à jour 3-vendredi 9 mai 2014 : correction de nombreuses fautes + ajouts sur la Garde Nationaliste Arabe. Mise à jour 2, vendredi 28 mars 2014 : quelques ajouts plus de nouveaux exemples comme la milice du PNSS. Mise à jour 1 : dimanche 9 février 2014 : précisions sur les milices, rajouts de quelques exemples.
Les
miliciens étrangers
Le
Hezbollah est coutumier de la formation, de l'entraînement et de
l'encadrement de milices. Il l'avait déjà fait pendant la guerre
Iran-Irak (1980-1988) aux côtés des Gardiens de la Révolution
iraniens. Le Hezbollah participe ainsi à la formation de Jaysh
al-Shabi (puis des Forces Nationales de Défense), l'armée populaire
liée à la structure de l'armée syrienne en pleine recomposition
depuis le début de la guerre civile. Cette initiative prouve
d'ailleurs que le régime syrien a su reconfigurer son armée pour
faire face à une menace irrégulière et asymétrique, avec une
milice formée sur le modèle de la Basij iranienne.
Dès le début 2012, Jaafar Athab, membre d'une milice irakienne
pro-iranienne, Asa’ib Ahl al-Haq, est tué à Hama.
C'est le général Suleimani, le commandant de la force Qods, qui
aurait donné l'ordre aux milices irakiennes pro-iraniennes, Asa’ib
Ahl al-Haq et les Brigades du Hezbollah notamment, d'envoyer leurs
combattants en Syrie dès 2012. Pour les Iraniens, le contrôle de la
zone autour du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas, est essentiel :
non seulement les rebelles pourraient encercler la capitale et
assiéger l'aéroport international de Damas, mais en outre, comme on
l'a dit plus haut, le pélerinage sert de couverture au transit des
Gardiens de la Révolution et autres activités clandestines. Le plus
grand hôtel de Sayyeda Zaynab, l'hôtel As-Safir de Damas, est
possédé par la riche famille des Nahas, une famille chiite qui a
des liens étroits avec le clan Assad. Le général Shafiq Fayyad, le
cousin de Hafez el-Assad, a commandé la 3ème division blindée qui
a joué un grand rôle dans la répression du soulèvement des Frères
Musulmans en 1982 puis dans l'échec de la tentative de coup d'Etat
de Rifaat, le frère de Hafez, en 1984. Or Fayyad a marié son fils
dans la famille Nahas. On mesure combien, pour l'Iran, la Syre
constitue la « 35ème province » du pays.
Les
premiers indices de la participation de miliciens chiites étrangers
aux combats en Syrie commencent à filtrer à l'automne 2012, par des
interviews avec ces combattants ou par le biais du gouvernement
irakien.
La plupart de ces miliciens servent dans la brigade Liwa Abou Fadl
al-Abbas. Leur nombre est difficile à évaluer mais un milicien
irakien parlait déjà, en octobre 2012, de 200 Irakiens partis en
Syrie, provenant de scissions du courant de Moqtada al-Sadr et de
milices armées formées par l'Iran sous l'occupation américaine de
l'Irak. L'organisation Badr, un mouvement politique créé par l'Iran
dans les années 1980 pour combattre Saddam Hussein, annonce que le
mouvement s'arme et s'équipe pour éventuellement participer au
conflit. Début octobre 2012, Abou Hajeer, le chef de la brigade Liwa
Abou Fadal al-Abbas, revendique déjà 500 combattants. Cette brigade
rassemble plusieurs sous-unités dont certaines portent des noms
importants de la religion chiite : brigade Ali Akbar, brigade
al-Qasim, brigade Malik al-Ashtar. Au moins une unité est nommée
d'après un des martyrs de la brigade (Ahmad Karaya). En Irak,
l'organisation du recrutement de volontaires s'est accélérée à
partir de la fin 2012 : des convois entiers de bus de pélerins
transportent des combattants et des armes. En octobre 2012, le comité
de recrutement de la province de Diyala, où l'affrontement entre
chiites et sunnites irakiens est très vif (c'est un bastion de
l'Etat Islamique en Irak), prétend avoir expédié 70 combattants en
Syrie. Si la majorité des volontaires sont chiites, il y a aussi des
sunnites et des Druzes. La plupart des combattants chiites irakiens
sont motivés par le désir de prévenir, en Irak, le renouveau des
violences sectaires de 2006, qui avaient coûté la vie à des
centaines de chiites et de sunnites. Pour le moment, la plupart de
ces milices restent basées en Irak, et expédient des combattants en
Syrie : les groupes armés présents en Syrie ne cherchent pas,
comme les factions rebelles, à contrôler des territoires syriens.
La
présence de miliciens chiites irakiens en Syrie commence à
apparaître au grand jour entre janvier et mai 2013.
En mars, les premières photos et notices de « martyrs »
tués au combat apparaissent : les morts appartiennent à deux
organisations, Asa’ib Ahl al-Haq (La ligue des Justes) et Kata’ib
Hizballah (Les Brigades du Hezbollah). Pour le premier groupe, il n'y
a pas eu d'annonces officielles, simplement des funérailles dans
plusieurs villes irakiennes. Les Brigades du Hezbollah, au contraire,
ont massivement diffusé sur le web (le premier martyr est Ahmed
Mahdi Shuweili), même si les deux groupes n'indiquent jamais où les
combattants ont été tués. Créés sous l'occupation américaine de
l'Irak, ces deux groupes armés ont reçu une aide massive du
Hezbollah et des Gardiens de la Révolution iraniens. On peut donc
considérer que ces deux milices sont de simples paravents du régime
de Téhéran. Plus tard, certaines notices de martyrs prouvent
d'ailleurs que les miliciens sont d'abord passés par l'Iran avant de
gagner la Syrie ; leurs corps sont rapatriés via la frontière
irako-iranienne. On apprend en outre que les combattants d'Asa’ib
Ahl al-Haq servent en fait au sein de la brigade Liwa Abou Fadl
al-Abbas.
A partir du mois de mai, la confusion est grande dans
l'identification des morts en raison de l'engagement massif du
Hezbollah à al-Qusayr ; or certains membres du Hezbollah qui
font partie de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas sont aussi tués
près du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas.
Un
grand nombre de chiites irakiens tués en Syrie appartient à la
brigade Asa’ib Ahl al-Haq, qui a des liens étroits avec le
Hezbollah.
