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Robert DULAU, Le château de Pierrefonds, Paris, Editions du Patrimoine, 2009 (1ère éd. 1997), 48 p.

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C'est récemment, lors d'un voyage familial en Picardie, que j'ai eu l'occasion de faire le tour (sans pouvoir le visiter malheureusement) du château de Pierrefonds, imposante forteresse retouchée au XIXème siècle par Viollet-le-Duc. D'où l'acquisition de ce petit fascicule de présentation du château.

Pierrefonds dispose d'un château dès l'époque carolingienne, la seigneurie réintégrant le domaine royal au XIIème siècle. Le grand château de Pierrefonds est construit par Louis d'Orléans, frère du roi Charles VI, au sein d'un réseau de forteresses au nord de Paris visant à surveiller les liens entre la Bourgogne et les Flandres de son rival, le duc Philippe le Hardi. Après l'assassinat de Louis d'Orléans en 1407 sur ordre du fils de Philippe, Jean Sans Peur, le comte de Saint-Pol, partisan des Bourguignons, parvient à se faire livrer la forteresse, en 1413, puis la fait incendier. Restauré par le poète Charles d'Orléans revenu de sa captivité anglaise, le château passe aux mains du futur Louis XII en 1465. Occupé par un ligueur en 1588, il est sous l'autorité, en 1595, du père de Gabrielle d'Estrées, maîtresse de Henri IV. Comme celui-ci rejoint le parti des Mécontents sous la régence de Marie de Médicis, le château est assiégé en 1616 et démantelé l'année suivante.

Racheté par Napoléon en 1810, le château devient, sous la Restauration, un lieu de villégiature pour les romantiques. En 1832, c'est là qu'a lieu le mariage de la fille de Louis-Philippe avec le premier roi des Belges. Classé aux Monuments Historiques en 1848, la forteresse est ressuscitée par Napoléon III en 1857 : Viollet-le-Duc est en charge des travaux qui durent en fait jusqu'en 1885. L'architecte ne recrée par une forteresse médiévale ni une parodie romantique de château : il s'agit plutôt d'une interprétation de l'architecte de ce qu'est pour lui un édifice fortifié du Moyen-Age.

Le château a la forme d'un quadrilatère irrégulier, avec 8 tours de défense. Le donjon a la particularité de faire partie de l'enceinte. C'est là que Viollet-le-Duc installe les appartements impériaux. L'architecte fait même réaliser une maquette du château, pour l'Exposition Universelle de 1878, par Lucjan Wyganoswki.

Comme le souligne l'auteur en conclusion, plus qu'un pastiche, le château de Pierrefonds reconstruit par Viollet-le-Duc est le témoin de cette tentative de restitution archéologique influencée par le désir d'une création moderne. L'inspiration médiévale nourrit l'architecture, dans cette association étonnante entre rationnalisme et romantisme.

Volontaires étrangers de l'insurrection syrienne. 8/Les Allemands

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L'Allemagne, contrairement à la France ou au Royaume-Uni au sein de l'UE, s'est opposée à l'envoi d'une aide militaire ou à une intervention directe pour renverser Bachar el-Assad. Ce qui n'a pas empêché un nombre croissant d'Allemands de rejoindre le djihad en Syrie1. Les médias allemands parlent d'ailleurs depuis quelques mois d'un véritable « camp d'entraînement » allemand en Syrie destiné à attirer les volontaires pratiquant la langue de Goethe. Le phénomène n'est pas nouveau. En 2009, un camp « allemand » s'était ainsi installé au Pakistan pour alimenter le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan lié à al-Qaïda. En 2012, le renseignement allemand évoque une véritable « colonie salafiste » allemande en Egypte, comprenant plus de 60 combattants, dont le fameux rappeur Denis Cuspert (« Deso Dogg ») qui avait échappé à la surveillance des services de sécurité allemands et qui combat maintenant en Syrie. A la mi-novembre, la police allemande indique d'ailleurs que « Deso Dogg » compte mener des attaques contre l'Allemagne, ce que celui-ci dément aussitôt dans une vidéo. Des rumeurs font état de son décès à la fin novembre 2013 mais il semblerait plutôt qu'il soit hospitalisé en Syrie ou bien en Turquie.



Les Allemands, selon un spécialiste, ne se trouvent pas en majorité dans le front al-Nosra et l'EIIL, qui, victimes de « l'espionnite », se méfient par exemple des nouveaux convertis comme « Deso Dogg ». Les services de sécurité allemands avaient déjà été mis sur la sellette dès 2012 par le New York Times qui affirmait qu'un Tunisien qui aurait peut-être servi de garde du corps à Ben Laden, un an avant les attentats du 11 septembre, avait tranquillement vécu en Allemagne pendant un certain temps. Sami A., du fait de son expérience et de son entraînement dans les camps d'Affghanistan, aurait constitué une source d'afflux de volontaires pour le djihad. Une estimation, en décembre 2013, fait état de 230 Allemands, selon l'hypothèse haute, qui seraient partis en Syrie. En mars, le nombre n'était que de 60, avant de passer à 150 en août. Le länder de Hesse a dû installer un dispositif spécial de surveillance pour freiner les départs d'adolescents vers le djihad syrien. Sur 23 cas étudiés, la plupart des recrues ont moins de 25 ans et 9 sont encore à l'école. Le ministre de l'Intérieur a donc créé un dispositif pour différencier les tendances radicales parmi les candidats au départ, sur le modèle de ce qui a été fait pour les mouvements néonazis ou d'extrême-droite.

Des combattants allemands auraient aussi participé à des massacres de chrétiens syriens. L'Allemagne craint que le retour de ces combattants ne radicalise la frange salafiste et la tension est vive avec la Turquie, accusée d'avoir maintenue une frontière poreuse avec la Syrie et d'avoir favorisé l'accès des volontaires européens au champ de bataille syrien. En janvier 2014, les services de sécurité allemands estiment que 270 personnes sont déjà parties se battre en Syrie, certaines étant revenues en Allemagne. Le nombre, en augmentation depuis le second semestre 2013, comprend à la fois des hommes jeunes entre 18 et 25 ans mais aussi des mineurs et des femmes. Une quinzaine d'Allemands aurait déjà trouvé la mort en Syrie2.

En novembre 2013, Burak Karan, un ancien joueur allemand de l'équipe nationale des moins de 17 ans, d'origine turque, est déclaré mort en Syrie, tué lors d'un raid aérien sur Azaz, à la frontière turque, le 11 octobre précédent. Karan avait commnencé à évoluer dans l'équipe des moins de 17 ans en 2003, après avoir débuté dans l'équipe de Wuppertal à l'ouest du pays. Il met fin à sa carrière prometteuse en 2008, à 20 ans. Il tombe sous l'influence d'un islamiste, Emrah Erdogan, qui tente de l'emmener en Afghanistan avec lui-même et son frère. Ce dernier est tué par une frappe de drone américain en octobre 2010 ; Emrah, qui reste dans la zone frontalière avec le Pakistan jusqu'en janvier 2011, part rejoindre les Shabaab en Somalie en février, est arrêté en Tanzanie en juin 2012 puis extradé en Allemagne. Burak contacte, en 2011, Mohamed Mahmoud, imam de la mosquée de Solingen et leader du groupe Millatu Ibrahim interdit par les autorités à la mi-2012. Mahmoud a depuis été emprisonné en Turquie en essayant de rejoindre la Syrie. Burak Karan part en Syrie avec sa femme et ses deux enfants, début 2013, soi-disant pour aider à distribuer de l'aide humanitaire ; mais une photo publiée par un groupe armé syrien le 22 octobre 2013 le montre avec une AK-47 à la main et lui donne le pseudonyme de Abou Abdullah al-Turki3.

Burak Karan.-Source : http://www.hurriyet.com.tr/_np/5211/22185211.jpg


En février 2014, une vidéo confirme que Deso Dogg, alias Abu Talha al-Almani, a survécu à ses blessures, reçues en novembre 2013 après un raid aérien dans le nord de la Syrie. Denis Cuspert, de son vrai nom, né en 1975 à Berlin, avait abandonné le rap en 2010 pour se convertir en prêcheur islamique. Fin 2011, il se lie avec Mohamed Mahmoud, alias Abu Usama al-Gharib, un Autrichien d'origine égyptienne. Ce dernier, condamné à la prison en 2008, dirige une plate-forme de propagande djihadiste. Il avait quitté l'Autriche pour Berlin après sa sortie de prison en septembre 2011. Avec Cuspert, il gagne le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie où ils fondent une association salafiste, Millatu Ibrahim. En juin 2012, les autorités allemandes interdisent l'association après des affrontements entre salafistes et policiers à Bonn, qui font deux blessés parmi ces derniers. Cuspert, qui prend alors le nom de guerre de Abu Talha al-Almani, quitte l'Allemagne. Il gagne la Syrie à l'été 2013, mais dans ses vidéos de propagande, comme celle de novembre 2013, il ne prêche pas pour un retour en Allemagne afin d'y prolonger le djihad ; son but est d'encourager des Allemands à venir se battre en Syrie. En février 2014, on le voit distribuer des vêtements d'hiver à des enfants dans les zones contrôlées par les rebelles ; les dons viennent d'Allemagne et les vêtements ont été fournis par le front al-Nosra. Les autorités allemandes estiment alors qu'au moins 270 personnes sont impliquées, depuis 2011, dans le djihad en Syrie4.

Deso Dog en Syrie.-Source : http://bilad-alsham.com/wp-content/uploads/2013/09/1176405_230380097115402_829948734_n.jpg


Selon les autorités allemandes, les volontaires bénéficient d'un important soutien financier de la communauté musulmane. Des millieurs d'euros sont collectés par donation. Un camp d'entraînement pour les volontaires allemands a été établi dans le nord de la Syrie, et accueille des Allemands qui viennent surtout du land de Rhénanie du Nord-Westphalie (où vit un tiers de la communauté musulmane germanique). D'autres viennent de la Hesse, de Berlin, de Bavière et de Hambourg. Un centre d'information aurait même été bâti sur place pour diffuser de la propagande pour le djihad en Allemagne5. Les volontaires seraient recrutés par les prêches des imams radicaux et par sollicitation sur Internet6.

Certains indices laissent penser que les Allemands partis en Syrie servent ensemble dans certaines formations. Philip Berger, un converti, et Mustafa K., viennent de Lohberg, un quartier de la ville de Dinslaken, dans l'ouest de l'Allemagne. Pas moins de 7 jeunes gens de ce quartier sont partis faire le djihad en Syrie, où il forment la « brigade de Lohberg »7. Le 22 avril 2014, Deso Dogg est donné pour mort après un double attentat-suicide du front al-Nosra contre l'EIIL dans l'est de la Syrie8.



1Benjamin Weinthal, « The German jihadists' colony in Syria », The Long War Journal, 19 décembre 2013.
4 John Rosenthal, « German rapper, now jihadist still alive in Syria », Al-Monitor, 21 février 2014.
5 Fin juillet 2013, le site Shamcenter est lancé en 5 langues différentes, dont l'allemand : http://www.spiegel.de/international/germany/german-camp-collection-point-for-german-jihadists-in-syria-a-929026.html
6Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.

Foreign Fighters, Rebel Side, in Syria. 8/Germans

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Germany, unlike France or the United Kingdom within the EU, opposed sending military assistance or direct intervention to topple Bashar al-Assad1. This has not prevented a growing number of Germans to join the jihad in Syria. German media also talk in recent months of a true German "training camp" in Syria to attract volunteers practicing the language of Goethe. The phenomenon is not new. In 2009, a "German" camp was thus installed in Pakistan to supply the Islamic Movement of Uzbekistan related to al-Qaeda. In 2012, the German intelligence evokes genuine German "Salafist colony" in Egypt , including more than 60 fighters, including the famous rapper Denis Cuspert ("Deso Dogg") that had escaped the surveillance of German security and fighting now Syria. In mid- November, the German police also stated that "Deso Dogg" plans to conduct attacks against Germany, that it immediately denies in a video. There are rumors of his death in late November 2013, but it seems rather that he is hospitalized in Syria or in Turkey.

 

The Germans, as a specialist says, are not in the majority in al-Nosra or ISIS, who are victims of "spy mania" distrust towards new converts as "Deso Dogg". The German security services had already been put on the spot in 2012 by the New York Times which stated that a Tunisian who might have served as a bodyguard to bin Laden, one year before the September 11 attacks, was quietly lived in Germany for some time. Sami A., because of his experience and training in the camps Affghanistan would have been a source of influx of volunteers for jihad. One estimate, in December 2013, reported 230 Germans, according to the high case, which would have left to Syria. In March, the number was only 60, before moving to 150 in August. The Land of Hessen had to install a special monitoring device to curb departures teenagers to the Syrian jihad. On 23 cases studied, most of the recruits were under 25 years and 9 are still in school. The Minister of Interior has created a device to differentiate radical tendencies among the candidates initially on the model of what has been done to neo-Nazi and extreme right-wing movements.

German fighters had also participated in the massacre of Syrian Christians. Germany fears that the return of these fighters radicalize Salafist fringe and the tension is high with Turkey, accused of having maintained a porous border with Syria and have favored the access of the Syrian battlefield European volunteers. In January 2014, the German security services estimate that 270 people have already left to fight in Syria, some being returned to Germany. The number increased since the second half of 2013, includes both young men between 18 and 25 but also minors and women. Fifteen Germans had already died in Syria2.

In November 2013, Burak Karan, a former German national team player of age 17, of Turkish origin, was pronounced dead in Syria killed during an air raid on Azaz, on the Turkish border, October 11th. Karan had begun to evolve in the junior national team in 2003, having started in the team Wuppertal in west of Germany. He ended his promising career in 2008 at age 20. It falls under the influence of a radical Muslim, Emrah Erdogan, who tried to take him to Afghanistan with himself and his brother. The latter was killed by a U.S. drone strike in October 2010 ; Emrah, which remains in the border area with Pakistan until January 2011, left to join the Shabaab in Somalia in February, was arrested in Tanzania in June 2012 and extradited to Germany. Burak contact in 2011 Mohamed Mahmoud , Imam of the Mosque of Solingen and Millatu-Ibrahim group leader, a group banned by the authorities in mid-2012. Mahmoud has since been imprisoned in Turkey trying to reach Syria. Burak Karan left for Syria with his wife and two children in early 2013, supposedly to help distribute humanitarian aid ; but a photo released by a Syrian armed group Oct. 22, 2013 shows him with an AK -47 in hand and gives him the pseudonym Abu Abdullah al- Turki3.


Burak Karan.-Source : http://www.hurriyet.com.tr/_np/5211/22185211.jpg


In February 2014, a video confirms that Deso Dogg, aka Abu Talha al- Almani, survived his wounds, received in November 2013 after an airstrike in northern Syria. Denis Cuspert, his real name, was born in 1975 in Berlin, had abandoned the rap in 2010 to convert to an Islamic preacher. In late 2011, he befriended Mohamed Mahmoud, alias Abu Usama al- Gharib, an Egyptian-born Austrian. The latter, sentenced to prison in 2008, runs a platform for jihadist propaganda. He left Austria to Berlin after his release from prison in September 2011. With Cuspert he goes to the Land of North Rhine-Westphalia where they founded a Salafist association, Millatu Ibrahim. In June 2012, the German authorities banned the association after clashes between Salafists and police in Bonn, which wounded two policemen. Cuspert, who takes then the nom de guerre of Abu Talha al-Almani, left Germany. He goes to Syria in summer 2013, but in its propaganda videos, like that of November 201 , he does not preach a return to Germany in order to extend the jihad ; its purpose is to encourage Germans to come and fight in Syria. In February 2014, we see him distribute winter clothing to children in rebel-controlled areas ; donations come from Germany and clothing were provided by al-Nosra. German authorities then consider that at least 270 people are involved, since 2011 , in the Syrian jihad4.

Deso Dog en Syrie.-Source : http://bilad-alsham.com/wp-content/uploads/2013/09/1176405_230380097115402_829948734_n.jpg


According to the German authorities, volunteers receive significant financial support from the Muslim community. Thousands of euros are collected by donation. A training camp for German volunteers was established in northern Syria, and welcomes the Germans who come mainly from the Land of North Rhine-Westphalia (where a third of the German Muslim community lives). Others come from Hesse, Berlin, Bavaria and Hamburg. An information center was even built on site to broadcast propaganda for the jihad in Germany5. Volunteers would be recruited by the sermons of radical imams and solicitation by Internet6.

Some evidence suggests that the Germans fight together in Syria in some formations. Philip Berger, a convert, and Mustafa K., come from Lohberg, a district of the city of Dinslaken, in western Germany. No less than seven young people in this neighborhood have left to do jihad in Syria, where they formed the "Lohberg Brigade"7. On 22 April 2014, Deso Dogg is killed after a double suicide-attack of al-Nosra against ISIS in eastern Syria8.
1Benjamin Weinthal, « The German jihadists' colony in Syria », The Long War Journal, 19 décembre 2013.
4 John Rosenthal, « German rapper, now jihadist still alive in Syria », Al-Monitor, 21 février 2014.
5 Fin juillet 2013, le site Shamcenter est lancé en 5 langues différentes, dont l'allemand : http://www.spiegel.de/international/germany/german-camp-collection-point-for-german-jihadists-in-syria-a-929026.html
6Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.

Volontaires étrangers de l'insurrection syrienne. 9/L'Asie Centrale

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Le nombre de combattants étrangers originaires d'Asie Centrale a grimpé en 2013, et ceux qui reviennent risquent de relancer la déstabilisation des régimes en place après leur expérience syrienne1. En mars 2013, le groupe Jaysh al-Muhajirin wal-Ansar, dominé par les Tchétchènes et les Nord-Caucasiens, annonçait déjà avoir incorporé des combattants d'Asie Centrale. Deux mois plus tard, un journal tadjik confirme que des citoyens de ce pays sont passés par des camps d'entraînement en Syrie. En juin, c'est un site ouzbek qui confirme que des Tadjiks ont gagné la Syrie et que les recruteurs puiseraient aussi dans les travailleurs saisonniers qui partent en Russie. Un an plus tôt, en 2012, un reportage du Guardian mentionnait un contrebandier turc travaillant avec les djhadistes qui affirmait voir de nombreux Ouzbeks franchir la frontière nord de la Syrie.



Ce même mois de juin 2013, le Kazakhstan arrête 8 de ses citoyens qui cherchaient à se procurer des fonds pour financer un voyage en Syrie. En juillet, un Kazakh surnommé Abu Muadh al-Muhajir appelle depuis Damas ses compatriotes, via une vidéo, à se lancer dans le djihad. En octobre, une vidéo montre plus de 50 djihadistes et leurs familles en Syrie, aux côtés de l'EIIL2. Un Kazakh reconnaît également son petit-fils dans une vidéo de l'EIIL, en octobre 2013 ; celui-ci se serait radicalisé après être parti au Moyen-Orient avec femmes et enfants pour trouver du travail3. Le Kirghizstan reconnaît pour sa part qu'une vingtaine de citoyens sont probablement partis se battre en Syrie et mentionne aussi en détenir d'autres arrêtés dans les aéroports. Dès 2011, des citoyens d'origine ouzbèke du sud du pays partent faire le djihad contre Bachar el-Assad. 6 jeunes hommes sont ainsi recrutés par des salafistes russes, qui les rapatrient à Moscou puis les expédient en direction de la Turquie4. Le Mouvement Islamique d'Oubzékistan aurait lui aussi envoyé des combattants en Syrie. L'un de ses membres confie même préférer combattre les chiites et les alaouites syriens que les soldats pakistanais sunnites, aux côtés des talibans du Sud-Waziristan5. Recruté par le front al-Nosra, il perd une jambe sous un obus d'artillerie en juillet 2013. Il y a également des citoyens chinois. 3 autres combattants au moins ont rejoint le front al-Nosra ; un réseau de recrutement de salafistes ouzbeks attirerait les volontaires depuis la province de Hatay, en Turquie. En mars 2013, un Han converti à l'islam, Yusuf al-Sini (Bo Wang), apparaît dans une vidéo de Jaysh al-Muhajirin wal-Ansar. Une autre vidéo du front al-Nosra semble mettre en scène un Ouïghour, baptisé le « djihadiste chinois ». Le Parti Islamique du Turkistan, basé au Pakistan et dirigé par des Ouïghours, aurait acheminé des combattants en Syrie. Par ailleurs, on sait de longue date que plusieurs milliers de combattants d'Asie Centrale interviennent en Afghanistan, notamment les membres du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan, sur les frontières nord du pays, dans les provinces de Kunduz et Takhar.

Extrait d'une vidéo de l'Union du Djihad Islamique.-Source : http://gdb.rferl.org/6BDBE608-12EC-4663-B6B7-7564D7AA57EE_mw1024_n_s.jpg


Il semblerait que les volontaires d'Asie Centrale, en raison des difficultés d'adaptation au contexte syrien, aient suscité un profond ressentiment parmi la population du nord du pays, où ils sont intervenus en majorité. C'est pourquoi les combattants syriens les ont parfois incités à rentrer chez eux pour y poursuivre le djihad. La Chine rapporte en juillet 2013 l'arrestation d'un étudiant ouighour qui a étudié à Istanbul puis combattu à Alep et qui aurait préparé des attaques dans le Xinjiang. 15 personnes à l'origine d'une attaque contre un poste de police et ses environs à Turpang, en juin, se seraient vu refuser le départ pour la Syrie et aurait conduit une opération locale. Le 12 septembre, lors du sommet de l'organisation de coopération de Shanghaï à Bishkek, le Kirghizstan annonce avoir démantelé une cellule de l'Union du Djihad Islamique (une organisation dérivée du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan, surtout active en Afghanistan et au Pakistan) qui aurait visé le sommet. Cette cellule présente à Osh, dans la vallée de Fergana, était composée de vétérans de la guerre en Syrie. Elle prévoyait aussi une attaque pour l'anniversaire de l'indépendance du pays, le 31 août, et aurait compté un Kazakh6.

Des combattants d'Asie Centrale à Alep, en 2013.-Source : http://www.transatlanticacademy.org/sites/default/files/imagecache/large/East%20Asian%20Fighters%20in%20Aleppo,%20Syria.jpg


Le 19 février 2014, une nouvelle cellule est démantelée à Osh, dans le sud du Kirghizstan. Ces militants finançaient leurs activités avec des fonds venus de Syrie et en commettant des braquages. Ils espéraient recruter 150 personnes. Une dizaine de jours plus tôt, les autorités kirghizes avaient confirmé que 5 citoyens avaient déjà trouvé la mort en Syrie et que 50 autres combattaient au sein de l'EIIL. On trouve aussi des femmes et des enfants qui gagnent cette terre de djihad : ainsi Nargiza Kadyraliyeva, qui abandonne son mari et part avec ses trois enfants début 2013. Les motivations sont multiples pour les Kirghizes : échapper au chômage et à la misère en trouvant un « refuge » en Syrie, le goût de l'aventure, le soutien à une cause jugée juste, et la conversion au djihad par des islamistes radicaux. Le Kirghizstan, pourtant, contrairement à d'autres pays voisins d'Asie Centrale, n'a pas connu de djihadisme sur son sol, sans doute en raison des réformes initiées depuis 2005 et parce que les musulmans sont libres d'exercer leur culte, dans une tendance plutôt modérée. Pourtant le pays ne peut échapper aux implications géopolitiques régionales. La guerre américaine en Afghanistan a forcé les militants d'Asie Centrale du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan à chercher refuge dans les zones tribales pakistanaises. Mais ces militants kirghizes ne peuvent revenir dans leur pays pour exporter le djihad. La Syrie est plus propice car l'EIIL contrôle un secteur entier du pays, et une partie de l'Irak. Les Kirgizes peuvent s'entraîner, collecter des fonds et recruter à leur retour, d'autant qu'il est beaucoup plus facile pour eux de revenir au Kirghizstan. Les premiers signes d'activité de vétérans syriens apparaissent dans la vallée de Ferghana dès le second semestre 2013. L'hostilité entre les Kirghizes et les Ouzbeks du pays pousse parfois ces derniers à rejoindre des mouvements radicaux comme Hizb ut-Tahrir, qui sert de tremplin de recrutement au djihad en Syrie. Ces mouvements fournissent d'ailleurs une aide sociale aux familles en situation sociale -comme celles dont le mari est travailleur saisonnier en Russie- et ciblent des communautés rurales pauvres ou des groupes marginalisés7.


1Jacob Zenn, « Increasing Numbers of Central Asian Jihadists in Syria », The Central Asia-Caucasus Analyst, 2 octobre 2013.
2 Jacob Zenn, « Afghan and Syrian Links to Central Asian Jihadism », Eurasia Daily Monitor Volume: 10 Issue: 193, The Jamestown Foundation, 29 octobre 2013.
6Jacob Zenn, « Afghan and Syrian Links to Central Asian Jihadism », Eurasia Daily Monitor Volume: 10 Issue: 193, The Jamestown Foundation, 29 octobre 2013.
7Jacob Zenn, « Kyrgyzstan Increasingly Vulnerable to Militant Islamism », CACI Analyst, 5 mars 2014.

Le butin de Lattaquié. L'offensive rebelle al-Anfal

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Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.


Mise à jour 1-mardi 6 mai 2014 : ajouts mineurs après parution d'un nouvel article sur le sujet. Pour le déroulement des combats, j'attends de plus amples analyses.
 

La récente offensive rebelle dans le nord de la province de Lattaquié répond à celles du régime dans la montagne du Qalamoun, au nord de Damas, menée par le Hezbollah depuis novembre 2013, et à l'est d'Alep, dans le but d'isoler les rebelles présents au sud et à l'est de la ville. Il s'agit, comme cela s'est souvent produit par le passé, de détourner les autres forces du régime de ces opérations et d'autres secteurs1.


Une offensive symbolique en passe de se transformer en guerre d'usure ?


L'opération Muarakat al-Anfal (du titre d'une sourate du Coran) débute le 21 mars 2014 dans le nord de la province de Lattaquié. Deux jours plus tard, les insurgés s'emparent du dernier point de passage à la frontière turque contrôlé par le régime : Kassab, puis de la ville du même nom, une des dernières localités syriennes habitées par des Arméniens. Le régime répond d'abord en détournant son aviation d'autres secteurs et en pilonnant Kassab et al-Sakhra, non loin du passage frontalier. C'est lors de cet appui aérien qu'un MiG-23 syrien viole délibéremment l'espace aérien turc avant d'être abattu par un chasseur F-16 d'Ankara, le 23 mars2 ; l'appareil s'écrase en territoire syrien, le pilote étant sauf. Durant les deux premières semaines de l'offensive, les insurgés progressent, s'emparent de la Tour 45, une éminence qui domine le secteur du passage frontalier, des villages de Qastal Maa'f, Nabain, et percent même jusqu'à la côte méditerranéenne le 25 mars, à al-Samra, une première dans le conflit depuis 2011. Le régime syrien accuse rapidement la Turquie d'avoir soutenu l'offensive rebelle, et les insurgés d'avoir lancé l'attaque à partir du territoire turc. En réalité, ceux-ci semblent plutôt avoir utilisé une route insuffisamment surveillée par les Forces Nationales de Défense, le long de la frontière, pour s'emparer du point de passage frontalier, avant de se rabattre vers l'ouest et de filer en direction de la côte, emportant la ville de Kassab dans la foulée (qui n'est pas située au même endroit que le point de passage frontalier). Depuis, le régime syrien a tiré des roquettes sur le territoire turc ; la Turquie a répliqué par des salves d'artillerie.

 

A partir de fin mars, le régime accroît le pilonnage sur Kassab, mobilise des effectifs importants de la milice, les Forces Nationales de Défense, et achemine des renforts depuis les provinces de Hama, Idlib, Alep et depuis Tartous. Les insurgés prennent parfois en embuscade3 les convois de renfort acheminés depuis les autres provinces, comme sur l'autoroute vers Lattaquié qui passe par le sud-ouest de la province d'Idlib. Bien que massivement utilisée, l'aviation syrienne a la partie moins facile que dans le Qalamoun, région très découverte où la supériorité aérienne joue à plein ; dans cette partie de la province de Lattaquié, le terrain est à la fois boisé et montagneux, ce qui donne un avantage aux rebelles4. Le cousin de Bachar el-Assad, Hilal, qui dirige les Forces Nationales de Défense de Lattaquié, est tué ; il est remplacé à la tête des opérations par le colonel Suhail al-Hassan. Hassan dirigeait jusqu'ici les opérations à Alep, preuve que le régime accorde beaucoup d'importance à la défense de la bande côtière alaouite et de la province de Lattaquié, berceau de la famille Assad.



Les combats continuent toujours autour de positions stratégiques : la Tour 45, qui domine tout le secteur ; les villages d'Al-Nabein (à l'ouest du passage frontalier), Qastal Maa'f et Samra. Les forces du régime contrôlent le sommet de la Tour 45 mais les insurgés s'accrochent au pied de la hauteur, et expédient des roquettes Grad sur la ville de Lattaquié et les villages alaouites de la région5. Le front al-Nosra a même utilisé un véhicule blindé BMP kamikaze (piloté par le « martyr » Abu al-Muthanna Fahd al-Qassem), bourré d'explosifs, qui a été jeté sur les positions du régime ; profitant de la désorganisation suite à l'explosion, les insurgés parviennent à prendre temporairement le contrôle de la Tour 456. L'explosion aurait tué un colonel ; de son côté, al-Nosra a perdu plusieurs Saoudiens dans l'assaut consécutif à l'attaque kamikaze. Le problème est aussi qu'en prenant le contrôle de la Tour 45, les insurgés s'exposent au feu de l'artillerie et des chars placés sur les hauteurs environnantes, ainsi qu'au matraquage par l'aviation du régime.



Sur la plage de Samra : nous sommes tous du front al-Nosra.-Source : http://2.bp.blogspot.com/-vBRBuiXixOY/U1wZtjOmphI/AAAAAAAAJiI/dzuC6HXoXj0/s1600/1.jpg



Hilal el-Assad : un Assad comme les autres ?


Hilal el-Assad était le fils du demi-frère de Hafez el-Assad, Anwar, et donc le cousin direct de Bachar el-Assad. C'est le premier tué significatif au sein du clan Assad depuis le mois de juillet 2012 et la mort dans un attentat à la bombe de Assef Shawkat, adjoint du ministre de la Défense et ancien chef du renseignement militaire, tout en étant l'époux de la soeur de Bachar, Bushra. Hilal, né en 1967 à Qardaha, était l'un des rares commandants régionaux des Forces Nationales de Défense (un par province) à ne pas être militaire de carrière. Hilal dirigeait de fait un conglomérat mafieux à Lattaquié, lié à la structure militaire (entreprise de construction de la défense, qu'il contrôle depuis 1998), qui avait mis la ville pour ainsi dire en coupe réglée. Il fait partie des premiers « shabiha » et a fait ses armes dans la contrebande entre la Syrie et le Liban. S'il a été nommé chef des Forces Nationales de Défense de Lattaquié, c'est en raison de son argent, de son implantation locale et de sa loyauté au clan Assad, qui faisaient de lui l'homme idéal pour verrouiller cette province importante sur le plan symbolique7.


