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Mourir pour Assad ? Les combattants étrangers pro-régime en Syrie-2/3 : le Hezbollah

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Une intervention pour quels objectifs ?


Jusqu'en avril 2013, le Hezbollah n'a pas reconnu officiellement son implication dans la guerre civile syrienne, probablement de peur des conséquences néfastes qu'une telle reconnaissance impliquerait sur la scène libanaise1. Il faut dire que la Syrie et le Liban partagent une longue histoire conflictuelle. En outre, le nord du Liban est peuplé majoritairement de sunnites qui soutiennent la rébellion syrienne, et comprend aussi des minorités alaouites, comme à Tripoli, qui elles appuient plutôt le régime.

Né en 1982 dans la vallée de la Bekaa en réaction à l'invasion israëlienne du Liban2, le Hezbollah est à la fois un parti politique et un mouvement religieux chiite, tout en assurant des fonctions sociales. En outre, ses forces armées sont les plus imposantes du Liban et c'est un proche allié de l'Iran. Le Hezbollah se définit lui-même comme un mouvement de « résistance »3 aux manoeuvres américaines et israëliennes au Proche-Orient, et ne reconnaît pas le droit à l'existence de l'Etat d'Israël. Il tire sa popularité au Liban du combat contre l'Etat hébreu, alors que ses forces conventionnelles et non-conventionnelles sont, de fait, supérieures, ou du moins équivalentes, à celles de l'armée libanaise. Le Hezbollah est particulièrement bien implanté au sud du pays, dans la vallée de la Bekaa et dans certains quartiers de Beyrouth. Sur le plan politique, le Hezbollah milite pour un système de gouvernement islamique par les clercs : présent aux élections depuis 1992, il n'obtient que des résultats modestes mais a tout de même deux ministres dans le gouvernement de coalition depuis 2011. Il contrôle toutefois 60% des municipalités du Sud-Liban et quasiment toutes celles de la vallée de la Bekaa, en plus de gagner du terrain à Dahiyeh, faubourg sud de Beyrouth. Socialement, le Hezbollah cherche à s'attirer les faveurs des chiites libanais (27% de la population selon un recensement réalisé en 2011, soit autant que les sunnites et plus que les chrétiens maronites), notamment (mais pas exclusivement) par des soins médicaux qui remplacent ceux de l'Etat.



Jusqu'en avril 2013, le mouvement a tenu un discours conciliant sur la guerre en Syrie, niant son implication et soulignant les dangers que celle-ci pourrait entraîner sur la scène libanaise. Cependant, dès octobre 2012, alors que le Hezbollah intensifie l'aide sociale pour les réfugiés syriens au Liban, il accroît également son engagement pour soutenir Bachar el-Assad. Le 30 avril 2013, son secrétaire général, Hassan Nasrallah, révèle ce qui est devenu une évidence : le Hezbollah intervient en Syrie pour empêcher la chute du régime. Beaucoup d'observateurs pensent qu'il s'agit d'un pari risqué pour l'avenir et que la déclaration de Nasrallah est un vrai « franchissement du Rubicon ». Ceci dit, les cérémonies funéraires pour les « martyrs » tués au combat en Syrie étaient de plus en plus difficiles à dissimuler. Le Hezbollah revient ainsi au rôle de milice sectaire en lieu et place du mouvement de résistance, ajoutant les djihadistes sunnites à la liste de ses nombreux ennemis. Pour lui, la Syrie est un point de transit vital pour son armement et un des moyens de recompléter son stock d'armes et de munitions. Il s'agit pour Nasrallah, aussi, de combattre les sunnites en Syrie en empêchant la chute du régime plutôt que de les combattre au Liban si Bachar el-Assad vient à tomber... Le discours de Nasrallah le 26 mai 2013, date anniversaire du retrait définitif de Tsahal du Sud-Liban, inscrit l'aventure militaire en Syrie dans la continuité de la lutte contre Israël. Mais en présentant l'intervention syrienne comme un enjeu de sécurité nationale pour le Liban, le Hezbollah ébranle la pertinence de la « résistance »4.


Source : http://www.courrierinternational.com/files/imagecache/article/2013/06/1180/1180-STAVRO.jpg


Le Hezbollah a commencé à envoyer des conseillers militaires pour assurer des missions de sécurité en Syrie dès 2011, et ce jusqu'en 2013. Ce n'est qu'au printemps de cette année-là que l'engagement se fait plus important, preuve que le régime syrien est alors en mauvaise posture. Les Iraniens et le Hezbollah s'engagent alors dans la formation d'une milice chiite considérable, Jaysh al Sha’bi, qui a pour objectif de compter jusqu'à 150 000 hommes. Au-delà de l'aide au régime syrien, il s'agit aussi de s'implanter dans les zones chiites et alaouites syriennes. Le Hezbollah fournit une aide technique en matière de guérilla, de renseignement, et tactique, sur le terrain. Il verrouille également au mieux la frontière libanaise et mène une campagne de propagande en faveur du régime.

A partir du 19 mai 2013, le Hezbollah, aux côtés des Iraniens, des miliciens irakiens, aide l'armée syrienne à prendre la ville d'al-Qusayr, une ville qui fait le lien entre la montagne alaouite côtière, Damas et la vallée de la Bekaa. Entre 1 500 et 2 500 hommes du Hezbollah auraient participé à la conquête de la ville, qui tombe le 5 juin 2013. La victoire est cependant à double tranchant, car le Hezbollah a subi des pertes non négligeables et son engagement en Syrie se retrouve mis sur le devant de la scène, ce qui ne va pas être sans conséquences sur la scène libanaise. Des sources évoquent plus de 4 000 combattants chiites acheminés au nord, sur Alep, pour tenter de reprendre la ville ; d'autres sont présents au sanctuaire chiite de Sayyeda Zaynab, au sud de Damas, tandis qu'un autre contingent encadre et forme les habitants de deux villages chiites au nord d'Alep. Au 18 juin 2013, le Hezbollah aurait déjà perdu 180 à 200 tués en Syrie. On retrouve les combattants du Hezbollah en juillet à Homs et en août à Damas, où un des chefs importants du contingent, Hossam Ali Nisr, est tué par les rebelles.

Au Liban, dès le mois de juin 2013, un groupe de chiites anti-Hezbollah qui manifestait devant l'ambassade iranienne à Beyrouth est attaqué et une personne tuée. En juillet et en août, des attentats visent le bastion du Hezbollah à Dahiyeh, au sud de la capitale. En outre, un groupe rebelle syrien, la brigade Liwa 313, a revendiqué l'attaque à la bombe contre un supermarché d'un des faubourgs tenus par le Hezbollah, Bir al Abed, ainsi qu'au moins une autre attaque contre le Hezbollah, en représailles de la participation du mouvement aux combats à Homs. La brigade Liwa 313, formée justement de rebelles de la région de Homs, existe depuis novembre 2012 et a été créée pour des opérations spéciales, comme le bombardement à la roquette de fiefs du Hezbollah près d'Hermel, dans la vallée de la Bekaa. Le groupe est lié au front al-Nosra et semble assez bien armé.

En ce qui concerne le Liban, les tensions sectaires apparaissent dès mai 2012 après la mort de Sheikh Ahmad Abdel Wahed, un clerc sunnite éminent et anti-syrien, qui provoque des accrochages à Tripoli et à Beyrouth. Dès le mois de mai 2013, au moment de la bataille de Qusayr, les rebelles syriens commencent à bombarder la vallée de la Bekaa et à attaquer les convois du Hezbollah, ou bien encore à organiser des attentats. A partir de juin 2013, les hélicoptères du régime syrien font des incursions près d'Arsal, une ville du nord de la vallée de la Bekaa, sunnite, qui sert de noeud logistique à la rébellion syrienne. A Tripoli, les affrontements sectaires sont particulièrement violents en mai-juin 2013, entraînant la mort de plusieurs dizaines de personnes. Le 23 août, ce sont deux mosquées sunnites de Tripoli qui sont visées par des attentats à la bombe, faisant 45 morts. Ce même mois, le 15, une voiture piégée avait également explosé dans un fief du Hezbollah à Beyrouth. Attentats et batailles rangées se sont depuis multiplés, en particulier à Beyrouth, à Tripoli et dans la vallée de la Bekaa5.


Protéger l'approvisionnement en armes et sauver, si possible, le régime syrien


Bien que le Hezbollah a au départ admis combattre en Syrie, il invoquait la protection de la minorité chiite syrienne ou la défense du tombeau de Zaynab. Il faut dire que ce dernier site religieux a servi aussi, dès les années 1980, de centre de recrutement pour des militants, notamment des Saoudiens chiites, qui faisaient le transit jusqu'aux camps du Hezbollah au Liban ou en Iran via Zaynab. 5 des conspirateurs de l'attentat des tours de Khobar, en 1996, qui a tué 19 hommes de l'USAF et blessé 372 autres Américains, avaient été recrutés à Damas. Un des cadres recrutés à Zaynab, Ali al-Marhoum, retourne plus tard en Arabie Saoudite pour enrôler de nouveaux militants. Abdel Karim al-Nasser, le cerveau de l'attentat, avait réuni son groupe à Zaynab quelques jours avant de passer à l'action pour peaufiner les derniers détails.

Le Hezbollah avait annoncé la mort d'un premier combattant en Syrie dès l'été 20126. Mais les pertes grimpent avec l'implication massive du mouvement libanais dans la bataille d'al-Qusayr. Le 19 mai 2013, le Hezbollah délivre la liste de 12 de ses combattants tués au combat, et dès le lendemain, on atteint le chiffre de 20 tués. Pendant les funérailles, individuelles ou collectives, comme dans la valée de la Bekaa, on insiste sur le fait que les martyrs sont morts pour défendre le sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas7.