Cette milice (qui comprend 2 à 3 000 hommes), formée en 2006 par
une scission de l'Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr, avait combattu
les Américains pendant l'occupation de l'Irak et avait notamment
aidé à introduire les fameux IED « explosively formed
penetrator ». Au vu du nombre de martyrs, c'est sans doute
l'un des pourvoyeurs les plus importants. En juillet 2013, le groupe
annonce que les combattants dépêchés en Syrie font partie d'une
unité spéciale : Liwa Kafil Zaynab. Les vidéos du groupe
insistent maintenant sur la coopération avec l'armée syrienne et le
Hezbollah. Un ancien leader sadriste, Muhammad al-Tabatabai, qui fait
peut-être partie de l'encadrement du groupe, est venu visiter les
combattants en Syrie en juillet 2013.
Le mouvement a des liens étroits avec l'Iran.
Quant
aux Brigades du Hezbollah (400 hommes d'élite), elles ont des liens
étroits avec la force Qods des Gardiens de la Révolution iraniens :
basées à Baghdad, elles font passer en contrebande et stockent des
armes iraniennes en Irak. En décembre 2009, le groupe avait acquis
une certaine notoriété en piratant un drone Predator
américain. Jamal Jafar Muhammad, alias « l'Ingénieur »,
qui serait le chef de l'organisation, pourrait également être l'un
des bras droits du général Suleimani, qui dirige la force Qods. Il
aurait participé aux attentats de 1983 contre les ambassades
américaine et française au Koweït, et à une tentative
d'assassinat de l'émir du pays en 1985, à l'époque où l'Iran
essayait d'empêcher le soutien occidental à l'Irak pendant le
conflit contre ce pays.
Jaysh al-Mukhtar, une milice chiite formée le 4 février 2013, a été
constituée par le secrétaire général des Brigades du Hezbollah en
Irak. C'est un paravent pour l'envoi de combattants irakiens en
Syrie.
Abu Karrar al-Hamidawi, un des cadres des Brigades du Hezbollah, a
servi dans cette milice avant d'être tué en Syrie le 4 avril 2013.
Asa’ib Ahl al-Haq et Kata’ib Hizballah sont incorporées dans le
projet du président irakien Maliki de former une division spéciale,
pour la protection de Bagdad, composée de miliciens chiites.
Harakat
Hizballah al-Nujaba est un groupe créé par les Brigades du
Hezbollah et Asa’ib Ahl al-Haq pour acheminer les combattants en
Syrie, et peut-être aussi par les Brigades du Jour Promis, la milice
qui a succédé à Jaysh al-Mahdi de Moqtada al-Sadr. Il a formé, en
plus de Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir, la principale milice, qui opère
à Alep, et de Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba, qui elle est
dans l'est de la Ghouta (voir plus loin), une autre milice, Liwa’a
al-Hamad, à partir de juillet 2013. Le premier martyr n'apparaît
que le 5 décembre. Il n'y a quelques vidéos qui montrent ce dernier
groupe en action.
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Emblème de KSS-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled187.png?w=277&h=275 |
Autre
milice irakienne qui intervient dans les combats en Syrie :
Kata’ib Sayyid al-Shuhada (KSS : 200 hommes), présente au sud
de Damas pour défendre le tombeau de Zaynab, et qui semble être
surtout un réservoir de miliciens pour ce faire.
La première mention du groupe date du 14 avril 2013 : elle a
porté plusieurs noms, Kata’ib Karbala et Kata’ib Abu Fadl
al-Abbas, et a envoyé des combattants qui ont servi dans la brigade
Abou Fadal al-Abbas. Certaines sources affirment que la milice serait
issue de scissions des Brigades du Hezbollah, et que Abu Mustafa
Sheibani, un des personages importants ayant participé à la
création de ces groupes spéciaux soutenus par l'Iran en Irak, en
serait le chef. Sheibani, qui a la double nationalité irakienne et
iranienne, était connu en Irak pour diffuser les « explosively
formed penetrator (EFP) roadside bombs ». Là encore, des
corps de combattants tués en Syrie passent par la frontière
Iran-Irak, révélant la source du financement important du groupe.
Une seule vidéo, en juin 2013, mettait en scène la milice en Syrie.
Au moins 4 de ses combattants ont été tués en Syrie ; le
recrutement semble se faire notamment à Bassorah. Fin août 2013, le
total des morts est porté à 8. Il est possible que cette milice
soit la branche militaire en Syrie d'une organisation irakienne de
Bassorah, le mouvement Sayyid al-Shuhada. A l'été 2013, elle
prétend avoir envoyé 500 combattants en Syrie, qui serviraient,
pour la plupart, dans l'est de la Ghouta, les zones rurales autour de
Damas. L'organisation a peut-être, selon Philip Smyth, servi de
paravent à l'organisation Badr irakienne. 8 combattants sont tués
ou portés disparus dans l'est de la Ghouta à la fin août, au
moment des fameuses attaques chimiques. A noter que sur les vidéos
et photographies mises en ligne, les miliciens portent un emblème
distinctif bien reconnaissable. Cette milice se distingue aussi des
autres par le grand nombre de photos ou de vidéos mettant en scène
des cadavres de rebelles, parfois mutilés. Dans son iconographie de
propagande, elle montre seulement Khamenei et l'Ayatollah Muhammed
Baqir Hakim, l'un des fondateurs de l'organisation Badr en Irak, ce
qui renforcerait l'hypothèse des liens avec cette organisation.
Le 24 septembre 2013, la télévision syrienne annonce la mort du
chef de KSS, Abu Layth, tué dans l'est de la Ghouta.
En
février 2013, Hadi al-Amiri, le chef de l'organisation Badr
irakienne (liée à Téhéran), prend prétexte de la livraison
d'armes de la Turquie et du Qatar à al-Qaïda comme déclaration de
guerre aux rebelles syriens.
Au départ, l'organisation Badr est la milice du Conseil Suprême
pour la Révolution Islamique en Irak, avant de s'en détacher et de
se constituer comme formation politique. En 2006, elle aurait
rassemblé 10 000 miliciens. Le groupe a reçu fonds, entraînement
et armement de l'Iran, et ce même avant de devenir autonome.
L'organisation durcit sa posture après le 20 mai 2013, jour où un
attentat vise un bus de pélerins chiittes près de Tikrit, en Irak,
ciblant peut-être des conseillers iraniens venant former des
combattants de la milice. Le 17 juin, l'organisation Badr annonce la
mort d'un premier milicien, Yasin Muhammed al-Zayn, qui aurait péri
à Zaynab. Le 13 juillet 2013, elle annonce avoir déjà envoyé 1
500 combattants en Syrie. L'organisation pleurt ses morts qui
appartiennent à une formation spéciale créée pour les besoins de
la guerre syrienne, Quwet Shahid al-Sadr.