Hilal el-Assad. Source : http://image.almanar.com.lb/french/edimg/2014/MoyenOrient/Syrie/Hilal_Assad.jpg


Avec le déclenchement de la révolution en mars 2011, le clan Assad mobilise ses troupes. A Lattaquié, Hilal fait jouer ses liens dans le monde de la pègre, recrute des jeunes au chômage pour 200 dollars par mois. Les fameux shabiha, groupes mafieux alaouites, sont ensuite intégrés dans les nouvelles Forces Nationales de Défense, et troquent les vêtements civils contre les uniformes militaires. Mais le centre de détention de Lattaquié est installé dans des étables... anciennement propriété de Hilal, selon la rumeur. Les Forces Nationales de Défense, qui sont maintenant soutenues par de l'artillerie et des blindés, doivent repousser la première offensive rebelle sur la province de Lattaquié en août 2013. Le rôle militaire joué par Hilal n'empêche pas son fils Suleiman de poursuivre les activités crapuleuses à Lattaquié et d'être particulièrement redouté de la population alaouite. Le journal libanais Al-Akhbar, plutôt proche du Hezbollah et du régime, révèle même que Suleiman a été temporairement arrêté en octobre 2013, avant d'être relâché... après avoir tiré dans le pied d'un cousin ! Le jour de la mort de son père, Suleiman entre dans état de rage ; quelques jours plus tard, il cause d'importants dégâts dans un café et d'autres commerces du quartier sunnite d'al-Slaybeh, près de la vieille ville de Lattaquié ; il s'enfuit quand les moukhabarrat arrivent sur place8. On voit bien que le clan Assad, en réalité, est loin d'être populaire même parmi les alaouites ; la mort de Hilal ne fait que confirmer la précarité du pouvoir du régime syrien.





Une contre-offensive menée par les miliciens, mais qui détourne des forces d'autres secteurs


Côté régime, le gros de la contre-attaque est mené par des miliciens. Ceux des Forces Nationales de Défense, bien sûr (renforcés d'éléments de l'ancienne 11ème division blindée) ; les brigades du parti Baath9 , qui sont également présentes à Alep, et dont le commandant local sur le front de Lattaquié, Hussam Ibrahim Khadra, a été tué fin avril10 ; mais on trouve aussi d'autres formations plus originales. Il y a ainsi sur le terrain les combattants de al-Muqāwama as-Sūrīya (Résistance syrienne), un groupe formé et dirigé par Mihrac Ural, alias Ali Karali, un alaouite turc11. Ce mouvement s'appelait en fait, avant la révolution de 2011, le Front Populaire pour la Libération du Sandjak d'Alexandrette, en référence à la province turque de Hatay cédée par la France à la Turquie en 1939 -une cession jamais acceptée par le pouvoir syrien. Depuis 2011, le groupe a servi le régime en étant basé à Lattaquié. Le discours du groupe est à la fois composé d'emprunts au marxisme-léninisme et à la « résistance anti-impérialiste » chère à Bachar el-Assad, sans parler du nationalisme syrien. En réalité, ce groupe armé défend surtout les intérêts des alaouites, syriens ou turcs. Il limite son action à la province de Lattaquié et à celles qui sont voisines : Idlib, Hama, Homs, et a aussi contribué à la défense des deux villages chiites isolés au nord d'Alep, Nubl et Zahara, d'où il a tiré des recrues. Mihrac Ural, qui avait commis de nombreuses exactions contre des civils en mai 2013 dans les provinces de Lattaquié et de Banyas, a été donné pour mort en même temps que Hilal el-Assad, sous un tir de roquettes Grad, le 24 mars 201412. La frappe de roquettes aurait également tué d'autres responsables militaires ou des services de renseignement syriens. En réalité, d'après Aymenn Jawad Al-Tamimi, Mihrac Ural n'a même pas été blessé ; il serait en bonne santé et toujours présent sur le front. La Résistance syrienne a contribué à la reconquête de la Tour 45, tout en étant également présente au même moment sur le front d'Alep. Comme le Hezbollah avec Yabroud, dans le Qalamoun, la Résistance syrienne attache une importance particulière la reprise de Kessab13.


Mihrac Ural, au centre, aux côtés de Bachar el-Assad et sur fond de Che Guevara, un symbole souvent utilisé par la milice Résistance syrienne dont on voit l'emblème à gauche.-Source : http://www.pressmedya.com/resim/250x190/2013/11/06/mihrac-ural-besar-esed.jpg


Mi avril 2014, des miliciens de la Résistance syrienne sur la Tour 45.-Source : http://4.bp.blogspot.com/-vQ7fRA6OhtI/U1was9AB4kI/AAAAAAAAJi4/SqwJSFFUAhk/s1600/7.jpg


Autre formation engagée dans la contre-offensive du régime à Lattaquié : Suqur al-Sahara (les Faucons du Désert). Ce groupe joue apparemment un rôle important dans les combats sur la Tour 45. Cette unité d'élite a entamé sa carrière à Homs puis sur la frontière irakienne, où elle était chargée d'empêcher la logistique rebelle de gagner la Syrie. Elle est composée d'hommes ayant une expérience militaire, d'officiers à la retraite de l'armée syrienne et de volontaires, qui sont âgés de 25 à 40 ans. Son armement, léger, correspond en réalité à des missions de forces spéciales. Elle aurait pris part aussi à des expéditions le long de la frontière jordanienne. Un de ses officiers, le général Harun, a été tué le 24 juin 2013 à al-Quaryatayn, dans la province de Homs14. Cette formation, fréquemment engagée en première ligne, aurait déjà perdu plusieurs dizaines de combattants autour de la Tour 45.

A gauche, l'emblème des Faucons du Désert, à droite un membre de l'unité devant un véhicule de combat improvisé.-Source : http://i1.wp.com/www.joshualandis.com/blog/wp-content/uploads/10003199_1414627995465857_320449689_n.jpg



SaveKassab : un exemple de la propagande orchestrée par le régime


La prise de Kassab par les insurgés a été en outre le prétexte à une campagne de propagande du côté du régime, en raison de la présence de la population arménienne. Le régime syrien a joué la carte de la mémoire du génocide arménien, qui explique d'ailleurs que Kassab soit une des dernières villes syriennes habitées par cette population. Accuser la Turquie d'avoir soutenu directement l'offensive rebelle est d'autant plus habile que cela rouvre la question du génocide arménien. En outre, les médias américains ont fait leurs choux gras, il y a quelques semaines, de vidéos et de photos postées par un Arménien vivant aux Etats-Unis, lié aux gangs de Los Angeles, et qui est parti se battre en Syrie du côté du régime à partir de décembre 201215. Or, en réalité, les insurgés, cette fois-ci, se sont montrés très prudents quant au traitement des civils et des édifices religieux. Pour contrer la campagne médiatique pro-régime baptisée SaveKassab, des rebelles se sont volontairement photographiés à côté d'églises arméniennes ou en train de conduire les civils à la frontière turque. Le Front Islamique, dont certaines formations ont pris part à l'offensive, a tenu en particulier à éviter la répétition du drame de la première offensive dans la province de Lattaquié, en août 201316. Cette offensive, alors essentiellement menée par des groupes liés à l'EIIL (désormais chassé de la province depuis les affrontements de janvier 2014 entre ce mouvement et les autres formations insurgées), avait conduit à des exactions contre les alaouites, auxquelles avait probablement pris part aussi le groupe Ahrar al-Sham, devenu ensuite membre du Front Islamique en novembre 201317.



Une offensive bien planifiée, menée par des combattants étrangers et des groupes à fort ancrage local


L'offensive dans le nord de la province de Lattaquié est menée par une coalition rebelle de quatre groupes, essentiellement. Les bataillons Ansar al-Sham, qui font partie du Front Islamique et opèrent notamment dans la province de Lattaquié, conduisent l'attaque (et aurait assuré la logistique de l'opération)18. Leur chef militaire, Abou Musa ash-Shishani, a manifestement mené l'assaut contre le poste frontalier de Kassab -c'est un Tchétchène, et une composante tchétchène dirige à l'évidence cette formation19. Il est épaulé par Harakat al-Sham, un groupe essentiellement composé de Marocains20 et dirigé par le désormais défunt21 Ibrahim bin Shakaran, ancien détenu de Guantanamo ; ce groupe partage l'idéologie d'al-Qaïda (instaurer un Etat islamique, etc). Le front al-Nosra est également présent avec un contingent dirigé par Abou Ahmed al-Turkmani. Il aurait aussi fait venir des renforts depuis la province de Deir-es-Zor afin de soutenir les combats très durs autour de la Tour 45. Enfin, Ahrar al-Sham, autre composante du Front Islamique, est sur place, dirigé par Abou al-Hassan. Saqr al-Jihad, l'ancien chef du groupe Suqqur al-Izz, essentiellement composé de Saoudiens et qui a rallié pour partie le front al-Nosra, a apparemment grandement contribué à la planification de l'opération. Le groupe Jund al-Sham, une des formations composées de Tchétchènes et de Nord-Caucasiens et commandée par l'émir Muslim ash-Shishani, participe aussi aux combats22. L'Armée Syrienne Libre, via le Conseil Militaire Suprême, a essayé de coordoner ses efforts avec cette offensive, mais elle n'est que peu présente et accuse en outre al-Nosra d'avoir ouvert le feu sur ses hommes. Plus étonnant, le président de la Coalition Nationale Syrienne, Ahmed Jarba, est venu sur le terrain, dans la province de Lattaquié, pour constater les résultats de l'offensive ; il aurait même proposé 500 000 dollars aux bataillons Ansar al-Sham, du Front Islamique, pour soutenir les combats. Cela montre que la représentation politique extérieure tente de fédérer les groupes armés sur le terrain. On peut également relever que, comme en août 2013, l'offensive dans le nord de la province de Lattaquié est essentiellement conduite par des formations comprenant de nombreux volontaires étrangers, dans l'encadrement comme dans la troupe. Les pertes sont assez lourdes et concernent en particulier les chefs des différents groupes armés. Les insurgés, comme le régime, ont fait venir des renforts de l'extérieur23.


Un membre des bataillons Ansar al-Sham au bord de la Méditerranée.-Source : http://vid.alarabiya.net/images/2014/04/05/f3ed16f5-fb52-404f-bf7e-1fb12bbb248d/f3ed16f5-fb52-404f-bf7e-1fb12bbb248d_16x9_788x442.jpg


Les bataillons Ansar al-Sham (« auxiliaires du Levant ») sont surtout actifs dans les provinces de Lattaquié et d'Idlib. Ils ont rallié, en novembre 2013, le nouveau Front Islamique, et ont participé aux combats contre l'EIIL, déclenchés en janvier 2014. Le groupe a bénéficié localement de l'éviction de l'EIIL du nord-ouest de la Syrie, ce qui lui a permis de consolider sa présence sur place. Fondé au départ par réunion de 11 bataillons différents, Ansar al-Sham regroupe, selon le chef d'une sous-division, environ 2 500 combattants aujourd'hui. En plus de sa branche militaire, le groupe semble assurer des tâches humanitaires à l'égard de la population civile en lieu et place des ONG traditionnelles. Il assure d'ailleurs la publicité de cet encadrement social sur Youtube, beaucoup plus que celle sur ses combats contre le régime, semblant ainsi rejoindre l'enseignement des Frères Musulmans (« gagner les coeurs et les esprits »). On ignore qui est le chef des bataillons Ansar al-Sham. Le sous-chef évoqué plus haut parle d'un natif de Lattaquié, Abou Omar, vétéran de l'Afghanistan et salafiste endurci. Cet homme, propriétaire d'une boutique de confiseries à Lattaquié, serait surtout le chef politique et canaliserait l'aide extérieure, qui viendrait principalement d'Arabie Saoudite. C'est donc un Tchétchène, Abou Musa ash-Shishani, qui dirige les opérations militaires d'Ansar al-Sham. Un des bataillons d'Ansar al-Sham porte d'ailleurs le nom d'un ancien président tchétchène qui s'est opposé à la Russie : Dzhokhar Doudayev24. Mais le groupe armé reste essentiellement syrien : déserteurs de l'armée, commerçants, ouvriers, artisans, fermiers. Les combattants sont inscrits sur un registre militaire et sont payés 60 dollars par mois. Ansar al-Sham plaide pour la création d'un Etat islamique et rejette le sécularisme politique, mais en revanche, le groupe n'a pas rallié l'EIIL et a collaboré localement avec des unités de l'Armée Syrienne Libre. Cependant, les liens n'ont pas été complètement coupés avec l'EIIL car certains membres de cette formation sont des Syriens qui ont des liens familiaux et sociaux avec les hommes d'Ansar al-Sham. Le groupe est proche de l'idéologie du front al-Nosra et entretient des relations avec des formations djihadistes comme le groupe Harakat al-Sham, composé de Marocains, et qui a participé lui aussi à l'offensive sur la province de Lattaquié25.


Aymenn Jawad Al-Tamimi a pu interroger un combattant de Izz ad-Din al-Qassam, une sous-division du groupe marocain Harakat al-Sham. Harakat al-Sham est plutôt resté à l'écart du combat entre l'EIIL et les autres formations insurgées, dont le front al-Nosra, depuis janvier 2014, mais il semblerait qu'il soit néanmoins plus proche d'al-Nosra désormais. Les combats sont particulièrement acharnés autour de la Tour 45, un point dominant stratégique qui surplombe le secteur du passage frontalier de Kassab, et qui a déjà changé de mains plusieurs fois depuis le début des combats le 21 mars. Ce combattant confirme que le chef de Harakat al-Sham, l'ancien détenu marocain de Guantanamo, est mort devant cette position, les armes à la main. D'après lui, c'est Ahrar al-Sham qui dirige l'assaut contre la tour 45, avec le soutien d'al-Nosra, d'Ansar al-Sham et du groupe Harakat al-Sham26.


Muslim ash-Shishani, le chef de Jund ash-Sham (à gauche), embrasse le clerc saoudien al Muhaysini, qui a soutenu le front al-Nosra dans l'affrontement avec l'EIIL.-Source : http://www.longwarjournal.org/images/Muhaysini-Muslim-al-Shishani.jpg



Un gain surtout symbolique, mais la mise en lumière des faiblesses du régime


L'offensive dans le nord de la province de Lattaquié a mis le régime sur la défensive dans cette province, jugée assez sûre et qui n'était protégée que par des miliciens des Forces Nationales de Défense, surtout27. Damas a dû détourner des forces d'autres secteurs, notamment Alep et Idlib, où les insurgés ont depuis progressé en profitant des vides laissés par les départs de troupes. En outre, plusieurs dépêches, certes non confirmées, font état de problèmes quant au transfert des miliciens des Forces Nationales de Défense d'Alep vers Lattaquié, en raison de la situation dans la ville28 : certains auraient tout simplement refusé d'aller se battre dans cette dernière province. En dix jours de combats, le régime aurait perdu 600 tués et blessés29. La stratégie rebelle parie aussi sur un des points faibles du régime : son manque d'effectifs, en dépit de l'engagement du Hezbollah, de miliciens irakiens et la formation accélérée de miliciens des Forces Nationales de Défense par des conseillers étrangers, iraniens ou du Hezbollah30

 

Côté rebelle, la planification de l'opération a été tout à fait remarquable (transferts d'armes depuis Alep31) et explique les succès initiaux ; en outre, en termes d'image, elle a été beaucoup mieux conduite que la précédente de l'été 2013. Pour davantager disperser les forces du régime, les insurgés ont continué leur progression le long de l'autoroute M5, dans le sud de la province d'Idlib. Ils se sont emparés notamment du village de Babuleen, au nord de Khan Sheikhoun, renforçant la pression sur les bases militaires isolées de la province et empêchant d'acheminer par voie de terre des renforts vers Lattaquié depuis la province de Hama. Une autre offensive a également été lancée au sud dans la province de Quneitra32. Les insurgés s'attaquent ainsi à la fois à des bastions du régime, jugés intouchables ou presque, et aux lignes de communication de ce dernier. Ils ont su monter des attaques coordonnées, facilitées par l'éviction de l'EIIL du nord-ouest de la Syrie depuis le mois de février 2014 : ils ont pu se concentrer contre le régime, et non se disperser face à deux adversaires différents33. Le but était aussi, probablement, de marquer une victoire psychologique pour compenser les revers à d'autres endroits34, dans le Qalamoun en particulier. L'objectif était le même en août 2013 : les djihadistes avaient cherché à se placer à portée de tirs de roquettes de Qardahar, le village natal du clan Assad. Et ils avaient réussi pour un temps35. Le Front Islamique a renouvelé les tirs de roquettes Grad contre le berceau des Assad. Le succès initial de l'offensive rebelle de mars 2014 est donc davantage symbolique que stratégique36. Mais il met aussi en lumière les faiblesses d'un régime syrien certes plus cohérent et plus efficace lors de ses attaques locales sur le plan militaire, mais qui n'a encore pas les moyens d'emporter la décision à l'échelle de tout le pays.


Bibliographie :


Mohammad D., « Who Was Hilal al-Assad? », Syria Comment, 6 avril 2014.

Tam Hussein, « The Ansar al-Sham Battalions », Syria in Crisis, 24 mars 2014.

Aymenn Jawad Al-Tamimi, « A Case Study of "The Syrian Resistance," a Pro-Assad Militia Force », Syria Comment, 22 septembre 2013.

Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Latakia Front: An Interview on the Rebel Side », Syria Comment, 6 avril 2014.

Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Desert Falcons: An Elite Pro-Assad Force », Syria Comment, 8 avril 2014.

Aymenn Jawad al-Tamimi, « Aymenn Jawad al-Tamimi - The Latakia Front », Brown Moses Blog, 26 avril 2014.

Aron Lund, « The Death of an Assad », Syria in Crisis, 1er avril 2014.

Isabel Nassief et Charlie Chris, « Rebels Reopen the Latakia Front », Institute for the Study of War Syria Updates, 9 avril 2014.



1Isabel Nassief et Charlie Chris, « Rebels Reopen the Latakia Front », Institute for the Study of War Syria Updates, 9 avril 2014.
7 Aron Lund, « The Death of an Assad », Syria in Crisis, 1er avril 2014.
8Mohammad D., « Who Was Hilal al-Assad? », Syria Comment, 6 avril 2014.
11Aymenn Jawad Al-Tamimi, « A Case Study of "The Syrian Resistance," a Pro-Assad Militia Force », Syria Comment, 22 septembre 2013.
14Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Desert Falcons: An Elite Pro-Assad Force », Syria Comment, 8 avril 2014.
15Je renvoie à la partie correspondante de mon article sur les combattants étrangers pro-régime : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/01/mourir-pour-assad-les-combattants_27.html
20Sur les groupes rebelles composés essentiellements d'étrangers, je renvoie à la partie concernée de mon billet sur les volontaires étrangers côté insurrection : http://historicoblog3.blogspot.com/2013/12/et-combattez-les-jusqua-ce-quil-ne.html
23Un convoi de renfort qui passe par la province d'Idlib : https://www.youtube.com/watch?v=A1uCabc5cJI
25 Tam Hussein, « The Ansar al-Sham Battalions », Syria in Crisis, 24 mars 2014.
26Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Latakia Front: An Interview on the Rebel Side », Syria Comment, 6 avril 2014.
28Les insurgés, tout en résistant à la poussée du régime dans le district industriel de Sheikh Najjar à l'est de la ville, ont avancé ces derniers jours au nord-ouest, resserrant l'étau autour du bâtiment du renseignement de l'armée de l'air, et au sud-ouest d'Alep, menaçant d'isoler les forces du régime dans la ville et en dehors. http://eaworldview.com/2014/04/syria-daily-insurgents-capture-air-force-hq-near-aleppo/
32Les insurgés avancent dans les collines de Tel Ahmar, au cente de la province, le long de la frontière avec Israël. Ces collines dominent la partie sud de la province et les chars et l'artillerie du régime peuvent tirer sur les convois de ravitaillement rebelles qui passent par là. http://eaworldview.com/2014/04/syria-1st-hand-insurgent-advance-quneitra-southwest/

Foreign Fighters, Rebel Side, in Syria. 9/Central Asia

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The number of Central Asia foreign fighters climbed in 2013, and those who return may boost the destabilization of regimes after their Syrian experience1. In March 2013, Jaysh al-Muhajirin wal-Ansar, dominated by Chechens and North Caucasians, have already announced the presence of Central Asia fighters into its ranks. Two months later, a Tajik newspaper confirms that the citizens of this country have gone through training camps in Syria. In June, this is a website that confirms that Uzbek Tajiks gained Syria and recruiters also would draw on seasonal workers who leave Russia. A year earlier, in 2012, a report in TheGuardian mentioned a Turkish smuggler working with jhadists, who claimed to see many Uzbeks cross the northern border of Syria.




The same month of June 2013, Kazakhstan arrests 8 its citizens seeking to raise funds to finance a trip to Syria. In July, a Kazakh nicknamed Abu Muadh al-Muhajir called his countrymen from Damascus, via video, to engage in jihad. In October, a video shows more than 50 jihadists and their families in Syria, alongside ISIS2. A Kazakh also recognizes his little son in a video of ISIS in October 2013 ; he would be radicalized after leaving to the Middle East with his wives and children to find work3. The Kyrgyzstan for its part recognizes that twenty people are probably gone to fight in Syria, and also mentions hold others arrested at airports. From 2011, citizens of Uzbek origin in the south go to wage jihad against Bashar al-Assad. 6 young men are recruited by Russian and Salafists, they are repatriated to Moscow and then ship towards Turkey4. The Uzbekistan Islamic Movement would also have sent fighters to Syria. One of its members says even prefer to fight Shiites and Syrian Alawites that Sunni Pakistani soldiers alongside the Taliban of South-Waziristan5. Recruited by al-Nosra, he lost a leg because of an artillery shell in July 2013. There are also Chinese citizens. At least three other fighters joined al-Nosra ; Salafist recruiting network Uzbek attract volunteers from the province of Hatay, Turkey. In March 2013, a Han converted to Islam, Yusuf al-Sini (Bo Wang), appears in a video of Jaysh al- Muhajirin wal-Ansar. Another video from al-Nosra seems to stage a Uighur, called the "Chinese jihadist". Islamic Party of Turkistan, based in Pakistan and run by Uighurs, have sent fighters to Syria. Moreover, it has long been known that many thousands of Central Asian fighters are involved in Afghanistan, including members of the Islamic Movement of Uzbekistan, on the northern borders of the country, in the provinces of Kunduz and Takhar.

Extrait d'une vidéo de l'Union du Djihad Islamique.-Source : http://gdb.rferl.org/6BDBE608-12EC-4663-B6B7-7564D7AA57EE_mw1024_n_s.jpg


It seems that the volunteers of Central Asia, due to difficulties in adapting to the Syrian context, have aroused deep resentment among the people of the north, where they are involved in the majority. That is why the Syrian fighters sometimes encouraged them to return home to pursue jiha . China in July 2013 reported the arrest of a Uighur student who studied in Istanbul and then fought in Aleppo and have prepared attacks in Xinjiang. 15 people behind an attack against a police station and its surroundings in Turpang, in June were denied departure for Syria and would have led a local operation. On 12 September, at the summit of the Shanghai Cooperation Organization in Bishkek, Kyrgyzstan announced that the dismantled a cell of the Islamic Jihad Union (a derivative of the Islamic Movement of Uzbekistan, especially active in Afghanistan and Pakistan organization) that would target the summit. This cell, in Osh in the Fergana Valley, was composed of veterans of the war in Syria. It also included an attack on the anniversary of the country's independence on August 31 and would have had, at least, a Kazakh6.


Des combattants d'Asie Centrale à Alep, en 2013.-Source : http://www.transatlanticacademy.org/sites/default/files/imagecache/large/East%20Asian%20Fighters%20in%20Aleppo,%20Syria.jpg


On 19 February 2014, a new cell was dismantled in Osh in southern Kyrgyzstan. These activists financed their activities with funds from Syria and committing robberies. They hoped to recruit 150 people. Ten days earlier, Kirgizh authorities had confirmed that five people had died in Syria and 50 others fought with ISIS. There are also women and children who are going to this land of jihad. Nargiza Kadyraliyeva abandons her husband and leaves with her three children in early 2013. There are multiple motivations for Kyrgyzs : escape unemployment and poverty by finding a "refuge" in Syria, the taste for adventure, support a cause deemed righteous, and conversion to jihad by radical Islamists. The Kyrgyzstan, however, unlike other neighboring countries in Central Asia, has not known jihadism on its soil, probably because of reforms initiated since 2005 and because Muslims are free to practice their religion, in a rather moderate trend. Yet the country cannot escape the regional geopolitical implications. The U.S. war in Afghanistan has forced the Central Asian militants of the Islamic Movement of Uzbekistan to seek refuge in Pakistan's tribal areas. But these Kyrgyzes activists can not return to their countries to export jihad. Syria is more favorable because ISIS control an entire sector of the country, and part of Iraq. The Kyrgyzes can train, raise funds and recruit them back, especially since it is much easier for them to return to Kyrgyzstan. The first signs of activity of Syrian veterans appear in the Ferghana Valley in the second half of 2013. Hostility between Kirgizes and Uzbeks in the country sometimes leads them to join radical movements such as Hizb ut- ahrir, which serves of springboard of recruitment for jihad in Syria. These movements also provide social assistance to families in difficult social situations -like those whose husband is a seasonal worker in Russia- and target marginalized groups or poor rural communities7.


1Jacob Zenn, « Increasing Numbers of Central Asian Jihadists in Syria », The Central Asia-Caucasus Analyst, 2 octobre 2013.
2Jacob Zenn, « Afghan and Syrian Links to Central Asian Jihadism », Eurasia Daily Monitor Volume: 10 Issue: 193, The Jamestown Foundation, 29 octobre 2013.
6Jacob Zenn, « Afghan and Syrian Links to Central Asian Jihadism », Eurasia Daily Monitor Volume: 10 Issue: 193, The Jamestown Foundation, 29 octobre 2013.
7Jacob Zenn, « Kyrgyzstan Increasingly Vulnerable to Militant Islamism », CACI Analyst, 5 mars 2014.

Volontaires étrangers de l'insurrection syrienne. 10/Les Belges

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La Belgique a de longue date une relation duale avec ses immigrés maghrébins ou turcs. Dans la décennie 1960, l'immigration marocaine et turque a été encouragée, de façon à fournir une main d'oeuvre peu onéreuse pour l'industrie du charbon et de l'acier, ce qui a permis à la Belgique de tenir son rang dans la construction européenne. Le déclin de l'industrie lourde n'a pas entraîné le départ de ces immigrés. Aujourd'hui, certaines personnes des troisième et quatrième générations se trouvent en marge de la société belge. Une partie de la jeunesse immigrée d'origine marocaine bascule dans la délinquance dès les années 1980-1990.



Capitalisant sur ces difficultés d'intégration, le parti Sharia4Belgium est né le 3 mars 2010. Son porte-parole salafiste, Fouad Belkacem, est persona non grata sur la place publique. Après plusieurs actions judiciaires et sous la pression publique, le parti est finalement dissous le 7 octobre 2012. La guerre en Syrie fait alors rage depuis un an et demi. Il faut attendre quelques mois pour obtenir les premières informations à propos des volontaires belges et néerlandais partis rejoindre le djihad en Syrie. En ce qui concerne la Belgique, les premières personnes sont identifiées en mars 2013, notamment par la langue flamande, sur des vidéos postées depuis la Syrie. Les parents de Brian De Mulder et Jejoen Bontinck reconnaissent leurs fils sur des vidéos. Le parti d'extrême-droite Vlaams Belang réussit à embrigader une des familles pour sa propagande tandis que le père de Bontinck se rend en Syrie pour chercher son fils. Tous blâment Sharia4Belgium1.

A droite, Brian de Mulder, aux côtés d'un autre combattant belge parti en Syrie et qui était à la direction de Sharia4Belgium.-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/02/chaib-de-mulder.jpg



Le 10 avril 2013, un hebdomadaire belge publie un article sur les djihadistes nationaux, affirmant que 12 d'entre eux ont déjà été tués (chiffre toujours non confirmé). En juin, deux journaux apportent des précisions sur le contingent après la mort d'Abd ar-Rahman Ayashi, un Franco-Syrien qui avait quitté la Belgique en 2012 après avoir purgé 8 ans de prison. Il était devenu chef de bataillon au sein du groupe Suqour as-Sham, menant pas moins de 600 hommes au combat. Il était le fils du cheikh Bassam Ayashi, un Syrien de Molenbeek, à Bruxelles. La famille est surveillée par les autorités belges depuis au moins septembre 2009. Quelques mois plus tôt, l'ami d'Ayashi, le Français Raphaël Gendron, avait également été tué en Syrie. Parmi les autres Belges morts au combat, il y a aussi Nur ad Din Abouallal, membre de Sharia4Belgium, tué le 25 juillet 2013. 33 autres membres du groupe, en septembre, combattaient encore en Syrie, dont Hussyan Elouassaki, alias Abu Fallujah, qui dirigerait la brigade Ansār Majlis Shūra al-Mujahidīn, près d'Alep, responsable de décapitations. On évalue alors à 150 à 200 le nombre de Belges déjà partis en Syrie.