Le Hezbollah s'est en fait engagé en Syrie dès la première année des troubles, en 2011. En mai, on signale déjà la présence la force iranienne Qods et en juin, les premiers indices évoquant l'arrivée du Hezbollah se font jour. Iraniens et Libanais fournissent en particulier des snipers et autres outils pour briser les manifestations d'opposants. Selon un officier des Gardiens de la Révolution, des snipers du Hezbollah serait intervenus lors de l'offensive à Zabadani dès février 20128. Pour Aurélie Daher, auteur d'un récent ouvrage sur le Hezbollah, le mouvement a d'abord activé, en 2012, la Résistance Islamique au Liban, des groupes d'autodéfense qui ont combattu les incursions rebelles dans le secteur des villages chiites près de la frontière avec la Syrie9. En août 2012, Musa Ali Shehimi, un des commandants du Hezbollah, est tué en Syrie ; quelques semaines plus tard, c'est au tour de Ali Hussein Nassif, abattu avec ses deux gardes du corps près d'al-Qusayr. En octobre 2012, les Américains annoncent que des centaines de combattants du Hezbollah se trouvent en Syrie, ce qui est confirmé par l'ONU deux mois plus tard. En outre, le Hezbollah installe un de ses camps d'entraînement, en novembre, à côté d'un des dépôts d'armes chimiques de Damas. Le Hezbollah a une relation de longue date avec Damas : née sous Hafez el-Assad, qui avait parfois montré sa volonté de réfréner les ambitions du mouvement libanais, elle s'est accrue sous Bachar el-Assad, qui en 2010 a fourni au Hezbollah des missiles Scud modifiés tirés de son propre arsenal. Mais c'est surtout parce que la Syrie est le lieu de transit des armes iraniennes à son propre usage que le Hezbollah intervient pour maintenir le régime en Syrie. Convoyé par avions iraniens jusqu'à l'aéroport international de Damas, ces armements étaient ensuite acheminés en camions, fortement escortés, jusqu'à la frontière libanaise. Le Hezbollah cherche à garantir le contrôle du régime sur Damas, son aéroport et les routes principales, ou au pire sur la bande côtière alaouite, pour recevoir les armes par le port ou l'aéroport de Lattaquié, par exemple. Le FBI a mis à jour ces dernières années deux opérations où le Hezbollah a cherché en Europe ou aux Etats-Unis à se procurer des armes (notamment des MANPADS) destinées à être rapatriées à Lattaquié. Dans le cas où le régime ne pourrait remporter la guerre civile, le Hezbollah a déjà bâti des intermédiaires suffisants, via les milices, pour maintenir sa présence au-delà et continuer de déstabiliser le pays10. Selon certaines sources, l'unité 901 (ou 910 selon une autre source ; chargée des opérations commandos en dehors du Liban11), une unité militaire du Hezbollah, a franchi la frontière dès juillet 2012 pour combattre autour de Homs, al-Qusayr, al-Rastan, Talbiseh. Le mouvement chiite aurait aussi participé à la formation d'une milice de 60 000 hommes, sur le modèle de celle des Gardiens de la Révolution (Basij), pour protéger le coeur du bastion alaouite à Lattaquié. Le 6 octobre 2012, un officier déserteur du renseignement de l'armée de l'air syrienne a affirmé que le Hezbollah avait déjà 1 500 hommes en Syrie. C'est un effort important pour un mouvement dont les forces régulières sont estimées entre 2 000 et 4 000 hommes, précédemment déployés surtout au Sud-Liban et près des dépôts d'armes et autres installations sensibles du mouvement chiite. Les forces spéciales du Hezbollah, les « Scorpions » mèneraient des embuscades dans les zones rurales et perturberaient l'acheminement logistique des insurgés via la frontière turque12.

Pour le Hezbollah, le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad est un enjeu vital, car la Syrie lui sert à renforcer sa capacité militaire (fourniture d'armes, transit de celles qui viennent de l'Iran) contre Israël13. En outre le clan Assad a régulièrement soutenu le Hezbollah dans le jeu politique libanais et lui a offert, aussi, une profondeur logistique. Dans les discours survenus au moment de la reconnaissance officielle de l'implication du mouvement chiite en Syrie, Nasrallah a également insisté sur la solidarité avec la population chiite syrienne (400-450 000 personnes) « menacée » par les djihadistes sunnites, comme ceux du front al-Nosra, et dont les sanctuaires, comme celui de Zaynab, ne seraient plus en sécurité. Le Hezbollah intervient donc aux côtés de l'Iran pour d'abord, sauver le régime, puis donner les moyens aux Alaouites et aux chiites de résister par eux-mêmes en formant une milice conséquente (100 à 150 000 hommes). Il cherche également à acquérir du régime syrien des armements plus sophistiqués pour son combat contre Israël (missiles surface-surface contre leFateh 110 iranien ; missiles antinavires, comme le Yakhont russe ; missiles sol-air portables, SA-17 russe ou autres). Dès le mois de mai 2013, l'aviation israëlienne frappe d'ailleurs à deux reprises (le 3 et le 5) un dépôt de l'aéroport international de Damas suspecté d'abriter des missiles Fateh 110 envoyés par l'Iran au Hezbollah ; en février, un convoi transportant des SA-17 avait également été visé. Le Hezbollah intervient à al-Qusayr notamment parce que vit autour de la ville une communauté chiite d'origine libanaise au milieu de populations sunnites, près de la frontière. Pour le Hezbollah, le territoire syrien, à l'est et au nord-est de la vallée de la Bekaa, son lieu de naissance, assure aussi une certaine profondeur stratégique14.

Pour Marisa Sullivan, la stratégie du Hezbollah en Syrie répond à trois objectifs : maintenir l'axe de la résistance en soutenant le régime syrien ; garantir son approvisionnement en armes et sa profondeur stratégique ; et enfin éviter l'installation d'un pouvoir sunnite dans le pays15. Sur les conseils de l'Iran, le régime Assad change de stratégie : au lieu de combattre sur tous les fronts tel un pompier cherchant à éteindre des foyers d'incendie multiples, il se concentre sur quelques objectifs précis à sa portée : Damas, la liaison avec Homs et avec la côte, avant de marcher au nord et à l'est, tout en sécurisant aussi la frontière libanaise, ce qui convient parfaitement au Hezbollah. C'est également le moment où sont créées les Forces Nationales de Défense, une milice pro-régime presque entièrement alaouite, qui vise aussi à remplacer le reliquat de l'ancienne armée syrienne -elle répond d'ailleurs directement à des officiers de celle-ci et à ceux des services de renseignement.

Hassan Nasrallah a gagné Téhéran en avril 2013. Il y a rencontré Khamenei, le chef de la force Qods, Qassem Suleimani et d'autres membres importants du régime iranien. La décision de soutenir plus massivement Bachar el-Assad a donc probablement été prise dans la première moitié d'avril 2013. Suleimani, qui a fait une visite en Syrie en février 2013, a dépeint à son retour un tableau très sombre : il a conseillé d'envoyer davantage de volontaires chiites pour pallier au manque de soldats du régime. Le Hezbollah n'avait cependant pas attendu le printemps 2013 pour s'engager puisque, dès mai 2012, plusieurs milliers de combattants de ses unités spéciales oeuvraient déjà en Syrie. Cependant, l'engagement du mouvement chiite reste à ce moment-là limité à des secteurs où il a un intérêt sectaire : al-Qusayr, le sud de Damas. Le Hezbollah assure aussi la formation des troupes de Bachar el-Assad en matière de guérilla, où il a une expérience opérationnelle : combat urbain, sniping, sabotage... en outre, il fournit du renseignement et cherche à verrouiller la frontière libanaise, notamment le long de la vallée de la Bekaa. Les chiites représentent seulement 2% de la population en Syrie : la plupart vivent autour de Homs, Damas, et dans la campagne des provinces d'Alep et d'Idlib. Les attaques sectaires se multiplient après la mi-2012. En conséquence, le Hezbollah commence à former des miliciens chiites et alaouites, le financement étant assuré par l'Iran. En mars 2013, ce serait déjà 50 000 hommes qui auraient été préparés au combat. Des chiites syriens seraient même, pour ce faire, spécialement entraînés dans les camps du Hezbollah de la vallée de la Bekaa. Cette armée populaire serait déployée près de Lattaquié, près du sanctuaire de Zaynab, à al-Zabadani au nord-ouest de Damas, près de la frontière libanaise, où elle travaille de concert avec les Gardiens de la Révolution iraniens. Suleimani a indiqué vouloir porter cette armée à 150 000 hommes, avec des combattants étrangers (irakiens, iraniens, libanais...). On sait entre outre que le Hezbollah a envoyé des combattants qui remplissent des missions spécialisées, comme les reconnaissances dans les zones tenues par les rebelles, ou l'assassinat des chefs charismatiques des insurgés, par des escouades spéciales16.

Au moment de la bataille d'al-Qusayr (19 mai-5 juin 2013), le Hezbollah nettoie aussi les villages chiites des environs qui avaient été investis par les rebelles syriens. Le tombeau de Zaynab, quant à lui, est situé à 10 km au sud de Damas, en plein milieu d'une zone sunnite, sur la route menant de l'aéroport international de Damas au nord à la ville d'Al-Suwayda au sud. La ville d'Al-Sayyidah Zaynab, qui s'est construire autour du sanctuaire, vit de l'activité touristique destinée aux pélerins chiites : rattachée à la province de Rif Dimashq, elle compterait 150 000 habitants. Le 5 mai 2012, un obus de mortier tombe sur le complexe ; une voiture piégée explose dans un parking le 14 juin suivant. Le 31 octobre, un IED placé sur une moto explose près du tombeau, tuant 8 personnes et en blessant des douzaines, près d'un hôtel fréquenté par les pélerins. Durant la première moitié de 2013, les salafistes syriens appellent de plus en plus à la destruction du site. Le front al-Nosra l'attaque en janvier, puis la mosquée est détruite le 13 février. Le 2 avril, le front al-Nosra prend le contrôle d'un faubourg proche du sanctuaire, et commence à attaquer la brigade Abou Fadl al-Abbas et le Hezbollah dès le 18.