Le 28 juillet, après l'annonce de la mort d'un deuxième martyr,
l'organisation Badr rebaptise cette force expéditionnaire Quwet
al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, d'après le nom de l'ancien chef du
mouvement Dawa en Irak. Sadr a joue un rôle important, comme clerc à
Nadjaf, dans la formation de l'idéologie qui sera appliquée en Iran
à partir de 1979 par Khomeini : il a été exécuté en 1980
par Saddam Hussein. Les miliciens utilisent plus fréquemment que les
autres les versions du M-16 (dont la carabine M-4) dont certains
équipés de lunettes de visée. Ils utilisent aussi ce qui est
apparemment la copie iranienne du fusil anti-sniper Steyr HS. 50.
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Logo de l'organisation Badr.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled249.png?w=162&h=268 |
Al-Muqawama
al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq, un groupe dirigé
par Al-Muqawama al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq,
serait basé à Nadjaf, en Irak. Le nom du groupe renvoie aux
provocations du Hezbollah et à la capture de deux soldats israëliens
qui avait entraîné la guerre contre Tsahal en 2006. On ne sait pas
si le groupe a été créé à cette date ou plus tard, en 2010-2011.
En août 2012, il annonce se tourner vers des projets civils, mais un
an plus tard, il envoie ses premiers combattants en Syrie. La
première vidéo ne date que de janvier 2014 mais a pu être tourné
avant : on y voit une subdivision de la milice, Kata’ib Musa
al-Khadhim-Sariyya ‘Ammar Ibn Yasir, attaquer un Humvee.
Comme Harakat al-Nujaba, le groupe semble être un paravent iranien
reconfiguré pour envoyer des combattants irakiens en Syrie. De
manière intéressante, le groupe prétend combattre à Alep, où
opère déjà Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir : cela confirme
effectivement la présence remarquée de davantage de miliciens
chiites dans le secteur en décembre 2013-janvier 2014.
La
brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas (LAFA) est apparue à l'automne 2012
et confirme si besoin est que la guerre civile syrienne s'oriente
vers un conflit de plus en plus sectaire.
L'organisation se fixe comme objectifs la défense du sanctuaire
chiite de Sayida Zaynab et des populations chiites environnantes au
sud de Damas. Elle réunit une minorité de combattants syriens et
une majorité de combattants chiites étrangers. Dans l'esprit, elle
reflète ce qu'ont pu être les brigades internationales pendant la
guerre d'Espagne. Cependant, cette milice fait appel à de nombreux
combattants de Asa’ib Ahl al-Haq ou des Brigades du Hezbollah,
soutenues par l'Iran, a des uniformes, des armes flambant neuves, une
structure de commandement et s'identifie avec le Hezbollah libanais.
L'influence de l'Iran est évidente dans la structure de
l'organisation. Le nom du groupe lui-même renvoie à la rupture
historique entre les chiites et les sunnites, Abou Fadl al-Abbas
étant un combattant chiite qui s'illustre à la bataille de Kerbala
et qui était le porte-drapeau de l'imam Hussein. Une vidéo fameuse
montre un combattant de la brigade hissant le drapeau de celle-ci sur
le dôme doré du sanctuaire de Zaynab.
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Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/05/untitled35.png?w=960 |
Le
groupe armé rassemble à la fois des chiites irakiens, formés et
armés par l'Iran, et des chiites libanais, dont des combattants du
Hezbollah. Les uniformes et la tactique du tir semi-automatique, pour
améliorer la précision et économiser les munitions, relieraient
LAFA au mouvement libanais. Mais dès le mois d'août 2012, le
Hezbollah était présent autour du sanctuaire de Zaynab :
Hassan Selim Meqdad, capturé par les rebelles, est supposé être un
cadre de l'organisation libanaise. Sous la torture, visiblement, il
avait reconnu la présence de 250 hommes autour du site. En avril
2013, Haidar Haj Ali est tué en Syrie : on croit d'abord qu'il
est de la LAFA, mais il appartient en réalité au Hezbollah, et il a
manifestement péri près du sanctuaire de Zaynab. Les emblèmes
utilisés par LAFA rapprochent celle-ci du Hezbollah, et, derrière,
de l'Iran. On sait que la milice a un secrétaire général, comme le
Hezbollah, Abou Ajeeb (qui vient du vilage de Nubl, près d'Alep) ;
un autre chef important est Abou Hajar (il s'agit de noms de guerre).
Des photos où l'on voit le groupe opérer avec des véhicules de
police ou des équipements plus lourds de l'armée syrienne laissent
penser que la milice est intégrée, d'une façon ou d'une autre, aux
opérations des forces du régime. Equipée de technicals, de
fusils de précision Dragunov, d'armes légères et même de
pièces d'artillerie, LAFA semble opérer de manière efficace en
combat urbain. On sait par ailleurs que LAFA est soutenu, près du
tombeau de Zaynab, par les miliciens
syriens.
Au total, la brigade LAFA comprendrait entre 500 et 1 500 hommes,
selon les sources. LAFA ne défend pas seulement le tombeau de
Zaynab : elle protège aussi d'autres sites considérés comme
saint par les chiites. La tombe de Al-Sayyida Ruqayya, la fille
d'Husayn bin Ali, est située dans la campagne autour d'Alep ;
la tombe de Al-Sayyida Sakinah, une autre fille d'Husayn bin Ali, se
situe elle dans le faubourg de Daraya, à Damas.
Liwa al-Taff, une force créée en mai 2013, et qui comprend
plusieurs centaines de combattants répartis en au moins trois
bataillons, appuie les opérations de LAFA.
Le
5 juin 2013, le jour même de la victoire à al-Qusayr, une nouvelle
milice chiite basée à Damas, Liwa’a Zulfiqar (LZ), apparaît sur
Facebook.
En réalite, ce nouveau groupe est issu de LAFA, probablement dans
l'intention d'agir sur le moral des rebelles en laissant croire qu'un
véritable flot de combattants chiites afflue en Syrie pour aider le
régime. La plupart des miliciens sont tirés de Liwa’a al-Yum
al-Mawud -de Moqtada al-Sadr-, de Asa’ib Ahl al-Haq et des
Brigades du Hezbollah. D'après une dépêche de Reuters datée
du 19 juin, il se pourrait que LZ soit une création nouvelle suite à
des combats ayant opposé les forces du régime syrien aux miliciens
irakiens chiites eux-mêmes (!) à Damas ! Malgré tout, les
miliciens chiites irakiens demeurent dépendants de l'armée syrienne
pour obtenir le matériel lourd (blindés, artillerie, etc)
nécessaire à certaines opérations. La création de LZ
correspondant aussi à un changement d'emblème pour LAFA. Le nom de
la nouvelle formation lui-même est symbolique : Zulfiqar est
l'épée à deux pointes de Mahomet, que celui-ci aurait donnée à
Ali sur son lit de mort, symbolisant pour les chiites la passation de
pouvoir de l'un à l'autre. Les combattants de LZ se distinguent
aussi par le port de tenues à camouflage désertique, contrairement
à ceux de LAFA. Son commandant est Fadel Subhi, alias Abou Hajar,
qui vient de LAFA. Il est tué à Deraa le 16 septembre 2013 et son
corps est rapatrié à Nadjaf, en Irak. Abou Shahed, qui vient aussi
de LAFA, a pris le relais.