Abd ar-Rahman Ayashi.-Source : http://pietervanostaeyen.files.wordpress.com/2013/09/ayashi.jpg


Le 13 janvier 2014, le ministre des Affaires Etrangères confirme que plus de 200 Belges ont gagné la Syrie depuis le début du conflit, et qu'au moins 20 y ont été tués2. Pour Petier van Ostaeyen, spécialiste du sujet, au 27 avril 2014 ce serait en fait 3963 Belges (220 au minimum) qui auraient rejoint la Syrie depuis le début du conflit: sur les 102 identifiés via les médias ou les réseaux sociaux (et 32 connus aussi seulement par leur nom de guerre), 57 sont impliqués avec Sharia4Belgium, dont 20 ont rejoint l'EIIL et au moins un al-Nosra. Pour le reste de l'échantillon, il est très difficile de savoir quels groupes armés les volontaires ont rejoint (37 avec l'EIIL, 8 avec al-Nosra, 10 avec Suqur as-Sham, 1 avec Liwa Shuhada à Idlib, 1 dans une autre formation). 5 ont 16 ans et viennent de Bruxelles et Vilvoorde. L'âge des combattants va de 13 (Younes Abaaoud4) à 68 ans (si l'on inclut le cheikh Bassam al-Ayashi ; sinon il tombe à 38). L'âge moyen est à 24,5 ans. On trouve au moins 17 femmes dans le contingent belge5. 14 mineurs au moins sont partis, dont 4 sont revenus ; 1 a été ramené par sa mère. 10 viennent de Bruxelles ou Vilvoorde, une cité proche. Sur 136 volontaires dont les villes de départ sont identifiées, 48 viennent de Bruxelles, 41 d'Anvers, 22 de Vilvoorde, et 14 de Mechelen. Un axe Anvers-Mechelen-Vilvoorde-Bruxelles se dessine donc sur la carte et le djihadisme concerne la Flandres belge dans sa quasi-totalité, le problème est très marginal en Wallonie. Au moins 29 des volontaires sont revenus en Belgique (dont 4 refoulés à la frontière turque). L'un d'entre eux, Hakim Elouassaki, a été blessé et il est revenu pour se soigner. Le 23 janvier dernier, deux femmes de combattants, enceintes, ont été rapatriées, en accord avec les autorités, probablement en échange de renseignements sur leurs maris (qui appartiennent à Sharia4Belgium). On sait que 10 membres de l'organisation sont revenus, tout comme 8 autres qui faisaient partie de l'EIIL et 2 d'al-Nosra. Les plus gros contingents de retour sont à Anvers et Vilvoorde. 7 membres de Sharia4Belgium, 6 habitants de Bruxelles, 6 de Vilvoorde et au moins un de Maaseik et un autre de Mechelen ont été tués ; en tout, il y a 27 morts depuis décembre 2012 (9 membres de Sharia4Belgium, 6 résidents de Bruxelles, 6 résidents de Vilvoorde, un de Maaseik, un autre de Mechelen)6. 8 des tués appartiennent à l'EIIL, 8 au front al-Nosra, 2 à Suqour al-Sham, et 9 autres probablement à l'EIIL. Le dernier tué en date appartient au front al-Nosra : il est mort dans les combats du district industriel de Sheikh Najjar, au nord-est d'Alep, sous le nom de guerre de Abou Handalah7. Au moins 220 Belges seraient toujours en Syrie, et peut-être plus de 3008. Sur 54 Belges localisés sur place, 29 ont été à Alep (dont 17 de l'EIIL, avec 7 tués ou revenus en Belgique, et 10 qui sont probablement maintenant à Raqqa), 12 sont à Raqqa (dont les 10 d'Alep), 11 sont dans la province d'Idlib, 6 dans celle de Homs, 3 ont été dans celle de Lattaquié (dont un tué en août 2013 pendant la première offensive rebelle d'envergure sur place), 2 à Damas, et 1 a été tué à Saraqib.

Younes Abaaoud, le plus jeune combattant belge en Syrie (13 ans).-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/03/67846_1384639538466403_335192518_n.jpg



Nora Verhoeven, une des femmes parties faire le djihad en Syrie.-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/03/1618475_251975741651335_2119415134_n.jpg







Peter van Ostaeyen présente également quelques exemples de Belges partis se battre en Syrie. Te Ou, 19 ans, originaire de Vilvoorde, est actuellement à Alep, où il combat pour l'EIIL. Abu Houdaifa Ahmed, dont la famille est d'origine marocaine (et sans doute berbère), a 21 ans : lui aussi combat à Alep, comme la majorité des Belges d'ailleurs, et a un frère qui serait en Afghanistan. Abu Sulayman al-Muhajir, d'origine algérienne, est parti avec sa femme à Alep en août 2013. Un de ses frères combattrait aussi en Syrie. Younes (Michaël) Delefortrie, un converti d'Anvers, est un membre connu de Sharia4Belgium : en 2011 il avait été arrêté en possession d'une AK-47. Il a combattu à Alep mais est revenu en Belgique après le déclenchement des combats contre l'EIIL, le 3 janvier 2014 ; arrêté par la police, il nie avoir combattu en Syrie. Abdel Monaïm, d'origine marocaine, 32 ans, a été tué en janvier 2014 : on le décrivait plus comme un aventurier que comme un islamiste radical. Abu Sulayman al-Baljiki, 36 ans, est le Belge le plus âgé faisant partie de l'EIIL. Originaire de Bruxelles, il combat dans un groupe de Franco-Belges présent à Homs, puis à Alep. Abu al-Maqdad Muhajir, d'origine marocaine (berbère), combat à Alep et à la particularité de parler arabe, français et néerlandais. Abu Jihad al-Baljiki est l'un des rares membres de Sharia4Belgiumà avoir rejoint al-Nosra. Ismail Mujahid, 17 ans, a quitté Bruxelles pour la Syrie en avril 2013 avec son ami Bilal. Son frère Zakaria, 23 ans, était déjà en Syrie. Bilal est revenu en Belgique après quelques mois mais Ismail, lui, est resté avec l'EIIL. Hisham Chaib, 30 ans, d'Anvers, était l'un des gardes du corps du chef de Sharia4Belgium, Fuad Belkacem. Il avait passé deux mois en prison début 2013 pour son rôle dans les émeutes de Borgerhout à Anvers9. Les départs de jeunes Belges continuent : début mai, un jeune homme de 24 ans, Abou Sabir Al Belgiki, originaire du quartier de Borgerhout à Anvers, annonce sur son profil Facebook qu'il a réussi à rejoindre la Syrie10.


1Pieter Van Ostaeyen, « Belgian Jihadis in Syria », Jihadology.net, 5 septembre 2013.
9Pieter Van Ostaeyen, « Belgium’s Syria Fighters ~ An Overview of 2012 and 2013 (II) », Jihadology.net, 25 janvier 2014.

Foreign Fighters, Rebel Side, in Syria. 10/Belgians

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More on foreign fighters in Syria here.


Belgium has a long-standing dual relationship with its Maghreb or Turkish immigrants. In the 1960's, the Moroccan and Turkish immigration was encouraged in order to provide cheap labor for the coal and steel industry, which allowed Belgium to take its place in European construction. The decline of heavy industry has not led to the departure of these immigrants Today, some people of the third and fourth generations are on the margins of Belgian society. Part of the immigrant youth of Moroccan origin rocker in crime since 1980's-1990's. .




Capitalizing on these integration difficulties, the party Sharia4Belgium was born March 3, 2010. His spokesman, Salafist Fouad Belkacem, is persona non grata in Belgium. After several lawsuits and public pressure, the party is finally dissolved Oct. 7, 2012 . The war then raging in Syria for a year and a half. It takes a few months to get the first information about the Belgian and Dutch volunteers who left to join the jihad in Syria. As regards Belgium, the first people were identified in March 2013, with the Flemish language used on videos posted from Syria. Parents of Brian De Mulder and Jejoen Bontinck recognize their sons on videos. The far-right Vlaams Belang managed to indoctrinate a family for propaganda while the father of Bontinck went to Syria to look for his son. All blame Sharia4Belgium1. .



A droite, Brian de Mulder, aux côtés d'un autre combattant belge parti en Syrie et qui était à la direction de Sharia4Belgium.-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/02/chaib-de-mulder.jpg




On 10 April 2013 a Belgian weekly published an article on national jihadists, saying that 12 of them have already been killed (figure still unconfirmed). In June, two newspapers provide information on the quota after the death of Abd ar-Rahman Ayashi, a Franco- Syrian who had left Belgium in 2012 after being jailed for eight years. He became battalion commander in the group Suqour as-Sham, leading no less than 600 men in combat. He was the son of Sheikh Bassam Ayashi, a Syrian of Molenbeek, Brussels. The family is monitored by the Belgian authorities since at least September 2009. Few months earlier, a friend of Ayashi, the French Raphael Gendron, was also killed in Syria. Among others Belgians killed in action, there is also Abouallal Nur ad Din, member Sharia4Belgium, killed July 25, 2013. 33 other members of the group, in September 2013, still fighting in Syria, whose Hussyan Elouassaki, alias Abu Fallujah , which lead the brigade Ansar Majlis Shura al-Mujahideen, near Aleppo, responsible for beheadings . The number of Belgians wo already left for Syria are then evaluated to 150-200 .



Abd ar-Rahman Ayashi.-Source : http://pietervanostaeyen.files.wordpress.com/2013/09/ayashi.jpg


On 13 January 2014 the Minister of Foreign Affairs confirmed that more than 200 Belgians have left to Syria since the conflict began, and at least 20 have been killed2. For Petier van Ostaeyen, the specialist of the topic, April 27, 2014, it would actually 3963 Belgians (at least 220) who have joined Syria since the beginning of the conflict : from the 102 identified via the media or social networks ( nd 32 known also only by their nom de guerre), 57 are involved with Sharia4Belgium , 20 joined the ISIS and at least one al-Nosra. For the rest of the sample, it is very difficult to know which armed groups joined volunteers (37 with ISIS, 8 al- Nosra 10 with Suqur as- Sham, 1 with Liwa Shuhada in Idlib, 1 in another grouo). 5 have 16 and come from Brussels and Vilvoorde. The age of fighters ranges from 13 (Younes Abaaoud4) to 68 (if you include Sheikh Bassam al- Ayashi, otherwise it falls to 38). The average age is 24.5 years. There are at least 17 women in the belge quota5. At least 14 miners are gone, 4 of which come back ; 1 was brought by his mother. 10 come from Brussels and Vilvoorde, a district of the capital. From 136 volunteers whose departure cities are identified, 48 come from Brussels, 41 from Antwerp, 22 from Vilvoorde, 14 from Mechelen. An Antwerp-Mechelen-Brussels-Vilvoorde thus emerges on the map and jihadism regards the Belgian Flanders almost in its entirety, the problem is very marginal in Wallonia. At least 29 volunteers returned in Belgium (including 4 repressed at the Turkish border). One of them, Elouassaki Hakim, was wounded and returned to heal. On January 23, two women of fighters, pregnant, were repatriated in accordance with the authorities, possibly in exchange for information about their husbands (who belong to Sharia4Belgium) We know that 10 members of the organization come back, as eight others who were part of the ISIS and 2 of al-Nosra. The largest contingents are back in Antwerp and Vilvoorde. 7 members Sharia4Belgium, 6 inhabitants of Brussels, 6 of Vilvoorde and at least one of Maaseik and another in Mechelen were killed ; in all, there are 27 deaths since December 2012 (9 members of Sharia4Belgium, 6 residents of Brussels, 6 residents of Vilvoorde, one from Maaseik, another from Mechelen)6. 8 killed belong to ISIS, 8 to al-Nosra, 2 to Suqour al-Sham, and 9 more likely to ISIS. The last killed dated belongs to al-Nosra : he died in the fighting in Sheikh Najjar Industrial District, northeast of Aleppo, under the nom de guerre of Abu Handalah7. At least 220 Belgians are still in Syria, and perhaps more than 3008. On 54 Belgians located on site, 29 were in Aleppo (including 17 of the ISIS with 7 killed or who come back in Belgium, and 10 which are probably now Raqqa ), 12 are in Raqqa (including 10 of Aleppo), 11 are in the province of Idlib, 6 in Homs and 3 were in the Latakia (one killed in August 2013 during the first major rebel offensive on site) , two in Damascus and one was killed in Saraqib .


Younes Abaaoud, le plus jeune combattant belge en Syrie (13 ans).-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/03/67846_1384639538466403_335192518_n.jpg



Nora Verhoeven, une des femmes parties faire le djihad en Syrie.-Source : http://emmejihad.files.wordpress.com/2014/03/1618475_251975741651335_2119415134_n.jpg






Peter van Ostaeyen also presents some examples of Belgians gone to fight in Syria. Te Ou, 19, from Vilvoorde, is currently in Aleppo, where he fought for ISIS. Houdaifa Abu Ahmed, whose family is of Moroccan origin (and probably Berber), 21, is also fighting in Aleppo, like most Belgians elsewhere, and has a brother who is in Afghanistan. Abu Sulayman al- Muhajir, of Algerian origin, went with his wife to Aleppo in August 2013. One of his brothers also would fight in Syria. Younes (Michael) Delefortrie, a converted Antwerp, is a known member of Sharia4Belgium : in 2011 he was arrested in possession of an AK-47. He fought in Aleppo but returned to Belgium after the outbreak of fighting against the ISIS, January 3, 2014 ; arrested by the police, he denies having fought in Syria. Abdel Monaim, of Moroccan origin, 32, was killed in January 2014, it is described more as an adventurer than as a radical Islamist. Abu Sulayman al- Baljiki, 36, is the oldest part of the Belgian ISIS. Originally from Brussels, he fought in a group of Franco- Belgian present in Homs and Aleppo. Abu al-Muhajir Maqdad, of Moroccan origin (Berber), is fighting in Aleppo and has the particularity to speak Arabic, French and Dutch. Abu Jihad al- Baljiki is one of the few members of Sharia4Belgium to have joined al-Nosra. Ismail Mujahid, 17, left Brussels for Syria in April 2013 with his friend Bilal. His brother Zakaria, 23, was already in Syria. Bilal returned to Belgium after a few months but Ismail remained with the ISIS. Hisham Chaib, 30, of Antwerp, was one of the bodyguards of the Chief of Sharia4Belgium, Fuad Belkacem. He spent two months in prison in early 2013 for his role in the riots in Borgerhout, Antwerp9. Departures of young Belgians still continues early May 2014 : a young man of 24, Abu Sabir Al Belgiki, from Borgerhout, announces on his Facebook profile that he managed to reach Syria10.




1Pieter Van Ostaeyen, « Belgian Jihadis in Syria », Jihadology.net, 5 septembre 2013.
9Pieter Van Ostaeyen, « Belgium’s Syria Fighters ~ An Overview of 2012 and 2013 (II) », Jihadology.net, 25 janvier 2014.

Cachez ces djihadistes que je ne saurais voir... les volontaires français en Syrie

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Article publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.

Mise à jour 2-jeudi 8 mai 2014 : mise à jour jusqu'à début mai. Je reviens notamment sur le départ de jeunes filles, de femmes avec leurs enfants, et sur le plan proposé par le gouvernement le 23 avril, et ses limites soulignées par des spécialistes des djihadistes français.


Mise à jour 1-mardi 25 mars 2014 : quelques informations supplémentaires, notamment via certains internautes férus du conflit syrien que je remercie.


Merci à Timothy Holman et à Yves Trotignon pour leur aide dans la rédaction de cet article.


Le cas des Français partis se battre en Syrie pose un problème particulier. Il n'est devenu vraiment visible (grâce aux médias, en particulier) qu'en 2013, année où le nombre de volontaires croît de manière importante. A l'image d'autres contingents européens, le djihad en Syrie est le plus grand mouvement du genre depuis la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan. Pour autant, rapporté à la population totale de la France ou même à la population musulmane de la tranche d'âge concernée, le mouvement n'a rien d'une lame de fond ou d'un exode massif1 ; on peut cependant noter qu'il s'accélère depuis l'été 2013, ce qui inquiète les autorités, et certains spécialistes, quant au retour des djihadistes. Mais il faut dire que jusqu'ici, les informations ont été très éparses. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a multiplié les déclarations, à partir de mai 2013, au sujet du chiffre des Français impliqués dans le djihad en Syrie, pour arriver, en janvier 2014, à un total de 700, en tout, impliqués à un titre ou à un autre, depuis 2011. Chiffre difficile à vérifier, mais qui semble pourtant crédible, en tout cas pas forcément très exagéré. La dernière étude de l'ICSR, un institut britannique spécialisé sur la problématique des djihadistes étrangers, datée du 17 décembre 2013, plaçait l'estimation maximum, pour la France, à 413 individus2. Les Israëliens pensent que le dernier chiffre donné par Manuel Valls et F. Hollande est exagéré3. Ce que l'on peut savoir des cas bien identifiés montre pourtant que l'exemple français ne se distingue pas fondamentalement des autres contingents de volontaires européens, à quelques différences près4. Le recrutement, plutôt large au niveau de l'âge et des motivations au début, semble depuis s'être resserré vers des hommes jeunes, de 20 à 35 ans, plus déterminés et plus radicaux dans leurs choix sur le terrain. Il implique à la fois des personnes connues pour leur engagement antérieur, et souvent surveillées, mais aussi beaucoup d'hommes ou d'adolescents qui ont succombé au message radical, notamment délivré sur le web, sans que le phénomène se limite à des gens marginalisés sur le plan social. Comme pour l'ensemble des autres contingents, la majorité des volontaires français rejoint les deux formations djihadistes, le front al-Nosra (branche officielle d'al-Qaïda en Syrie depuis novembre 2013) et l'EIIL, en butte depuis janvier 2014 aux assauts des autres formations rebelles, parmi lesquelles le front al-Nosra lui-même. Les zones de départ sont assez bien identifiées : des grandes villes, Paris, Toulouse, Nice, Strasbourg, Lille-Roubaix-Tourcoing (ce qui correspond là encore à d'autres pays), avec une majorité de départs spontanés ou organisés en solitaire, sans forcément qu'il y ait recours à des réseaux organisés, la seule exception semblant être le sud-est (ce qui est une différence notoire cette fois avec d'autres Etats, comme la Belgique, où des réseaux plus structurés interviennent dans l'acheminement des volontaires, voire leur radicalisation). Les djihadistes français sont également, une fois arrivés, assez présents sur les réseaux sociaux, à des fins de recrutement, de propagande ou pour garder le contact avec les familles, comme on le verra à la fin de cet article.




Un début de publicité pour un recrutement varié ? (2012-été 2013)


En France, la question des candidats au djihad commence à inquiéter, dans la presse, à partir du second semestre 2012. Pourtant, dès le mois de mai 2012, 3 jeunes gens sont interpellés à l'aéroport de Saint-Etienne alors qu'ils s'apprêtent à partir pour la Turquie... avec des étuis à pistolet, des talkie-walkies et des lunettes de vision nocturne5. Le Figaroévoque « quelques dizaines de départ » au mois d'octobre 2012 et mentionne le docteur Jacques Bérès, qui a soigné plusieurs Français dans un hôpital rebelle à Alep, ville que les insurgés ont investi à l'été 20126. Certains d'ailleurs ne cachent pas leur admiration pour Mohamed Merah. Le même quotidien avait également parlé, au printemps 2012, de 6 Français arrêtés par la sécurité libanaise à l'aéroport de Beyrouth, et qui cherchaient manifestement à passer en Syrie. Pourtant, les services de renseignement intérieurs avaient commencé à tirer la sonnette d'alarme dès le printemps 2011.

Les informations et les articles de presse se font plus nombreux au printemps et à l'été 2013, moment qui connaît effectivement, d'après les recherches des spécialistes, un accroissement sensible du départ des volontaires européens, et donc français, vers la Syrie, accroissement qui se confirme tout au long de l'année7. Non seulement les volontaires français, comme les autres, bénéficient du fait que l'accès au territoire syrien est beaucoup plus facile que pour d'autres terres de djihad dans le passé, mais, en outre, ils peuvent compter, parfois, sur les restes des réseaux organisés pour les djihads précédents, comme ceux qui avaient opéré pour l'Irak entre 2004 et 20068. Dès le printemps 2013 et l'émergence des premiers exemples précis de volontaires français, on constate que les motifs de départ sont très différents. Djamel Amer Al-Khedoud, 50 ans, originaire de Marseille et depuis prisonnier du régime, s'en va ainsi pour défendre les sunnites de Syrie, une motivation qui correspond au « djihad défensif » que l'on retrouve chez nombre de volontaires étrangers, en particulier ceux des débuts, de la période 2011-2012. Abdel Rahmane Ayachi, au contraire, Franco-Syrien de 33 ans, lui, a rejoint le groupe Suqur al-Sham, membre du Front Islamique depuis novembre 2013, et qui vise depuis expréssement à l'installation d'un califat islamique et à l'application stricte et rigoureuse de la charia. Il serait monté dans la hiérarchie jusqu'à commander un effectif de 600 combattants9. Ayachi, finalement tué en juin 2013, avait profité d'un entraînement militaire dans la réserve belge, qu'il a mis à profit, probablement, sur le champ de bataille syrien10. Raphaël Gendron, un Français de 38 ans, faisait lui aussi partie de Suqur al-Sham : il a été tué le 14 avril 2013. Résidant à Bruxelles, il était proche des milieux radicaux qui ont fourni, dans ce pays, un certain nombre de volontaires pour le djihad syrien.


Abdel Rahmane Ayachi, tué en juin 2013, dirigeait des combattants de Suqur al-Sham.-Source : http://www.globalpost.com/sites/default/files/imagecache/gp3_full_article/photos/2013-March/suquar-al-sham-syria-leader.jpg


Raphaël Gendron était bien connu des services français. Condamné à plusieurs reprises par la justice belge, il est arrêté par les autorités italiennes fin 2009 avec Bassam Ayachi, imam franco-syrien installé en Belgique et célèbre, lui aussi, pour ses opinions radicales. Ils auraient voulu organiser une filière de recrutement djihadiste pour al-Qaïda dans le sud de l'Italie. Relâchés, ils regagnent la Belgique où ils continuent d'animer le Centre islamique Assabyle, sur le site duquel Gendron se livre à une active propagande. Cas très différent, celui de ce jeune djihadiste français de 17 ans, originaire de Sartrouville, arrêté par la police grecque le 25 mai 2013 alors qu'il tentait de gagner la Syrie11. Il avait prévenu ses parents de son départ le 16 mai, après avoir acheté son billet d'avion pour Athènes et s'être muni d'un passeport. La famille prévient la police, qui parvient à joindre les autorités grecques : le jeune homme est arrêté dans un bus au nord du pays, alors qu'il se dirigeait vers la Turquie.


Raphaël Gendron.-Source : http://static0.7sur7.be/static/photo/2013/2/5/9/20130415180823/media_xll_5734734.jpg


Au mois de juin 2013, un diplomate français haut placé évoque déjà le chiffre de 270 Français partis se battre en Syrie12. Un mois plus tard, un djihadiste français présent en Syrie lance un appel vidéo à ses compatriotes et au président F. Hollande, lui demandant de se convertir à l'islam13. L'homme, qui se fait appeler Abou Abdelrahmane, annonce s'être converti il y a trois ans à l'islam, et avoir des parents français et athées. Il demande aux Français de rejoindre le djihad. Il s'agit en fait de deux demi-frères. Jean-Daniel Pons, un Toulousain de 22 ans, est finalement tué le 11 août. Agé de 22 ans, ce dernier avait été entraîné par son frère aîné, Nicolas, 30 ans, que l'on voit parler sur la vidéo. Titulaire d'un BEP, Nicolas était tombé dans la petite délinquance avant de se convertir en 2009 puis de faire du prosélytisme. Son frère Jean-Daniel l'avait rejoint en 2011 à Toulouse pour entamer un BTS de comptabilité, après avoir vécu avec leur père en Guyane ; il se convertit à son tour. Ils avaient gagné la Syrie tous les deux en mars 201314. Ils ont rejoint la Syrie via l'Espagne et la Turquie, faisant croire à leurs proches qu'ils allaient en Thaïlande, avant de leur dévoiler la vérité en avril15. La mère des deux jeunes gens, retraitée de l'armée, avait signalé la dérive inquiétante de ses fils aux autorités dès le mois d'avril. Quelques jours plus tard, un homme de 47 ans, originaire du territoire de Belfort, est interpellé par la DCRI : habitant à Toulouse, il était venu rendre visite à sa famille, et aurait eu des liens avec les deux Toulousains16 de la fameuse vidéo. Jacques Abu Abdallah al-Faransi, un Français venant de Marseille, est également vu en juillet 2013 sur une vidéo postée sur Youtube17.


Abou Hajjar, un informaticien de la région parisienne parti en avril 2013 pour faire le djihad en Syrie, interrogé par Le Figaro, est en réalité Ayachi fils, évoqué plus haut18. Cet homme combat dans le Djebel al-Zawiya, dans la province d'Idlib, au sein du groupe Suqur al-Sham. D'après son témoignage, recueilli par Le Figaro, il effectue des missions de reconnaissance sur l'autoroute entre Lattaquié et Alep, pour signaler les mouvements de troupes et de convois du régime. Il se définit lui-même comme un « activiste islamiste » et non comme un djihadiste proche d'al-Qaïda. Son groupe comprend, selon lui, des Saoudiens et des Jordaniens. Il manifeste, dans ses déclarations, une certaine ouverture dans le traitement des minorités syriennes, et explique que son groupe cherche à convaincre, en ouvrant des bureaux de prédication, par exemple, mais pas par la force, comme certains djihadistes. Il ne compte pas revenir en France, où il a laissé femme et enfants19.


Vers une accélération du recrutement, puis un resserrement des profils ? (automne 2013-février 2014)


Le 1er septembre 2013, Manuel Valls annonce que plus d'une centaine de Français combattent actuellement en Syrie, qu'une dizaine y sont morts, et que certains sont déjà revenus20. D'autres informations parlent à la même époque de 9 Français tués au combat dans le pays21. En septembre, 4 hommes sont interpellés après avoir braqué un restaurant Quick dans les Yvelines, puis un cinquième un peu après à Châteauroux, dans l'Indre. Agés de 23 à 34 ans, ces 5 hommes étaient en fait surveillés depuis un moment par la DCRI et la DRPP ; ils appartiennent à un groupe dont l'un des membres, au moins, originaire de Trappes, se trouve déjà en Syrie. Ce sont des personnes « autoradicalisées », dont deux frères, des convertis parfois de fraîche date à l'islam. Ils avaient été repérés lors de manifestations anti-américaines à Paris en 2012 (rassemblement place de la Concorde, le 16 septembre, contre le film L'Innocence des musulmans), puis lors « d'entraînements collectifs » dans le sud de Paris22. Le braquage du Quick de Coignières devait servir à payer leur voyage vers la Syrie : munis d'une arme factice, ils avaient embarqué 2 500 euros... sous les yeux de la DCRI, qui les interpellent dès le lendemain. Ils étaient inconnus de la justice, sauf un seul d'entre eux condamné en 2005 pour vol aggravé23. L'intention de financer leur voyage par un simple braquage confirme que l'expédition pour gagner la Syrie est relativement facile, comme on peut le constater pour d'autres contingents européens24, et qu'elle n'implique pas forcément le recours à des réseaux organisés (le voyage revient à 300-500 euros, en passant par la Turquie). Ce même mois de septembre, un jeune Roubaisien trouve la mort en Syrie. Sofiane D., 20 ans, est tué le 20 septembre à Alep. Ses parents, inquiets, avaient prévenu les autorités en juillet 2013 : il était censé être parti en Algérie. Musulman pratiquant classique, selon un magistrat, « fusionnel » avec sa mère, il n'avait pratiquement jamais quitté Roubaix. Il aurait apparemment combattu dans les rangs du front al-Nosra25. Deux autres jeunes hommes de l'endroit auraient également gagné la Syrie26. Romain L., 26 ans, du Calvados, est quant à lui arrêté pour apologie du terrorisme sur Internet27. Il était l'administrateur du site Ansar al-Haqq, traducteur de la revue Inspire, éditée par Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique. Il utilisait le pseudonyme de Abou Siyad Al-Normandy. Fin septembre, les réseaux sociaux djihadistes mettent en avant la figure de Abu Suhaib al-Faransi, un commerçant de 63 ans converti à l'islam, et qui fait partie des volontaires français de l'insurrection28.


A gauche, Abu Suhaib al-Faransi -Source : http://www.memrijttm.org/image/6170.JPG


Les autorités française ont déjà, précédemment, arrêté Flavien Moreau, né à Ulsan, en Corée du Sud, avant d'être adopté en France29. Ce Nantais de 27 ans s'était imprudemment confié, à Antioche, en Turquie, à un journaliste suisse, en novembre 2012, ce qui l'avait immédiatement fait repérer par la DCRI. Il est arrêté quelques semaines plus tard à son retour en France, début 2013, et mis en examen. Le Nantais, qui enchaînait petits boulots et peines de prisons, s'était converti il y a cinq ans, et cherchait depuis sa dernière sortie, en 2012, à intégrer un réseau combattant. Ayant amassé quelques milliers d'euros grâce à divers trafics, il gagne Zurich, puis Istanbul et finalement Antioche, avec l'intention de rejoindre le groupe Ahrar al-Sham, aujourd'hui composante du Front Islamique, créé le 22 novembre 2013. Sans aucune expérience du combat, son engagement ne tient que quelques semaines, à l'issue desquelles il regagne la France. D'autres engagements sont tout aussi idéologiques, comme ces deux disciples de Jérémie Louis-Sydney, le leader de la "cellule de Cannes-Torcy", soupçonné de la tentative d'attentat contre une épicerie kasher de Sarcelles, en 2012 ; ces deux jeunes Français d'origine tunisienne sont depuis partis en Syrie.

Début octobre, un Français aurait mené une attaque kamikaze dans la province d'Alep30. Surnommé Abou al-Qaaqaa, ce Français se serait fait exploser le 9 octobre dans le village de Al-Hamam, au sud-est de la ville. Cette attaque kamikaze ouvrait la voie à des combattants de l'EIIL (dont il aurait fait partie) et du front al-Nosra. Le 24 septembre, Abou Mohammad al-Fransi, un Français converti à l'islam, avait déjà été tué dans le même secteur. C'est également ce mois-là que commencent à remonter des informations sur une filière d'acheminement des volontaires tchétchènes via l'importante diaspora tchétchène établie dans le sud-est de la France (plus de 10 000 personnes)31. Les estimations officielles portent alors le nombre de Français impliqués dans les combats en Syrie à au moins 40032. Le 14 octobre, 3 suspects de la fameuse cellule terroriste Cannes-Torcy sont arrêtés dans les Alpes-Maritimes. Sont notamment saisis un pistolet-mitrailleur UZI et un pistolet semi-automatique, ainsi qu'une grande quantité d'argent en liquide. En novembre, 4 hommes de 22 à 35 ans sont interpellés dans le Val-de-Marne : ils appartiendraient à une filière djihadiste qui acheminerait des combattants vers la Syrie. 2 ou 3 d'entre eux auraient combattu avec le front al-Nosra. Les chiffres passent alors à plus de 440 Français partis pour la Syrie : la moitié est encore sur place, une douzaine sont morts, un ou deux sont prisonniers du régime, et 50 à 60 sont revenus en France. Sur la vingtaine de procédures déclenchées contre les volontaires de retour, seules trois ont alors abouti à des mises en examen33. Le 20 novembre, Abu Malik al-Faransi, un Français de 17 ans, est tué à Raqqa34. Le 27 novembre, c'est un homme habitant près de Lens qui est interpellé, faisant suite à l'arrestation, le 15 octobre, de deux autres personnes à Tourcoing et Roubaix. Ces deux personnes auraient gagné la Syrie puis seraient revenues en France35.


Photo présumée d'Abou Malik al-Faransi.-Source : https://fbcdn-sphotos-e-a.akamaihd.net/hphotos-ak-prn2/p480x480/1472883_317021681772971_875519586_n.jpg


A partir de la fin septembre 2013, le recrutement dans le sud-est de la France semble s'intensifier, et en particulier à Nice et sa région. Une dizaine de départs au moins est recensée à Vallauris, Saint-Laurent et à Nice, ainsi que du côté de l'Ariane et de la cité des Moulins, la plupart pour rejoindre le front al-Nosra. La majorité des jeunes concernés semblent s'être radicalisés très rapidement, avant de quitter leurs familles du jour au lendemain. En 2011, un réseau recrutait déjà, manifestement, pour le djihad en Afghanistan dans cette région36. Une filière pour le recrutement en Irak avait été démantelé, également, en 2005. Une mère de la région lyonnaise signale aussi, en décembre 2013, que son ex-mari, dont elle est séparée depuis juillet 2012, a visiblement enlevé sa fille pour gagner la Syrie via la Turquie, afin de rejoindre le front al-Nosra ; il s'était radicalisé après un séjour à La Mecque37. Il s'était également rapproché de Forzane Alizza, un groupuscule salafiste djihadiste dissous par les autorités françaises en février 2012.