Le Hezbollah intervient en effet près du site dès la seconde moitié de 2012 et participe aux batailles du printemps 2013. Il y perd au moins 20 tués, dont de nombreux hommes originaires du Sud-Liban. En outre, en juin 2013, le mouvement chiite comptait déjà plus de 100 tués et plusieurs centaines de blessés, la plupart lors de la bataille d'al-Qusayr. 7 combattants avaient été tués dans la seconde moitié de 2012, autour du sanctuaire de Zaynab et à al-Qusayr. Les combats autour du premier site, en particulier, avaient fait monter le total à 50 avant l'offensive contre al-Qusayr du 19 mai 2013. Jusqu'au 5 juin, le Hezbollah a perdu entre 50 et 74 tués (minimum) pendant la bataille. 63 ont été tués à al-Qusayr, 22 à Zaynab, 2 à d'autres endroits de la Syrie et 8 restent indéterminés (bien que plusieurs ont sans doute été tués également à al-Qusayr). 53 des 96 tués identifiés viennent du Sud-Liban, un tiers (33) de la vallée de la Bekaa ; quelques-uns seulement sont originaires de la banlieue sud de Beyrouth et du Nord-Liban, ce qui reflète sans doute la composition des unités engagées par le Hezbollah. Le recrutement est surtout rural, au Sud-Liban, avec un grand nombre de villages, peut-être pour éviter de concentrer les pertes ; 16 morts seulement viennent de grandes villes (3 de Beyrouth, 9 de Baalbek, 3 de Nabatieh et 1 de Sidon). Parmi les tués, il y a Ali Hussein Nasif, un cadre important du Hezbollah enterré le 31 octobre 2012, tué par l'explosion d'un IED ou abattu ensuite alors qu'il faisait route vers al-Qusayr. Muhammad Khalil Shahrour, responsable des services de sécurité du Hezbollah à Balbeek, a également été tué à al-Qusayr. Ahmed Muhammad Badah, un autre cadre du Hezbollah, a lui péri près du sanctuaire de Zaynab, tout comme Ali Hussein Sa'ad.



La bataille d'al-Qusayr : la première intervention massive du Hezbollah (mai-juin 2013)


Lors de la bataille d'al-Qusayr, le Hezbollah aurait engagé en tout, selon les services de renseignement français, de 3 à 4 000 hommes17. La bataille, qui dure 17 jours, constitue les prémices d'une campagne plus vaste du régime syrien pour remettre la main sur des zones stratégiques perdues précédemment. La chute d'al-Qusayr, tenue depuis un an par les insurgés, est plus un choc moral et symbolique que stratégique, alors que le régime commence à regagner du terrain, que la communauté internationale hésite à soutenir les rebelles et que les insurgés eux-mêmes sont divisés. C'est également la première intervention massive du Hezbollah en Syrie, dans le cadre d'un assaut en combat urbain qui entraîne des pertes conséquentes et une dégradation de son image au Liban et dans le reste du monde arabe. Si le Hezbollah a su conquérir al-Qusayr avec l'appui de l'aviation et de l'artillerie du régime, le mouvement chiite manque tout simplement de moyens pour reproduire ce schéma de manière constante dans des villes syriennes plus importantes18.



Documentaire de la chaîne iranienne PressTV sur la bataille de Qusayr. Il est intéressant de voir que le rôle du Hezbollah n'apparaît nulle part (!) dans ce qui est présenté comme une "bataille décisive"...



La ville d'al-Qusayr, assiégée dès novembre 2011 par le régime, était tombée entre les mains des rebelles en juillet 2012. A l'ouest et au sud de la ville, le Hezbollah intervient dès cette année-là en soutien du régime, comme le montre la mort d'Ali Nassif, tué le 2 octobre près de la cité. Fin avril 2013, le Hezbollah et les forces syriennes commencent à nettoyer le pourtour d'al-Qusayr, entamant le processus avec la prise de Tel Nabi Mindo, au nord-ouest de la ville, une colline qui domine la plaine environnante. Ils progressent ensuite à l'ouest et au sud-ouest : à la mi-mai, seul un corridor au nord, passant par l'ancienne base aérienne militaire de Dabaa, reste entre les mains des rebelles. Dans la ville, il y a peut-être 2 000 rebelles, provenant notamment des bataillons Farouq, très implantés dans la région. La mise en défense d'al-Qusayr comprend la construction de tunnels et de bunkers, l'érection de barricades en terre à travers les rues, des pièges disposés dans les bâtiments et des mines sur les routes. Des IED spéciaux destinés à faire sauter les véhicules, commandés à distance, sont aussi posés. Le Hezbollah, lui, divise la ville en 16 secteurs et attribue des codes chiffrés aux objectifs et aux points remarquables de la ville. Les 1 20019à 1 700 hommes engagés dans la bataille (d'après Nicholas Blanford, spécialiste du Hezbollah), pour la plupart des vétérans membres des unités spéciales du Hezbollah, sont sous commandement syrien mais ont une initiative tactique. Ces troupes ont reçu un entraînement au combat urbain dans des répliques de villes en Iran, et dans des camps moins importants au Liban20. Les forces auraient été divisées en 17 groupes de 100 hommes, mais dans le combat urbain, l'escouade de 3 à 5 hommes prédomine. Le tour de service dans les combats passe de 7 à 20 jours. Avant l'assaut, les sapeurs du Hezbollah commencent à nettoyer les pièges dans les bâtiments. Les combattants du Hezbollah manipulent des chars T-54/55 fournis par l'armée syrienne, ainsi que des pièces d'artillerie et des missiles antichars21.

L'attaque démarre le 19 mai 2013, après un pilonnage aérien et de l'artillerie. Les combattants du Hezbollah attaquent à l'ouest, au sud et à l'est. Depuis le sud, l'avance est rapide et le Hezbollah aurait contrôlé 60% de la ville dans la première journée, atteignant la mairie. Mais dès le premier jour, deux douzaines de combattants sont tués dans une embuscade rebelle. L'assaut se fait dès lors plus méthodique, pour nettoyer chaque pâté de maisons conquis. Les combattants du Hezbollah comparent la ville aux camps palestiniens, en raison de la densité du bâti et des rues étroites, très diférents de leur champ de bataille habituel du Sud-Liban22. Face au tir de mortier rebelle, une véritable gêne, les combattants chiites cherchent à coller au plus près de leurs adversaires pour empêcher l'action des mortiers. Ils évitent de passer par les portes et les fenêtres des bâtiments, en raison des pièges et des mines, mais creusent des trous à l'explosif dans les cloisons à l'intérieur pour passer de maison en maison. Les rebelles eux-mêmes reconnaissent les compétences du Hezbollah : les hommes continuent d'avancer même sous un feu nourri et cherchent à flanquer les insurgés. En plus des snipers armés de Dragunov et les équipes antichars armés de RPG-7, les chiites utilisent aussi des roquettes de 107 mm modifiées, les fameuses IRAM (Improvised Rockets Assisted Munitions) pour détruire des barricades ou des points de résistance dans les bâtiments. Les rebelles sont progressivement repoussés dans la partie nord de la ville, bien qu'ils reçoivent des renforts de l'extérieur jusqu'au 2 juin. Le lendemain, les insurgés décident d'évacuer la ville. L'assaut final, le 5, est précédé par un terrible bombardement et les rebelles qui fuient par le corridor au nord sont victimes des tirs de mortiers et de mitrailleuses.

La bataille a duré 17 jours, plus longtemps que ne l'avait prévu le Hezbollah, qui a subi des pertes conséquentes -entre 70 et 120 tués, probablement. Côté rebelle, on reconnaît 431 tués, mais le chiffre est probablement plus élevé. Pour le Hezbollah, il s'agit certainement des combats les plus durs depuis les 34 jours de guerre contre Israël à l'été 2006. Mais la bataille d'al-Qusayr, ville proche de la frontière libanaise, est aussi l'occasion de tester ses tactiques de combat urbains avec le soutien de l'artillerie et de l'aviation syriennes. En outre une nouvelle génération de combattants s'est formée au feu pendant la bataille, et l'expérience engrangée par le Hezbollah sera sans doute précieuse en cas de futurs combats contre Israël. La chute d'al-Qusayr, par ailleurs, entraîne aussi celle de Tel Kalakh, au nord-ouest, assiégée depuis deux ans par le régime. Enfin, le Hezbollah change de discours : la défense des chiites syriens laisse place, dans les tirades de Nasrallah, à celle de « l'axe de résistance », afin de convaincre les soutiens libanais de la justesse de la cause23. Dès le mois de juillet, le régime syrien repart à la reconquête des quartiers centraux de Homs. Mais ici, le Hezbollah ne joue plus qu'un rôle d'encadrement : ses vétérans commandent, comme sous-officiers, des escouades de soldats syriens. Le Hezbollah n'a en effet pas les effectifs suffisants pour conduire d'autres assauts urbains dans des villes encore plus importantes qu'al-Qusayr, comme Homs ou Alep.