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Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled236.png?w=300&h=225 |
Liwa’a
‘Ammar Ibn Yasir (LAIY) est le premier groupe composé de miliciens
chiites irakiens à ne pas combattre au sanctuaire de Zaynab.
LAIY intervient dans la zone au nord d'Alep et dans la cité
elle-même, ce qui tend à prouver que contrairement à ce que l'on
pensait jusque là, les miliciens étrangers ne sont pas employés
qu'à Damas ou dans de grandes offensives comme à al-Qusayr, mais
aussi pour des opérations de combat urbain plus quotidiennes. Le
groupe apparaît fin mai 2013 sur le web et le 4 juin procède aux
funérailles très hautes en couleur de 7 combattants tués en Syrie.
Le nom de l'unité lui-même est encore une fois très instructif :
Ammar Ibn Yasir était l'un des compagnons d'Ali, connu pour sa
loyauté. Sa tombe, à Raqqa, en Syrie, a été détruite par les
insurgés après la prise de la ville en mars 2013. La milice met
souvent en avant dans ses documents iconographiques Akram al-Kaabi,
le chef d'une autre milice chiite, Asa’ib Ahl al-Haq, ce qui
suggère qu'encore une fois, ce nouveau groupe n'est peut-être qu'un
paravent d'une structure antérieure. En plus des 7 tués du 4 juin
2013, un autre mort est enterré le 3 juillet suivant. Sur Youtube,
les vidéos sont postées sous un utilisateur appelé Brigades de
l'Armée du Mahdi, une référence explicite à Moqtada al-Sadr, qui
a été réticent à envoyer des combattants en Syrie et qui est en
délicatesse avec le pouvoir iranien. La milice cherche probablement
ainsi à se gagner les faveurs de volontaires irakiens
supplémentaires. Sur les vidéos, on peut voir très nettement que
les miliciens chiites irakiens arborent un brassard jaune : pour
les insurgés, cela les identifie immédiatement comme combattants
étrangers. Le Hezbollah avait distribué des brassards identiques
pendant la bataille d'al-Qusayr et on sait que LAFA en porte aussi à
Damas. En août 2013, LAIY avait déjà perdu 10 tués en Syrie.
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Logo de LAIY.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/07/untitled273.png?w=300&h=166 |
Le
23 juillet 2013 apparaît une nouvelle milice, Liwa’a al-Imam
al-Hasan al-Mujtaba-Sariyya Shahid Ahmed Kayara (LIHM), qui combat
dans les environs urbains et ruraux de Damas, et particulièrement au
sud-est de la capitale, près de Shebaa. La milice porte le nom du
deuxième imam chiite. Elle se singularise par la reconnaissance, en
son sein, de plusieurs bataillons. Elle prétend en effet disposer
d'une unité de mortiers, d'une autre de roquettes, et de plusieurs
bataillons d'infanterie, dont une force d'intervention rapide, le
bataillon Ashtar. La propagande de la milice colle moins aux
Iraniens, ce qui serait peut-être une façon d'élargir le
recrutement dans le monde chiite. Comme les autres milices, LIHM met
en valeur, en particulier dans ses vidéos, les snipers.
Fin
septembre 2013, une autre milice se fait jour : Sariyya
al-Tali’a al-Khurasani (STK), nommée d'après Abou Muslim
al-Khurasani, un combattant du VIIIème siècle qui a contribué à
la chute des Omeyyades. L'organisation prétend être basée à
Erbil, au coeur du Kurdistan irakien : elle opère uniquement
dans les zones rurales autour de Damas. La création officielle date
du 8 octobre 2013. Comme les autres milices, elle met en avant la
défense du tombeau de Zaynab et l'idéologie iranienne.
L'organisation met en ligne de nombreuses photos et vidéos de ses
combattants avec une insistance particulière sur des poses à côté
du drapeau de la milice. Le logo est inspiré de celui des Gardiens
de la Révolution. La milice ne semble pas recevoir de combattants
d'autres groupes irakiens. Contrairement aux autres groupes
également, elle donne rapidement le nom de son chef, Ali al-Yasiri.
L'armement est semblable à celui des autres formations, le groupe
utilisant aussi des mortiers légers. Comme l'organisation Badr, les
photos montrent régulièrement des clercs chiites aux côtés des
combattants.
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Logo de STK-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/10/untitled416.png?w=218&h=243 |
Le
nationalisme arabe, contrairement à ce que l'on pourrait croire, est
loin d'être mort. Il est même encore présent dans de nombreux pays
arabes d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les nationalistes arabes
ont ainsi formé leur propre milice en soutien du régime syrien, la
Garde Nationaliste Arabe.
Formée en avril 2013, celle-ci comprend 4 bataillons, dénommés
Wadih Haddad (un chrétien palestinien, nationaliste arabe, membre du
FPLP), Haydar al-Amali (un penseur nationaliste arabe libanais, mort
en 2007), Mohamed Brahmi (un Tunisien fondateur du Mouvement
Populaire Arabe Nationaliste et Socialiste, tué en juillet 2013 par
les islamistes) et Jules Jammal (un chrétien syrien officier de la
marine syrienne, passé au rang de héros pour avoir soi-disant coulé
un navire français en 1956 pendant la crise de Suez).
L'idéologie
du groupe rallie le discours du régime syrien, face aux intérêts
sionistes, insiste sur la libération de la Palestine, vante les
mérites de Nasser et ceux de la République Arabe Unie entre la
Syrie et l'Egypte entre 1958 et 1961. Dans l'iconographie figurent
aussi Hugo Chavez, le Hezbollah et Saddam Hussein. La Garde
Nationaliste Arabe procède à des recrutements via des réseaux
comme la Jeunesse Nationaliste Arabe, présente à Sidon au Liban, à
Gaza et en Egypte. La milice comprend de nombreux combattants du
monde arabe, dont des Irakiens et des Egyptiens. Elle collabore
étroitement avec l'armée syrienne et se trouve dans les provinces
de Damas, Homs, Alep et Deraa. Elle est surtout présente à Damas et
aux alentours, et aurait pris part à l'offensive dans le Qalamoun en
novembre 2013.