Le 22 décembre 2013, Nicolas, le frère de Jean-Daniel Pons (les deux Français issus de la région toulousaine), trouve la mort dans une attaque kamikaze près de Homs38. Les deux demi-frères auraient rejoint, depuis leur départ en Syrie, les rangs de l'EIIL39. Leur mère, Dominique Pons, avait signalé aux autorités la radicalisation de ses fils, puis créé en décembre 2013, avec son ex-mari, l'association Syrien ne bouge… Agissons ! D'après elle, Nicolas avait également retrouvé en Syrie un autre Toulousain qu'il connaissait40. En janvier 2014, les services de renseignement français évaluent à 500-600 le nombre de Français partis en Syrie, dont 220 encore sur place, 70 qui sont revenus et 18 tués, soit un effectif qui a quadruplé par rapport au mois de mai 2013. Sur ce total, 20% seraient des Français convertis, mais la majorité reste des jeunes gens d'origine maghrébine, pas forcément musulmans pratiquants, mais qui se radicalisent très rapidement. Outre la facilité d'accès au territoire syrien, les services de renseignement signalent qu'un des grands facteurs de motivation des volontaires est qu'ils ont l'impression de se battre pour une cause juste41. 10 à 14 jeunes gens originaires de Strasbourg auraient également quitté leur ville pour l'Allemagne, afin de rejoindre la Syrie, à la fin de l'année 201342. Un jeune homme issu du quartier d'Elsau, à Strasbourg, serait d'ailleurs mort dans une attaque kamikaze en Syrie au mois de novembre43.

L'attention en France sur le phénomène des volontaires candidats au djihad syrien, qui avait cru un peu en 2013 avant de s'éclipser devant les attaques chimiques du mois d'août 2013 et ses suites, rebondit avec l'annonce du départ, en janvier 2014, de deux jeunes adolescents de 15 ans, originaires de la région toulousaine, très relayée dans les médias. Tous les deux scolarisés au lycée des Arènes, les deux adolescents sont partis le 6 janvier pour gagner la Turquie. L'un des deux adolescents, Yasine, était réputé brillant élève, un des meilleurs de sa classe. L'autre, Ayoub, le plus âgé, en revanche, est connu des services de police, et appartient à une famille qui pouvait avoir des convictions religieuses rigoristes. Yacine achète les billets d'avion pour la somme de 417 euros et les deux jeunes gens embarquent sur un vol de la Turkish Airlinesà destination Istanbul. Ils arrivent ensuite à Antioche. Mais difficile de dire, dans leur itinéraire, s'ils ont bénéficié de l'assistance d'un réseau organisé ou non44. Rattrapés et ramenés en France, les deux adolescents sont finalement mis en examen45. Il s'avère ensuite que les deux adolescents sont entrés en contact avec les insurgés via les réseaux sociaux, et sans doute un intermédiaire français, qui les aurait guidés à la frontière turque. Les deux jeunes gens auraient voulu rallier le front al-Nosra. Ils ont un rejoint un camp d'entraînement près d'Idlib ; c'est parce que celui-ci prenait du retard et parce qu'ils ne combattaient pas que les deux adolescents ont finalement quitté le pays46. L'événement confirme à la fois l'accélération du recrutement en France, mais aussi sa diversification. Si la majorité des recrues continue à venir des grands centres urbains (Lille-Roubaix, Strasbourg, Toulouse, Paris, le sud-est et Nice), les profils semblent moins correspondre à des jeunes en pertes de repères ou désocialisés, mais au contraire à des jeunes parfois plus intégrés47. Le père d'un deux adolescents a d'ailleurs rapidement prévenu les autorités et lancé un appel public : selon lui, son fils a notamment été radicalisé par le biais d'échanges sur le web, notamment par Facebook48. Dans le sud-est, à Nice et ses alentours, ce serait déjà une quarantaine de jeunes gens qui seraient partis pour le djihad syrien, avec de plus en plus d'adolescents -16, voire 15 ans49. Dans le quartier populaire de Saint Roch, à l'est de Nice, il y aurait eu 7 à 8 départs rien qu'entre septembre et décembre 201350. Fin décembre, c'est une famille de dix personnes toute entière qui part pour la Syrie51. Au début du mois de décembre, la DCRI avait procédé à l'interpellation d'un recruteur présumé du milieu niçois52.


En février 2014, Salahudine, un djihadiste français de 27 ans originaire de la région parisienne, parti combattre en juillet 2013, livre un ultime témoignage après avoir été gravement blessé à Alep. Il avait emmené femme et enfants avec lui, et manifestement n'a pas bénéficié du concours d'un réseau : il a organisé son voyage via la Turquie tout seul. Après avoir gagné Alep, il rejoint l'EIIL, est formé dans un camp d'entraînement puis est expédié rapidement sur le front. En novembre 2013, visiblement dégoûté par l'EIIL, il rallie le front al-Nosra (qui ce même mois est reconnu comme branche officielle d'al-Qaïda en Syrie, au détriment de l'EIIL). Il combat à Alep, Damas et Homs. Il touche chaque mois 50 dollars, mais s'est acheté lui-même son AK-47 pour 1 300 dollars53. Un autre combattant français appartenant à l'EIIL, Abou Shaheed, qui se trouve au nord d'Alep, a également livré son témoignage en février 2014. C'est un volontaire déterminé, qui ne pense pas revenir en France mais qui n'en est pas moins partisan d'un djihad transnational54. Néanmoins, selon les services de renseignement français, le profil des volontaires se serait désormais resserré. Il comprendrait désormais majoritairement des hommes de 20 à 35 ans, plus déterminés. Un tiers des 250 Français encore présents en Syrie seraient des Caucasiens, des Tchétchènes ayant transité par la région de Nice (qui sert de hub pour les Caucasiens et en particulier pour les Tchétchènes, avec Vienne, en Autriche). Sur le reste, on compterait une moitié de convertis et une autre moitié de jeunes issus de l'immigration maghrébine, ainsi que quelques femmes. Fait notable, des groupes radicaux comme l'EIIL n'hésitent pas à utiliser les volontaires étrangers, comme les Français, pour des attaques kamikazes. On signale en outre plusieurs cas de départ où les personnes s'installent à la frontière turque ou dans le nord de la Syrie mais ne prennent pas part au combat, attendant l'installation d'un califat islamique55. Le 20 février, un jeune Niçois de 18 ans, parti en Syrie en septembre 2013, est arrêté à son retour en France. Farid avait combattu dans la région d'Alep. Jeune lycéen, il était parti avec trois autres amis d'une cité de l'est ce Nice, après s'être radicalisé en quelques semaines. Il a été emprisonné après son arrestation, dans l'attente de son jugement56.



A droite, Abou Shaheed.-Source : http://www.memri.org/image/16983.JPG





Les djihadistes français sur les réseaux sociaux


Les djihadistes français sont très présents sur les réseaux sociaux, surtout Twitter et Facebook57. Ils donnent des informations sur leur parcours, sur les combats et les conditions pratiques du djihad. Majoritairement, ceux qu'on y voit font partie de l'EIIL. Les volontaires étrangers ont tendance, en Syrie, à se regrouper, par affinité culturelle et linguistique, mais il n'est pas dit que ce soit systématiquement le cas pour les Français, même si certains combattent bien dans les mêmes formations. Certains arrivent ensemble et se connaissent avant le djihad. On note aussi la présence d'épouses de combattants. Les réseaux sociaux servent au recrutement, à la diffusion de la propagande, et pour maintenir le contact avec les familles. La propagande joue sur l'analogie avec les jeux vidéos, dans les illustrations qui peuvent être diffusées. Evidemment, les conflits internes aux insurgés, comme celui qui oppose depuis avril 2013 l'EIIL au front al-Nosra, sont relativement peu présents. Abou Shaheed, arrivé en Syrie en mai 2013, fait ainsi partie de l'EIIL, et évoque souvent la poursuite du djihad après la chute du régime Assad. Un autre djihadiste francophone, lui aussi membre de l'EIIL et arrivé à la même date, qui opère sous le pseudo Si tu veux mon avis, donne beaucoup de détails sur les combats et affirme avoir participé à ceux de la base 80, à Alep. Abou Mohammed Muhajir, un autre Français, est également incorporé dans l'EIIL : arrivé à l'été 2013, il combat autour d'Azaz. Il est marié à Umtawwab zawjetu abu’’mohamed, une femme originaire de Lorient, qui collecte des fonds à des fins soi-disant humanitaires via Facebook, et qui prétend avoir fait l'aller-retour en France entre octobre-novembre 2013. Mourad Ibn Amar, lui aussi arrivé en Syrie à l'été, fait également partie de l'EIIL. Il apparaît sur de nombreuses photographies de groupes. Sous le pseudo Selim Det-R, un Roubaisien est également inclus dans l'effectif de l'EIIL. Abdullah Wade, un Français, s'efforce quant à lui de collecter des fonds pour rénover des habitations en Syrie au profit des djihadistes français. Abou Tasnim est probablement un Français originaire d'Haïti. Ses parents sont chrétiens ; il habitait en Seine-Saint-Denis, son père est entrepreneur, de classe moyenne ; lui-même produisait de la musique électronique. Il a rejoint la Syrie le 17 octobre 2013 après être passé par Istanbul puis Ghaziantiep, et il combat, lui, au sein du front al-Nosra. Blessé à l'entraînement, il répond beaucoup sur les réseaux sociaux aux questions pratiques pour le voyage jusqu'en Syrie, et livre son expérience de la guerre. Il participe à de nombreuses escarmouches, combat même des Kurdes en janvier 2014. Il quitte al-Nosra qu'il juge « trop inactif » et rejoint l'EIIL d'Atmeh ; le 14 février, il est à Azzaz58.



Abou Tasnim.-Source : http://www.memri.org/image/16984.JPG



Le djihad familial : femmes, enfants, mais aussi jeunes filles en Syrie


Autre phénomène inquiétant et lié au djihad en Syrie : le départ de jeunes filles en direction de ce même pays. Anissa, 22 ans, se convertit sous l'influence d'une amie de son lycée de Bordeaux. Elle se marie avec un jeune musulman présenté par un imam rencontré sur Skype et laisse une lettre d'adieu à sa mère. Des dizaines de Françaises sont concernées par ce phénomène : Ly, 19 ans, une étudiante d'origine sénégalaise, est partie avec son bébé de 15 mois. Elle est accompagnée d'une lycéenne de 17 ans d'Epinay, qui a piraté la carte bancaire de son père pour financer le voyage59. A la même époque, fin février 2014, c'est une adolescente grenobloise de 14 ans qui est arrêtée à l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry alors qu'elle s'apprêtait à prendre l'avion pour Istanbul. Placée dans un foyer, elle s'enfuit avant d'être de nouveau rattrapée le lendemain. C'est le troisième mineur au moins qui tente de rejoindre la Syrie depuis janvier 2014, après une adolescente de 15 ans qui a elle réussi à gagner le pays60. Nora, 16 ans, est partie le 23 janvier ; son frère assure qu'elle a été manipulée par d'autres personnes et que, dès la mi-mars, elle regrette son départ en Syrie61. Il est parti une première fois pour la ramener en février ; refoulé à la frontière turque, il réussit lors d'une deuxième tentative, en avril 2014, à passer en Syrie et à voir sa soeur par deux fois62. Fin mars, Barbara Marie Rigolaud, une Française de 35 ans originaire de Nanterre, est arrêtée par le PYD (parti kurde qui contrôle des zones au nord-nord-est de la Syrie) près d'Alep. Cette Française aurait rallié le front al-Nosra après avoir appartenu à l'EIIL. Elle est arrivée en Syrie en mai 2013 avec son mari et ses quatre enfants63. C'est également en mars 2014 que la mère d'Assia, la fillette de 23 mois emmenée par son père depuis octobre 2013 en Syrie, lance de nombreux appels pour être entendue64. Sahra, une adolescente de 17 ans originaire de Lézignan-Corbières (Aude), aurait fugué et rejoint la Syrie à partir du 11 mars. Elle aurait embarqué à Marignane dans un vol pour la Turquie. Le 14 mars, elle confirme à son frère qu'elle est dans la région d'Alep. Sahra, qui pratiquait l'islam depuis au moins un an, avait apparemment bien préparé son départ65. Sur le même modèle, une jeune lycéenne de 16 ans, à la double nationalité française et algérienne, habitant à Troyes, est signalée probablement partie en Syrie par ses parents le 8 avril 2014. Radicalisée en quelques mois, elle aurait reçu, comme Sahra, une somme d'argent en liquide d'un intermédiaire pour payer son voyage66. Elle est finalement arrêtée en Allemagne avant d'avoir pu rejoindre la Syrie.







Un recrutement continu dans les premiers mois de 2014


France Info interroge, en février 2014, deux Français partis se battre en Syrie : Abou Chaak, 24 ans, et Abou Dahouk, 26 ans. Ils se disent originaires de la région parisienne, combattent alors dans la région d'Alep et appartiennent à l'EIIL. Dahouk fait partie des premiers Français arrivés en Syrie, dès le début 2013 ; il envisage non pas de revenir en France pour commettre des attentats mais de mourir en « martyr » sur la terre syrienne67. En mars, Seif al-Qalam, un jeune homme de 27 ans lui aussi originaire de la région parisienne, qui a combattu pour l'EIIL avant de rallier le front al-Nosra (il est arrivé sur place en juillet 2013 avec femme et enfants), prétend que ce dernier groupe comprend une brigade entièrement composée de Français (une centaine d'hommes ?) dont il ferait partie. Ce seraient les Français qui auraient imposé cette solution pour des raisons de compréhension linguistique. Ces hommes souhaitent avant tout combattre en Syrie et ne s'en prendraient à la France que si celle-ci menait des opérations contre eux68. Mi-février, Bilel, un licencié en économie et sapeur-pompier volontaire de Grenoble, est tué dans les combats à Homs. Il était parti en Syrie en juillet 2013 avec son frère et plusieurs autres volontaires français pour le djihad ; il s'était manifestement radicalisé après une rupture amoureuse. Sur place, il rejoint le front al-Nosra et prend le nom de guerre de Abou Siddiq Al-Tounsi69. Le 22 mars 2014, un Français, Sylvain Decker, est arrêté par la police marocaine à Rabat. Il faisait partie d'un réseau de recrutement pour le djihad, notamment en Syrie, qui oeuvrait à la fois en Espagne et au Maroc70. Un projet d'attentat terroriste dû à un vétéran du djihad syrien est probablement déjoué dans le sud-est de la France. La DCRI avait découvert, le 17 février 2014, 900 grammes d'explosifs dans un immeuble près de Cannes, point de chute d'un membre de la cellule Cannes-Torcy arrêté quelques jours plus tôt. Le jeune homme, Ibrahim B., était parti pour la Syrie en septembre 2012, avec deux autres personnes, échappant ainsi au coup de filet de la DCRI sur la cellule. Abdelkader T., un des deux compagnons d'Ibrahim, est arrêté en Italie le 16 janvier 2014. Ibrahim B. serait revenu ce même fois en France, après avoir combattu comme les autres au sein du front al-Nosra. Le 11 février, il est arrêté dans l'immeuble où sont découverts plus tard les explosifs71. Fin avril 2014, un jeune homme âgé d'une vingtaine d'années, qui se prétend ancien militaire français dans un régiment d'infanterie parachutiste, est vu dans une vidéo postée sur Youtube72. Le 30 avril, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve indique que 285 Français se trouvent actuellement en Syrie, et s'inquiète d'une augmentation de 75% de ce total en quelques mois. Une centaine de djihadistes seraient revenus en France et 5 auraient été tués73. Le lendemain, un Algérien de 37 ans, résident régulier en France, est expulsé car soupçonné de recruter dans l'Hexagone pour le djihad en Syrie. Il a été arrêté par la Turquie à bord d'un bus emmenant un groupe de Français vers la Syrie. Il était proche de deux autres hommes habitant en Savoie, comme lui, connus pour avoir participé aux filières d'acheminement de volontaires en Afghanistan et condamnés en février 201174.







Le plan du gouvernement français : une opération de communication ?


Le 23 avril 2014, le gouvernement français dévoile un plan pour lutter contre le départ de jeunes gens en Syrie, notamment pour tenter d'assurer une détection précoce de potentiels candidats au djihad. Ce plan prévoit enfin une cellule de crise pour les parents, accueillis par des professionnels, et envisagerait la réintroduction de l'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs (mesure finalement écartée). Le renseignement humain et la cybersécurité seront mises à contribution pour détecter les personnes susceptibles de se radicaliser75. Cependant, Wassim Nasr, journaliste spécialiste des djihadistes, ces mesures interviennent dix ans trop tard. Il ne croit pas à l'efficacité de la plateforme de signalement mise en place pour les parents. Il plaide aussi pour ne plus traiter le phénomène comme un problème criminel ; et en effet, les profils sont très variés, trop pour être réduits à ce postulat, d'autant que comme il le souligne, tous les candidats au départ ne comptent pas forcément revenir en France pour commettre des attentats. Le problème est aussi politique, et lié à la position de l'Etat français sur le conflit syrien76. David Thomson, journaliste à RFI et auteur d'un ouvrage sur les djihadistes français parus en mars 2014, confirme que les profils sont très divers. Si les motivations de départ sont tout aussi variées, le djihad en Syrie est sans précédent dans l'histoire contemporaine, pour la France, en raison de la facilité d'accès à ce champ de bataille et à l'emploi des réseaux sociaux. Il explique comment un premier contingent d'une vingtaine de Français, arrivés à partir de fin 2011 et en 2012, a réalisé un appel d'air via les réseaux sociaux et entraîné cet afflux massif que l'on constate en particulier depuis l'an passé. Il confirme également qu'il existe une brigade de Français au sein du front al-Nosra. Le rapport des djihadistes aux réseaux sociaux et à des biais différents de ceux des djihads précédents fait toute la difficulté de la prévention du phénomène et même de son suivi en cas de retour du djihadistes sur le sol français. La seule ligne jaune à ne pas franchir, selon lui, ce sont les menaces d'attaques sur le territoire national : à ce moment-là, le gouvernement intervient mais préfère autrement surveiller ces réseaux sociaux, ces forums ou ces sites qui sont aussi des sources de renseignement. D'ailleurs le net des djihadistes, qui passent par de nombreux réseaux sociaux, est quasiment impossible à contrôler. Le seul effet positif qu'il voit dans le plan du gouvernement est la création d'une cellule à destination des parents, qui il est vrai, arrive bien tard77. Le plan du gouvernement ferait donc surtout état d'une stratégie de communication, après que celui-ci ait sous-estimé le problème en 2011 et ait préféré peut-être voir les jeunes volontaires partir se battre en Syrie plutôt que de commettre des attentats sur le sol français78. D'après RTL, la plateforme de signalement du gouvernement a enregistré 24 candidats au départ en Syrie, en dix jours, dans 16 départements : 8 femmes et 16 hommes, âgés de 14 à 34 ans. 5 de ces 16 personnes sont effectivement parties79.


Conclusion


Il est difficile de formuler des hypothèses quant à l'avenir du recrutement français pour le djihad syrien, notamment parce que les chiffres sont incertains, peut-être plus encore que pour d'autres contingents, en particulier européens. La situation plus difficile de l'insurrection face au régime, depuis l'accord sur les armes chimiques de septembre 2013, et les affrontements entre rebelles, notamment ceux dirigés contre l'EIIL, ne semblent pas avoir tari le recrutement. Les Français, comme d'autres, se dirigent majoritairement vers les groupes les plus radicaux, liés à al-Qaïda, comme le front al-Nosra et surtout l'EIIL, qui bien que marginalisé dans le dispositif d'al-Qaïda par les affrontements récents, n'en demeure pas moins un acteur important sur le terrain. On peut donc s'inquiéter à la fois de la difficulté à suivre des départs souvent spontanés, délicats à anticiper, et du retour de personnes aguerries sur les champs de bataille syriens et qui souhaiteraient prolonger leur combat en France. Néanmoins, il faut aussi noter qu'une partie des volontaires, comme dans d'autres pays, était impliquée de longue date dans les réseaux djihadistes, et qu'elle était surveillée préalablement, d'où, d'ailleurs, certaines arrestations, à terme. Pour cette catégorie, il est manifeste que les services de renseignement pourraient procéder, si besoin, à des coups de filet de plus grande ampleur. Aller en Syrie ne constitue pas un délit, et il faut accumuler des preuves pour procéder aux interpellations. Ce qui est inquiétant, c'est la forte proportion de personnes parfois seules qui s'autoradicalisent par différents moyens, notamment le web, et qui partent de manière parfois imprévisible en direction de la Syrie -un voyage qui, comme on l'a dit, par son caractère aisé, notamment via la Turquie, est une aubaine pour le djihad. Le défi majeur, c'est que l'évolution de la nature même du terrorisme islamiste fait que le retour d'une dizaine de combattants fanatisés seulement pourrait avoir un impact démesuré, par la création de réseaux, ou même par une action en solitaire, comme celle de Mohamed Merah. C'est tout l'enjeu, pour les services de renseignement, d'arriver à dissoudre au mieux ce phénomène, tâche des plus ardues. Le phénomène des volontaires français est donc plus complexe qu'il n'y paraît, et il faudra bien évidemment continuer d'en analyser les évolutions.





Tableau récapitulatif des estimations officielles fournies par le ministre de l'Intérieur français, Manuel Valls, à propos des Français partis se battre en Syrie (mai 2013-janvier 2014).



Nombre de volontaires partis depuis 2011
Encore sur place
Revenus
Tués
En transit
Candidats au départ
Mai 2013
120
50
30

40

Septembre 2013

130
50
10
40
100
Octobre 2013

184
80
14


Décembre 2013
+400
184
80
14

100
Janvier 2014
700
250
76
26

150



1Thomas Hegghammer, « Number of foreign fighters from Europe in Syria is historically unprecedented. Who should be worried? », The Monkey Cage, 27 novembre 2013.
2Aaron Y. Zelin, Sami David, « Up to 11,000 foreign fighters in Syria; steep rise among Western Europeans », The International Centre for the Study of Radicalisation, 17 décembre 2013.
3Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
17Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
18Précision apportée par Babak Khabazan, que je remercie.
25Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
28Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
34Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
58Merci à L.G. de m'avoir fourni ces informations sur ce djihadiste, à partir de son compte Twitter.

Sur Medi 1 Radio : deuxième intervention pour l'invité du matin

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Pour la deuxième fois depuis quelques mois, Pierre Boussel, qui tient une émission sur la radio Medi1radio basée à Tanger au Maroc, m'a posé un peu plus longuement que de coutume des questions sur le conflit syrien, à l'occasion de l'accord négocié entre les rebelles et le régime pour l'évacuation du dernier carré tenu par les insurgés dans la ville de Homs. L'occasion de faire un peu le point sur le conflit.

Vous pouvez écouter l'intervention ici.

Café Stratégique n°35 : Syrie : chronique d'un soulèvement détourné

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C'est un avec un grand plaisir que je vous annonce ma participation au prochain café stratégique de l'Alliance Géostratégique, le mardi 20 mai prochain à 19h, au café concorde, en tant qu'invité.

J'interviens aux côts de Joseph Bahout, enseignant et chercheur à Sciences-Po Paris, pour évoquer le conflit syrien. De mon côté, je m'attacherai en particulier à dresser le portrait de l'insurrection syrienne, en insistant sur la dimension militaire et en collant au plus près possible de la situation la plus récente -dans la poursuite de mon travail sur le sujet depuis le mois de septembre dernier.

Pour mémoire, vous pouvez trouver la liste de mes travaux, interviews radios et autres "rebonds" sur la toile sur cette page. Merci à vous si vous avez l'occasion de venir !

Mourir pour Assad ? Les combattants étrangers pro-régime en Syrie (2/2)

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Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.


Mise à jour 3-vendredi 9 mai 2014 : correction de nombreuses fautes + ajouts sur la Garde Nationaliste Arabe.

Mise à jour 2, vendredi 28 mars 2014 : quelques ajouts plus de nouveaux exemples comme la milice du PNSS.

Mise à jour 1 : dimanche 9 février 2014 : précisions sur les milices, rajouts de quelques exemples. 


Les miliciens étrangers



Le Hezbollah est coutumier de la formation, de l'entraînement et de l'encadrement de milices. Il l'avait déjà fait pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988) aux côtés des Gardiens de la Révolution iraniens. Le Hezbollah participe ainsi à la formation de Jaysh al-Shabi (puis des Forces Nationales de Défense), l'armée populaire liée à la structure de l'armée syrienne en pleine recomposition depuis le début de la guerre civile. Cette initiative prouve d'ailleurs que le régime syrien a su reconfigurer son armée pour faire face à une menace irrégulière et asymétrique, avec une milice formée sur le modèle de la Basij iranienne1. Dès le début 2012, Jaafar Athab, membre d'une milice irakienne pro-iranienne, Asa’ib Ahl al-Haq, est tué à Hama2. C'est le général Suleimani, le commandant de la force Qods, qui aurait donné l'ordre aux milices irakiennes pro-iraniennes, Asa’ib Ahl al-Haq et les Brigades du Hezbollah notamment, d'envoyer leurs combattants en Syrie dès 2012. Pour les Iraniens, le contrôle de la zone autour du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas, est essentiel : non seulement les rebelles pourraient encercler la capitale et assiéger l'aéroport international de Damas, mais en outre, comme on l'a dit plus haut, le pélerinage sert de couverture au transit des Gardiens de la Révolution et autres activités clandestines. Le plus grand hôtel de Sayyeda Zaynab, l'hôtel As-Safir de Damas, est possédé par la riche famille des Nahas, une famille chiite qui a des liens étroits avec le clan Assad. Le général Shafiq Fayyad, le cousin de Hafez el-Assad, a commandé la 3ème division blindée qui a joué un grand rôle dans la répression du soulèvement des Frères Musulmans en 1982 puis dans l'échec de la tentative de coup d'Etat de Rifaat, le frère de Hafez, en 1984. Or Fayyad a marié son fils dans la famille Nahas. On mesure combien, pour l'Iran, la Syre constitue la « 35ème province » du pays3.



Les premiers indices de la participation de miliciens chiites étrangers aux combats en Syrie commencent à filtrer à l'automne 2012, par des interviews avec ces combattants ou par le biais du gouvernement irakien4. La plupart de ces miliciens servent dans la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas. Leur nombre est difficile à évaluer mais un milicien irakien parlait déjà, en octobre 2012, de 200 Irakiens partis en Syrie, provenant de scissions du courant de Moqtada al-Sadr et de milices armées formées par l'Iran sous l'occupation américaine de l'Irak. L'organisation Badr, un mouvement politique créé par l'Iran dans les années 1980 pour combattre Saddam Hussein, annonce que le mouvement s'arme et s'équipe pour éventuellement participer au conflit. Début octobre 2012, Abou Hajeer, le chef de la brigade Liwa Abou Fadal al-Abbas, revendique déjà 500 combattants. Cette brigade rassemble plusieurs sous-unités dont certaines portent des noms importants de la religion chiite : brigade Ali Akbar, brigade al-Qasim, brigade Malik al-Ashtar. Au moins une unité est nommée d'après un des martyrs de la brigade (Ahmad Karaya). En Irak, l'organisation du recrutement de volontaires s'est accélérée à partir de la fin 2012 : des convois entiers de bus de pélerins transportent des combattants et des armes. En octobre 2012, le comité de recrutement de la province de Diyala, où l'affrontement entre chiites et sunnites irakiens est très vif (c'est un bastion de l'Etat Islamique en Irak), prétend avoir expédié 70 combattants en Syrie. Si la majorité des volontaires sont chiites, il y a aussi des sunnites et des Druzes. La plupart des combattants chiites irakiens sont motivés par le désir de prévenir, en Irak, le renouveau des violences sectaires de 2006, qui avaient coûté la vie à des centaines de chiites et de sunnites. Pour le moment, la plupart de ces milices restent basées en Irak, et expédient des combattants en Syrie : les groupes armés présents en Syrie ne cherchent pas, comme les factions rebelles, à contrôler des territoires syriens5.


  • Les groupes armés irakiens qui envoient des combattants en Syrie

La présence de miliciens chiites irakiens en Syrie commence à apparaître au grand jour entre janvier et mai 20136. En mars, les premières photos et notices de « martyrs » tués au combat apparaissent : les morts appartiennent à deux organisations, Asa’ib Ahl al-Haq (La ligue des Justes) et Kata’ib Hizballah (Les Brigades du Hezbollah). Pour le premier groupe, il n'y a pas eu d'annonces officielles, simplement des funérailles dans plusieurs villes irakiennes. Les Brigades du Hezbollah, au contraire, ont massivement diffusé sur le web (le premier martyr est Ahmed Mahdi Shuweili), même si les deux groupes n'indiquent jamais où les combattants ont été tués. Créés sous l'occupation américaine de l'Irak, ces deux groupes armés ont reçu une aide massive du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution iraniens. On peut donc considérer que ces deux milices sont de simples paravents du régime de Téhéran. Plus tard, certaines notices de martyrs prouvent d'ailleurs que les miliciens sont d'abord passés par l'Iran avant de gagner la Syrie ; leurs corps sont rapatriés via la frontière irako-iranienne. On apprend en outre que les combattants d'Asa’ib Ahl al-Haq servent en fait au sein de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas7. A partir du mois de mai, la confusion est grande dans l'identification des morts en raison de l'engagement massif du Hezbollah à al-Qusayr ; or certains membres du Hezbollah qui font partie de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas sont aussi tués près du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas.

Un grand nombre de chiites irakiens tués en Syrie appartient à la brigade Asa’ib Ahl al-Haq, qui a des liens étroits avec le Hezbollah8. Cette milice (qui comprend 2 à 3 000 hommes), formée en 2006 par une scission de l'Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr, avait combattu les Américains pendant l'occupation de l'Irak et avait notamment aidé à introduire les fameux IED « explosively formed penetrator ». Au vu du nombre de martyrs, c'est sans doute l'un des pourvoyeurs les plus importants. En juillet 2013, le groupe annonce que les combattants dépêchés en Syrie font partie d'une unité spéciale : Liwa Kafil Zaynab. Les vidéos du groupe insistent maintenant sur la coopération avec l'armée syrienne et le Hezbollah. Un ancien leader sadriste, Muhammad al-Tabatabai, qui fait peut-être partie de l'encadrement du groupe, est venu visiter les combattants en Syrie en juillet 20139. Le mouvement a des liens étroits avec l'Iran10.