Après al-Qusayr : le Hezbollah plutôt dans un rôle auxiliaire (juin-novemebre 2013)

Suite au succès remporté à al-Qusayr, le Hezbollah se serait redéployé pour aider les Forces Nationales de Défense syriennes à faire tomber la ville d'Alep. 800 combattants auraient investi les alentours de la cité pour couper l'approvisionnement en provenance du Liban. 300 membres du Hezbollah, dont des officiers iraniens, seraient arrivés à l'académie militaire d'Alep en juin 2013, pour participer à une offensive au nord de la ville. Il s'agirait de dégager les villages chiites assiégés de Zahra et Nubl, et de relier Alep à la base aérienne de Minagh, au nord. Il y aurait eu 200 hommes du Hezbollah servant de conseillers militaires pour les FND ou des miliciens irakiens, et certains ont été tués au combat24. Néanmoins, cette fois, le Hezbollah semble davantage assumer un rôle d'encadrement et de conseil que de participation directe aux combats25. A Homs, le Hezbollah participe à l'offensive lancée dès le 29 juin, selon un schéma qui va devenir éculé : encerclement des quartiers tenus par les rebelles, pilonnage à l'artillerie et l'aviation, siège en règle, suivi éventuellement d'une attaque au sol. Le Hezbollah est également présent dans l'est de la Ghouta à l'été 2013 : il utilise une base du renseignement de l'armée de l'air à al-Masraf, près de l'aéroport international de Damas, comme centre d'entraînement. Plusieurs combattants du Hezbollah, dont des cadres importants, sont tués à Damas et ses faubourgs entre juin et août 2013. Le Hezbollah aurait même été victime des attaques chimiques du 21 août dans la Ghouta : il n'avait pas été prévenus et ses combattants ont été touchés par les gaz... En septembre, il aide le régime à reprendre la zone de Shebaa, à l'est du tombeau de Zaynab, puis d'autres positions, notamment au sud de la capitale, jusqu'en décembre. Le 22 novembre, certaines unités du Hezbollah subissent de plein fouet la contre-offensive des rebelles dans la Ghouta orientale : plusieurs villages sont perdus face à de véritables « vagues humaines », avant que des renforts permettent de stabiliser la situation26.

A la fin juillet 2013, le Hezbollah déplorait plus de 200 tués au combat en Syrie et plusieurs centaines de blessés ; 23 ont été tués entre la fin juin et la fin juillet. La plupart tombent à Homs et Alep, où le Hezbollah intervient en soutien du régime (en plus de la participation à une contre-offensive à Lattaquié27), mais 8 sont également morts près du tombeau de Zaynab, au sud de Damas. Si le mouvement chiite engage moins de combattants et de manière moins visible qu'à al-Qusayr, c'est aussi parce que la reconnaissance officielle de son implication en Syrie a provoqué de fortes critiques au Liban et dans le monde arabe. Sur les 23 tués entre fin juin et fin juillet, 9 viennent du Sud-Liban, 8 de la vallée de la Bekaa, 3 de Beyrouth et 3 d'une ville syrienne proche de la frontière vers al-Qusayr. Sur les 200 combattants tués à cette date, près de la moitié vient du Sud-Liban (97) et plus d'un tiers de la vallée de la Bekaa (72). 3 cadres importants du Hezbollah28 font partie des victimes : deux ont été tués à Homs et le dernier à Zaynab. Deux d'entre eux étaient des commandants de bataillons de la milice Liwa Abou Fadl al-Abbas et l'un des deux a péri à Homs, ce qui tendrait à prouver que la milice n'opère pas qu'à Zaynab, mais aussi dans d'autres parties de la Syrie, sous commandement/encadrement du Hezbollah29.


Le Hezbollah et le Qalamoun (novembre 2013-mars 2014)


Fin 2013, le Hezbollah intensifie encore son effort militaire en Syrie et subit des pertes conséquentes. Il opère désormais dans trois secteurs, essentiellement : la Ghouta orientale, à l'est de Damas ; la région montagneuse du Qalamoun, au nord de Damas, près de la frontière libanaise ; et le tombeau de Zaynab, au sud de Damas. Il intervient dans ces zones comme force auxiliaire aux troupes du régime syrien, et non de manière indépendante comme à al-Qusayr. Le Hezbollah a probablement plusieurs milliers de combattants en Syrie au mois de décembre 2013. Les objectifs sont multiples : il s'agit d'assurer le contrôle du régime sur la Ghouta orientale et de compenser les succès des rebelles (capture des dépôts d'armes de Mahin, au sud d'Alep), et de couper les insurgés du nord de leurs camarades de Damas et de la frontière libanaise. Il s'agit également d'isoler l'insurrection au nord et de marquer le maximum de points pour la conférence de Genève 2. Pour le Hezbollah, nettoyer le Qalamoun correspond aussi à un objectif plus particulier : faire cesser les attaques des insurgés sunnites, et particulièrement celles des groupes djihadistes, contre le mouvement chiite au Liban. C'est en effet de là que sont tirées les roquettes contre la vallée de la Bekaa. En outre, les voitures piégées qui sautent au Liban seraient fabriquées à Yabroud puis expédiées, via le Qalamoun, à Arsal, puis vers les objectifs à l'intérieur du pays.

Dans le Qalamoun, le Hezbollah peut mettre en oeuvre ses compétences en termes de contre-guérilla et de guerre en montagne. La tactique est la même : encerclement, siège, pilonnage puis assaut au sol. Mais cette fois-ci, elle est appliquée au niveau du village, avec un nombre réduit de forces spéciales d'élite. Le Qalamoun est divisé en quatre zones géographiques, selon chaque point cardinal : le Hezbollah prend à sa charge les secteurs nord, sud et ouest, l'armée syrienne s'occupant de l'est, près de l'autoroute. Celle-ci commence par attaquer Qara, au nord, le 15 novembre, s'en empare trois jours plus tard ; puis elle pousse vers Deir Atiyeh et Nabek, au sud, prise à la mi-décembre. Enfin, Yabroud est investie à la mi-février 201430.

Ce renouveau de l'engagement militaire du Hezbollah entraîne une hausse proportionnelle des pertes : 47 tués en novembre et pour la première moitié de décembre 2013. Le total des morts avoisine les 300, dont 272 bien identifiés. Sur les 47 morts récents, 13 ont été tués dans la Ghouta, 5 à Qalamoun et 24 à Zaynab. Comme précédemment, la plupart des morts sont originaires du Sud-Liban (20), de la vallée de la Beqaa (11). Il est possible que le Hezbollah exagère le nombre de tués à Zaynab, pour des raisons de propagande, et qu'un certain nombre de morts soient tombés aux deux autres endroits. Parmi les morts, deux commandants éminents : Ali Iskandar, commandant important d'al-Bazourieh au Sud-Liban, officier opérations et commandant des forces du Hezbollah dans la Ghouta, tué le 23 novembre, et Ali Hossein al-Bazi, commandant important à Harat al-Saida, qui entraînait les cadres du mouvement et qui a été tué dans le Qalamoun le 8 décembre. Dans une interview du 3 décembre 2013, Hassan Nasrallah a indiqué que le Hezbollah avait commencé à intervenir en Syrie en dépêchant 40 à 50 hommes pour protéger le sanctuaire de Zaynab31. Fin janvier 2014, le mouvement reconnaissait déjà 400 tués et plus d'un millier de blessés32.

Pour la première fois, le Hezbollah s'est donc embarqué dans une véritable « guerre expéditionnaire » dans la durée, qui le détourne du traditionnel discours de « résistance »33. Le combat n'a pas été des plus aisés même si le mouvement chiite engrange une expérience certaine, notamment en matière de combat urbain. Il est difficile d'évaluer l'effectif total engagé par le Hezbollah en Syrie. Les plus hautes estimations parlent de 10 000 hommes, mais si c'était le cas, ce serait par rotation des effectifs et non de manière permanente. Un maximum de 4 000 combattants présents ensemble semble un chiffre déjà élevé, une estimation entre 2 000 et 4 000 paraît plus raisonnable. Pourtant, certains chercheurs pensent que le mouvement chiite est passé de 3 000 combattants en 2006, au moment de la guerre contre Israël, à 20 ou 30 000 hommes, voire jusqu'à 50 000 hommes34, dont un quart de combattants professionnels35, Didier Leroy, enseignant à l'ULB et auteur d'un récent ouvrage sur le mouvement, évoque pour ces derniers jusqu'au chiffre de 30 000 hommes36. Le Hezbollah aligne des combattants en uniforme, bien équipés en armes légères, qui ont manipulé à l'occasion des véhicules blindés (comme à al-Qusayr) quand ils opéraient aux côtés des forces du régime syrien. La structure de commandement en Syrie est probablement décentralisée par province (Homs, Damas, Alep notamment). Le Hezbollah combat aux côtés des restes de l'armée régulière, des miliciens des Forces Nationales de Défense, des miliciens étrangers, et des Iraniens eux aussi présents aux côtés du régime. Ses troupes servent surtout d'infanterie légère dans les opérations offensives et défensives. Elles entraînent les forces régulières et irrégulières au combat urbain et à la contre-insurrection, encadrent certaines unités régulières (empêchant notamment des unités d'élite, comme la 4ème division blindée, de flancher suite à des pertes élevées en raison d'une présence quasi continue en ligne37) ou irrégulières, corsettent les milices chiites notamment à Damas (mais aussi à Lattaquié, Deraa, Idlib ; une opération entre décembre 2012 et février 2013 a permis de reprendre le contrôle des routes et des secteurs menant à l'aéroport international de Damas38), et ont mené parfois directement les opérations de combat, comme à al-Qusayr. C'est dans ce dernier cas que les pertes ont été les plus importantes. Par son rôle de formation, en améliorant la qualité des unités régulières et surtout en rendant les miliciens des FND utiles, le Hezbollah a grandement contribué à sauver le régime syrien au printemps 2013. Le Hezbollah est non seulement une « brigade de pompiers » mais a aidé à restaurer la capacité offensive des forces de Bachar el-Assad. Les problèmes posés par le terrain, un adversaire qui n'a rien à voir avec Tsahal, et la coopération avec les forces très hétérogènes du régime, ont entraîné de véritables défis mais aussi des ajustements. Le Hezbollah est probablement l'une des forces les plus efficaces sur le champ de bataille syrien.