D'après
Al-Akhbar, la Garde Nationaliste Arabe aurait été formée en
mai 2013, après un raid aérien israëlien sur la Syrie
(probablement un de ceux contre le matériel destiné au Hezbollah),
et serait dirigée par un Libanais originaire de Jamal Amal, au sud
du pays, Abu A’ed. Elle se compose à l'origine de membres de la
Jeunesse Nationaliste Arabe. Abu A’ed a combattu en Irak contre les
Américains. D'après le frère de ce dernier, c'est en collaboration
avec l'armée syrienne que la Garde Nationaliste Arabe installe alors
son camp sur le mont Qassioun, qui surplombe Damas. Le nombre de
combattants, et particulièrement ceux recrutés en Egypte et en
Palestine, aurait cru de manière importante au moment des menaces de
frappes occidentales sur la Syrie, en septembre 2013, avant l'accord
sur les armes chimiques du régime. La Garde Nationaliste Arabe
collabore avec les réguliers syriens et les Forces Nationales de
Défense : elle interviendrait dans les provinces de Damas,
Deraa, Homs et Alep. Parmi les recrues, il y aussi des Irakiens, des
Tunisiens, des Yéménites et même des Syriens. Le groupe est
financé, entraîné, armé et encadré par le régime. L'effectif
avoisinerait les 1 000 hommes et les pertes se monteraient au moins à
50 tués. La plupart des hommes ont entre 18 et 30 ans ;
d'anciens officiers des armées égyptienne et irakienne, ou des
groupes palestiniens, serviraient d'instructeurs et de conseillers
pour les forces du régime. Ainsi le docteur Jamal, 36 ans, ancien
officier de l'armée égyptienne. Il a quitté celle-ci après que le
président Morsi ait soutenu l'insurrection syrienne et appelé à
une intervention occidentale. Le premier tué du groupe, Ahmed Osman,
appelé Abu Bakr al-Masri, est mort dans le Qalamoun en octobre 2013.
La plus jeune recrue, Fidaa al-Iraqi, un Irakien de 16 ans, a été
blessé lors de combats dans la province de Quneitra. Un jeune
Libanais de 25 ans, qui lui a été blessé dans la province de
Deraa, confirme que la Garde Nationalise Arabe combat aux côtés du
Hezbollah et du Parti National Socialiste Syrien (voir ci-dessous).
La Garde Nationaliste Arabe a aussi recruté 70 Syriennes qui
assurent des tâches de sécurité. Dalal, une jeune femme de 22 ans
originaire de Raqqa, a d'abord soutenu l'insurrection ; mais
elle a été horrifiée par la mainmise des djihadistes sur Raqqa,
puis par la décapitation d'un homme dans la province d'Idlib.
Le
Front Populaire de Libération de la Palestine-Commandement Général
(FPLP-CG), un paravent de la Syrie qui précède de longue date la
guerre civile, a été lui aussi impliqué dans le conflit, et y a
subi des pertes.
Depuis les années 1970, avec les prises d'otages dans les avions ou
les attentats à la bombe, ce groupe aux tactiques innovantes est
devenu une milice parmi d'autres au service du régime Assad. Fondé
par Ahmad Jibril, le groupe réunissait des militants désireux de
passer à l'action plutôt que d'ergoter sur le marxisme. Après la
fin de la guerre froide, le FPLP-GC dépend étroitement de l'appui
syrien. Il s'associe également avec l'Iran, proche allié du clan
Assad. Jibril n'a de fait aucune idéologie : d'aucuns le
décrivent comme un « révolutionnaire nihiliste ».
Il faut dire que Jibril a servi dans l'armée syrienne, puis a fondé,
en 1961, le Front de Libération de la Palestine (FLP). Le groupe est
constitué de Palestiniens ayant servi eux aussi dans l'armée
syrienne, et avec l'arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad, le groupe
est étroitement lié à l'appareil militaire de Damas. D'ailleurs,
pendant la guerre civile libanaise (1975-1990), le FPLP-GC participe
à la « guerre des camps » contre l'OLP d'Arafat.
La guerre civile syrienne est un choc car le groupe est attaqué sur
tous les fronts : dans ses camps d'entraînement au Liban, dans
les camps de réfugiés près de Beyrouth, et à son QG de Damas. Des
scissions et des défections sont intervenues.
Le
camp de réfugiés palestiniens du Yarmouk, au sud de Damas, créé
dans les années 1950, est devenu un quartier à part entière. Ses
150 000 habitants sont même davantage des Syriens que des
Palestiniens. Dès juin 2011, le QG du FPLP-GC à Yarmouk est
incendié. La milice du groupe réagit et abat 14 personnes, en
blesse 43 autres. En juillet 2012, 17 membres de l'Armée de
Libération de la Palestine, une milice pro-Assad, sont kidnappés
alors qu'ils se rendent à Alep, puis assassinés. La milice de 2 000
hommes du camp du Yarmouk commence alors à se déchirer. Dès le
mois d'août, le FPLP-GC mène des opérations dans le camp avec
l'armée syrienne, et crée une milice paravent pour ce faire, le
Comité Populaire-Camp de Réfugiés du Yarmouk. Elle établit des
checkpoints dans le camp et commence à subir des pertes face
aux Palestiniens pro-insurrection et aux insurgés syriens : 3
tués le 7 septembre, un cadre, Adel Hasan, en octobre, tué dans un
camp de réfugiés de la province de Deraa. Les Palestiniens
pro-insurrection forment bientôt leur propre unité, Liwa
al-Asifah (Brigade Tempête), armée par les insurgés syriens.
Les attentats à la bombe dans le camp se multiplient dans les mois
suivants. Les insurgés et les Palestiniens alliés visent en
particulier les camps d'entraînement du FPLP-GC, comme Rihaniyya,
pris en novembre 2012. En décembre, la pression est elle que Jibril
quitte Damas, le mouvement étant chassé du camp Yarmouk. L'aviation
syrienne commence dès lors à le pilonner. Les insurgés répliquent
en assassinant le chef opérations du FPLP-GC, Madel Elian. Le site
internet du groupe est également neutralisé à plusieurs reprises.
Les pertes ont été lourdes dans les combats du Yarmouk ;
Nidhal Alani, un des commandants les plus expérimentés, a été
tué. En avril 2013, 6 combattants trouvent la mort dans une des
nombreuses tentatives de réinfiltrer le camp.