Quant aux Brigades du Hezbollah (400 hommes d'élite), elles ont des liens étroits avec la force Qods des Gardiens de la Révolution iraniens : basées à Baghdad, elles font passer en contrebande et stockent des armes iraniennes en Irak. En décembre 2009, le groupe avait acquis une certaine notoriété en piratant un drone Predator américain. Jamal Jafar Muhammad, alias « l'Ingénieur », qui serait le chef de l'organisation, pourrait également être l'un des bras droits du général Suleimani, qui dirige la force Qods. Il aurait participé aux attentats de 1983 contre les ambassades américaine et française au Koweït, et à une tentative d'assassinat de l'émir du pays en 1985, à l'époque où l'Iran essayait d'empêcher le soutien occidental à l'Irak pendant le conflit contre ce pays11. Jaysh al-Mukhtar, une milice chiite formée le 4 février 2013, a été constituée par le secrétaire général des Brigades du Hezbollah en Irak. C'est un paravent pour l'envoi de combattants irakiens en Syrie12. Abu Karrar al-Hamidawi, un des cadres des Brigades du Hezbollah, a servi dans cette milice avant d'être tué en Syrie le 4 avril 2013. Asa’ib Ahl al-Haq et Kata’ib Hizballah sont incorporées dans le projet du président irakien Maliki de former une division spéciale, pour la protection de Bagdad, composée de miliciens chiites13.

Harakat Hizballah al-Nujaba est un groupe créé par les Brigades du Hezbollah et Asa’ib Ahl al-Haq pour acheminer les combattants en Syrie, et peut-être aussi par les Brigades du Jour Promis, la milice qui a succédé à Jaysh al-Mahdi de Moqtada al-Sadr. Il a formé, en plus de Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir, la principale milice, qui opère à Alep, et de Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba, qui elle est dans l'est de la Ghouta (voir plus loin), une autre milice, Liwa’a al-Hamad, à partir de juillet 2013. Le premier martyr n'apparaît que le 5 décembre. Il n'y a quelques vidéos qui montrent ce dernier groupe en action14.



Emblème de KSS-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled187.png?w=277&h=275



Autre milice irakienne qui intervient dans les combats en Syrie : Kata’ib Sayyid al-Shuhada (KSS : 200 hommes), présente au sud de Damas pour défendre le tombeau de Zaynab, et qui semble être surtout un réservoir de miliciens pour ce faire15. La première mention du groupe date du 14 avril 2013 : elle a porté plusieurs noms, Kata’ib Karbala et Kata’ib Abu Fadl al-Abbas, et a envoyé des combattants qui ont servi dans la brigade Abou Fadal al-Abbas. Certaines sources affirment que la milice serait issue de scissions des Brigades du Hezbollah, et que Abu Mustafa Sheibani, un des personages importants ayant participé à la création de ces groupes spéciaux soutenus par l'Iran en Irak, en serait le chef. Sheibani, qui a la double nationalité irakienne et iranienne, était connu en Irak pour diffuser les « explosively formed penetrator (EFP) roadside bombs ». Là encore, des corps de combattants tués en Syrie passent par la frontière Iran-Irak, révélant la source du financement important du groupe. Une seule vidéo, en juin 2013, mettait en scène la milice en Syrie. Au moins 4 de ses combattants ont été tués en Syrie ; le recrutement semble se faire notamment à Bassorah. Fin août 2013, le total des morts est porté à 8. Il est possible que cette milice soit la branche militaire en Syrie d'une organisation irakienne de Bassorah, le mouvement Sayyid al-Shuhada. A l'été 2013, elle prétend avoir envoyé 500 combattants en Syrie, qui serviraient, pour la plupart, dans l'est de la Ghouta, les zones rurales autour de Damas. L'organisation a peut-être, selon Philip Smyth, servi de paravent à l'organisation Badr irakienne. 8 combattants sont tués ou portés disparus dans l'est de la Ghouta à la fin août, au moment des fameuses attaques chimiques. A noter que sur les vidéos et photographies mises en ligne, les miliciens portent un emblème distinctif bien reconnaissable. Cette milice se distingue aussi des autres par le grand nombre de photos ou de vidéos mettant en scène des cadavres de rebelles, parfois mutilés. Dans son iconographie de propagande, elle montre seulement Khamenei et l'Ayatollah Muhammed Baqir Hakim, l'un des fondateurs de l'organisation Badr en Irak, ce qui renforcerait l'hypothèse des liens avec cette organisation16. Le 24 septembre 2013, la télévision syrienne annonce la mort du chef de KSS, Abu Layth, tué dans l'est de la Ghouta17.

 

En février 2013, Hadi al-Amiri, le chef de l'organisation Badr irakienne (liée à Téhéran), prend prétexte de la livraison d'armes de la Turquie et du Qatar à al-Qaïda comme déclaration de guerre aux rebelles syriens18. Au départ, l'organisation Badr est la milice du Conseil Suprême pour la Révolution Islamique en Irak, avant de s'en détacher et de se constituer comme formation politique. En 2006, elle aurait rassemblé 10 000 miliciens. Le groupe a reçu fonds, entraînement et armement de l'Iran, et ce même avant de devenir autonome. L'organisation durcit sa posture après le 20 mai 2013, jour où un attentat vise un bus de pélerins chiittes près de Tikrit, en Irak, ciblant peut-être des conseillers iraniens venant former des combattants de la milice. Le 17 juin, l'organisation Badr annonce la mort d'un premier milicien, Yasin Muhammed al-Zayn, qui aurait péri à Zaynab. Le 13 juillet 2013, elle annonce avoir déjà envoyé 1 500 combattants en Syrie. L'organisation pleurt ses morts qui appartiennent à une formation spéciale créée pour les besoins de la guerre syrienne, Quwet Shahid al-Sadr19. Le 28 juillet, après l'annonce de la mort d'un deuxième martyr, l'organisation Badr rebaptise cette force expéditionnaire Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, d'après le nom de l'ancien chef du mouvement Dawa en Irak. Sadr a joue un rôle important, comme clerc à Nadjaf, dans la formation de l'idéologie qui sera appliquée en Iran à partir de 1979 par Khomeini : il a été exécuté en 1980 par Saddam Hussein. Les miliciens utilisent plus fréquemment que les autres les versions du M-16 (dont la carabine M-4) dont certains équipés de lunettes de visée. Ils utilisent aussi ce qui est apparemment la copie iranienne du fusil anti-sniper Steyr HS. 5020.


Logo de l'organisation Badr.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled249.png?w=162&h=268



Al-Muqawama al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq, un groupe dirigé par Al-Muqawama al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq, serait basé à Nadjaf, en Irak. Le nom du groupe renvoie aux provocations du Hezbollah et à la capture de deux soldats israëliens qui avait entraîné la guerre contre Tsahal en 2006. On ne sait pas si le groupe a été créé à cette date ou plus tard, en 2010-2011. En août 2012, il annonce se tourner vers des projets civils, mais un an plus tard, il envoie ses premiers combattants en Syrie. La première vidéo ne date que de janvier 2014 mais a pu être tourné avant : on y voit une subdivision de la milice, Kata’ib Musa al-Khadhim-Sariyya ‘Ammar Ibn Yasir, attaquer un Humvee. Comme Harakat al-Nujaba, le groupe semble être un paravent iranien reconfiguré pour envoyer des combattants irakiens en Syrie. De manière intéressante, le groupe prétend combattre à Alep, où opère déjà Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir : cela confirme effectivement la présence remarquée de davantage de miliciens chiites dans le secteur en décembre 2013-janvier 201421.


  • Les milices irakiennes basées en Syrie :


La brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas (LAFA) est apparue à l'automne 2012 et confirme si besoin est que la guerre civile syrienne s'oriente vers un conflit de plus en plus sectaire22. L'organisation se fixe comme objectifs la défense du sanctuaire chiite de Sayida Zaynab et des populations chiites environnantes au sud de Damas. Elle réunit une minorité de combattants syriens et une majorité de combattants chiites étrangers. Dans l'esprit, elle reflète ce qu'ont pu être les brigades internationales pendant la guerre d'Espagne. Cependant, cette milice fait appel à de nombreux combattants de Asa’ib Ahl al-Haq ou des Brigades du Hezbollah, soutenues par l'Iran, a des uniformes, des armes flambant neuves, une structure de commandement et s'identifie avec le Hezbollah libanais. L'influence de l'Iran est évidente dans la structure de l'organisation. Le nom du groupe lui-même renvoie à la rupture historique entre les chiites et les sunnites, Abou Fadl al-Abbas étant un combattant chiite qui s'illustre à la bataille de Kerbala et qui était le porte-drapeau de l'imam Hussein. Une vidéo fameuse montre un combattant de la brigade hissant le drapeau de celle-ci sur le dôme doré du sanctuaire de Zaynab.


Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/05/untitled35.png?w=960


Le groupe armé rassemble à la fois des chiites irakiens, formés et armés par l'Iran, et des chiites libanais, dont des combattants du Hezbollah. Les uniformes et la tactique du tir semi-automatique, pour améliorer la précision et économiser les munitions, relieraient LAFA au mouvement libanais. Mais dès le mois d'août 2012, le Hezbollah était présent autour du sanctuaire de Zaynab : Hassan Selim Meqdad, capturé par les rebelles, est supposé être un cadre de l'organisation libanaise. Sous la torture, visiblement, il avait reconnu la présence de 250 hommes autour du site. En avril 2013, Haidar Haj Ali est tué en Syrie : on croit d'abord qu'il est de la LAFA, mais il appartient en réalité au Hezbollah, et il a manifestement péri près du sanctuaire de Zaynab. Les emblèmes utilisés par LAFA rapprochent celle-ci du Hezbollah, et, derrière, de l'Iran. On sait que la milice a un secrétaire général, comme le Hezbollah, Abou Ajeeb (qui vient du vilage de Nubl, près d'Alep) ; un autre chef important est Abou Hajar (il s'agit de noms de guerre). Des photos où l'on voit le groupe opérer avec des véhicules de police ou des équipements plus lourds de l'armée syrienne laissent penser que la milice est intégrée, d'une façon ou d'une autre, aux opérations des forces du régime. Equipée de technicals, de fusils de précision Dragunov, d'armes légères et même de pièces d'artillerie, LAFA semble opérer de manière efficace en combat urbain. On sait par ailleurs que LAFA est soutenu, près du tombeau de Zaynab, par les miliciens syriens23. Au total, la brigade LAFA comprendrait entre 500 et 1 500 hommes, selon les sources. LAFA ne défend pas seulement le tombeau de Zaynab : elle protège aussi d'autres sites considérés comme saint par les chiites. La tombe de Al-Sayyida Ruqayya, la fille d'Husayn bin Ali, est située dans la campagne autour d'Alep ; la tombe de Al-Sayyida Sakinah, une autre fille d'Husayn bin Ali, se situe elle dans le faubourg de Daraya, à Damas24. Liwa al-Taff, une force créée en mai 2013, et qui comprend plusieurs centaines de combattants répartis en au moins trois bataillons, appuie les opérations de LAFA25.


Le 5 juin 2013, le jour même de la victoire à al-Qusayr, une nouvelle milice chiite basée à Damas, Liwa’a Zulfiqar (LZ), apparaît sur Facebook26. En réalite, ce nouveau groupe est issu de LAFA, probablement dans l'intention d'agir sur le moral des rebelles en laissant croire qu'un véritable flot de combattants chiites afflue en Syrie pour aider le régime. La plupart des miliciens sont tirés de Liwa’a al-Yum al-Mawud -de Moqtada al-Sadr-, de Asa’ib Ahl al-Haq et des Brigades du Hezbollah. D'après une dépêche de Reuters datée du 19 juin, il se pourrait que LZ soit une création nouvelle suite à des combats ayant opposé les forces du régime syrien aux miliciens irakiens chiites eux-mêmes (!) à Damas ! Malgré tout, les miliciens chiites irakiens demeurent dépendants de l'armée syrienne pour obtenir le matériel lourd (blindés, artillerie, etc) nécessaire à certaines opérations. La création de LZ correspondant aussi à un changement d'emblème pour LAFA. Le nom de la nouvelle formation lui-même est symbolique : Zulfiqar est l'épée à deux pointes de Mahomet, que celui-ci aurait donnée à Ali sur son lit de mort, symbolisant pour les chiites la passation de pouvoir de l'un à l'autre. Les combattants de LZ se distinguent aussi par le port de tenues à camouflage désertique, contrairement à ceux de LAFA. Son commandant est Fadel Subhi, alias Abou Hajar, qui vient de LAFA. Il est tué à Deraa le 16 septembre 2013 et son corps est rapatrié à Nadjaf, en Irak. Abou Shahed, qui vient aussi de LAFA, a pris le relais27.


Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled236.png?w=300&h=225


Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir (LAIY) est le premier groupe composé de miliciens chiites irakiens à ne pas combattre au sanctuaire de Zaynab28. LAIY intervient dans la zone au nord d'Alep et dans la cité elle-même, ce qui tend à prouver que contrairement à ce que l'on pensait jusque là, les miliciens étrangers ne sont pas employés qu'à Damas ou dans de grandes offensives comme à al-Qusayr, mais aussi pour des opérations de combat urbain plus quotidiennes. Le groupe apparaît fin mai 2013 sur le web et le 4 juin procède aux funérailles très hautes en couleur de 7 combattants tués en Syrie. Le nom de l'unité lui-même est encore une fois très instructif : Ammar Ibn Yasir était l'un des compagnons d'Ali, connu pour sa loyauté. Sa tombe, à Raqqa, en Syrie, a été détruite par les insurgés après la prise de la ville en mars 2013. La milice met souvent en avant dans ses documents iconographiques Akram al-Kaabi, le chef d'une autre milice chiite, Asa’ib Ahl al-Haq, ce qui suggère qu'encore une fois, ce nouveau groupe n'est peut-être qu'un paravent d'une structure antérieure. En plus des 7 tués du 4 juin 2013, un autre mort est enterré le 3 juillet suivant. Sur Youtube, les vidéos sont postées sous un utilisateur appelé Brigades de l'Armée du Mahdi, une référence explicite à Moqtada al-Sadr, qui a été réticent à envoyer des combattants en Syrie et qui est en délicatesse avec le pouvoir iranien. La milice cherche probablement ainsi à se gagner les faveurs de volontaires irakiens supplémentaires. Sur les vidéos, on peut voir très nettement que les miliciens chiites irakiens arborent un brassard jaune : pour les insurgés, cela les identifie immédiatement comme combattants étrangers. Le Hezbollah avait distribué des brassards identiques pendant la bataille d'al-Qusayr et on sait que LAFA en porte aussi à Damas. En août 2013, LAIY avait déjà perdu 10 tués en Syrie29.


Logo de LAIY.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/07/untitled273.png?w=300&h=166


Le 23 juillet 2013 apparaît une nouvelle milice, Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba-Sariyya Shahid Ahmed Kayara (LIHM), qui combat dans les environs urbains et ruraux de Damas, et particulièrement au sud-est de la capitale, près de Shebaa. La milice porte le nom du deuxième imam chiite. Elle se singularise par la reconnaissance, en son sein, de plusieurs bataillons. Elle prétend en effet disposer d'une unité de mortiers, d'une autre de roquettes, et de plusieurs bataillons d'infanterie, dont une force d'intervention rapide, le bataillon Ashtar. La propagande de la milice colle moins aux Iraniens, ce qui serait peut-être une façon d'élargir le recrutement dans le monde chiite. Comme les autres milices, LIHM met en valeur, en particulier dans ses vidéos, les snipers30.

Fin septembre 2013, une autre milice se fait jour : Sariyya al-Tali’a al-Khurasani (STK), nommée d'après Abou Muslim al-Khurasani, un combattant du VIIIème siècle qui a contribué à la chute des Omeyyades. L'organisation prétend être basée à Erbil, au coeur du Kurdistan irakien : elle opère uniquement dans les zones rurales autour de Damas. La création officielle date du 8 octobre 2013. Comme les autres milices, elle met en avant la défense du tombeau de Zaynab et l'idéologie iranienne. L'organisation met en ligne de nombreuses photos et vidéos de ses combattants avec une insistance particulière sur des poses à côté du drapeau de la milice. Le logo est inspiré de celui des Gardiens de la Révolution. La milice ne semble pas recevoir de combattants d'autres groupes irakiens. Contrairement aux autres groupes également, elle donne rapidement le nom de son chef, Ali al-Yasiri. L'armement est semblable à celui des autres formations, le groupe utilisant aussi des mortiers légers. Comme l'organisation Badr, les photos montrent régulièrement des clercs chiites aux côtés des combattants31.


Logo de STK-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/10/untitled416.png?w=218&h=243



  • Les autres milices


Le nationalisme arabe, contrairement à ce que l'on pourrait croire, est loin d'être mort. Il est même encore présent dans de nombreux pays arabes d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les nationalistes arabes ont ainsi formé leur propre milice en soutien du régime syrien, la Garde Nationaliste Arabe32. Formée en avril 2013, celle-ci comprend 4 bataillons, dénommés Wadih Haddad (un chrétien palestinien, nationaliste arabe, membre du FPLP), Haydar al-Amali (un penseur nationaliste arabe libanais, mort en 2007), Mohamed Brahmi (un Tunisien fondateur du Mouvement Populaire Arabe Nationaliste et Socialiste, tué en juillet 2013 par les islamistes) et Jules Jammal (un chrétien syrien officier de la marine syrienne, passé au rang de héros pour avoir soi-disant coulé un navire français en 1956 pendant la crise de Suez).

L'idéologie du groupe rallie le discours du régime syrien, face aux intérêts sionistes, insiste sur la libération de la Palestine, vante les mérites de Nasser et ceux de la République Arabe Unie entre la Syrie et l'Egypte entre 1958 et 1961. Dans l'iconographie figurent aussi Hugo Chavez, le Hezbollah et Saddam Hussein. La Garde Nationaliste Arabe procède à des recrutements via des réseaux comme la Jeunesse Nationaliste Arabe, présente à Sidon au Liban, à Gaza et en Egypte. La milice comprend de nombreux combattants du monde arabe, dont des Irakiens et des Egyptiens. Elle collabore étroitement avec l'armée syrienne et se trouve dans les provinces de Damas, Homs, Alep et Deraa. Elle est surtout présente à Damas et aux alentours, et aurait pris part à l'offensive dans le Qalamoun en novembre 2013.

D'après Al-Akhbar, la Garde Nationaliste Arabe aurait été formée en mai 2013, après un raid aérien israëlien sur la Syrie (probablement un de ceux contre le matériel destiné au Hezbollah), et serait dirigée par un Libanais originaire de Jamal Amal, au sud du pays, Abu A’ed. Elle se compose à l'origine de membres de la Jeunesse Nationaliste Arabe. Abu A’ed a combattu en Irak contre les Américains. D'après le frère de ce dernier, c'est en collaboration avec l'armée syrienne que la Garde Nationaliste Arabe installe alors son camp sur le mont Qassioun, qui surplombe Damas. Le nombre de combattants, et particulièrement ceux recrutés en Egypte et en Palestine, aurait cru de manière importante au moment des menaces de frappes occidentales sur la Syrie, en septembre 2013, avant l'accord sur les armes chimiques du régime. La Garde Nationaliste Arabe collabore avec les réguliers syriens et les Forces Nationales de Défense : elle interviendrait dans les provinces de Damas, Deraa, Homs et Alep. Parmi les recrues, il y aussi des Irakiens, des Tunisiens, des Yéménites et même des Syriens. Le groupe est financé, entraîné, armé et encadré par le régime. L'effectif avoisinerait les 1 000 hommes et les pertes se monteraient au moins à 50 tués. La plupart des hommes ont entre 18 et 30 ans ; d'anciens officiers des armées égyptienne et irakienne, ou des groupes palestiniens, serviraient d'instructeurs et de conseillers pour les forces du régime. Ainsi le docteur Jamal, 36 ans, ancien officier de l'armée égyptienne. Il a quitté celle-ci après que le président Morsi ait soutenu l'insurrection syrienne et appelé à une intervention occidentale. Le premier tué du groupe, Ahmed Osman, appelé Abu Bakr al-Masri, est mort dans le Qalamoun en octobre 2013. La plus jeune recrue, Fidaa al-Iraqi, un Irakien de 16 ans, a été blessé lors de combats dans la province de Quneitra. Un jeune Libanais de 25 ans, qui lui a été blessé dans la province de Deraa, confirme que la Garde Nationalise Arabe combat aux côtés du Hezbollah et du Parti National Socialiste Syrien (voir ci-dessous). La Garde Nationaliste Arabe a aussi recruté 70 Syriennes qui assurent des tâches de sécurité. Dalal, une jeune femme de 22 ans originaire de Raqqa, a d'abord soutenu l'insurrection ; mais elle a été horrifiée par la mainmise des djihadistes sur Raqqa, puis par la décapitation d'un homme dans la province d'Idlib33.



Le Front Populaire de Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG), un paravent de la Syrie qui précède de longue date la guerre civile, a été lui aussi impliqué dans le conflit, et y a subi des pertes34. Depuis les années 1970, avec les prises d'otages dans les avions ou les attentats à la bombe, ce groupe aux tactiques innovantes est devenu une milice parmi d'autres au service du régime Assad. Fondé par Ahmad Jibril, le groupe réunissait des militants désireux de passer à l'action plutôt que d'ergoter sur le marxisme. Après la fin de la guerre froide, le FPLP-GC dépend étroitement de l'appui syrien. Il s'associe également avec l'Iran, proche allié du clan Assad. Jibril n'a de fait aucune idéologie : d'aucuns le décrivent comme un « révolutionnaire nihiliste ». Il faut dire que Jibril a servi dans l'armée syrienne, puis a fondé, en 1961, le Front de Libération de la Palestine (FLP). Le groupe est constitué de Palestiniens ayant servi eux aussi dans l'armée syrienne, et avec l'arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad, le groupe est étroitement lié à l'appareil militaire de Damas. D'ailleurs, pendant la guerre civile libanaise (1975-1990), le FPLP-GC participe à la « guerre des camps » contre l'OLP d'Arafat. La guerre civile syrienne est un choc car le groupe est attaqué sur tous les fronts : dans ses camps d'entraînement au Liban, dans les camps de réfugiés près de Beyrouth, et à son QG de Damas. Des scissions et des défections sont intervenues.

Le camp de réfugiés palestiniens du Yarmouk, au sud de Damas, créé dans les années 1950, est devenu un quartier à part entière. Ses 150 000 habitants sont même davantage des Syriens que des Palestiniens. Dès juin 2011, le QG du FPLP-GC à Yarmouk est incendié. La milice du groupe réagit et abat 14 personnes, en blesse 43 autres. En juillet 2012, 17 membres de l'Armée de Libération de la Palestine, une milice pro-Assad, sont kidnappés alors qu'ils se rendent à Alep, puis assassinés. La milice de 2 000 hommes du camp du Yarmouk commence alors à se déchirer. Dès le mois d'août, le FPLP-GC mène des opérations dans le camp avec l'armée syrienne, et crée une milice paravent pour ce faire, le Comité Populaire-Camp de Réfugiés du Yarmouk. Elle établit des checkpoints dans le camp et commence à subir des pertes face aux Palestiniens pro-insurrection et aux insurgés syriens : 3 tués le 7 septembre, un cadre, Adel Hasan, en octobre, tué dans un camp de réfugiés de la province de Deraa. Les Palestiniens pro-insurrection forment bientôt leur propre unité, Liwa al-Asifah (Brigade Tempête), armée par les insurgés syriens. Les attentats à la bombe dans le camp se multiplient dans les mois suivants. Les insurgés et les Palestiniens alliés visent en particulier les camps d'entraînement du FPLP-GC, comme Rihaniyya, pris en novembre 2012. En décembre, la pression est elle que Jibril quitte Damas, le mouvement étant chassé du camp Yarmouk. L'aviation syrienne commence dès lors à le pilonner. Les insurgés répliquent en assassinant le chef opérations du FPLP-GC, Madel Elian. Le site internet du groupe est également neutralisé à plusieurs reprises. Les pertes ont été lourdes dans les combats du Yarmouk ; Nidhal Alani, un des commandants les plus expérimentés, a été tué. En avril 2013, 6 combattants trouvent la mort dans une des nombreuses tentatives de réinfiltrer le camp.

Les scissions et défections ont été fréquentes depuis les débuts du FPLP-CG. Dès la guerre civile libanaise, le mouvement y répond avec la plus féroce violence. En 1977, Muhammad Zaydan part avec ses hommes, en désaccord avec le soutien apporté aux Syriens au Liban. Il fonde le Front de Libération de la Palestine. Un an plus tard, Jibril fait placer une bombe dans le QG du mouvement à Beyrouth, qui tue 200 personnes, dont l'essentiel des cadres du groupe. Le mort du fils de Jibril, Jihad, qui commandait les forces du FPLP-CG au Liban, en 2002, serait peut-être due à des querelles internes. En avril 2010, des affrontements armés éclatent dans un camp de la Bekaa après que Jibril ait limogé un chef local. Après l'implication du FPLP-CG aux côté du régime syrien en août 2012, le camp de Sabra, près de Beyrouth, se déchire. 6 membres du Comité Central du mouvement seraient partis en signe de protestation. Et même Khalid Jibril, le fils d'Ahmad, chef des unités spéciales du mouvement, aurait tenté de rejoindre Gaza en février 2013. Une scission, le FPLP-CL (Commandement Libre), combattrait même aux côtés des rebelles syriens.

Au Liban, en octobre 2012, le QG du FPLP-CG au camp de réfugiés de Ain al-Hilweh, à Sidon, est attaqué par des inconnus armés. En janvier et mars 2013, des sunnites pro-insurrection syrienne attaquent les bureaux du mouvement au même endroit. Le mouvement réplique en tirant des roquettes, en novembre 2012, sur des villages, puis en enlevant un chef sunnite important de la Bekaa, Shaykh Arfan al-Maarabouni. Le FPLP-CG, placé dans le Chouf et la Bekaa, peut lancer des roquettes sur le Liban et la Syrie. Pour conserver une certaine activité, le mouvement s'est rappoché de l'Iran depuis l'été 2012. Il faut dire aussi que l'encadrement vieillit : Jibril a plus de 70 ans, un des chefs historiques, Ibrahim Salama, est mort en mai 2013. La seule alternative pour cette coquille de plus en plus vide est de s'accrocher désespérement à ses soutiens, Syrie et au besoin, Iran.

Le Parti Social Nationaliste Syrien (PNSS) apporte aussi la contribution de sa branche militaire, que l'on reconnaît à l'emblème du zawba’a (typhon). Plus connu pour son activité au Liban, les cadres du PNSS ont été mobilisés dans les Forces Nationales de Défense et les comités populaires. Mais les indices se multiplient montrant que le PNSS opère de manière indépendante. Les éloges aux martyrs tombés au combat se multiplient, comme celui de Muhammad Ali Awad, un Libanais tombé au combat dans la province de Homs à la fin décembre 2013. Le rôle important du PNSS au Liban renforce encore l'intérêt d'une analyse de son implication en Syrie. Fondé en 1932 par un Grec orthodoxe juste à l'extérieur de Beyrouth, le PNSS défend une idéologie plutôt séculière et pan-syrienne, défendant l'idée d'une « Grande Syrie » qui par certains côtés emprunte beaucoup aux nationalismes européens. Il utilise un discours de « résistance » et d'anti-impérialisme, bien que ses détracteurs lui reprochent fréquemment de verser dans l'extrême-droite, voire le fascisme pur et simple. Bien qu'ayant un recrutement transconfessionnel, le PNSS semble aujourd'hui davantage s'activer pour armer les chrétiens face à une insurrection considérée comme dominée par les sunnites.

Malgré ses faibles moyens, la branche militaire du PNSS au Liban est connue pour ses actions éclairs et audacieuses. Le PNSS est ainsi à l'origine de l'introduction des attentats-suicides contre les Israëliens après l'invasion du Liban en 1982 et probablement responsable de la mort du président Bashir Gamayel. Le PNSS a combattu aux côtés du Hezbollah contre Israël, mobilisant encore pendant la guerre de l'été 2006. En mai 2008, ses éléments participent à la défaite des miliciens sunnites dans les rues de Beyrouth. Les sunnites répliquent d'ailleurs en tuant 11 membres de l'organisation à Hadra, puis en mutilant les cadavres. Le PNSS a également fait le coup de feu à Tripoli contre les sunnites radicaux qui prennent le parti des insurgés syriens, en mai 2012 puis en juin 2013. Les combattants du PNSS, essentiellement des Libanais et des Syriens, opèrent dans les provinces de Homs et de Damas, mais on les a vus aussi à Tartous, dans les provinces de Suweida et Deraa, et même récemment à Morek, dans la province de Hama35.


  • Les combattants ou formations « exotiques »


Si la majorité des combattants étrangers venus soutenir le régime Assad vient d'Irak et du Liban, et suit l'idéologie iranienne, d'autres ne viennent pas forcément de pays arabes avec de fortes minorités chiites36. Des rumeurs font ainsi état de la présence de combattants afghans, pakistanais et même d'un Africain de l'ouest du continent au sein de LAFA, la principale milice pro-iranienne. Dès la fin janvier 2013, les rumeurs s'accumulent sur la présence chiites afghans, peut-être issus de la minorité des Hazaras. Les rebelles en particulier s'ingénient à insister sur la présence d'Afghans et de Pakistanais, impossible à vérifier, d'autant que les éléments restent épars. Muhammed Suleiman al-Kuwni, dont la mort est annoncée par LAFA puis par l'Iran les 26-27 juillet 2013, serait un combattant venu de Côte-d'Ivoire, où vit un demi-million de musulmans chiites. On sait que le Hezbollah a développé un réseau de financement et même de recrutement dans ce pays, mais on ne peut là encore vérifier que ce combattant en est bien originaire.

Récemment, un journal afghan a affirmé, le 15 janvier 2014, que les Gardiens de la Révolution recruteraient effectivement parmi la communauté chiite afghane. Ils auraient expédié 120 hommes en Syrie rien que durant les deux derniers mois, dont 28 ont été tués et 8 blessés. Les morts ont été enterrés dans le cimetière iranien de Mashad et les blessés soignés dans un hôpital des Gardiens de la Révolution. D'après des vétérans eux-mêmes, les Gardiens recrutent parmi la communauté afghane réfugiée en Iran (2,5 millions de personnes) en promettant notamment la résidence permanente aux volontaires. Fin novembre, un journal lié aux Gardiens de la Révolution avait déjà annoncé la mort de 10 Afghans réfugiés en Syrie : deux des martyrs avaient été enterrés à Qoms, ce qui tend à prouver que les Gardiens fournissent une compensation financière aux familles des volontaires37.