Le 10 février 2014, les forces du régime renouvellent leur offensive sur la montagne du Qalamoun, et visent en particulier la ville de Yabroud. Le Hezbollah serait en pointe de cette nouvelle attaque. Il s'agit, pour le mouvement chiite, de freiner le flux de véhicules piégés kamikazes à destination du Liban, qui seraient fabriqués à Yabroud et acheminés de l'autre côté de la frontière, à Arsal, avant de gagner leurs cibles à Beyrouth39. Après une reconnaissance minutieuse des positions adverses, les forces spéciales du Hezbollah et d'autres unités progressent sous le couvert de tirs de roquettes Volcano. Ces forces sont composées de vétérans des opérations en Syrie40. Le 15 février, les forces du régime prétendent avoir déjà tué plus de 200 rebelles. Le Hezbollah a établi des positions de blocage à l'est de Yabroud. Il avance au nord de la localité, de Nabak vers les fermes de Rima. L'artillerie et l'aviation matraquent violemment les positions des insurgés. L'attaque principale a lieu à l'ouest de Yabroud, entre le Qalamoun et la frontière avec le Liban. Le Hezbollah détruit avec des missiles Kornet des véhicules chargés de rebelles qui viennent en renfort depuis Arsal41. En dix jours de combat, le Hezbollah reconnaît 9 morts et 21 blessés, ainsi que la destruction de plusieurs véhicules par les rebelles. Pour limiter les pertes, qui avaient été relativement à Qusayr, le Hezbollah cherche manifestement cette fois-ci à isoler complètement les rebelles pour les asphyxier sur le plan logistique, et non à les engager directement42. Le 25 février 2014, l'aviation israëlienne frappe à nouveau à la frontière syro-libanaise, à Janta, un petit village chiite. Les appareils auraient tiré quatre missiles, en deux sorties, sur ce secteur où se trouvent des camps d'entraînement et autres installations du Hezbollah, dans l'est de la Bekaa. La frappe visait peut-être des dépôts de missiles dans des installations souterraines, ce qui tendrait à prouver qu'Israël a eu accès à des renseignements précis. Mais il est probable que les missiles ciblaient un convoi du Hezbollah, car Janta se trouve sur un axe de rapatriement d'armes utilisé par le Hezbollah depuis les années 198043. Durant la bataille de Yabroud, le Hezbollah monte au moins une embuscade nocturne réussie contre un groupe de rebelles en transit, grâce à un IED « daisy chain » que les insurgés eux-mêmes utilisent fréquemment. Les unités du Hezbollah tournent sur une période de un mois, alors qu'à Damas et ses environs, la rotation est d'une semaine. Le Hezbollah utilise des drones, des caméras de surveillance et des roquettes Volcano de 107 ou 122 mm fournies par le régime syrien. Le mouvement chiite aurait aussi piloté des blindés et des automoteur antiaériens Shilka44. D'après un commandant de brigade du Hezbollah, l'appareil militaire du régime opère en très petites formations, utilisant snipers, roquettes, mitrailleuses lourdes, lance-roquettes antichars pour encercler les positions rebelles et contrôler les hauteurs. En outre, le Hezbollah contrôlerait une formation de 300 Syriens formés par ses soins45. La bataille de Yabroud a encore vu une remontée des pertes pour le Hezbollah, avec 15 tués pour les dix premiers jours de mars, et 40 depuis le début de l'offensive jusqu'au 7 mars. En tout, depuis 2011, le parti chiite aurait déjà perdu plus de 500 tués au combat en Syrie46.


Yabroud tombe finalement le 16 mars 2014, ce qui ne met cependant pas fin à la bataille dans le Qalamoun en tant que telle. Trois jours plus tard, Israël frappe des cibles du régime dans le sud de la Syrie, après des attaques contre ses forces sur la partie occupée du plateau du Golan, dont on peut se demander si elles sont, ou non, le fait du Hezbollah. La veille, le 18 mars, 4 paras israëliens avaient été blessés par un IED planté au bord d'une route. En représailles, les avions israëliens frappent des batteries d'artillerie, un poste de commandement et un camp d'entraînement autour de Quneitra. Israël suspecte fortement le Hezbollah : ce serait une réplique à la frappe aérienne du 24 février, qui aurait visié un convoi de missiles sol-air. Le 28 février déjà, deux roquettes Grad tirées de Syrie étaient tombées non loin du mont Hermon. Le 5 mars, 3 hommes avaient tenté de planter un IED sur une route du Golan. Le 13 mars enfin, deux engins avaient explosé au passage d'une patrouille, sans causer de pertes47.




Le Hezbollah à nouveau en pointe ? (avril 2014-)


Depuis le mois de février 2014, on rapporte que le Hezbollah recruterait des combattants en Europe pour le champ de bataille syrien. Des mercenaires est-européens, en particulier, arriveraient en solitaire ou en groupe à l'aéroport international de Beyrouth. Certains sont même des vétérans de la guerre en Tchétchénie. Le Hezbollah est bien implanté en Europe, où il compte plus de 1 000 membres rien qu'en Allemagne. On le suspecte fortement d'être à l'origine d'un attentat à la bombe à Burgas, en Bulgarie, en 2012, qui a notamment coûté la vie à 5 Israëliens. Le premier contingent de recrues aurait compté 23 personnes ; par la suite, les arrivées sont individuelles pour être plus discrètes, 11 personnes, dont 3 viennent du Dagestan. Ces combattants portent l'uniforme du Hezbollah ; ils sont payés et leurs familles reçoivent des compensations financières également48. Au Liban, le recrutement du Hezbollah est également des plus variés. Mahmoud, un quinquagénaire vétéran de la guerre de 2006 contre Israël, a servi 25 jours en Syrie avant de reprendre la vente de légumes sur le marché de Bint Jbeil, au Sud-Liban. Dans un autre village, Fatima encourage son fils Kodhr, 16 ans, à suivre l'entraînement militaire de un mois fourni par le Hezbollah ; le père du garçon est mort à Qusayr, en 2013. Son frère Wissam, 25 ans, vient tout juste de rentrer de Syrie. A Baalbeck, Hussein, étudiant en psychologie de 22 ans, a combattu à Alep ; il s'apprête à partir en Iran pour suivre une formation de chef d'unité49.

Pour le centre israëlien Meir Amit, le Hezbollah n'a joué qu'un rôle d'auxiliaire de l'armée syrienne à Yabroud : la victoire est surtout psychologique, en verrouillant la frontière libanaise et en empêchant les attentats-suicides, en particulier, sur son fief de la banlieue sud de Beyrouth. Les pertes ont été moindres qu'à Qusayr, en raison de l'expérience engrangée, d'un combat urbain moins présent, et d'une résistance différente des insurgés syriens. Le Hezbollah compterait 28 tués en mars 2014, soit beaucoup moins que les 120 morts de Qusayr. Cela porte les morts au combat du mouvement depuis 2011 à 337 au mininum, et probablement à 360 ou plus, selon le centre Meir Amit. La plupart des tués récents viennent du Sud-Liban et un grand nombre de la vallée de la Bekaa. Le Hezbollah n'a jamais fait mention des pertes totales en Syrie, sans doute pour éviter d'alimenter le débat sur l'engagement du mouvement sur place, et ce même si les funérailles ne sont pas dissimulées50.


Bibliographie :


Nicholas Blanford, « The Battle for Qusayr: How the Syrian Regime and Hizb Allah Tipped the Balance », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.18-22.

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Linda Lavender, Blowback: The Unintended Consequences of Hezbollah’s Role in Syria, CIVIL-MILITARY FUSION CENTRE MEDITERRANEAN BASIN TEAM, septembre 2013.

Kathia Légaré, L’engagement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne : Nouvelle mutation ou indice de décadence du mouvement ?, PSI, Université Laval, 22 octobre 2013.

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Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Hizballah’s Multiplying Qusayr Martyrs », Jihadology.net, 20 mai 2013.

Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Qusayr Meat Grinder: Hizballah’s Dead From May 20-May 25, 2013 », Jihadology.net, 25 mai 2013.

Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.

Jeffrey White, « Hizb Allah at War in Syria: Forces, Operations, Effects and Implications », CTC Sentinel , janvier 2014, Volume 7 Issue 1, p.14-18.

Hezbollah Involvement in the Syrian Civil War, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 17 juin 2013.

Following the victory at Al-Qusayr Hezbollah is preparing to support the Syrian army forces to take over Aleppo, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 19 juin 2013.

Hezbollah Operatives Killed in Syria (Updated to the end of July 2013), The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, juillet 2013.

Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.

In late 2013, Hezbollah again intensified its military involvement in the Syrian civil war, suffering heavy losses, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 22 décembre 2013.

Hezbollah's Involvement in the Civil War in Syria: Hezbollah regards the takeover of Yabrud as a security and morale-boosting achievement, costing the organization relatively few losses, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 22 avril 2014.