Les
scissions et défections ont été fréquentes depuis les débuts du
FPLP-CG. Dès la guerre civile libanaise, le mouvement y répond avec
la plus féroce violence. En 1977, Muhammad Zaydan part avec ses
hommes, en désaccord avec le soutien apporté aux Syriens au Liban.
Il fonde le Front de Libération de la Palestine. Un an plus tard,
Jibril fait placer une bombe dans le QG du mouvement à Beyrouth, qui
tue 200 personnes, dont l'essentiel des cadres du groupe. Le mort du
fils de Jibril, Jihad, qui commandait les forces du FPLP-CG au Liban,
en 2002, serait peut-être due à des querelles internes. En avril
2010, des affrontements armés éclatent dans un camp de la Bekaa
après que Jibril ait limogé un chef local. Après l'implication du
FPLP-CG aux côté du régime syrien en août 2012, le camp de Sabra,
près de Beyrouth, se déchire. 6 membres du Comité Central du
mouvement seraient partis en signe de protestation. Et même Khalid
Jibril, le fils d'Ahmad, chef des unités spéciales du mouvement,
aurait tenté de rejoindre Gaza en février 2013. Une scission, le
FPLP-CL (Commandement Libre), combattrait même aux côtés des
rebelles syriens.
Au
Liban, en octobre 2012, le QG du FPLP-CG au camp de réfugiés de Ain
al-Hilweh, à Sidon, est attaqué par des inconnus armés. En janvier
et mars 2013, des sunnites pro-insurrection syrienne attaquent les
bureaux du mouvement au même endroit. Le mouvement réplique en
tirant des roquettes, en novembre 2012, sur des villages, puis en
enlevant un chef sunnite important de la Bekaa, Shaykh Arfan
al-Maarabouni. Le FPLP-CG, placé dans le Chouf et la Bekaa, peut
lancer des roquettes sur le Liban et la Syrie. Pour conserver une
certaine activité, le mouvement s'est rappoché de l'Iran depuis
l'été 2012. Il faut dire aussi que l'encadrement vieillit :
Jibril a plus de 70 ans, un des chefs historiques, Ibrahim Salama,
est mort en mai 2013. La seule alternative pour cette coquille de
plus en plus vide est de s'accrocher désespérement à ses soutiens,
Syrie et au besoin, Iran.
Le
Parti Social Nationaliste Syrien (PNSS) apporte aussi la contribution
de sa branche militaire, que l'on reconnaît à l'emblème du zawba’a
(typhon). Plus connu pour son activité au Liban, les cadres du PNSS
ont été mobilisés dans les Forces Nationales de Défense et les
comités populaires. Mais les indices se multiplient montrant que le
PNSS opère de manière indépendante. Les éloges aux martyrs tombés
au combat se multiplient, comme celui de Muhammad Ali Awad, un
Libanais tombé au combat dans la province de Homs à la fin décembre
2013. Le rôle important du PNSS au Liban renforce encore l'intérêt
d'une analyse de son implication en Syrie. Fondé en 1932 par un Grec
orthodoxe juste à l'extérieur de Beyrouth, le PNSS défend une
idéologie plutôt séculière et pan-syrienne, défendant l'idée
d'une « Grande Syrie » qui par certains côtés
emprunte beaucoup aux nationalismes européens. Il utilise un
discours de « résistance » et
d'anti-impérialisme, bien que ses détracteurs lui reprochent
fréquemment de verser dans l'extrême-droite, voire le fascisme pur
et simple. Bien qu'ayant un recrutement transconfessionnel, le PNSS
semble aujourd'hui davantage s'activer pour armer les chrétiens face
à une insurrection considérée comme dominée par les sunnites.
Malgré
ses faibles moyens, la branche militaire du PNSS au Liban est connue
pour ses actions éclairs et audacieuses. Le PNSS est ainsi à
l'origine de l'introduction des attentats-suicides contre les
Israëliens après l'invasion du Liban en 1982 et probablement
responsable de la mort du président Bashir Gamayel. Le PNSS a
combattu aux côtés du Hezbollah contre Israël, mobilisant encore
pendant la guerre de l'été 2006. En mai 2008, ses éléments
participent à la défaite des miliciens sunnites dans les rues de
Beyrouth. Les sunnites répliquent d'ailleurs en tuant 11 membres de
l'organisation à Hadra, puis en mutilant les cadavres. Le PNSS a
également fait le coup de feu à Tripoli contre les sunnites
radicaux qui prennent le parti des insurgés syriens, en mai 2012
puis en juin 2013. Les combattants du PNSS, essentiellement des
Libanais et des Syriens, opèrent dans les provinces de Homs et de
Damas, mais on les a vus aussi à Tartous, dans les provinces de
Suweida et Deraa, et même récemment à Morek, dans la province de
Hama.
Si
la majorité des combattants étrangers venus soutenir le régime
Assad vient d'Irak et du Liban, et suit l'idéologie iranienne,
d'autres ne viennent pas forcément de pays arabes avec de fortes
minorités chiites.
Des rumeurs font ainsi état de la présence de combattants afghans,
pakistanais et même d'un Africain de l'ouest du continent au sein de
LAFA, la principale milice pro-iranienne. Dès la fin janvier 2013,
les rumeurs s'accumulent sur la présence chiites afghans, peut-être
issus de la minorité des Hazaras. Les rebelles en particulier
s'ingénient à insister sur la présence d'Afghans et de
Pakistanais, impossible à vérifier, d'autant que les éléments
restent épars. Muhammed Suleiman al-Kuwni, dont la mort est annoncée
par LAFA puis par l'Iran les 26-27 juillet 2013, serait un combattant
venu de Côte-d'Ivoire, où vit un demi-million de musulmans chiites.
On sait que le Hezbollah a développé un réseau de financement et
même de recrutement dans ce pays, mais on ne peut là encore
vérifier que ce combattant en est bien originaire.
Récemment,
un journal afghan a affirmé, le 15 janvier 2014, que les Gardiens de
la Révolution recruteraient effectivement parmi la communauté
chiite afghane. Ils auraient expédié 120 hommes en Syrie rien que
durant les deux derniers mois, dont 28 ont été tués et 8 blessés.
Les morts ont été enterrés dans le cimetière iranien de Mashad et
les blessés soignés dans un hôpital des Gardiens de la Révolution.