Plusieurs centaines de combattants chiites pro-régime seraient aussi originaires de la péninsule arabique, notamment du Yémen. En juin 2013, un officiel irakien évoquait la mort de 9 Saoudiens, 8 Bahreinis et 6 Koweïtiens chiites morts au combat en défendant le sanctuaire de Zaynab, enterrés à Nadjaf. Le premier Saoudien tué en Syrie en combattant pour le régime serait Ahmad Adnan al-Qar'ush, de la région chiite d'al-Qatif. Il a combattu pour LAFA et a été tué en mai 2013. Les médias saoudiens rapportent quant à eux la présence, dans la région de Damas, de l'organisation terroriste saoudienne Hezbollah Hijaz. En août 2013, le journal arabe Al-Sharq Al-Awsat, basé au Royaume-Uni, affirme que des centaines de combattants chiites houthites, au Yémen, une insurrection soutenue par l'Iran, combattraient en Syrie. Le Yémen avançait déjà le chiffre de 200 houthites en mai 2013 et en juin, 6 d'entre eux auraient été tués dans la province de Deraa. Certaines photos postées sur Facebook laissent supposer que quelques Somaliens combattraient aussi dans les rangs de LAFA.

Début mars 2014, des hommes supposés venir des Etats-Unis combattant pour le régime syrien multiplient les vidéos les montrant sur le champ de bataille publiées sur Internet. « Wino », du gang Westside Armenian Power de Los Angeles, et « Creeper », du gang Surenos 13, lié à la mafia mexicaine. « Wino » s'appelle en fait Nerses Kilajyan ; selon les chercheurs américains, il est en Syrie depuis décembre 2012, comme l'indique son profil Facebook. Il se montre en photo avec plusieurs autres américains et combat manifestement sous le commandement du Hezbollah. Les motivations restent difficiles à expliquer : Nerses a peut-être des liens familiaux avec la Syrie, mais l'argent semble la motivation la plus pausible38. Surtout, il appartient peut-être à la minorité arménienne américaine, sans être citoyen américain lui-même ; or les chrétiens arméniens de Syrie ont pour partie rejoint les milices pro-régime39. Certaines vidéos ou photos semblent avoir été prises dans la région d'Alep.


  • Encadrement, caractéristiques et engagement des milices étrangères en Syrie :

Dans la presse et les médias, les volontaires irakiens sont souvent présentés comme désorganisés, mal entraînés40. En réalité, insister sur les volontaires fait partie d'un récit cherchant à regrouper l'effort irakien, en particulier parmi les chiites, derrière le bouclier iranien. Les volontaires constituent la majorité des recrues mais ils sont sélectionnés par les autorités syriennes et iraniennes et soumis à un entraînement sévère, notamment assuré par le Hezbollah. Sur le plan idéologique, les volontaires acquiescent au discours véhiculé en Iran. L'apparition des milices irakiennes à partir de mars 2013 permet de constater que les recrues viennent essentiellements des provinces de Bassorah, Maysan, Nadjaf et Bagdad.

L'entraînement des miliciens irakiens se ferait notamment en Iran, sous la direction des Gardiens de la Révolution. Il durerait deux semaines dans des camps de Sanandaj, une ville de l'ouest du pays. Les volontaires reçoivent 50 dollars par jour, soit 1 500 dollars par mois, en plus d'une prime de 12 000 dollars à l'engagement. En novembre 2013, la demande de combattants serait telle que le salaire moyen serait passé à 2 500 dollars41. Les Iraniens forment également plus longtemps certaines recrues dans des camps spéciaux tenus par la force Qods à Varamin. Les volontaires sont ensuite expédiés par groupes de 10 à 15 en avion à Damas. Une fois arrivé, après une rencontre avec les chefs de milices chiites, ils sont convoyés en bus. Les vétérans des combats en Irak ont parfois l'expérience des combats urbains et en rase campagne. Les milices chiites irakiennes emploient des fusils d'assaut AK-47 et dérivés, des mitrailleuses PKM, des fusils de précision et des RPG-7. Non seulement elles montent des checkpoints ou des positions défensives, des embuscades et des contre-embuscades, mais elles servent parfois, aussi, d'infanterie appoint pour les unités blindées/mécanisées syriennes. Elles manoeuvrent également leurs propres technicals. Les miliciens chiites insistent sur la manipulation de telle ou telle arme : cela fait partie de leur entraînement en Iran, où ils reçoivent une formation spécifique sur un armement donné pendant 45 jours. Les snipers, en particulier, sont mis en avant par LAFA, LAIY et LZ, avec des fusils d'assaut FAL ou Steyr SSG 69 à lunette, et des versions modifiées du Dragunov SVD. Les tireurs d'élite servent parfois au sein d'escouades ou de manière plus indépendante, en solitaire ou en binôme.

Depuis octobre 2013, Philip Smyth note, parmi les photos et vidéos de combattants des milices chiites, une présence plus important des armes anti-snipers42. Ces armes sont peut-être des copies iraniennes du Steyr HS. 50 de 12,7 mm, une arme qui porte jusqu'à 1 500 m. L'Iran en avait reçu 800 en 2007 (les Américais en ont retrouvé une centaine en Irak, et au moins un soldat a été tué par une telle arme), mais il est probable que les miliciens manipulent, de fait, des copies, le Sayad-243. Téhéran a pu en convoyer au régime syrien par avion ou celui-ci s'est « servi » lors de livraisons précédentes d'armes par l'Iran au Hezbollah, en tant qu'intermédiaire de transit. En Syrie, en plus du Hezbollah libanais, les milices alimentées par Harakat Hizballah al-Nujaba sont fréquemment vues avec cette arme. Cette augmentation des images de matériel anti-sniper est peut-être destinée à des fins de propagande ; l'arme est probablement devenue plus répandue avec la prolifération des milices chiites ; enfin, le régime a mené plusieurs offensives à l'automne qui ont pu conduire à davantage utiliser cet équipement.


Un membre de LAIY avec un fusil anti-sniper cal.50.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/12/untitled467.png?w=300&h=338


La question du nombre de miliciens, en particulier irakiens, qui participent aux combats en Syrie, est l'une des plus sensibles. Comme on l'a dit au début de cet article, certaines sources parlent de 3 500 à 4 000 hommes. En juin 2013, Philip Smyth faisant le décompte suivant : entre 800 et 2 000 combattants44. Dans un article du journal Elaph, basé à Londres, Viviane Aqiqi, qui écrit depuis Beyrouth, évoque le chiffre de 5 000 miliciens chiites irakiens déjà formés et expédiés en Syrie par les Gardiens de la Révolution : 500 pour As’ib Ahl al-Haq, 600 pour les Brigades du Hezbollah, 400 pour Kata’ib Sayyid al-Shuhada, 2 000 pour Liwa al-Youm al-Mawud, 200 pour Saraya Tala’i al-Khurasani, 300 pour Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, 500 pour Liwa Abul-Fadl al-Abbas et 150 pour les brigades de l'imam Hussein45. En juin 2013, Philip Smyth, d'après les notices des martyrs, avait établi qu'une à deux douzaines de combattants irakiens chiites étaient tués chaque mois en Syrie46. Les chiffres semblent cependant dérisoires face aux besoins militaires du régime : d'après une étude rebelle (à prendre avec précaution, mais qui recoupent certaines observations de spécialistes), Assad ne pourrait compter que sur à peine 40 000 hommes de l'ancienne armée régulière, et jusqu'à 45 000 miliciens, des Forces Nationales de Défense ou autres47. Ce qui est quasiment certain, c'est que les effectifs de l'armée syrienne, qui comptait plus de 300 000 hommes en 2011, sont tombés à 100 000, ou même un peu moins, aujourd'hui. D'où le recours aux miliciens, regroupés en 2013 sous l'ombrelle des Forces Nationales de Défense, mais qui n'alignent encore que 50 000 hommes. On voit l'importance des contingents étrangers, souvent rapidement disponibles et prêts à combattre, et qui ont souvent fait la décision là où ils sont intervenus (comme le Hezbollah à al-Qusayr)48. Il est fort probable qu'actuellement, sur le terrain, les étrangers pro-régime soient plus nombreux que les djihadistes étrangers de l'insurrection : en tout, depuis le début, il y a en eu peut-être 30 000, avec 8 000 présents simultanément selon un décompte récent, alors qu'en face, on peut aller jusqu'à 15 000 volontaires étrangers avec peut-être 6 000 présents simultanément sur le terrain Sur ces 8 000, on peut diviser en 3 000 du Hezbollah et 5 000 des autres formations49. Le centre d'informations israëlien Meir Amit, lui, parle en mars 2014 de 7 à 8 000 volontaires étrangers présents sur le terrain, dont plusieurs milliers du Hezbollah50. Il note aussi que sur 71 Irakiens tués en Syrie, la plupart viennent des faubourgs de Bagdad ou du sud de l'Irak. La plupart sont aussi des vétérans du combat contre Israël avec le Hezbollah ou contre les pays occidentaux en Irak. Sur les 4 à 5 000 combattants étrangers hors-Hezbollah, 2 à 3 000 opèreraient pour LAFA ou les groupes associés.

La plupart des combattants irakiens acceptent le concept révolutionnaire de l'Iran de Khamenei, le wilayat al-faqih, qui donne aux autorités islamiques de justice la souveraineté sur le peuple (concept qui n'est pas reconnu par le séminaire de Nadjaf en Irak). La religion chiite inclut aussi une forte dimension eschatologique : le retour du Mahdi est censé vaincre l'Antéchrist lors du Jugement Dernier. Le retour de l'imam caché est annoncé par un certain nombre de signes, dont l'irruption d'une armée impie venue de Damas, qui doit être défaite par le Mahdi. Pendant la bataille d'al-Qusayr, les chiites ont commencé à assimiler les rebelles sunnites à cette armée de tyrans, vus comme de nouveaux Omeyyades persécutant la famille du prophète. Dès juillet 2012, Yasser Habib, un prêcheur exalté qui officie depuis Londres, à appeler le Hezbollah à intervenir en Syrie pour protéger le sanctuaire de Sayyida Zaynab, fournissant ainsi une première justification. L'ayatollah Sistani de Nadjaf, très attaché à la tradition quiétiste de son école, n'a pas approuvé le départ de combattants chiites en Syrie. Le Hezbollah, dès l'été 2013, justifie son intervention en Syrie pour la défense des villages chiites menacés par les « mécréants » sunnites et pour la défense des lieux saints du chiisme51. Il serait intervenu en Syrie pour suivre un taklif shar’i, un ordre religieux impératif de l'ayatollah suprême iranien52.

Les milices pro-iraniennes sont en général de petites formations, comme on l'a vu, auxquelles on attribue des missions précises. Les volontaires irakiens, acheminés à l'aéroport de Damas ou à proximité, forment le noyau d'élite de groupes moins solides. Ces troupes d'élite, surtout celles liées au Hezbollah, sont ensuite employées au-delà de l'encadrement, du renseignement et de la formation. Elles contribuent à sécuriser l'aéroport de Damas dès janvier 2013, puis celui d'Alep. Elles deviennent ensuite des formations d'infanterie régulière avec armement lourd : artillerie, mortiers, véhicules blindés, chars. Les milices, après la victoire de Qusayr, sont surtout engagées à Homs et dans l'est de la Ghouta, de juin à septembre 2013. Certaines gardent les lignes de communication entre Damas et Suweyda. A la fin août et en septembre, elles sont même engagées à Deraa, au sud. Puis, en octobre, on les voit intervenir dans la reconquête de faubourgs de Damas, à l'ouest, à l'est et au sud53.

Les milices chiites irakiennes qui interviennent en Syrie ont par ailleurs appuyé la contre-offensive du régime irakien d'al-Maliki, un chiite, contre la province d'Anbar, après le soulèvement piloté par l'EIIL54. LZ, KSS et Asa’ib Ahl al-Haq ont publié des messages soutenant l'offensive du gouvernement irakien. Ces groupes tentent de se confondre avec les forces de sécurité et l'armée irakiennes, et de présenter l'armée irakienne comme une armée chiite, défendant des intérêts sectaires. Ils relient aussi leur engagement en Syrie au combat contre l'EIIL en Irak. Certaines milices auraient peut-être redéployé des combattants de Syrie vers la province d'Anbar.



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Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.





1Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
2Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
3Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
4Christopher Anzalone, « Zaynab’s Guardians: The Emergence of Shi`a Militias in Syria », CTC Sentinel jjuillet 2013 . Vol 6. Issue 7, p.16-21.
5Carl Yonker, Iran’s Shadow Warriors: Iraqi Shiʿi Militias Defending the Faithful in Syria and Iraq, Tel Aviv Notes, The Moshe Dayan Center, Volume 7, Number 23, 10 décembre 2013.
6Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 1 », Jihadology.net, 11 mai 2013.
7Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 2 », Jihadology.net, 17 mai 2013.
8Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 3 », Jihadology.net, 2 juin 2013.
9Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Asa’ib Ahl al-Haq’s Liwa’a Kafeel Zaynab », Jihadology.net, 14 août 2013.
11Thomas Strouse, « KATA’IB HEZBOLLAH AND THE INTRICATE WEB OF IRANIAN MILITARY INVOLVEMENT IN IRAQ », The Jamestown Foundation, Terrorism Monitor, VOLUME VIII, ISSUE 9, H 5, 5 mars 2010.
12Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
14Philip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a al-Hamad: Harakat al-Nujaba’s Latest Shia Militia in Syria », Jihadology.net, 21 décembre 2013.
15Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Kata’ib Sayyid al-Shuhada: Another Supplier of Iraqi Shia Fighters in Syria », Jihadology.net, 3 juin 2013.
16Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Kata’ib Sayyid al-Shuhada Emerges: Updates on the New Iraqi Shia Militia Supplying Fighters to Syria », Jihadology.net, 9 septembre 2013.
17Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
18Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Breaking Badr: Is Iraq’s Badr Organization Operating In Syria? », Jihadology.net, 25 juin 2013.
19Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Breaking Badr, The New Season: Confirmation of the Badr Organization’s Involvement in Syria », Jihadology.net, 12 août 2013.
20Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Badr Organization’s Syrian Expeditionary Force: Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr », Jihadology.net, 18 octobre 2013.
21Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Faylak Wa’ad al-Sadiq: The Repackaging of an Iraqi “Special Group” for Syria », Jihadology.net, 13 janvier 2014.
22Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: What is the Liwa’a Abu Fadl al-Abbas (LAFA)?: Assessing Syria’s Shia “International Brigade” Through Their Social Media Presence », Jihadology.net, 15 mai 2013.
23Hezbollah Involvement in the Syrian Civil War, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 17 juin 2013.
24Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
25Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
26Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a Zulfiqar: Birth of A New Shia Militia in Syria? », Jihadology.net, 20 juin 2013.
27Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
28Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir: A New Shia Militia Operating In Aleppo, Syria », Jihadology.net, 20 juillet 2013.
29Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
30Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba: A Shia Militia Fighting in Rif Dimashq/Ghouta », Jihadology.net, 5 octobre 2013.
31Phillip Smyth , « Hizballah Cavalcade: Sariyya al-Tali’a al-Khurasani: A New Combat-Tested Shia Militia in Syria », Jihadology.net, 29 octobre 2013.
32Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Arab Nationalist Guard: A Pro-Assad Militia », Brown Moses Blog, 1er janvier 2014.
33Rana Harbi, « Arab nationalists take up arms in the battle for Syria », Al-Akhbar English, 5 mai 2014.
34Phillip Smyth, « THE POPULAR FRONT FOR THE LIBERATION OF PALESTINE-GENERAL COMMAND (PFLP-GC) AND THE SYRIAN CIVIL WAR », Middle East Review of International Affairs, Vol. 17, No. 2 (Eté 2013), p.55-72.
35Chris Zambelis, « Assad's Hurricane: A Profile of the Paramilitary Wing of the Syrian Social Nationalist Party », Terrorism Monitor Volume: 12 Issue: 6, The Jamestown Foundation, 20 mars 2014.
36Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Lion of Damascus, and Afghans, and Africans! Oh My!: Fighters From Exotic Locales In Syria’s Shia Militias », Jihadology.net, 30 juillet 2013.
40Phillip Smyth, « From Karbala to Sayyida Zaynab: Iraqi Fighters in Syria’s Shi`a Militias », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.28-32.
41Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
42Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Khamenei’s Cannon: .50 Caliber Anti-Material Rifles & Shia Fighters in Syria », Jihadology.net, 24 décembre 2013.
44Michael Knights, « Iran's Foreign Legion: The Role of Iraqi Shiite Militias in Syria », PolicyWatch 2096, The Washington Institute, 27 juin 2013.
46Michael Knights, « Iran's Foreign Legion: The Role of Iraqi Shiite Militias in Syria », PolicyWatch 2096, The Washington Institute, 27 juin 2013.
48Jeffrey White, «  Assad's Indispensable Foreign Legions », PolicyWatch 2196, The Washington Institute, 22 janvier 2014.
49« Shiite Foreign Fighters in Syria: Facts, Narratives and Regional Impact », NGC Blog, 24 janvier 2014.
50Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
51« Shiite Foreign Fighters in Syria: Facts, Narratives and Regional Impact », NGC Blog, 24 janvier 2014.
52Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
53Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
54Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Selling Sectarianism: Shia Islamist Groups & Maliki’s Anbar Offensive », Jihadology.net, 3 février 2014.

Pas trop tôt ? Les enjeux de la livraison de missiles TOW aux rebelles syriens

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Le 1er avril 2014, une vidéo postée sur Youtube montre un groupe armé rebelle syrien utilisant un lance-missile antichar américain TOW. Une autre vidéo, datée du 5 avril, montre des combattants du groupe Harakat Hazm tirant au missile TOW sur un char installé dans une position fixe près du village de Heesh, au nord de la province d'Idlib1. La livraison de missiles TOW par les Etats-Unis marque un changement notable : jusqu'ici, Washington s'était montrée réticente à fournir aux insurgés des armes antichars et antiaériennes (missiles sol-air portables) performantes, de peur que ces armes ne tombent entre de mauvaises mains. Cette « première » survient alors que les Etats-Unis avaient annoncé, dès le mois de mars, leur intention de livrer, éventuellement, des armes plus sophistiquées à l'insurrection syrienne2.





Des missiles TOW pour l'insurrection syrienne... à petite dose


Les missiles TOW ont probablement été livrés, en réalité, depuis les stocks de l'Arabie Saoudite qui les a elle-même acquis des Américains. Selon certaines sources, ce seraient 50 lanceurs TOW qui auraient été fournis au groupe Harakat Hazm (!), un chiffre bien élevé qui correspond plutôt, sans doute, au nombre de missiles fournis (plus de 20 missiles selon une autre déclaration du groupe3), à titre d'essai. La version du TOW qui a été livrée est ancienne, filoguidée, alors que l'armée américaine utilise encore une version plus moderne du TOW à guidage infrarouge ; l'Iran a copié la version première sous le nom de Toophan. La copie iranienne a également été cédée au Hezbollah. Mais les forces pro-régime en Syrie n'ont manifestement pas utilisé ce matériel. Bien qu'encombrant, le système TOW est facile à utiliser et à entretenir, avec un pourcentage normalement très élevé de coups au but4. Le système Semi-Automatic Command to Line-Of-Sight (SACLOS) implique par contre que le tireur garde la cible en vue jusqu'à l'impact du missile. La version observée en Syrie, le TOW-2A, a été la première du système à être dotée de charges tandem, conçues pour pénétrer les blindages réactifs disposés sur les chars. Le TOW a une portée de 3,750 km et peut percer jusqu'à 900 mm de blindage. D'après les vidéos mises en ligne par les insurgés syriens, il apparaît que les missiles TOW présents sur place ont probablement été fabriqués entre 1990 et 1997, par Hugues Aircraft, compagnie rachetée ensuite par Raytheon qui produit les missiles TOW, ce qui confirme l'origine américaine des missiles5.





Le Pentagone avait approuvé la vente de 13 935 missiles TOW (pour un montant de 900 millions à 1 milliard de dollars) à l'Arabie Saoudite en décembre 20136, alors que la CIA développe en parallèle un programme d'entraînement et de ravitaillement de rebelles « triés sur le volet », tout en améliorant leur coordination avec les soutiens extérieurs. L'événement confirme en tout cas que les Etats-Unis revoient quelque peu leur stratégie : devant l'affrontement entre rebelles, contre l'EIIL, depuis le mois de janvier, devant un régime syrien qui s'est repris depuis le printemps dernier grâce à des soutiens extérieurs de plus en plus impliqués sur le terrain (Hezbollah, Iran), devant l'échec des négociations de Genève II et une Russie qui continue à fournir des armes à Bachar el-Assad sans discontinuer, Washington semble progressivement prendre une place importante dans la fourniture d'armes et la direction du soutien aux insurgés -répondant ainsi aux critiques de l'Arabie Saoudite depuis l'été 2013, et faisant pression sur d'autres pays du Golfe, comme le Qatar, pour que cesse le financement de formations rebelles djihadistes, en particulier7. La CIA chapeauterait un programme d'entraînement et d'encadrement des rebelles en Jordanie, à Amman. Pour éviter la déconvenue du printemps 2013, où les armes fournies via l'Arabie Saoudite depuis la Croatie avaient fini par atterrir entre les mains du front al-Nosra, les Américains auraient exigé du groupe Harakat Hazm de renvoyer les caisses de missiles tirés pour vérifier l'utilisation de chaque munition8. Pour accroître les capacités de l'insurrection, Ahmad Jarba, le président de la Coalition Nationale Syrienne, a encore récemment demandé aux Américains la livraison de lance-missiles sol-air portables pour éliminer la menace posée par l'aviation syrienne. Les Etats-Unis n'ont toujours pas acquiescé, même si certaines sources affirment que des SA-7, en provenance de Libye, seraient en train d'être acheminés sur le champ de bataille syrien9.

Image extraite de la première vidéo mise en ligne par Harakat Hazm, le 1er avril 2014.-Source : http://www.janes.com/images/assets/499/36499/1526028_-_main.jpg

Marquages américains sur un tube de missile TOW.-Source : http://www.armamentresearch.com/wp-content/uploads/2014/04/TOW_5.jpg


Au 9 mai 2014, ce sont en tout 9 groupes armés de l'insurrection qui ont publié images et vidéos montrant qu'ils utilisent ou possèdent le missile TOW10. La plupart utilisent le label « Armée Syrienne Libre » et reconnaissent l'autorité du Conseil Militaire Suprême. Jusqu'à présent, les missiles ont été utilisés dans cinq provinces : Idlib, Alep Homs, Deraa et Lattaquié. Harakat Hazm a été le premier groupe à dévoiler l'usage de missiles TOW. Les bataillons Ahmad Al-Abdo, qui se rattachent à l'ASL, opèrent dans la région du Qalamoun, entre Damas et le Liban. La 13ème division de l'ASL est située dans le sud de la province d'Idlib : elle poste ses premières vidéos de tir au missile TOW le 12 mai. La brigade Omari appartient au Front des Révolutionnaires Syriens de Jamal Maarouf, basé à Idlib, mais elle opère quant à elle au sud, dans la province de Deraa. La brigade Yarmouk de Zoubi, qui pilote la récente coalition baptisée Front Sud, combat également à Deraa. Liwa al-Aadiyat est la seule formation à se trouver dans la campagne de la province de Lattaquié (c'est une ancienne unité des brigades Ahfad al-Rasoul, voir plus loin) : ses combattants ont probablement été sélectionnés et entraînés au Qatar. Liwa Fursan Al-Haq utilise le « label » ASL et se trouve dans la province d'Idlib : elle a été fondée par le Qatar. Le 101ème groupe d'infanterie, une autre faction d'armée d'Idlib de l'ASL, possède 3 missiles TOW qui n'ont pas encore été utilisés. Enfin, l'assemblée Suqour Al-Jabal, entraînée au Qatar, dispose également de 9 missiles TOW.








Harakat Hazm : un groupe armé rebelle pas comme les autres ?


Les TOW livrés à Harakat Hazm l'auraient été le 6 mars, via un convoi de 7 véhicules venus de la province d'Hatay, en Turquie, et qui serait passé via le Front Islamique jusqu'à la province d'Idlib11. Abdullah Awda, le chef militaire du groupe armé Harakat Hazm qui a reçu les missiles TOW, a été choisi parce que sa formation est censée être « modérée »12, et en raison de sa discipline13. Harakat Hazm opère dans le nord de la province d'Idlib. Awda confirme par ailleurs que la livraison, qui s'est faite par l'intermédiaire des pays du Golfe, a bien reçu l'approbation des Etats-Unis. Awda est l'un des premiers officiers de l'armée syrienne à avoir fait défection en juin 2011. Il a combattu dans les rangs de Farouq al-Shamal14. Il plaide pour un Etat démocratique en Syrie et s'est forgé une réputation de combattant éprouvé et surtout d'honnêteté, ce qui contraste avec le tableau de pillards que l'on attribue souvent aux unités estampillées « Armée Syrienne Libre ». Awda s'est séparé du Front des Révolutionnaires Syriens de Jamal Maarouf, créé en décembre 2013, pour former Harakat Hazm en janvier 2014. Ce groupe compterait 5 000 combattants ; la solde, payée par les soutiens extérieurs, est de 100 dollars par mois. Awda précise aussi que 150 de ses hommes sont partis recevoir un entraînement au Qatar. Harakat Hazm ferait partie d'un ensemble de 6 groupes armés choisis par les Américains pour tester l'envoi des missiles TOW. Manifestement la fourniture des missiles a gonflé le recrutement du groupe15. Awda se revendique d'une ligne « nationaliste », sans affiliation politique ; son but est d'abord de renverser le régime de Bachar el-Assad, et selon lui, c'est au peuple syrien de décider ensuite ce qu'il veut. Mais s'il souhaite une démocratie, il veut également qu'elle s'inspire de l'islam. Par ailleurs, il explique qu'il n'a pas d'animosité particulière, pour l'instant, contre le front al-Nosra, dont l'objectif premier reste aussi de renverser le régime16.

Annonce officielle du groupe Harakat Hazm, dont on voit l'emblème sur le drapeau derrière le général Idriss, alors chef du Conseil Militaire Suprême, au centre.-Source : http://images.teinteresa.es/mundo/Harakat-Jazm-Movimiento-Firmeza_TINIMA20140428_0105_5.jpg


On peut s'étonner que ce soit un groupe relativement secondaire, limité à une région précise de la Syrie et ne faisant pas partie d'une coalition plus vaste, comme le Front des Révolutionnaires Syriens, qui ait reçu la première livraison de missiles TOW. Harakat Hazm a été créé officiellement le 25 janvier 2014, par fusion de 12 formations plus petites : Salim Idriss, alors encore le chef du Conseil Militaire Suprême, la structure créée en décembre 2012 pour répartir les armes fournies par les soutiens extérieurs et coordonner l'action des groupes armés, est venu en personne appuyer la naissance de cette formation, ce qui est plutôt rare (on verra pourquoi plus loin). Après l'éviction d'Idriss à la tête du Conseil Militaire Suprême le 16 février 2014, Harakat Hazm a continué discrètement à le soutenir17. Harakat Hazm est en fait le noyau de cette structure parallèle au Conseil Militaire Suprême qui rassemble les fidèles d'Idriss18. Par ailleurs, le groupe, en plus d'avoir reçu des lance-missiles antichars TOW, a également mis en ligne des vidéos où on le voit manipuler des lance-missiles sol-air portables SA-1619. Harakat Hazm s'est bâti, sur l'essentiel, à partir des survivants des défunts bataillons Farouq, une des formations les plus puissantes du « label » ASL jusqu'au début 201320, et qui s'est délitée depuis. Il comprend une division nord (provinces de Alep, Idlib et Hama) et une division Sud (provinces de Homs, Rif Dishmaq, ville de Damas, Deraa). Le groupe comprendrait des unités spécialisées : une manipulant les blindés de prise, une autre dite de forces spéciales, et même une unité anti-aérienne (avec SA-16, donc)21.




Pour comprendre pourquoi les Etats-Unis ont fait livrer des missiles TOW à Harakat Hazm, il faut revenir sur la réorganisation au sein de l'opposition extérieure et parmi les groupes armés rebelles depuis l'automne 2013.


Maarouf, Idriss, l'Arabie Saoudite, les Etats-Unis : comment soutenir au mieux l'insurrection syrienne ?


Le Front des Révolutionnaires Syriens est né le 9 décembre 2013, par la réunion de 14 groupes armés22. Parmi ceux figuraient deux unités des bataillons Farouq, dont Farouq al-Shamal, celle qui a ensuite servi de noyau à Harakat Hazm. Au coeur de ce nouveau front, on trouve la brigade des Martyrs de Jamal Maarouf, qui a été pour un temps très puissante dans la province d'Idlib, grâce à l'appui saoudien. Mais, accusé de détourner l'aide pour son propre compte plutôt que de combattre le régime, Maarouf s'était vu plus ou moins couper les vivres par les Saoudiens au début 2013. Maarouf était aussi l'un des grands rivaux, dans la province, du groupe Suqour al-Sham, qui a rejoint en novembre 2013 une autre coalition nouvelle, le Front Islamique, devenue alors, sur le papier, la plus puissante de l'insurrection. Le Front des Révolutionnaires Syriens est considérable dans la province d'Idlib, mais il a la capacité de s'étendre au-delà. Il n'a pas vraiment de ligne idéologique claire, mais une cohérence plutôt géographique et un but négatif, à savoir la détestation des islamistes et en particulier de ceux du Front Islamique. Le Front des Révolutionnaires Syriens se revendique du Conseil Militaire Suprême d'Idriss et il est reconnu par la Coalition Nationale Syrienne quasiment immédiatement. Il est donc probablement formé pour redonner vie à la branche armée de l'opposition politique extérieure : sa création survient à peine trois jours après la capture, par le Front Islamique, des dépôts d'armes de Bab-el-Hawa, à la frontière turque. Or le Front Islamique prétend être intervenu à la demande d'Idriss, le chef du Conseil Militaire Suprême, qui a confirmé ensuite cette version -pour éviter que les dépôts ne soient saisis par un autre groupe, dont on n'est pas vraiment sûr de l'identité : était-ce l'EIIL, le front al-Nosra, ou bien, comme le prétendent certaines sources, le Front des Révolutionnaires Syriens lui-même23 ?