1Linda Lavender, Blowback: The Unintended Consequences of Hezbollah’s Role in Syria, CIVIL-MILITARY FUSION CENTRE MEDITERRANEAN BASIN TEAM, septembre 2013.
2Le Hezbollah s'appuie au départ sur le mécontentement des chiites libanais, plutôt favorables au départ à Israël, mais traumatisés par l'exil vers Beyrouth-sud et l'occupation.
3Fonction qu'il prétend assumer depuis 1990 et la fin de la guerre civile libanaise (accords de Taëf) où il a pu conserver ses armes, contrairement à la milice d'Amal, l'autre mouvement chiite. Après le retrait israëlien du Sud-Liban en 2000 et l'avènement de Bachar el-Assad en Syrie, le Hezbollah se rapproche de Damas. Le maintien de la « résistance », après le retrait syrien de 2005 du Liban, est entretenu par des provocations à la frontière sud qui débouchent sur la guerre avec Israël en 2006.
4Kathia Légaré, L’engagement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne : Nouvelle mutation ou indice de décadence du mouvement ?, PSI, Université Laval, 22 octobre 2013.
6Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Hizballah’s Multiplying Qusayr Martyrs », Jihadology.net, 20 mai 2013.
7Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Qusayr Meat Grinder: Hizballah’s Dead From May 20-May 25, 2013 », Jihadology.net, 25 mai 2013.
8Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
10Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
11Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
12Nick Heras, « What is Hezbollah ’s Role in the Syrian Crisis ? », The Jamestown Foundation, Terrorism Monitor, Volume X, Issue 20, 2 novembre 2012.
13Hezbollah Involvement in the Syrian Civil War, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 17 juin 2013.
14Mazis I., Sarlis M., « A GEOPOLITICAL ANALYSIS OF THE ACTIVATION OF THE SHIITE GEOPOLITICAL FACTOR WITHIN THE SYRIAN CONFLICT GEOSYSTEM », Regional Science Inquiry Journal, Vol. V, (2), 2013, pp. 125-144.
15Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
16Nicholas A. Heras, THE POTENTIAL FOR AN ASSAD STATELET IN SYRIA, Policy Focus 132, The Washington Institute for Near East Policy, décembre 2013.
17Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
18Nicholas Blanford, « The Battle for Qusayr: How the Syrian Regime and Hizb Allah Tipped the Balance », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.18-22.
21Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
23Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
24Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
25Following the victory at Al-Qusayr Hezbollah is preparing to support the Syrian army forces to take over Aleppo, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 19 juin 2013.
26Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
27Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
28Ahmed Habib Saloum, commandant militaire important de Nabatieh, au Sud-Liban ; Ayman Said Tahini, commandant important du Hamas, de Itit, au Sud-Liban ; et Khalil Muhammad Khalil Hamid, commandant militaire du Hezbollah, de Bint Jbeil, Sud-Liban.
29Hezbollah Operatives Killed in Syria (Updated to the end of July 2013), The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, juillet 2013.
30Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
31In late 2013, Hezbollah again intensified its military involvement in the Syrian civil war, suffering heavy losses, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 22 décembre 2013.
33Jeffrey White, « Hizb Allah at War in Syria: Forces, Operations, Effects and Implications », CTC Sentinel , janvier 2014, Volume 7 Issue 1, p.14-18.
35 Aram Nerguizian, « Assessing the Consequences of Hezbollah’s Necessary War of Choice in Syria », Commentary, Center for Strategic and International Studies, 27 juin 2013.
38Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
50Hezbollah's Involvement in the Civil War in Syria: Hezbollah regards the takeover of Yabrud as a security and morale-boosting achievement, costing the organization relatively few losses,The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 22 avril 2014.


Mourir pour Assad ? Les combattants étrangers pro-régime en Syrie-3/3 : les milices irakiennes et les autres formations

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Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.


Mise à jour 4-samedi 17 mai 2014 : rajout de la nouvelle milice Liwa Assad Al-Ghaleb, mises à jour sur Asa’ib Ahl al-Haq et sur le PNSS, mention de l'utilisation par les miliciens de roquettes Volcano à Mleha.



Mise à jour 3-vendredi 9 mai 2014 : correction de nombreuses fautes + ajouts sur la Garde Nationaliste Arabe.

Mise à jour 2, vendredi 28 mars 2014 : quelques ajouts plus de nouveaux exemples comme la milice du PNSS.

Mise à jour 1 : dimanche 9 février 2014 : précisions sur les milices, rajouts de quelques exemples. 


Les miliciens étrangers


Le Hezbollah est coutumier de la formation, de l'entraînement et de l'encadrement de milices. Il l'avait déjà fait pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988) aux côtés des Gardiens de la Révolution iraniens. Le Hezbollah participe ainsi à la formation de Jaysh al-Shabi (puis des Forces Nationales de Défense), l'armée populaire liée à la structure de l'armée syrienne en pleine recomposition depuis le début de la guerre civile. Cette initiative prouve d'ailleurs que le régime syrien a su reconfigurer son armée pour faire face à une menace irrégulière et asymétrique, avec une milice formée sur le modèle de la Basij iranienne1. Dès le début 2012, Jaafar Athab, membre d'une milice irakienne pro-iranienne, Asa’ib Ahl al-Haq, est tué à Hama2. C'est le général Suleimani, le commandant de la force Qods, qui aurait donné l'ordre aux milices irakiennes pro-iraniennes, Asa’ib Ahl al-Haq et les Brigades du Hezbollah notamment, d'envoyer leurs combattants en Syrie dès 2012. Pour les Iraniens, le contrôle de la zone autour du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas, est essentiel : non seulement les rebelles pourraient encercler la capitale et assiéger l'aéroport international de Damas, mais en outre, comme on l'a dit plus haut, le pélerinage sert de couverture au transit des Gardiens de la Révolution et autres activités clandestines. Le plus grand hôtel de Sayyeda Zaynab, l'hôtel As-Safir de Damas, est possédé par la riche famille des Nahas, une famille chiite qui a des liens étroits avec le clan Assad. Le général Shafiq Fayyad, le cousin de Hafez el-Assad, a commandé la 3ème division blindée qui a joué un grand rôle dans la répression du soulèvement des Frères Musulmans en 1982 puis dans l'échec de la tentative de coup d'Etat de Rifaat, le frère de Hafez, en 1984. Or Fayyad a marié son fils dans la famille Nahas. On mesure combien, pour l'Iran, la Syre constitue la « 35ème province » du pays3.




Les premiers indices de la participation de miliciens chiites étrangers aux combats en Syrie commencent à filtrer à l'automne 2012, par des interviews avec ces combattants ou par le biais du gouvernement irakien4. La plupart de ces miliciens servent dans la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas. Leur nombre est difficile à évaluer mais un milicien irakien parlait déjà, en octobre 2012, de 200 Irakiens partis en Syrie, provenant de scissions du courant de Moqtada al-Sadr et de milices armées formées par l'Iran sous l'occupation américaine de l'Irak. L'organisation Badr, un mouvement politique créé par l'Iran dans les années 1980 pour combattre Saddam Hussein, annonce que le mouvement s'arme et s'équipe pour éventuellement participer au conflit. Début octobre 2012, Abou Hajeer, le chef de la brigade Liwa Abou Fadal al-Abbas, revendique déjà 500 combattants. Cette brigade rassemble plusieurs sous-unités dont certaines portent des noms importants de la religion chiite : brigade Ali Akbar, brigade al-Qasim, brigade Malik al-Ashtar. Au moins une unité est nommée d'après un des martyrs de la brigade (Ahmad Karaya). En Irak, l'organisation du recrutement de volontaires s'est accélérée à partir de la fin 2012 : des convois entiers de bus de pélerins transportent des combattants et des armes. En octobre 2012, le comité de recrutement de la province de Diyala, où l'affrontement entre chiites et sunnites irakiens est très vif (c'est un bastion de l'Etat Islamique en Irak), prétend avoir expédié 70 combattants en Syrie. Si la majorité des volontaires sont chiites, il y a aussi des sunnites et des Druzes. La plupart des combattants chiites irakiens sont motivés par le désir de prévenir, en Irak, le renouveau des violences sectaires de 2006, qui avaient coûté la vie à des centaines de chiites et de sunnites. Pour le moment, la plupart de ces milices restent basées en Irak, et expédient des combattants en Syrie : les groupes armés présents en Syrie ne cherchent pas, comme les factions rebelles, à contrôler des territoires syriens5.


  • Les groupes armés irakiens qui envoient des combattants en Syrie

La présence de miliciens chiites irakiens en Syrie commence à apparaître au grand jour entre janvier et mai 20136. En mars, les premières photos et notices de « martyrs » tués au combat apparaissent : les morts appartiennent à deux organisations, Asa’ib Ahl al-Haq (La ligue des Justes) et Kata’ib Hizballah (Les Brigades du Hezbollah). Pour le premier groupe, il n'y a pas eu d'annonces officielles, simplement des funérailles dans plusieurs villes irakiennes. Les Brigades du Hezbollah, au contraire, ont massivement diffusé sur le web (le premier martyr est Ahmed Mahdi Shuweili), même si les deux groupes n'indiquent jamais où les combattants ont été tués. Créés sous l'occupation américaine de l'Irak, ces deux groupes armés ont reçu une aide massive du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution iraniens. On peut donc considérer que ces deux milices sont de simples paravents du régime de Téhéran. Plus tard, certaines notices de martyrs prouvent d'ailleurs que les miliciens sont d'abord passés par l'Iran avant de gagner la Syrie ; leurs corps sont rapatriés via la frontière irako-iranienne. On apprend en outre que les combattants d'Asa’ib Ahl al-Haq servent en fait au sein de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas7. A partir du mois de mai, la confusion est grande dans l'identification des morts en raison de l'engagement massif du Hezbollah à al-Qusayr ; or certains membres du Hezbollah qui font partie de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas sont aussi tués près du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas. 

Emblème de AAH.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/f/fb/Asaib-ahl-alhaq_logo.jpg
 

Un grand nombre de chiites irakiens tués en Syrie appartient à la brigade Asa’ib Ahl al-Haq, qui a des liens étroits avec le Hezbollah8. Cette milice (qui comprend 2 à 3 000 hommes), formée en 2006 par une scission de l'Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr, avait combattu les Américains pendant l'occupation de l'Irak et avait notamment aidé à introduire les fameux IED « explosively formed penetrator ». Au vu du nombre de martyrs, c'est sans doute l'un des pourvoyeurs les plus importants. En juillet 2013, le groupe annonce que les combattants dépêchés en Syrie font partie d'une unité spéciale : Liwa Kafil Zaynab. Les vidéos du groupe insistent maintenant sur la coopération avec l'armée syrienne et le Hezbollah. Un ancien leader sadriste, Muhammad al-Tabatabai, qui fait peut-être partie de l'encadrement du groupe, est venu visiter les combattants en Syrie en juillet 20139. Le mouvement a des liens étroits avec l'Iran10. Le 26 avril 2014, un attentat-suicide vise un rassemblent du groupe à Bagdad, tuant 37 personnes. L'attentat est revendiqué par l'EIIL, qui indique que c'est une réponse à l'engagement de Asa’ib Ahl al-Haq en Syrie. L'aile politique du mouvement, menée par Qais Khazali, s'est allié avec le parti de Nouri al-Maliki pour les élections législatives. 10 des personnes tuées dans l'attentat sont des vétérans de la Syrie. Pour les opposants de Maliki, celui-ci infiltre des combattants chiites djihadistes, sectaires, dans les rangs des forces militaires et de sécurité, notamment dans une force spéciale paramilitaire, les « Fils de l'Irak », chargée de combattre l'EIIL. Les miliciens d'Asa’ib Ahl al-Haq auraient également remplacé la police irakienne dans la province d'Anbar, et seraient apparus, en uniformes réguliers, à Bagdad. Les miliciens sont également présents dans la province de Diyala, frontalière de l'Iran. Ils auraient commis de nombreuses exécutions sommaires. Egalement engagés depuis la révolte dans la province d'Anbar en décembre 2013, orchestrée par l'EIIL, ils y ont déjà perdu au moins un tué. Les miliciens pourchasseraient aussi les sunnites anti-Maliki autour de Bassorah. Moqtada al-Sadr, chiite qui s'oppose à Malili, a violemment condamné Asa’ib Ahl al-Haq et des affrontements armés ont même eu lieu à Bagdad entre sa milice, l'arme du Mahdi, et Asa’ib Ahl al-Haq. Celle-ci, pour maintenir son influence, argue des attaques de l'EIIL commises contre les chiites irakiens11.