D'après des vétérans eux-mêmes, les Gardiens recrutent parmi la
communauté afghane réfugiée en Iran (2,5 millions de personnes) en
promettant notamment la résidence permanente aux volontaires. Fin
novembre, un journal lié aux Gardiens de la Révolution avait déjà
annoncé la mort de 10 Afghans réfugiés en Syrie : deux des
martyrs avaient été enterrés à Qoms, ce qui tend à prouver que
les Gardiens fournissent une compensation financière aux familles
des volontaires.
Plusieurs
centaines de combattants chiites pro-régime seraient aussi
originaires de la péninsule arabique, notamment du Yémen. En juin
2013, un officiel irakien évoquait la mort de 9 Saoudiens, 8
Bahreinis et 6 Koweïtiens chiites morts au combat en défendant le
sanctuaire de Zaynab, enterrés à Nadjaf. Le premier Saoudien tué
en Syrie en combattant pour le régime serait Ahmad Adnan al-Qar'ush,
de la région chiite d'al-Qatif. Il a combattu pour LAFA et a été
tué en mai 2013. Les médias saoudiens rapportent quant à eux la
présence, dans la région de Damas, de l'organisation terroriste
saoudienne Hezbollah Hijaz. En août 2013, le journal arabe Al-Sharq
Al-Awsat, basé au Royaume-Uni, affirme que des centaines de
combattants chiites houthites, au Yémen, une insurrection soutenue
par l'Iran, combattraient en Syrie. Le Yémen avançait déjà le
chiffre de 200 houthites en mai 2013 et en juin, 6 d'entre eux
auraient été tués dans la province de Deraa. Certaines photos
postées sur Facebook laissent supposer que quelques Somaliens
combattraient aussi dans les rangs de LAFA.
Début
mars 2014, des hommes supposés venir des Etats-Unis combattant pour
le régime syrien multiplient les vidéos les montrant sur le champ
de bataille publiées sur Internet. « Wino », du
gang Westside Armenian Power de Los Angeles, et « Creeper »,
du gang Surenos 13, lié à la mafia mexicaine. « Wino »
s'appelle en fait Nerses Kilajyan ; selon les chercheurs
américains, il est en Syrie depuis décembre 2012, comme l'indique
son profil Facebook. Il se montre en photo avec plusieurs
autres américains et combat manifestement sous le commandement du
Hezbollah. Les motivations restent difficiles à expliquer :
Nerses a peut-être des liens familiaux avec la Syrie, mais l'argent
semble la motivation la plus pausible.
Surtout, il appartient peut-être à la minorité arménienne
américaine, sans être citoyen américain lui-même ; or les
chrétiens arméniens de Syrie ont pour partie rejoint les milices
pro-régime.
Certaines vidéos ou photos semblent avoir été prises dans la
région d'Alep.
Dans
la presse et les médias, les volontaires irakiens sont souvent
présentés comme désorganisés, mal entraînés.
En réalité, insister sur les volontaires fait partie d'un récit
cherchant à regrouper l'effort irakien, en particulier parmi les
chiites, derrière le bouclier iranien. Les volontaires constituent
la majorité des recrues mais ils sont sélectionnés par les
autorités syriennes et iraniennes et soumis à un entraînement
sévère, notamment assuré par le Hezbollah. Sur le plan
idéologique, les volontaires acquiescent au discours véhiculé en
Iran. L'apparition des milices irakiennes à partir de mars 2013
permet de constater que les recrues viennent essentiellements des
provinces de Bassorah, Maysan, Nadjaf et Bagdad.
L'entraînement
des miliciens irakiens se ferait notamment en Iran, sous la direction
des Gardiens de la Révolution. Il durerait deux semaines dans des
camps de Sanandaj, une ville de l'ouest du pays. Les volontaires
reçoivent 50 dollars par jour, soit 1 500 dollars par mois, en plus
d'une prime de 12 000 dollars à l'engagement. En novembre 2013, la
demande de combattants serait telle que le salaire moyen serait passé
à 2 500 dollars.
Les Iraniens forment également plus longtemps certaines recrues dans
des camps spéciaux tenus par la force Qods à Varamin. Les
volontaires sont ensuite expédiés par groupes de 10 à 15 en avion
à Damas. Une fois arrivé, après une rencontre avec les chefs de
milices chiites, ils sont convoyés en bus. Les vétérans des
combats en Irak ont parfois l'expérience des combats urbains et en
rase campagne. Les milices chiites irakiennes emploient des fusils
d'assaut AK-47 et dérivés, des mitrailleuses PKM, des fusils de
précision et des RPG-7. Non seulement elles montent des checkpoints
ou des positions défensives, des embuscades et des
contre-embuscades, mais elles servent parfois, aussi, d'infanterie
appoint pour les unités blindées/mécanisées syriennes. Elles
manoeuvrent également leurs propres technicals. Les miliciens
chiites insistent sur la manipulation de telle ou telle arme :
cela fait partie de leur entraînement en Iran, où ils reçoivent
une formation spécifique sur un armement donné pendant 45 jours.
Les snipers, en particulier, sont mis en avant par LAFA, LAIY
et LZ, avec des fusils d'assaut FAL ou Steyr SSG 69 à lunette, et
des versions modifiées du Dragunov SVD. Les tireurs d'élite
servent parfois au sein d'escouades ou de manière plus indépendante,
en solitaire ou en binôme.
Depuis
octobre 2013, Philip Smyth note, parmi les photos et vidéos de
combattants des milices chiites, une présence plus important des
armes anti-snipers.
Ces armes sont peut-être des copies iraniennes du Steyr HS. 50 de
12,7 mm, une arme qui porte jusqu'à 1 500 m. L'Iran en avait reçu
800 en 2007 (les Américais en ont retrouvé une centaine en Irak, et
au moins un soldat a été tué par une telle arme), mais il est
probable que les miliciens manipulent, de fait, des copies, le
Sayad-2.
Téhéran a pu en convoyer au régime syrien par avion ou celui-ci
s'est « servi » lors de livraisons précédentes
d'armes par l'Iran au Hezbollah, en tant qu'intermédiaire de
transit. En Syrie, en plus du Hezbollah libanais, les milices
alimentées par Harakat Hizballah al-Nujaba sont fréquemment vues
avec cette arme. Cette augmentation des images de matériel
anti-sniper est peut-être destinée à des fins de propagande ;
l'arme est probablement devenue plus répandue avec la prolifération
des milices chiites ; enfin, le régime a mené plusieurs
offensives à l'automne qui ont pu conduire à davantage utiliser cet
équipement.
|
Un membre de
LAIY avec un fusil anti-sniper cal.50.-Source :
http://azelin.files.wordpress.com/2013/12/untitled467.png?w=300&h=338 |
La
question du nombre de miliciens, en particulier irakiens, qui
participent aux combats en Syrie, est l'une des plus sensibles. Comme
on l'a dit au début de cet article, certaines sources parlent de 3
500 à 4 000 hommes. En juin 2013, Philip Smyth faisant le décompte
suivant : entre 800 et 2 000 combattants.