Un des emblèmes utilisés par le Front des Révolutionnaires Syriens.-Source : https://pbs.twimg.com/media/BbX1QZmCMAA11gw.png


Jamal Maarouf, le chef du Front des Révolutionnaires Syriens.-Source : http://i.telegraph.co.uk/multimedia/archive/02857/Wintercross-Maarou_2857355b.jpg


A partir du 3 janvier 2014, le Front des Révolutionnaires Syriens est en pointe dans le combat contre l'EIIL, à Idlib, Hama, Alep, aux côtés de l'Armée des Moudjahidine24, une coalition formée le jour même et qui rassemble des islamistes très variés de la province d'Alep, motivés par la lutte anti-EIIL et une proximité géographique25. Le 16 février, le général Idriss est démis de la direction du Conseil Militaire Suprême et remplacé par le général AbdulIlah al-Bashir al-Noeimi, un officier qui a fait défection de l'armée syrienne en juillet 2012 et qui dirige le conseil militaire pour la province de Quneitra26. Quneitra, au sud-ouest de la Syrie, n'est pas parmi les fronts les plus importants pour les rebelles, mais une offensive de grande ampleur y prend place depuis le 1er février 2014, largement financée par les soutiens extérieurs de l'insurrection. Il s'agit aussi pour ces derniers de réorganiser les rebelles au sud du pays pour promouvoir les « modérés », en profitant de l'éclatement des brigades Ahfad al-Rasoul, un groupe assez important resté indépendant jusque là et financé par le Qatar27. Le nouveau Front Sud, créé à la mi-février 2014 par réunion d'une cinquantaine de factions armées, comprend ainsi la brigade Yarmouk de Zoubi, une des factions les plus puissantes de la province de Deraa, qui reconnaît le Conseil Militaire Suprême ; mais aussi des unités du Front des Révolutionnaires Syriens qui a absorbé des restes des brigades Ahfad al-Rasoul, comme la brigade Omari, une des premières unités au « label » ASL en 201128. Ce Front du Sud, à la ligne idéologique et à l'organisation peu élaborées, semble en réalité avoir été créé pour servir d'ombrelle de façade aux groupes qui ont bénéficié, au sud de la Syrie, d'un apport d'argent frais et de quelques armes (dont des missiles antichars) fournies par les Saoudiens et les Américains : ceux-ci ont probablement exigé, de fait, une « déclaration d'intention » pour confirmer que le soutien se destinait bien à des « modérés ».

Bashar al-Zoubi et le logo de la brigade Yarmouk.-Source : http://the-arab-chronicle.com/wp-content/uploads/2014/02/bashar-al-zoubi.png


Ahmad Jarba, le président de la Coalition Nationale Syrienne depuis novembre 2013.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Sheikh_Ahmad_al-Assi_al-Jarba.jpg


Le général Idriss est donc victime d'une réorganisation à la fois de l'opposition politique extérieure, avec l'élection de Jarba comme président de la Coalition Nationale Syrienne en novembre 2013, et des groupes armés pouvant servir de base militaire à celle-ci, avec la formation du Front des Révolutionnaires Syriens, notamment, en décembre 2013 -le tout largement appuyé par l'Arabie Saoudite29. Mais la plupart des membres de l'état-major du Conseil Militaire Suprême ont pris parti pour Idriss contre cette manoeuvre. Une tentative de réconciliation entre les deux camps début mars 2014 échoue, Jarba recevant même trois coups en plein visage de la part de ses adversaires. Derrière la querelle de personnes, cet affrontement reflète peut-être aussi celui entre le Qatar et l'Arabie Saoudite. On a dit que Jarba, Mustafa, et Maarouf, le patron du Front des Révolutionnaires Syriens, étaient appuyés par les Saoudiens ; or Idriss a toujours été considéré comme proche du Qatar, où il se trouvait d'ailleurs quand est survenue l'annonce de son limogeage, le 16 février. Ceci dit, il semble plus vraisemblable que les considérations politiques proprement syriennes aient précipité cet affrontement30. Bashir, le remplaçant d'Idriss, assez « transparent » au début de la querelle, s'est depuis affirmé : il a été photographié à Alep aux côtés de la brigade al-Tawhid, du Front Islamique (qui a pourtant coupé les ponts officiellement avec l'ASL), et sur le front de Lattaquié, où une offensive a été lancée fin mars, mais là encore, le Conseil Militaire Suprême n'y a pas joué un grand rôle31. La Coalition Nationale Syrienne a désigné un nouvel état-major pour le Conseil Militaire Suprême et coordonne largement ses actions avec le Front des Révolutionnaires Syriens, qui passe maintenant pour la principale formation anti-djihadiste32 depuis janvier 201433. Le colonel Heitham Afeisi, l'adjoint d'al-Bahsir, est l'un des fondateurs du Front des Révolutionnaires Syriens. Celui-ci avait été outré qu'Idriss prenne la défense du Front Islamique au moment de la saisie des dépôts de Bab el-Hawa -des combats avaient éclaté entre le Front Islamique et le Front des Révolutionnaires Syriens, en décembre 2013, avant qu'une trêve ne soit conclue et que les deux coalitions participent au combat anti-EIIL en janvier 2014. C'est pourquoi Idriss aurait favorisé, en janvier 2014, la création de Harakat Hazm, vu comme un contrepoids au Front des Révolutionnaires Syriens soutenu par ses adversaires. L'éviction d'Idriss se serait faite sur forte pression de l'Arabie Saoudite et de ses protégés du Front des Révolutionnaires Syriens (Maarouf) et de la Coalition Nationale Syrienne (le président Jarba, le ministre de la Défense Mustafa). Le Front Islamique, et notamment Ahrar al-Sham, n'aurait pas approuvé le limogeage d'Idriss (sauf les brigades al-Haqq de Homs), et celui-ci aurait également été soutenu par les Américains34. Le soutien américain à Harakat Hazm, et dans une moindre mesure, donc, au Front des Révolutionnaires Syriens, doit aussi peut-être se lire à l'aune d'une volonté de contrer l'influence de l'Arabie Saoudite depuis septembre 2013. Il s'agit pour les Etats-Unis, également, de faire en sorte que les armes livrées ne tombent pas entre n'importe quelles mains (et de contrôler quelles armes sont livrées aux rebelles).


Pour en savoir plus :


Karen DeYoung, « Syrian opposition fighters obtain U.S.-made TOW antitank missiles », The Washington Post, 16 avril 2014.

Thomas Gibbons-Neff, « The Big Weapons that the U.S. May Be Secretly Supplying to the Syrian Rebels », The Daily Beast, 25 avril 2014.

Shane Harris, « Check Out the Syrian Rebels' Insane New Missile Launcher », Foreign Policy, 7 avril 2014.

Charles Lister, « Syrian insurgents acquire TOW missiles », IHS Jane's Defence Weekly, 7 avril 2014.

Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.

Aron Lund, « The Non-State Militant Landscape in Syria », CTC Sentinel, August 2013, SPECIAL ISSUE. Vol 6 . Issue 8, p.23-28.

Aron Lund, « The Syria Revolutionaries’ Front », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 13 décembre 2013.

Aron Lund, « A Confused Situation in Northern Syria », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 décembre 2013.

Aron Lund, « Pushing Back Against the Islamic State of Iraq and the Levant: The Syria Revolutionaries’ Front and the Mujahideen Army », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 7 janvier 2014.

Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Aron Lund, « Syria’s Southern Spring Offensive », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Aron Lund, « Does the “Southern Front” Exist? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 21 mars 2014.

Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Institutional Split », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 25 mars 2014.

Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Failed Reconciliation », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 26 mars 2014.

Aron Lund, « A New Free Syrian Army Leadership », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 4 avril 2014.

Terri Rupar, « Nine questions for the Syrian rebel commander entrusted with the first U.S. missiles of the war », The Washington Post, 28 avril 2014.

Liz Sly, « Syrian rebels who received first U.S. missiles of war see shipment as ‘an important first step’ », The Washington Post, 28 avril 2014. 

Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.

1Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
2Shane Harris, « Check Out the Syrian Rebels' Insane New Missile Launcher », Foreign Policy, 7 avril 2014.
4Thomas Gibbons-Neff, « The Big Weapons that the U.S. May Be Secretly Supplying to the Syrian Rebels », The Daily Beast, 25 avril 2014.
6Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
7Karen DeYoung, « Syrian opposition fighters obtain U.S.-made TOW antitank missiles », The Washington Post, 16 avril 2014.
11Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
12Jeffrey White en fait une formation « modèle » pour la livraison d'armes à destination des insurgés syriens : Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.
13Avant de publier les vidéos de missiles TOW en action, Harakat Hazm avait participé à une offensive dans le sud de la province d'Idlib, et contribué à lever le siège du régime sur la ville de Khan Sheikhoun, située sur l'autoroute stratégique entre Damas et Alep : http://warontherocks.com/2014/04/is-this-the-first-hard-evidence-that-obama-has-started-arming-syrian-rebels/
14Pour Thomas Pierret, le fait que Awda soit un ancien membre des bataillons Farouq, qui avaient des liens étroits avec la Turquie, indiquerait que ce pays a joué un rôle dans le transfert des missiles ; Cf les commentaires ici : http://spioenkop.blogspot.fr/2014/04/a-new-weapon-on-syrian-battlefield-bgm.html
15 Liz Sly, « Syrian rebels who received first U.S. missiles of war see shipment as ‘an important first step’ », The Washington Post, 28 avril 2014.
16Terri Rupar, « Nine questions for the Syrian rebel commander entrusted with the first U.S. missiles of the war », The Washington Post, 28 avril 2014.
17Charles Lister, « Syrian insurgents acquire TOW missiles », IHS Jane's Defence Weekly, 7 avril 2014.
18Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
20Aron Lund, « The Non-State Militant Landscape in Syria », CTC Sentinel, August 2013, SPECIAL ISSUE. Vol 6 . Issue 8, p.23-28.
21Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.
22Aron Lund, « The Syria Revolutionaries’ Front », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 13 décembre 2013.
23Aron Lund, « A Confused Situation in Northern Syria », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 décembre 2013.
24Sur cette formation, lire le billet d'Aron Lund : http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=55275
25Aron Lund, « Pushing Back Against the Islamic State of Iraq and the Levant: The Syria Revolutionaries’ Front and the Mujahideen Army », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 7 janvier 2014.
26Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.
27Aron Lund, « Syria’s Southern Spring Offensive », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.
28Aron Lund, « Does the “Southern Front” Exist? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 21 mars 2014.
29Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Institutional Split », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 25 mars 2014.
30Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Failed Reconciliation », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 26 mars 2014.
32Dans ce documentaire de VICE où le journaliste Aris Roussinos évolue aux côtés d'une brigade du Front des Révolutionnaires Syriens à Darkoush, dans la province d'Idlib, au moment du combat contre l'EIIL, un combattant confirme le soutien américain. Les rebelles sont d'abord soumis à un test médical d'une semaine en Turquie, puis entraînés 3 semaines au Qatar, apparemment par groupes successifs de 100 hommes. L'entraînement consiste en une semaine de formation sur arme individuelle (AK-47) et deux semaines sur les armes lourdes (mitrailleuse, RPG, canon sans recul). Les armes sont ensuite fournies aux rebelles via le dépôt de Bab-el-Hawa, ainsi qu'un pick-up armé pour 10 combattants. Mais selon ce témoignage, les armes sont avant tout destinées au combat contre l'EIIL... voir à 7:30 : https://www.youtube.com/watch?v=9Cb3OURdl3g
33Aron Lund, « A New Free Syrian Army Leadership », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 4 avril 2014.
34Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Le convoi maudit (The Outriders) de Roy Rowland (1950)

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1865, à la fin de la guerre de Sécession. Dans le camp de prisonniers de Benton, au Missouri, trois prisonniers confédérés, Will Owen (John McCrea), Jesse Wallace (Barry Sullivan) et Clint Priest (James Whitmore) profitent d'une sortie pour s'évader en tuant un garde nordiste. Poursuivis, ils finissent par être pris par une bande d'irréguliers sudistes liés au fameux Quantrill, dirigée par l'impitoyable Kelley (Jeff Corey). Celui-ci profite de la guerre pour tuer et piller, civils et militaires confondus. Les trois prisonniers sont forcés d'intégrer la bande et d'accomplir une première mission : escorter un convoi nordiste partant de Santa Fé, qui transporte secrètement de l'or pour l'Union, et qui se dirige vers Saint-Louis. Après avoir infiltré le convoi, les trois sudistes doivent emmener celui-ci à Cow Creek, où Kelley doit leur tendre une embuscade...

Le convoi maudit (The Outriders) est l'un des premiers westerns de la MGM : il ne révolutionne pas le genre, c'est juste un très honnête western, sans plus. Passé en effet la séquence initiale de l'évasion, le scénario est très classique. Même si au départ, on est un peu décontenancé par la violence du propos pour l'époque : l'acharnement du prisonnier sudiste que tue le garde nordiste pour s'évader, en particulier. Toute le reste de l'histoire tourne autour de l'escorte du convoi et de ses péripéties jusqu'à l'affrontement final, sur fond d'affrontement amoureux entre deux des prisonniers pour les yeux de la belle -le troisième, James Whitmore, faisant plus figuration qu'autre chose. Autre scène mémorable : celle du passage de la rivière en crue, qui a quelque chose de quasi documentaire. La scène de la danse improvisée dans le convoi est un moment rare dans le genre du western, où McCrea (peut-être héros un peu trop terne, d'ailleurs) se permet de changer les chaussures sales de la belle (!). On regrette peut-être quelques-uns des acteurs, comme Whitmore, ne soient pas mieux employés : Arlene Dahl et surtout Claude Jarman Jr. C'est le film le plus connu de Rowland, et son premier western, tourné essentiellement dans l'Utah, avec aussi quelques belles scènes en studio dont celle de l'orage. A voir, peut-être pas à conserver.






Le Premier Rebelle (Allegheny Uprising) de William A. Seiter (1939)

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1759. Deux colons américains prisonniers des Français, James Smith (John Wayne) et "le professeur" (John F. Hamilton), qui ont vécu en captivité parmi les Indiens, sont échangés contre des prisonniers français. Ils retrouvent leur ami MacDougall (Wilfrid Lawson). Libérés par la fin de la guerre contre la France, ils rentrent chez eux, dans une vallée du sud-ouest de la Pennsylvanie. Mais ils vont y retrouver une autre guerre. En effet, les Indiens attaquent les colons grâce à des armes vendues par des marchands blancs, avec l'accord tacite de l'Angleterre. Se sentant méprisés par la Couronne, les colons, réunis autour de Jim Smith, vont tenter de faire pression sur les Anglais pour interdire la vente d'armes aux Indiens...


Le Premier Rebelle, réalisé par la RKO, s'inspire du personnage de James Smith et de la révolte dite des "Black Boys". Smith est un colon de Pennsylvanie qui participe à l'expédition malheureuse de Braddock contre les Français, en 1755, au cours de laquelle il est capturé par les Indiens Delaware. Livré à Fort Duquesne, il est finalement adopté par une tribu Mohawk et apprend à apprécier les coutumes indiennes. Il s'évade pourtant près de Montréal en 1759, regagne la vallée de Conococheague en Pennsylvanie et s'y marie en 1763. Il continue ponctuellement à se battre aux côtés des Anglais, mais conduit aussi parallèlement le mouvement des "Black Boys" (baptisés ainsi parce qu'ils ne noircissaient le visage pendant les attaques) pour empêcher les marchands blancs de vendre des armes aux Indiens, qui sont ensuite utilisées contre les colons. En 1765, Smith capture et fait brûler un convoi de marchandises illégales (rhum et poudre), puis assiège Fort Loudoun, capturant assez de soldats britanniques pour les échanger contre les colons arrêtés pour avoir pris part à ces raids (ou pas). Les colons parviennent même à s'emparer de Fort Bedford. La révolte se termine alors et Smith part explorer le Kentucky en 1766. En 1776, il rejoint la milice de Pennsylvanie où il est nommé colonel. Il publie en 1799 un livre sur les usages guerriers des Indiens et meurt entre 1812 et 1814.




Le film n'a pas connu un grand succès à sa sortie, car il est contemporain du grand film de John Ford, Sur la piste des Mohawks, sur un thème similaire. Il est censuré par le ministère de l'Information britannique en raison de la mauvaise image qu'il donne des Britanniques, engagés depuis peu dans la Seconde Guerre mondiale contre l'Allemagne nazie. Claire Trevor est mise en haut de l'affiche car plus connue, à l'époque, que John Wayne (!), malgré le succès récent de La chevauchée fantastique. En France, il n'est disponible qu'à partir de la décennie 1980. Il faut dire que le sujet avait de quoi promettre, mais le scénario est quelque peu bâclé, d'autant que, époque oblige, "tout bon Indien est un Indien mort"... le jeu des acteurs est relativement poussif, Wayne ne semble pas très impliqué et Claire Trevor est obligée d'en rajouter beaucoup. Le thème sera heureusement repris plus tard dans d'autres productions, jusqu'au Dernier des Mohicans de Michael Mann.




Pierrefonds pendant la Grande Guerre. Le quotidien du soldat en 1914-1918, Editions du Patrimoine, 2008, 64 p.

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Lieu de villégiature depuis les romantiques, le petit village de Pierrefonds, dominé par son imposant château reconstruit par Viollet-le-Duc, voit son calme rompu en 1914, quand les Allemands occupent la localité, du 31 août au 12 septembre. Le château est désormais soumis à l'impératif militaire. Le témoignage le plus original réside sans doute dans les quelques 450 graffitis et dessins laissés par les soldats sur les murs de la place.

A l'arrivée des Allemands (deux régiments d'infanterie), les habitants les confondent avec des Britanniques, qui viennent juste de faire retraite. L'occupation, qui dure à peine deux semaines, est moins brutale qu'escomptée, ce dont témoigne le maire. Et ce en dépit d'exactions, ailleurs, tout à fait réelles. Le "Boche" est souvent représenté par les Français sous les traits d'un cochon avec le casque à pointe.

Au moment du repli après la bataille de la Marne, un combat imprévu a lieu à Pierrefonds entre un convoi de ravitaillement égaré du 115ème régiment d'infanterie et les Allemands en retraite. Un escadron de cavalerie commandé par le lieutenant de Gironde charge, non loin de Pierrefonds, un parc d'aviation allemand : il est quasiment anéanti.

Intégré dans la zone des armées, car proche du front, Pierrefonds, en raison de ses installations thermales, dispose de nombreux hôtels. Le lieu devient un centre de repos, de soins pour les blessés, et de transit pour les soldats montant en ligne. Après un court retour à la normale en 1917, les offensives allemandes du début 1918 entraînent des bombardements aériens et la fuite d'une grande partie de la population. Dès le mois de juin 1915, un terrain d'aviation s'installe à proximité du village, où une quarantaine d'escadrilles se succèdent jusqu'à la fin de la guerre. Le terrain est bombardé par les Gotha le 1er août 1918. Le prieuré et les thermes sont convertis en hôpitaux : 4 400 blessés arrivent rien qu'entre les 16 et 21 septembre 1914. Il y a parfois jusqu'à 3 500 militaires cantonnés dans le village, soit le double de la population. La cohabitation n'est pas toujours simple, mais s'effectue malgré tout.

Le maire, Gustave-Adolphe Clément-Bayard, transforme ses locaux de Levallois-Perret en usine d'armement et ne revient qu'en juin 1916. Rien de très important dans les délibérations municipales, jusqu'à l'évacuation officielle du 11 juin 1918. Les bombardements sur la localité s'étalent d'août à octobre 1918 et entraînent les destructions les plus importantes.

L'armée française avait songé à installer des troupes dans le château dès 1913. Les Allemands, en 1914, ne touchent quasiment pas l'édifice (deux portes extérieures défoncées). 50 régiments français vont y passer de 1914 à 1917. La troupe loge dans des tentes au milieu du parc du château, les officiers se réservant les maisons bourgeoises en ville. Le château est touché en août 1918, recevant notamment un obus de 220 mm. Les réparations sont évaluées, en 1920-21, à 300 000 francs, ce qui est important mais relativement modeste par rapport à d'autres châteaux quasiment détruits durant la guerre, comme celui de Coucy.

La bataille de Quennevières, du 6 au 16 juin 1915, se déroule non loin de Pierrefonds. Nivelle s'y distingue. Pierrefonds voit passer les soldats américains, accueille aussi des services administratifs d'une armée en guerre. Ceux-ci réquisitionnent les meilleurs logements, ce qui n'est pas sans conséquence pour les convalescents, permissionnaires et soldats en transit qui arrivent à Pierrefonds, relativement mal logés.

La vie ne reprend dans le village qu'en décembre 1918. Le ministre de l'Agriculture met à la disposition du village des batteries de tracteurs pour relancer l'activité. Si les visites continuent au château, l'activité thermale, elle, est abandonnée. Les travaux de reconstruction dans le village ne commencent vraiment qu'en 1927. Le monument aux morts est l'un des premiers à être inauguré dans l'Oise, le 23 mai 1920 (l'idée était présente depuis 1917). Comme beaucoup, il valorise à la fois l'ardeur patriotique et le traumatisme de la souffrance et de la mort dues à la guerre. Un deuxième monument est dédié à une infirmière militaire tué en août 1918.

Un petit fascicule qui résume ce qu'a pu être la vie dans un village français pendant la guerre, dans l'Oise, surtout connu pour son château, qui participe malgré lui au quotidien de la Grande Guerre. Le tout se complète d'extraits de journaux des habitants, d'un relevé des régiments qui ont laissé des graffitis et d'une bibliographie indicative.

Jean-Christophe NOTIN, Le crocodile et le scorpion. La France et la Côte-d'Ivoire (1999-2013), Editions du Rocher, 2013, 442 p.

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Jean-Christophe Notin est un auteur qui a évolué avec le temps. A partir de 2000, il commence par écrire des ouvrages portant sur l'histoire militaire, particulièrement de l'armée française (une biographie de Leclerc, par exemple, en 2005). Puis, entre 2005 et 2008, il signe plusieurs romans qui collent toujours à la même thématique, avant de reprendre un peu, en 2008, l'écriture d'ouvrages d'histoire. Enfin, depuis 2011, il se met à travailler sur les conflits contemporains dans lesquels la France est intervenue : services secrets en Afghanistan, guerre en Libye, et ce livre sorti l'an passé sur la Côte d'Ivoire -Notin préparant en outre un livre sur l'opération Serval, au Mali. Pour ma part, je n'avais lu de cet auteur que la biographie du maréchal Leclerc, il y a fort longtemps d'ailleurs, à tel point que je m'en souviens à peine. Je reprends donc contact avec cet auteur à la faveur de cette lecture.

Le titre provient d'une fable africaine qui est censée résumer l'esprit de l'ouvrage (et qui semble, au passage, conforter une vision bien particulière de l'Afrique...). Un ouvrage qui veut "faire la lumière" sur l'explosion de cette "vitrine" qu'a été la Côte-d'Ivoire, modèle de l'Afrique francophone jusqu'en 1993 et la disparition de Félix Houphouët-Boigny. Le règne de Laurent Gbagbo a complètement détruit cette vitrine de façade, selon l'auteur.

En décembre 1999, le président Henri Konan Bédié est renversé par un coup d'Etat du général Guéï. A l'automne 2000, Laurent Gbagbo, opposant historique à Houphouët-Boigny, est élu président aux termes d'une campagne électorale des plus houleuses où il a joué du concept d'"ivoirité" pour exclure ses opposants, Bédié et Alassane Ouattara. Le général Guéï cherche à se maintenir au pouvoir, et Gbagbo n'est finalement élu que de manière contestée, par une fraction de la population. Le maniement de "l'ivoirité" est pour bonne partie responsable du déclenchement de l'insurrection, en septembre 2002, dans le nord du pays, plutôt musulman, alors que le sud est davantage chrétien (très grande approximation, pour simplifier...). Les populations du nord, notamment les Malinkés, se sentent exclues, de même que les nombreux travailleurs immigrés originaires des pays voisins et qui ont pu bénéficier jusqu'ici de la nationalité ivoirienne.

Pour Jean-Christophe Notin, la France a été prise de court, notamment parce que la DGSE et les autres services de renseignement se sont retrouvés face à une multiplication pléthorique des réseaux de renseignement qui a gravement nui à l'efficacité de la collecte (restes des réseaux Foccart, réseaux développés sous Mitterrand, anciens fonctionnaires ou militaires venus travailler à titre privé dans le pays...). L'opération Licorne, déclenchée en septembre 2002 sous mandat de l'ONU, est d'abord pour protéger les ressortissants français, mais elle sert aussi de force d'interposition dans une guerre civile sur le point d'éclater.

Dispositif important (jusqu'à 4 000 hommes), Licorne doit, officiellement, ne pas prendre parti. Mais elle subit le harcèlement des partisans de Gbagbo : jeunes patriotes de Goudé, bombardement du marché d'Abobo au mortier, puis, enfin, bombardement de l'ancien lycée Descartes transformé en caserne, à Bouaké, le 6 novembre 2004. Deux Su-25 pilotés par des Biélorusses tuent 9 soldats français et en blessent 33. En représailles, la France détruit à coups de missiles antichars les appareils ivoiriens.

A partir de ce moment, les relations entre le pouvoir ivoirien et Paris ne cessent de de dégrader. Gbagbo ne consent à remettre son mandat en jeu qu'en 2010, croyant pouvoir l'emporter : mais son adversaire, Ouattara, autorisé cette fois-ci à participer à l'élection, l'emporte. Le résultat est reconnu par l'ONU et l'Union Africaine. Gbagbo refuse cependant de quitter le pouvoir et va jusqu'à l'épreuve de force qui aboutit à son éviction, le 11 avril 2011. La France y tient un grand rôle, notamment par l'intervention de ses forces spéciales et de l'ALAT. Les premières mènent des opérations spectaculaires, comme la reprise de l'ambassade du Japon investie par des mercenaires libériens à la solde de Gbagbo. La seconde détruit, à coups de missiles et de canons, des pièces antiaériennes soviétiques ou des blindés qui auraient pu menacer les forces au sol, à savoir les partisans de Ouattara.

En refermant le livre, on pourrait se dire qu'on a là une histoire fort honnête des relations franco-ivoirienne entre 1999 et 2013, comme annoncé sur la couverture. En réalité, l'ouvrage souffre de plusieurs problèmes importants. D'abord, la mise en contexte se fait a minima : l'histoire de la Côte-d'Ivoire depuis l'indépendance est expédiée en 15 à 20 pages à peine dans le premier chapitre, ce qui est tout de même peu pour comprendre les enjeux propres au pays. En outre, la structure du livre, prolongeant cette première remarque, est manifestement déséquilibrée : plus de la moitié du propos traite de la période 2010-2011, la période 1999-2010 obtenant peu ou prou la même place, même si l'intention de l'auteur est à l'évidence d'apporter davantage d'éclairage sur la chute de Laurent Gbagbo en avril 2011, et il est vrai qu'on lit des choses inédites, sur l'intervention française en particulier. Mais ce constat est lié à un autre, qui constitue sans doute le principal reproche que l'on peut adresser à Jean-Christophe Notin : quelles sont ses sources ? La bibliographie mentionnée, qui tient en deux pages, mélange allègrement, dans une trentaine de titres, témoignages d'acteurs (surtout français) et ouvrages de journalistes ou de spécialistes. Le fond du livre tient sans doute davantage, en fait, aux témoignages très officiels recueillis par l'auteur et qui sont cités juste après la bibliographie, et qui sont d'ailleurs, en réalité, aussi importants, en place, que celle-ci. Le défaut de la méthode, c'est que Jean-Christophe Notin se fait ainsi le relais d'une vision très "officielle", justement, de l'histoire des relations franco-ivoiriennes, vues du côté français. Il n'y a pour ainsi dire pas de contrepartie ivoirienne, ni, malheureusement, il faut bien le dire, de distance critique par rapport à l'action de la France, le plus souvent. Ce type d'ouvrage pose donc la question de la manière d'écrire sur des conflits très contemporains, à peine terminés, qui relèvent parfois de ce que l'on pourrait appeler une "histoire immédiate". Si je prends l'exemple de mon propre travail sur le conflit syrien, que j'espère prochainement transformer aussi en ouvrage, ce serait comme si je bâtissais mon livre en utilisant des témoignages recueillis auprès de Bachar el-Assad et des cadres politiques, militaires et administratifs du régime syrien, le tout mâtiné d'emprunts à quelques ouvrages généraux ou un peu plus spécialisés ayant trait à la Syrie ou au conflit encore en cours. Il est évident que cela ne peut être satisfaisant sur le plan de la méthode.




Christophe BECHET, Alfred von Schlieffen. L'homme qui devait gagner la Grande Guerre, Maîtres de la stratégie, Paris, Argos, 2013, 214 p.

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Christophe Bêchet, docteur en histoire, assistant à l'université de Liège, enseigne l'histoire des relations internationales. Sa thèse de doctorat est consacrée au fameux "plan Schlieffen".

C'est que le nom du stratège allemand reste associé au plan du même nom : l'historien rappelle combien le déclenchement de la guerre doit aux pressions des militaires, des états-majors, qui poussaient eux-mêmes en avant des plans de guerre. Schlieffen, lui, est mort le 4 janvier 1913. La question est donc de savoir en quoi le plan Schlieffen est responsable, ou non, du déclenchement de la guerre en 1914, et de comprendre comment la pensée du chef d'état-major allemand a pu influencer la conduite des opérations, puis constituer un héritage pour l'armée allemande. En 1999, l'historien américain Terence Zuber a créé un coup de tonnerre en proposant l'hypothèse selon laquelle le "plan Schlieffen" n'aurait en réalité pas été le véritable plan de guerre allemand, entraînant un débat qui n'est toujours pas refermé parmi les historiens militaires. Christophe Bêchet, lui, vise avec ce petit ouvrage à débroussailler la mythologie autour du plan Schlieffen, et de son concepteur, pour tous ceux qui seraient intéressés par le sujet.



Le livre se divise en cinq chapitres. Les deux premiers retracent le parcours de Schlieffen et le mettent en contexte dans ce qui devient l'Allemagne. Né en 1833, dans une famille de tradition militaire, à Berlin, Schlieffen est marqué par la piété de sa mère, qui suit l'Eglise de l'Unité des Frères Moraves. Il fréquente aussi des pasteurs évangéliques, et il est éduqué par les Frères avec des jeunes gens de l'aristocratie prussienne. Il gagne un lycée de Berlin en 1847, juste avant la révolution de l'année suivante. Il n'intègre le 2ème régiment des Uhlans de la Garde qu'en 1853. Il rejoint la Kriegsakademie en 1858 et la quitte en 1861. Il est intégré à la section topographique du Grand Etat-Major en 1863. Il n'est pas encore sûr de rester dans l'armée. C'est lors du Grand voyage d'état-major avec Moltke, en 1865, que son choix est arrêté. Il participe à la campagne contre l'Autriche, en 1866 ; la même année, il est nommé attaché militaire à l'ambassade de France. Il participe à la guerre de 1870 contre la France et en profite moins pour développer son expérience militaire que pour nouer des relations au sein de l'état-major. Propulsé par Moltke, Schlieffen prend le commandement du 1er régiment des Uhlans de la Garde à Potsdam. En 1884, Guillaume Ier le nomme à la 3ème section du grand état-major. C'est à partir de là que Schlieffen est en contact avec le plan de déploiement de l'armée allemande et les questions de mobilisation. Von Waldersee, qui remplace Moltke en 1888, en fait son assistant : Schlieffen devient lieutenant général, et atteint le sommet de sa carrière. Mais comme son chef n'a pas l'heur de plaire au nouveau Kaiser, Guillaume II, Schlieffen est propulsé à la tête du grand état-major le 7 février 1891.

Le grand état-major (Grosser Generalstab) n'a été créé en Prusse qu'en 1803. Jusqu'au milieu du XIXème siècle, il reste un corps de spécialistes qui n'a que peu de prises sur la direction des affaires militaires et du plan de guerre. Moltke, qui en prend la tête en 1857, va infléchir considérablement le rôle de l'organisme. Le succès de 1866 contre l'Autriche le propulse en pleine lumière et entraîne la suppression de la tutelle par le ministère de la Guerre. Les effectifs augmentent, proportionnellement à ceux de l'armée : une centaine d'officiers, pour encadrer une armée qui bénéficie de la conscription et de l'entretien d'une puissante réserve. La dualité de la société allemande après 1871 (caste militaire et société civile) pousse le grand état-major à contourner la nouvelle constitution ; Guillaume II encourage l'indépendance et l'influence des militaires après 1888 et permet au grand état-major de centraliser les questions de mobilisation, de plan et de commandement en temps de guerre. Schlieffen n'a pas été choisi en raison, simplement, de sa docilité par rapport à son prédécesseur. Il plaide ainsi tout  au long de ses fonctions pour une augmentation des effectifs -la société la plus militarisée, en 1914, proportionnellement à la population, n'est pas l'Allemagne, mais bien la France. Schlieffen apporte surtout des changements d'échelle, pas des innovations fondamentales. Il veut une armée nombreuse, bien équipée, bien commandée. Le corps des officiers s'ouvre au-delà de la noblesse. Il redoute moins que d'autres les conséquences sociales d'une massification de l'armée. Moltke avait développé le Kriegspiel parmi les exercices propres à l'état-major (tactiques et stratégiques, grand voyage d'état-major, manoeuvres). Schlieffen considère le Kriegspiel comme un lieu de formation, mais aussi comme un test scientifique de théories et le moyen de les diffuser au sein de l'armée. Mais les commandants de corps allemands gardent, aussi, une grande indépendance par rapport à l'état-major général.

Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, avec les innovations technologiques qui bouleversent l'art de la guerre, toutes les nations européennes commencent à ébaucher des plans de guerre. En Allemagne, celui-ci comprend quatre phases : mobilisation, transport, débarquement et déploiement, direction et missions. Les trois premières sont assez rigides, la dernière beaucoup plus souple. Le général von Slichting perpétue l'héritage de Moltke, dans un ouvrage de 1900 : la stratégie comme système d'expédients. Schlieffen s'est vu reproché plus tard, dès avant la guerre, d'avoir bridé la liberté d'initiative des officiers allemands (notamment par von Bernhardi). En réalité, la bureaucratisation et la codification étaient devenus nécessaires. Schlieffen a en fait toujours considéré qu'une guerre de mouvement, qu'une stratégie ambitieuse et flexible, était possible, malgré les contraintes imposées par la guerre moderne. Le plan de guerre, appliqué en avril, est révisé dès le mois de novembre de la même année : il y a donc chevauchement du plan sur deux années. La pensée militaire allemande est préoccupée, alors, par la crainte d'une guerre sur deux fronts. Moltke avait préconisé de passer à l'offensive contre un adversaire, la Russie, et de se maintenir en défensive à l'ouest. Mais Moltke n'envisageait pas forcément une victoire décisive et totale contre la Russie avant de se retourner contre la France, et le plan pouvait être modifié. D'ailleurs, deux variantes existaient, contre la France et la Russie, pour la dimension offensive, institutionnalisées vers 1900 en Aufmarsch I et Aufmarsch II. On a beaucoup reproché à Moltke le Jeune, durant l'hiver 1912-1913, d'avoir rompu avec cette tradition pour privilégier un plan de guerre unique. Les disciples de Schlieffen ont contribué à caricaturer le travail de Schlieffen, en le présentant comme un plan unique, véritable sésame stratégique qui, bien appliqué, aurait permis de gagner la guerre. L'historien G. Ritter, en 1956, propose cette interprétation à partir de la traduction du Grand Mémoire de 1905-1906, à la fin de la carrière de Schlieffen, considéré comme son testament stratégique ; en réalité, Ritter cherche aussi à dédouanner le militarisme prussien d'avoir poussé à la guerre, et le IIème Reich d'avoir entraîné le IIIème. Schlieffen prévoit effectivement dans le mémoire un scénario d'offensive contre la France, en insistant sur le débordement de l'aile droite, jugé par beaucoup d'historiens complètement irréaliste. L'influence de Ritter n'est pas à négliger : il contribue à la confusion entre le plan bâti par Schlieffen et celui de Moltke en 1914. T. Zuber a contribué à démonter la version "canonique" du plan Schlieffen. Celui-ci, effectivement, envisage de plus en plus une offensive contre la France dès 1891. Dès 1893-1894, cette hypothèse est intégrée dans les plans de guerre ; puis, en 1897, Schlieffen appuie sur l'aile droite pour déborder des défenses françaises qu'il juge de plus en plus insurmontables pour une attaque frontale. Le plan de 1899-1900 assume la violation de la neutralité belge ; mais Schlieffen le modifie exceptionnellement en octobre 1899 pour renforcer l'effectif face à la Russie. Le plan de 1905-1906 est le plus offensif contre la France, probablement en raison de la guerre russo-japonaise qui semble hypothéquer les capacités de l'armée russe. Mais Schlieffen conserve toujours l'Aufmarsch II. Il a bien favorisé une offensive contre la France, mais sans tomber dans la rigidité qu'on a caricaturé ensuite. Sur la neutralité belge, par exemple, Schlieffen espère toujours pouvoir attendre que les Français la violent en premier, pour réagir ensuite, du moins jusqu'en 1905-1906. Le choix allemand est aussi une réponse aux relations de plus en plus tendues avec l'Angleterre : la prise de la Belgique, de la Hollande et du Luxembourg peut servir de moyen de pression. C'est ce que semble confirmer un mémoire additionnel de Schlieffen en février 1906.

Après sa retraite officielle en décembre 1905, Schlieffen continue d'exercer une influence sur l'état-major. Il écrit des articles jusqu'en 1913, réunis ensuite dans un volume, Cannae, où il explique que la bataille d'anéantissement de l'armée ennemie a été recherchée par tous les grands capitaines de l'histoire, sans forcément être servie par les circonstances favorables nécessaires. Pour lui, la bataille de Cannes est un modèle : Hannibal a vaincu un ennemi supérieur en nombre, une victoire totale selon lui. Schlieffen relit toutes les batailles historiques, de manière anachronique, à la lumière de ce modèle de Cannes : seule celle de Sedan, en 1870, lui semble correspondre au modèle. A-t-il voulu faire de son plan un Cannes moderne ? Il faut noter qu'il théorise là-dessus pendant se retraite, pas avant ; en outre, il n'a envisagé qu'un enveloppement sur une aile, contrairement à Moltke le Jeune, qui lui semble avoir voulu coller davantage au modèle de Cannes. En fait, Schlieffen recherchait un point faible du dispositif adverse pour y insérer son Schwerpunkt ; il préconise davantage le principe du Gesamtschlacht, des succès locaux décisifs additionnés qui contribuent à la victoire finale. Schlieffen conseille, pour l'action de flanc, une direction d'attaque inattendue ; il enseigne aussi qu'il faut diviser l'adversaire pour mieux l'écraser tour à tour -dans la ligne de ce qui sera fait à Tannenberg. Moltke avait accéléré, après 1850, la construction de chemins de fer pour contribuer à la mobilisation de l'armée ; le rôle des chemins de fer était intégré à la section en charge de la mobilisation dans le grand état-major. Schlieffen arrive à la tête de celui-ci alors que la centralisation des chemins de fer pour l'effort militaire arrive à un paroxysme. Il compte s'en servir pour transférer des troupes d'un front à l'autre, mais aussi pour déplacer des troupes d'une aile à l'autre sur un front donné. L'introduction du rail modifie la pensée stratégique : les plans allemands avant la guerre cherchent à en profiter jusqu'à la dimension tactique et ils incluent le transport de pièces lourdes d'artillerie par rail. Schlieffen ne veut pas d'une guerre d'usure, d'une guerre de tranchées telle qu'il a pu la voir dans le conflit russo-japonais : il craint qu'elle ne soit pas supportable, d'où le choix d'une guerre de mouvement, courte, avec de grandes manoeuvres de flanquement. Il sous-estime en réalité la vigueur des nationalismes. En revanche, pour aider à la percée lors d'une offensive frontale, c'est lui qui plaide, dès 1902, pour un appui massif en artillerie lourde, qui jouera un grand rôle contre la France en 1914. Pour augmenter les effectifs, il prévoit d'inclure les corps de réserve aux côtés des corps de ligne, ce qui là encore, sera important dans les premiers mois de la guerre. En 1909, Schlieffen pense que la croissance des effectifs, qui dépasse le million, ne change pas les principes du commandement : il veut davantage de corps d'armée pour maintenir la souplesse, mais cela n'est pas suivi. Dans la tradition de la pensée militaire allemande, malgré l'amélioration des moyens de communication, Schlieffen continue de privilégier la rapidité d'action à la qualité des renseignements obtenus. Il n'était pas aussi dogmatique que l'ont prétendu ses adversaires ou ses disciples : dans la tradition de Moltke, il insiste sur l'Auftragstaktik, même si il croit pouvoir contrôler davantage ses subordonnés grâce aux nouveaux moyens de communication, ce qui s'avère un peu illusoire.

Moltke le Jeune se démarque de Schlieffen en raison de l'alliance franco-russe, qu'il juge désormais solide. C'est pourquoi il prévoit une offensive contre la France, une défensive à l'est, puis une offensive dans un second temps. Mais le risque est que les Russes ont accru leur capacité de mobilisation dans un temps plus court. A l'ouest, Moltke sait parfaitement que les Français ont adopté l'offensive à outrance : c'est pourquoi il renforce l'aile gauche. Enfin, dès 1908, il renonce à envahir les Pays-Bas. Conséquence : le mouvement de l'aile droite est limité à la Belgique, et l'armée allemande doit prendre Liège. Moltke croit une victoire décisive possible seulement contre la France, pas contre la Russie. Après la guerre, la Reichswehr tente de comprendre comment la guerre aurait pu être gagnée, plutôt que de chercher à éviter un prochain conflit. Des attaques contre la pensée de Schlieffen se multiplient, entraînant ses disciplines à créer un véritable mythe autour de sa personne. Von Kuhl, von Freytag von-Loringhoven, Groener, soulignent dans les années 20 que Schlieffen avait fourni un plan impeccable qui a été en réalité mal exécuté, par Moltke au premier chef. C'est aussi conforter l'idée d'une non-défaite, du coup de poignard dans le dos à l'armée, etc. Ces ouvrages sont aussi traduits à l'étranger. Von Seeckt, qui pilote la reconstruction de la Reichswehr, s'inspire de Schlieffen : formation d'une élite de commandement, guerre de mouvement, recherche d'une victoire décisive. Beck s'en revendiquera aussi. Moltke, lui, fut complètement passé à la trappe. En réalité, la pensée militaire allemande est marquée par une remarquable continuité : elle rebondit simplement sur les nouveaux outils technologiques (chars, avions, etc).

En conclusion, Christophe Bêchet souligne la responsabilité des plans de guerre des grandes puissances dans le déclenchement du conflit. La mobilisation autrichienne en 1914 entraîne par ricochet celle de l'armée russe, qui à son tour précipite celle de l'armée allemande. L'historien ne pense pas qu'il ait existé un "plan Schlieffen" responsable de la guerre : en réalité, Schlieffen a envisagé la violation de la neutralité belge et poussé à son paroxysme le débordement par l'aile droite. Mais les choix définitifs sont arrêtés par Moltke. Schlieffen n'avait pas envisagé une guerre totale, d'usure : il comptait sur la qualité de l'état-major et de l'encadrement pour continuer à mener une guerre mobile, avec une armée millionnaire, capable de surmonter les défis posés par la modernisation, pour remporter des victoires décisives et rapides. Le principal tort de Schlieffen est d'avoir été très optimiste dans la faculté du commandant en chef à conduire les opérations : en cas de blocage, il conseillait de concentrer les forces sur un Schwerpunkt, matraqué à l'artillerie lourde, pour percer -méthode qui ne parvient pas à emporter de résultats décisifs pendant la guerre.

Un ouvrage fort utile, mesuré, et qui répond aux deux questions posées dans l'introduction, tout en proposant des pistes de lecture pour creuser. Une excellente base de départ sur le sujet, à mon avis.



L'autre côté de la colline : parutions récentes

Mourir pour Assad ? Les combattants étrangers pro-régime en Syrie-1/3 : L'Iran

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Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.

Les médias occidentaux et nombre de chercheurs et de spécialistes du conflit syrien se sont surtout focalisés sur l'arrivée de combattants étrangers côté insurrection. Ces volontaires sont venus renforcer, à partir de 2012, les différents groupes djihadistes comme le front al-Nosra, puis l'EIIL en 2013. On s'inquiète, évidemment, du retour de certains combattants radicalisés dans les pays d'origine. En France, le départ, en janvier 2014, de deux adolescent de 15 ans, originaires de la région toulousaine, a relancé l'intérêt pour la question, tout comme l'annonce récente par Manuel Valls de la présence de « 700 Français » en Syrie -un chiffre qui, sans davantage de précisions, ne signifie malheureusement pas grand chose. La dernière estimation sérieuse, en décembre 2013, plaçait à 11 000 au maximum le nombre de ces volontaires étrangers arrivés depuis 2011 en Syrie, côté insurrection, issus en grande majorité du monde arabe, même si le nombre de volontaires issus d'Europe de l'Ouest s'est accru1. Mais qu'en est-il en face, dans le camp du régime ? On sait que la Syrie, dès le départ, a bénéficié du soutien de l'Iran, qui a non seulement ravitaillé le régime, mais engagé certaines de ses troupes sur le terrain, notamment dans un rôle de formation, d'encadrement et de renseignement. Cela ne veut pas dire d'ailleurs que les Iraniens restent en dehors des combats, bien au contraire : ils y ont participé. Surtout, l'Iran a mobilisé ses « intermédiaires », ses relais d'influence dans les pays voisins : le Hezbollah, présent dès 2011, a engagé massivement son appareil militaire en Syrie au printemps 2013, contribuant à sauver le régime, mal en point. Téhéran déploie aussi les milices irakiennes pro-iraniennes, à partir de 2012, en Syrie, et essaie d'élargir l'effort de recrutement. Combien de combattants étrangers, étatiques ou non-étatiques, au total, sont venus se battre pour le régime syrien ? Les estimations varient. Le Hezbollah maintient plusieurs milliers de combattants sur le terrain, mais a fait tourner ses unités : certains évoquent le chiffre de 10 000 hommes passés sur les champs de bataille syrien, un chiffre très élevé. Les Gardiens de la Révolution auraient au moins envoyé 1 000 à 1 500 hommes en Syrie. Les miliciens, enfin, notamment irakiens, représentent une force d'appoint d'au moins 3 500 combattants et peut-être plus de 4 000. Si le total peut au moins se monter à 7-8 000 hommes2, voire 10-15 000 hommes3, certains n'hésitent pas, en particulier côté rebelle, à le porter à beaucoup plus, jusqu'à 40 000 (!). Une chose est sûre : quels que soient les chiffres, l'intervention de ces combattants étrangers, aux côtés du régime, a eu beaucoup plus d'impact sur le déroulement du conflit que celui des volontaires étrangers côté insurrection.

 


L'Iran


La République Islamique d'Iran mène un effort soutenu, depuis 2011, pour maintenir Bachar el-Assad au pouvoir, ou à défaut, pour pouvoir utiliser le territoire syrien comme tremplin pour ses intérêts régionaux. Un corps expéditionnaire comprenant des unités des Gardiens de la Révolution, leur unité spéciale, la force Qods, et les services de renseignement et de maintien de l'ordre, est présent en Syrie. L'Iran assure également par air, essentiellement, la logistique du régime, ce qui représente aussi un point vulnérable, si l'espace aérien vient à être contesté. C'est Téhéran, avec le Hezbollah, qui assure également la formation des miliciens destinés à renforcer la masse de manoeuvre du régime, ou à prolonger l'influence iranienne sur place. Le Hezbollah lui-même s'est engagé massivement au printemps 2013, et l'Iran a activé dès 2012 le levier des milices chiites irakiennes pro-iraniennes en formant, notamment, la brigade Abou Fadl al-Abbas, suivie de nombreuses autres en 20134.

Dès le départ, les Gardiens de la Révolution et la force Qods tentent d'appuyer la contre-insurrection du régime, en 2011. Quand Bachar el-Assad commence à perdre le contrôle du nord et de l'est du pays à l'été 2012, les Iraniens s'attachent à maintenir le contrôle du régime sur le centre et le sud. C'est aussi à ce moment-là que l'Iran commence à former des miliciens, à la fois pour pallier à la désintégration progressive de l'appareil militaire et, comme on l'a dit, afin de maintenir son influence sur place au cas où le régime tomberait. L'Iran appuie donc à la fois les restes de l'ancien appareil militaire et les nouvelles milices qui fusionnent avec eux.

Dès mai 2011, il apparaît que le général Suleimani, le commandant de la force Qods, et Mohsen Chizari, le directeur de l'entraînement et des opérations de celle-ci, sont impliqués dans la répression des manifestations anti-régime. Les deux hommes ont activement soutenu les milices pro-iraniennes en Irak, contre les Américains : Chizari avait même été arrêté, avec un autre officier de la force Qods, en 2006, avant d'être expulsé par le gouvernement irakien. L'implication de la force Qods est révélée au grand jour avec l'assassinat, en février 2013, du général Shateri, dans la campagne autour de Damas, alors qu'il se rendait à Beyrouth après avoir visité le front à Alep. Shateri était un officier important de la force Qods qui avait opéré secrètement au Liban depuis 2006 ; il avait servi en Afghanistan et en Irak. On a spéculé sur le fait que Shateri était peut-être venu pour récupérer ou détruire des documents sensibles à l'intérieur de la base d'armes chimiques d'al-Safira, près d'Alep, alors menacée par les rebelles -l'Iran ayant contribué au programme des armes chimiques syriennes.


Source : http://www-tc.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbureau/images/ghasem.jpg


Les Iraniens forment, de toute évidence, de nouvelles unités militaires syriennes. On sait que le 416ème bataillon de forces spéciales a été entraîné par les Iraniens, probablement au complexe de al-Dreij, entre Damas et Zabadani. Les forces conventionnelles des Gardiens de la Révolution participent également à cet effort. 48 d'entre eux, capturés en août 2012, ont été relâchés en janvier 2013. Parmi eux, deux généraux, le commandant et l'ancien commandant de l'unité Shohada de la province de l'Azerbaïdjan occidental ; le commandant de la 14ème brigade Imam Sadegh (province de Bushehr) ; et du personnel lié à la 33ème brigade al-Mahdi (province de Fars). Le déploiement de forces conventionnelles des Gardiens de la Révolution, et pas seulement de la force Qods pourtant chargée des opérations à l'étranger, montre le degré d'implication de l'Iran. Il faut dire que les Gardiens de la Révolution ont l'expérience de la contre-insurrection, ce qui n'est pas forcément le cas de la force Qods : d'ailleurs les unités impliquées viennent de provinces où se sont déroulés des soulèvements réprimés par les Gardiens de la Révolution.

Il est difficile de dire si les Iraniens influencent véritablement les choix stratégiques du président Assad. On peut remarquer que la décision de combattre pour conserver les centres urbains, dès le début 2012, correspond à un discours de Suleimani en janvier 2012 qui préconisait justement de tenir les villes, et effectivement, la première capitale provinciale, Raqqa, ne tombe qu'en mars 2013. La première offensive en 2012 a lieu à Zabadani, qui a l'avantage d'être proche de la capitale Damas, mais qui est aussi sur le cordon de ravitaillement pour le Hezbollah au Liban. C'est à Zabadani que les Gardiens de la Révolution stationnaient pour leurs opérations au Liban à partir de 1982 ; en outre, jusqu'en 2011, c'est le point de transit et de stockage principal pour les armes à destination du Hezbollah. Le mur construit autour de Homs après le siège de février-mars 2012 rappelle étrangement celui que les Américains avaient bâti autour de Sadr City, à Bagdad, en 2008, pour isoler leurs adversaires. Suleimani et le commandant adjoint de la force Qods, Esmail Ghaani, ont cependant multiplié les critiques contre Assad, lui reprochant en particulier le massacre sectaire de Houla en 2012 et sa gestion beaucoup trop répressive des manifestations.


Source : http://www.worldtribune.com/wp-content/uploads/2012/03/OSGEOINT-14-Feb-2012-UAV-on-Video-Over-Homs-2.jpg



Téhéran contribue aussi à envoyer des spécialistes du renseignement et du maintien de l'ordre. Le commandant adjoint des forces de maintien de l'ordre iraniennes, Ahmad Reza Radan, fait le voyage à Damas dès la fin avril 2011. Ce sont ces forces qui avaient brisé les manifestations en Iran, en juin 2009. Elles dépendant du ministère de l'Intérieur, et in fine de Khamenei, ce qui montre bien d'ailleurs que le soutien à la Syrie n'est pas le fait que de Suleimani ou des Gardiens de la Révolution, mais bien de l'ensemble du pouvoir iranien. Le chef du renseignement des Gardiens de la Révolution, Hojjat al-Eslam Hossein Taeb, est impliqué dans l'effort dès mai 2011 au moins. En février 2012, un drone iranien Monajer est déjà utilisé au-dessus de Homs. En septembre 2012, Iran Electronics Industries a déjà fourni au moins deux millions de dollars de matériel à la Syrie, dont des brouilleurs radio. Mohammed Nasif Kheirbek, un proche du clan Assad, dont la famille est très impliquée dans l'appareil de renseignement, sert d'intermédiaire avec les Iraniens : il va discuter à l'été 2011 pour l'établissement d'un complexe militaire et de dépôts à l'aéroport de Lattaquié.

L'Iran utilise principalement la voie aérienne pour ravitailler le régime syrien. Les compagnies commerciales sont mises à contribution : Iran Air, Yas Air (qui transportent combattants, munitions, roquettes, canons antiaériens et obus de mortiers). En septembre 2012, une centaine d'appareils commerciaux est déjà impliquée, sans compter les appareils militaires : au moins 3 An-74 et 2 Il-76. Il faut dire que les Gardiens de la Révolution utilisent la Syrie comme hub pour leurs livraisons au Hezbollah depuis au moins l'an 2000. Au départ, les membres de la force Qods sont d'ailleurs acheminés par avion. L'aviation syrienne engage ses Il-76 également, dont au moins un a, en 2012, navigué via l'Iran et la Russie, pour ramener des hélicoptères de combat Mi-25 « remis en condition ». En mars 2011, la Turquie avait saisi un Il-76 de Yas Air transportant des fusils d'assaut, des mitrailleuses, des obus de mortiers ; l'Iran utilise ensuite l'espace aérien irakien. Le passage est facilité par la collusion du ministre du Transport irakien, Hadi al-Amiri, et l'organisation Badr en Irak.

Par voie de terre, à la fin 2012, il ne restait qu'un seul point d'entrée à la frontière syro-irakienne que pouvait utiliser les Iraniens : Al Walid-At Tanf. Les trois autres ont été perdus de par la progression des Kurdes au nord-est, de l'activité des groupes sunnites en Irak et de l'avance des rebelles syriens. Al Walid-At Tanf, la route la plus au sud, est aussi la plus rapide vers Damas. L'Iran a aussi déployé des navires via le canal de Suez, et ce dès avant le déclenchement de la révolte, en février 2011. L'Alvand et le Kharg rallient ensuite Lattaquié. Deux autres navires font le même voyage en février 2012 vers Tartous. Des tankers ramèneraient du pétrole syrien brut vers l'Iran. Toujours est-il que le soutien iranien au régime syrien passe d'abord par le ravitaillement aérien, qui s'opère sur une base quasi quotidienne.


Source : http://understandingwar.org/sites/default/files/FINAL%20SYRIA%20MAP.jpg


Dès l'été 2012, l'Iran commence aussi à former les milices paramilitaires syriennes, et en particulier Jaysh al-Sha‘bi, qui regroupe à la fois des chiites et des alaouites. En septembre, Mohammad Ali Jafari, le chef des Gardiens de la Révolution, reconnaît que cette milice compte déjà 50 000 hommes. Basée sur le modèle de la milice Basij iranienne, cette milice est encadrée, aussi, par la force Qods. Dès le début du conflit en 2011, de nombreuses milices pro-régime se sont en effet constituées : aux comités populaires, minorités armées pour se protéger des sunnites jugés menaçants, se sont ajoutés les milices des gangs criminels de la bande côtière alaouite, les fameux shahiba. D'où le nom générique de shahiba donné à toutes ces organisations. Au printemps 2013, l'Iran est encore présent quand l'ensemble de ces milices est plus ou moins regroupé dans les Forces Nationales de Défense : il en assure probablement l'entraînement. D'ailleurs, des miliciens syriens sont formés en Iran même, comme ces 4 combattants de Homs qui assurent avoir reçu là-bas un entraînement au combat urbain. Les Gardiens de la Révolution et la force Qods se sont fréquemment retrouvés engagés dans les combats en Syrie contre les insurgés. Hormis les 48 « pélerins » capturés en 2012 puis relâchés, et le général Shateri, ces corps ont subi d'autres pertes. Le lieutenant-colonel Amir Reza Alizadeh, par exemple, a été tué à Damas le 1er mai 20135. En janvier 2014, les autorités iraniennes publient la liste de 15 citoyens volontaires morts au combat en Syrie6.

L'intensification de l'engagement iranien correspond à la période la plus critique du conflit pour le régime, entre novembre 2012 et mars 2013. A partir de novembre, les rebelles ouvrent plusieurs nouveaux fronts au nord, au centre et au sud de la Syrie. Deux attaques à la voiture piégée visent Damas et l'aéroport international de la capitale est attaqué. Mi-décembre, les rebelles capturent l'académie militaire al-Muslimiyah à l'extérieur d'Alep et avancent dans Daraya, au sud de Damas. Le 4 mars 2013, le régime perd sa première capitale provinciale, Raqqa, 6ème ville du pays. Le 20 mars, une voiture piégée explose devant la mosquée Al-Iman Mosque du district de Mazraa, tuant 42 personnes, dont Mohamed Al Buti, un clerc sunnite pro-régime influent. Quatre jours plus tard, les rebelles pilonnent au mortier le centre de Damas. La survie du régime est donc en jeu, avec un recul sur tous les fronts et la capitale sérieusement menacée. C'est pourquoi l'Iran a fait en sorte d'intervenir pour sauver Bachard el-Assad7.

Le cas le plus emblématique d'implication de l'Iran dans la guerre en Syrie est la mort, le 19 août 2013, d'un réalisateur de documentaire et d'un officier des Gardiens de la Révolution, tués dans une embuscade montée par les rebelles dans la province d'Alep. Le réalisateur s'appelait Hadi Baghbani et l'officier Esmail Heydari. Le premier effectue son second voyage en Syrie en août 2013, pour tourner un film à usage interne sur les officiers d'active des Gardiens de la Révolution ou rappelés de leur retraite afin de former les miliciens pro-régime. Heydari, un officier de carrière des Gardiens de la Révolution, a participé à la formation des miliciens syriens à Téhéran et a effectué plusieurs séjours en Syrie, sur la ligne de front. Le 19 août, les conseillers iraniens accompagnent des miliciens pro-régime dans une reconnaissance au sud-est d'Alep, mais tombent sur la brigade Liwa Dawood, qui dispose d'armes lourdes et même d'un blindé. 6 Iraniens sont tués, dont Baghbani et Heydari8. Pour le centre de renseignement israëlien Meir Amit, il n'y aurait en Syrie que quelques centaines de membres des Gardiens de la Révolution, essentiellement de la force al-Qods. Il y a également des cadres de la milice des Gardiens de la Révolution, la Basij.

Ce documentaire, réalisé par la BBC à partir d'images fournies par les insurgés syriens, montren des membres de la force Qods des Gardiens de la Révolution opérant dans le pays, où ils ont été tués lors d'une embuscade (août 2013).





Pour le Middle East Media Research Institute (MEMRI), dès le début 2012, des cadres des Gardiens de la Révolution combattent directement sur le terrain, en Syrie. Mohammad Tork, l'un d'entre eux, est ainsi tué à Damas. Amir Kazem-Zadeh, un soldat des Gardiens de la Révolution, est donné pour mort « dans la défense du sanctuaire de Zaynab » ; un classique des déclarations funéraires iraniennes pour annoncer une mort au combat en Syrie. Mehdi Moussavi, un cadre de la milice Basij des Gardiens des la Révolution, est rapatrié en Iran, décédé, le 7 juillet 2013. Le général Mohammad Jamali Paqale, un vétéran de la guerre Iran-Irak, est annoncé tué au combat le 4 novembre 20139.

L'Iran et la Syrie sont liés, depuis 1980, par une alliance qui est surtout tactique et qui ne repose pas sur des facteurs religieux, notamment. L'Iran a besoin de la Syrie dans son « axe de la résistance » et pour donner de la profondeur stratégique au Hezbollah, sa plus belle réussite au Proche-Orient. C'est pourquoi Téhéran axe la stratégie du régime syrien sur le contrôle de la région allant de la bande côtière alaouite à Damas, corridor nécessaire, entre autres, au ravitaillement du Hezbollah et à sa profondeur dans l'espace. Même si Assad tombe, les milices appuyées par l'Iran ou le Hezbollah seraient peut-être capable de prendre à leur charge ce cordon ombilical nécessaire à la survie du mouvement chiite libanais10.


Bibliographie :


Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.

Aron Lund, « Who Are the Foreign Fighters in Syria? An Interview With Aaron Y. Zelin », Syria in Crisis/Carnegie for the Middle East, 5 décembre 2013.

Karim Sadjadpour, « Iran’s Unwavering Support to Assad’s Syria », CTC Sentinel, Août 2013, Special Issue Vol 6. Issue 8, p.11-14.

Mazis I., Sarlis M., « A GEOPOLITICAL ANALYSIS OF THE ACTIVATION OF THE SHIITE GEOPOLITICAL FACTOR WITHIN THE SYRIAN CONFLICT GEOSYSTEM », Regional Science Inquiry Journal, Vol. V, (2), 2013, pp. 125-144.

Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Iran’s Losses In the “35th Province” (Syria), Part 1 », Jihadology.net, 14 juin 2013.


2Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, décembre 2013.
4Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
5Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Iran’s Losses In the “35th Province” (Syria), Part 1 », Jihadology.net, 14 juin 2013.
7Mazis I., Sarlis M., « A GEOPOLITICAL ANALYSIS OF THE ACTIVATION OF THE SHIITE GEOPOLITICAL FACTOR WITHIN THE SYRIAN CONFLICT GEOSYSTEM », Regional Science Inquiry Journal, Vol. V, (2), 2013, pp. 125-144.
10Karim Sadjadpour, « Iran’s Unwavering Support to Assad’s Syria », CTC Sentinel, Août 2013, Special Issue Vol 6. Issue 8, p.11-14.
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