Dans un article du journal Elaph, basé à Londres, Viviane
Aqiqi, qui écrit depuis Beyrouth, évoque le chiffre de 5 000
miliciens chiites irakiens déjà formés et expédiés en Syrie par
les Gardiens de la Révolution : 500 pour As’ib Ahl al-Haq,
600 pour les Brigades du Hezbollah, 400 pour Kata’ib Sayyid
al-Shuhada, 2 000 pour Liwa al-Youm al-Mawud, 200 pour Saraya Tala’i
al-Khurasani, 300 pour Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, 500
pour Liwa Abul-Fadl al-Abbas et 150 pour les brigades de l'imam
Hussein.
En juin 2013, Philip Smyth, d'après les notices des martyrs, avait
établi qu'une à deux douzaines de combattants irakiens chiites
étaient tués chaque mois en Syrie.
Les chiffres semblent cependant dérisoires face aux besoins
militaires du régime : d'après une étude rebelle (à prendre
avec précaution, mais qui recoupent certaines observations de
spécialistes), Assad ne pourrait compter que sur à peine 40 000
hommes de l'ancienne armée régulière, et jusqu'à 45 000
miliciens, des Forces Nationales de Défense ou autres.
Ce qui est quasiment certain, c'est que les effectifs de l'armée
syrienne, qui comptait plus de 300 000 hommes en 2011, sont tombés à
100 000, ou même un peu moins, aujourd'hui. D'où le recours aux
miliciens, regroupés en 2013 sous l'ombrelle des Forces Nationales
de Défense, mais qui n'alignent encore que 50 000 hommes. On voit
l'importance des contingents étrangers, souvent rapidement
disponibles et prêts à combattre, et qui ont souvent fait la
décision là où ils sont intervenus (comme le Hezbollah à
al-Qusayr).
Il est fort probable qu'actuellement, sur le terrain, les étrangers
pro-régime soient plus nombreux que les djihadistes étrangers de
l'insurrection : en tout, depuis le début, il y a en eu
peut-être 30 000, avec 8 000 présents simultanément selon un
décompte récent, alors qu'en face, on peut aller jusqu'à 15 000
volontaires étrangers avec peut-être 6 000 présents simultanément
sur le terrain Sur ces 8 000, on peut diviser en 3 000 du Hezbollah
et 5 000 des autres formations.
Le centre d'informations israëlien Meir Amit, lui, parle en mars
2014 de 7 à 8 000 volontaires étrangers présents sur le terrain,
dont plusieurs milliers du Hezbollah.
Il note aussi que sur 71 Irakiens tués en Syrie, la plupart viennent
des faubourgs de Bagdad ou du sud de l'Irak. La plupart sont aussi
des vétérans du combat contre Israël avec le Hezbollah ou contre
les pays occidentaux en Irak. Sur les 4 à 5 000 combattants
étrangers hors-Hezbollah, 2 à 3 000 opèreraient pour LAFA ou les
groupes associés.
La
plupart des combattants irakiens acceptent le concept révolutionnaire
de l'Iran de Khamenei, le wilayat al-faqih, qui donne aux
autorités islamiques de justice la souveraineté sur le peuple
(concept qui n'est pas reconnu par le séminaire de Nadjaf en Irak).
La religion chiite inclut aussi une forte dimension eschatologique :
le retour du Mahdi est censé vaincre l'Antéchrist lors du Jugement
Dernier. Le retour de l'imam caché est annoncé par un certain
nombre de signes, dont l'irruption d'une armée impie venue de Damas,
qui doit être défaite par le Mahdi. Pendant la bataille
d'al-Qusayr, les chiites ont commencé à assimiler les rebelles
sunnites à cette armée de tyrans, vus comme de nouveaux Omeyyades
persécutant la famille du prophète. Dès juillet 2012, Yasser
Habib, un prêcheur exalté qui officie depuis Londres, à appeler le
Hezbollah à intervenir en Syrie pour protéger le sanctuaire de
Sayyida Zaynab, fournissant ainsi une première justification.
L'ayatollah Sistani de Nadjaf, très attaché à la tradition
quiétiste de son école, n'a pas approuvé le départ de combattants
chiites en Syrie. Le Hezbollah, dès l'été 2013, justifie son
intervention en Syrie pour la défense des villages chiites menacés
par les « mécréants » sunnites et pour la
défense des lieux saints du chiisme.
Il serait intervenu en Syrie pour suivre un taklif shar’i, un
ordre religieux impératif de l'ayatollah suprême iranien.
Les
milices pro-iraniennes sont en général de petites formations, comme
on l'a vu, auxquelles on attribue des missions précises. Les
volontaires irakiens, acheminés à l'aéroport de Damas ou à
proximité, forment le noyau d'élite de groupes moins solides. Ces
troupes d'élite, surtout celles liées au Hezbollah, sont ensuite
employées au-delà de l'encadrement, du renseignement et de la
formation. Elles contribuent à sécuriser l'aéroport de Damas dès
janvier 2013, puis celui d'Alep. Elles deviennent ensuite des
formations d'infanterie régulière avec armement lourd :
artillerie, mortiers, véhicules blindés, chars. Les milices, après
la victoire de Qusayr, sont surtout engagées à Homs et dans l'est
de la Ghouta, de juin à septembre 2013. Certaines gardent les lignes
de communication entre Damas et Suweyda. A la fin août et en
septembre, elles sont même engagées à Deraa, au sud. Puis, en
octobre, on les voit intervenir dans la reconquête de faubourgs de
Damas, à l'ouest, à l'est et au sud.
Les
milices chiites irakiennes qui interviennent en Syrie ont par
ailleurs appuyé la contre-offensive du régime irakien d'al-Maliki,
un chiite, contre la province d'Anbar, après le soulèvement piloté
par l'EIIL.
LZ, KSS et Asa’ib Ahl al-Haq ont publié des messages soutenant
l'offensive du gouvernement irakien. Ces groupes tentent de se
confondre avec les forces de sécurité et l'armée irakiennes, et de
présenter l'armée irakienne comme une armée chiite, défendant des
intérêts sectaires. Ils relient aussi leur engagement en Syrie au
combat contre l'EIIL en Irak. Certaines milices auraient peut-être
redéployé des combattants de Syrie vers la province d'Anbar.
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