AAH publie de nombreuses photos d'insurgés syriens tués pour montrer son "efficacité".-Source : http://4.bp.blogspot.com/-cSTBFOMigUY/Ulu-zybbxxI/AAAAAAAAGRQ/eQNEXLkcvrg/s1600/9.jpg




Quant aux Brigades du Hezbollah (400 hommes d'élite), elles ont des liens étroits avec la force Qods des Gardiens de la Révolution iraniens : basées à Baghdad, elles font passer en contrebande et stockent des armes iraniennes en Irak. En décembre 2009, le groupe avait acquis une certaine notoriété en piratant un drone Predator américain. Jamal Jafar Muhammad, alias « l'Ingénieur », qui serait le chef de l'organisation, pourrait également être l'un des bras droits du général Suleimani, qui dirige la force Qods. Il aurait participé aux attentats de 1983 contre les ambassades américaine et française au Koweït, et à une tentative d'assassinat de l'émir du pays en 1985, à l'époque où l'Iran essayait d'empêcher le soutien occidental à l'Irak pendant le conflit contre ce pays12. Jaysh al-Mukhtar, une milice chiite formée le 4 février 2013, a été constituée par le secrétaire général des Brigades du Hezbollah en Irak. C'est un paravent pour l'envoi de combattants irakiens en Syrie13. Abu Karrar al-Hamidawi, un des cadres des Brigades du Hezbollah, a servi dans cette milice avant d'être tué en Syrie le 4 avril 2013. Asa’ib Ahl al-Haq et Kata’ib Hizballah sont incorporées dans le projet du président irakien Maliki de former une division spéciale, pour la protection de Bagdad, composée de miliciens chiites14.


Harakat Hizballah al-Nujaba est un groupe créé par les Brigades du Hezbollah et Asa’ib Ahl al-Haq pour acheminer les combattants en Syrie, et peut-être aussi par les Brigades du Jour Promis, la milice qui a succédé à Jaysh al-Mahdi de Moqtada al-Sadr. Il a formé, en plus de Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir, la principale milice, qui opère à Alep, et de Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba, qui elle est dans l'est de la Ghouta (voir plus loin), une autre milice, Liwa’a al-Hamad, à partir de juillet 2013. Le premier martyr n'apparaît que le 5 décembre. Il n'y a quelques vidéos qui montrent ce dernier groupe en action15.




Emblème de KSS-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled187.png?w=277&h=275


Autre milice irakienne qui intervient dans les combats en Syrie : Kata’ib Sayyid al-Shuhada (KSS : 200 hommes), présente au sud de Damas pour défendre le tombeau de Zaynab, et qui semble être surtout un réservoir de miliciens pour ce faire16. La première mention du groupe date du 14 avril 2013 : elle a porté plusieurs noms, Kata’ib Karbala et Kata’ib Abu Fadl al-Abbas, et a envoyé des combattants qui ont servi dans la brigade Abou Fadal al-Abbas. Certaines sources affirment que la milice serait issue de scissions des Brigades du Hezbollah, et que Abu Mustafa Sheibani, un des personages importants ayant participé à la création de ces groupes spéciaux soutenus par l'Iran en Irak, en serait le chef. Sheibani, qui a la double nationalité irakienne et iranienne, était connu en Irak pour diffuser les « explosively formed penetrator (EFP) roadside bombs ». Là encore, des corps de combattants tués en Syrie passent par la frontière Iran-Irak, révélant la source du financement important du groupe. Une seule vidéo, en juin 2013, mettait en scène la milice en Syrie. Au moins 4 de ses combattants ont été tués en Syrie ; le recrutement semble se faire notamment à Bassorah. Fin août 2013, le total des morts est porté à 8. Il est possible que cette milice soit la branche militaire en Syrie d'une organisation irakienne de Bassorah, le mouvement Sayyid al-Shuhada. A l'été 2013, elle prétend avoir envoyé 500 combattants en Syrie, qui serviraient, pour la plupart, dans l'est de la Ghouta, les zones rurales autour de Damas. L'organisation a peut-être, selon Philip Smyth, servi de paravent à l'organisation Badr irakienne. 8 combattants sont tués ou portés disparus dans l'est de la Ghouta à la fin août, au moment des fameuses attaques chimiques. A noter que sur les vidéos et photographies mises en ligne, les miliciens portent un emblème distinctif bien reconnaissable. Cette milice se distingue aussi des autres par le grand nombre de photos ou de vidéos mettant en scène des cadavres de rebelles, parfois mutilés. Dans son iconographie de propagande, elle montre seulement Khamenei et l'Ayatollah Muhammed Baqir Hakim, l'un des fondateurs de l'organisation Badr en Irak, ce qui renforcerait l'hypothèse des liens avec cette organisation17. Le 24 septembre 2013, la télévision syrienne annonce la mort du chef de KSS, Abu Layth, tué dans l'est de la Ghouta18.

En février 2013, Hadi al-Amiri, le chef de l'organisation Badr irakienne (liée à Téhéran), prend prétexte de la livraison d'armes de la Turquie et du Qatar à al-Qaïda comme déclaration de guerre aux rebelles syriens19. Au départ, l'organisation Badr est la milice du Conseil Suprême pour la Révolution Islamique en Irak, avant de s'en détacher et de se constituer comme formation politique. En 2006, elle aurait rassemblé 10 000 miliciens. Le groupe a reçu fonds, entraînement et armement de l'Iran, et ce même avant de devenir autonome. L'organisation durcit sa posture après le 20 mai 2013, jour où un attentat vise un bus de pélerins chiittes près de Tikrit, en Irak, ciblant peut-être des conseillers iraniens venant former des combattants de la milice. Le 17 juin, l'organisation Badr annonce la mort d'un premier milicien, Yasin Muhammed al-Zayn, qui aurait péri à Zaynab. Le 13 juillet 2013, elle annonce avoir déjà envoyé 1 500 combattants en Syrie. L'organisation pleurt ses morts qui appartiennent à une formation spéciale créée pour les besoins de la guerre syrienne, Quwet Shahid al-Sadr20. Le 28 juillet, après l'annonce de la mort d'un deuxième martyr, l'organisation Badr rebaptise cette force expéditionnaire Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, d'après le nom de l'ancien chef du mouvement Dawa en Irak. Sadr a joue un rôle important, comme clerc à Nadjaf, dans la formation de l'idéologie qui sera appliquée en Iran à partir de 1979 par Khomeini : il a été exécuté en 1980 par Saddam Hussein. Les miliciens utilisent plus fréquemment que les autres les versions du M-16 (dont la carabine M-4) dont certains équipés de lunettes de visée. Ils utilisent aussi ce qui est apparemment la copie iranienne du fusil anti-sniper Steyr HS. 5021.


Logo de l'organisation Badr.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled249.png?w=162&h=268



Al-Muqawama al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq, un groupe dirigé par Al-Muqawama al-Islamiyya fi al-Iraq-Faylaq al-Wa’ad al-Sadiq, serait basé à Nadjaf, en Irak. Le nom du groupe renvoie aux provocations du Hezbollah et à la capture de deux soldats israëliens qui avait entraîné la guerre contre Tsahal en 2006. On ne sait pas si le groupe a été créé à cette date ou plus tard, en 2010-2011. En août 2012, il annonce se tourner vers des projets civils, mais un an plus tard, il envoie ses premiers combattants en Syrie. La première vidéo ne date que de janvier 2014 mais a pu être tourné avant : on y voit une subdivision de la milice, Kata’ib Musa al-Khadhim-Sariyya ‘Ammar Ibn Yasir, attaquer un Humvee. Comme Harakat al-Nujaba, le groupe semble être un paravent iranien reconfiguré pour envoyer des combattants irakiens en Syrie. De manière intéressante, le groupe prétend combattre à Alep, où opère déjà Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir : cela confirme effectivement la présence remarquée de davantage de miliciens chiites dans le secteur en décembre 2013-janvier 201422.


  • Les milices irakiennes basées en Syrie :


La brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas (LAFA) est apparue à l'automne 2012 et confirme si besoin est que la guerre civile syrienne s'oriente vers un conflit de plus en plus sectaire23. L'organisation se fixe comme objectifs la défense du sanctuaire chiite de Sayida Zaynab et des populations chiites environnantes au sud de Damas. Elle réunit une minorité de combattants syriens et une majorité de combattants chiites étrangers. Dans l'esprit, elle reflète ce qu'ont pu être les brigades internationales pendant la guerre d'Espagne. Cependant, cette milice fait appel à de nombreux combattants de Asa’ib Ahl al-Haq ou des Brigades du Hezbollah, soutenues par l'Iran, a des uniformes, des armes flambant neuves, une structure de commandement et s'identifie avec le Hezbollah libanais. L'influence de l'Iran est évidente dans la structure de l'organisation. Le nom du groupe lui-même renvoie à la rupture historique entre les chiites et les sunnites, Abou Fadl al-Abbas étant un combattant chiite qui s'illustre à la bataille de Kerbala et qui était le porte-drapeau de l'imam Hussein. Une vidéo fameuse montre un combattant de la brigade hissant le drapeau de celle-ci sur le dôme doré du sanctuaire de Zaynab.


Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/05/untitled35.png?w=960


Le groupe armé rassemble à la fois des chiites irakiens, formés et armés par l'Iran, et des chiites libanais, dont des combattants du Hezbollah. Les uniformes et la tactique du tir semi-automatique, pour améliorer la précision et économiser les munitions, relieraient LAFA au mouvement libanais. Mais dès le mois d'août 2012, le Hezbollah était présent autour du sanctuaire de Zaynab : Hassan Selim Meqdad, capturé par les rebelles, est supposé être un cadre de l'organisation libanaise. Sous la torture, visiblement, il avait reconnu la présence de 250 hommes autour du site. En avril 2013, Haidar Haj Ali est tué en Syrie : on croit d'abord qu'il est de la LAFA, mais il appartient en réalité au Hezbollah, et il a manifestement péri près du sanctuaire de Zaynab. Les emblèmes utilisés par LAFA rapprochent celle-ci du Hezbollah, et, derrière, de l'Iran. On sait que la milice a un secrétaire général, comme le Hezbollah, Abou Ajeeb (qui vient du vilage de Nubl, près d'Alep) ; un autre chef important est Abou Hajar (il s'agit de noms de guerre). Des photos où l'on voit le groupe opérer avec des véhicules de police ou des équipements plus lourds de l'armée syrienne laissent penser que la milice est intégrée, d'une façon ou d'une autre, aux opérations des forces du régime. Equipée de technicals, de fusils de précision Dragunov, d'armes légères et même de pièces d'artillerie, LAFA semble opérer de manière efficace en combat urbain. On sait par ailleurs que LAFA est soutenu, près du tombeau de Zaynab, par les miliciens syriens24. Au total, la brigade LAFA comprendrait entre 500 et 1 500 hommes, selon les sources. LAFA ne défend pas seulement le tombeau de Zaynab : elle protège aussi d'autres sites considérés comme saint par les chiites. La tombe de Al-Sayyida Ruqayya, la fille d'Husayn bin Ali, est située dans la campagne autour d'Alep ; la tombe de Al-Sayyida Sakinah, une autre fille d'Husayn bin Ali, se situe elle dans le faubourg de Daraya, à Damas25. Liwa al-Taff, une force créée en mai 2013, et qui comprend plusieurs centaines de combattants répartis en au moins trois bataillons, appuie les opérations de LAFA26.


Le 5 juin 2013, le jour même de la victoire à al-Qusayr, une nouvelle milice chiite basée à Damas, Liwa’a Zulfiqar (LZ), apparaît sur Facebook27. En réalite, ce nouveau groupe est issu de LAFA, probablement dans l'intention d'agir sur le moral des rebelles en laissant croire qu'un véritable flot de combattants chiites afflue en Syrie pour aider le régime. La plupart des miliciens sont tirés de Liwa’a al-Yum al-Mawud -de Moqtada al-Sadr-, de Asa’ib Ahl al-Haq et des Brigades du Hezbollah. D'après une dépêche de Reuters datée du 19 juin, il se pourrait que LZ soit une création nouvelle suite à des combats ayant opposé les forces du régime syrien aux miliciens irakiens chiites eux-mêmes (!) à Damas ! Malgré tout, les miliciens chiites irakiens demeurent dépendants de l'armée syrienne pour obtenir le matériel lourd (blindés, artillerie, etc) nécessaire à certaines opérations. La création de LZ correspondant aussi à un changement d'emblème pour LAFA. Le nom de la nouvelle formation lui-même est symbolique : Zulfiqar est l'épée à deux pointes de Mahomet, que celui-ci aurait donnée à Ali sur son lit de mort, symbolisant pour les chiites la passation de pouvoir de l'un à l'autre. Les combattants de LZ se distinguent aussi par le port de tenues à camouflage désertique, contrairement à ceux de LAFA. Son commandant est Fadel Subhi, alias Abou Hajar, qui vient de LAFA. Il est tué à Deraa le 16 septembre 2013 et son corps est rapatrié à Nadjaf, en Irak. Abou Shahed, qui vient aussi de LAFA, a pris le relais28.


Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/06/untitled236.png?w=300&h=225



Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir (LAIY) est le premier groupe composé de miliciens chiites irakiens à ne pas combattre au sanctuaire de Zaynab29. LAIY intervient dans la zone au nord d'Alep et dans la cité elle-même, ce qui tend à prouver que contrairement à ce que l'on pensait jusque là, les miliciens étrangers ne sont pas employés qu'à Damas ou dans de grandes offensives comme à al-Qusayr, mais aussi pour des opérations de combat urbain plus quotidiennes. Le groupe apparaît fin mai 2013 sur le web et le 4 juin procède aux funérailles très hautes en couleur de 7 combattants tués en Syrie. Le nom de l'unité lui-même est encore une fois très instructif : Ammar Ibn Yasir était l'un des compagnons d'Ali, connu pour sa loyauté. Sa tombe, à Raqqa, en Syrie, a été détruite par les insurgés après la prise de la ville en mars 2013. La milice met souvent en avant dans ses documents iconographiques Akram al-Kaabi, le chef d'une autre milice chiite, Asa’ib Ahl al-Haq, ce qui suggère qu'encore une fois, ce nouveau groupe n'est peut-être qu'un paravent d'une structure antérieure. En plus des 7 tués du 4 juin 2013, un autre mort est enterré le 3 juillet suivant. Sur Youtube, les vidéos sont postées sous un utilisateur appelé Brigades de l'Armée du Mahdi, une référence explicite à Moqtada al-Sadr, qui a été réticent à envoyer des combattants en Syrie et qui est en délicatesse avec le pouvoir iranien. La milice cherche probablement ainsi à se gagner les faveurs de volontaires irakiens supplémentaires. Sur les vidéos, on peut voir très nettement que les miliciens chiites irakiens arborent un brassard jaune : pour les insurgés, cela les identifie immédiatement comme combattants étrangers. Le Hezbollah avait distribué des brassards identiques pendant la bataille d'al-Qusayr et on sait que LAFA en porte aussi à Damas. En août 2013, LAIY avait déjà perdu 10 tués en Syrie30.


Logo de LAIY.-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/07/untitled273.png?w=300&h=166


Le 23 juillet 2013 apparaît une nouvelle milice, Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba-Sariyya Shahid Ahmed Kayara (LIHM), qui combat dans les environs urbains et ruraux de Damas, et particulièrement au sud-est de la capitale, près de Shebaa. La milice porte le nom du deuxième imam chiite. Elle se singularise par la reconnaissance, en son sein, de plusieurs bataillons. Elle prétend en effet disposer d'une unité de mortiers, d'une autre de roquettes, et de plusieurs bataillons d'infanterie, dont une force d'intervention rapide, le bataillon Ashtar. La propagande de la milice colle moins aux Iraniens, ce qui serait peut-être une façon d'élargir le recrutement dans le monde chiite. Comme les autres milices, LIHM met en valeur, en particulier dans ses vidéos, les snipers31.

Fin septembre 2013, une autre milice se fait jour : Sariyya al-Tali’a al-Khurasani (STK), nommée d'après Abou Muslim al-Khurasani, un combattant du VIIIème siècle qui a contribué à la chute des Omeyyades. L'organisation prétend être basée à Erbil, au coeur du Kurdistan irakien : elle opère uniquement dans les zones rurales autour de Damas. La création officielle date du 8 octobre 2013. Comme les autres milices, elle met en avant la défense du tombeau de Zaynab et l'idéologie iranienne. L'organisation met en ligne de nombreuses photos et vidéos de ses combattants avec une insistance particulière sur des poses à côté du drapeau de la milice. Le logo est inspiré de celui des Gardiens de la Révolution. La milice ne semble pas recevoir de combattants d'autres groupes irakiens. Contrairement aux autres groupes également, elle donne rapidement le nom de son chef, Ali al-Yasiri. L'armement est semblable à celui des autres formations, le groupe utilisant aussi des mortiers légers. Comme l'organisation Badr, les photos montrent régulièrement des clercs chiites aux côtés des combattants32.


Logo de STK-Source : http://azelin.files.wordpress.com/2013/10/untitled416.png?w=218&h=243


La dernière milice d'origine irakienne apparue en Syrie est Liwa Assad Allah al-Ghaleb (LAAG)33. Cette milice a été formée fin 2013 par A’qil Al-Mousawy, qui répond au nom de guerre d'Abou Fatimah. Ce dernier a formé cette nouvelle milice après avoir été commandant dans Liwa Abou Fadal al-Abbas. Après être revenu en Irak, il recrute pour constituer sa propre unité. LAAG est engagé à Daraya, au sud de Damas, à la fin 2013, puis dans le faubourg de Qadam, non loin de l'autoroute Damas-Deraa. L'inexpérience des combattants entraîne de lourdes pertes dans les premiers engagements. Gagnant progressivement de l'expérience, la milice est engagée avec d'autres groupes irakiens à Mleha, dans l'est de la Ghouta. En plus de chiites irakiens, il est désormais composé de chiites et de Druzes syriens. Ces derniers viennent de la ville de Jaramana, proche de Mleha. LAAG suit, sur le plan religieux, l'autorité de Sheikh Qassem Al-Ta’y, dont la branche syrienne, dirigée par Sheikh Ibrahim Dawa, finance cette milice. LAAG emploie, à la mi-mai 2014, des roquettes de type Volcano contre Mleha : une vidéo, qui met en scène les tirs, est la première du genre à montrer des miliciens étrangers en Syrie, pro-régime, utiliser ce type de matériel.


Miliciens de Liwa Assad Allah al-Ghaleb devant le drapeau de l'unité.-Source : http://tahrirsouri.com/wp-content/uploads/2014/05/10264385_625066907584209_624447485884606474_n.jpg



  • Les autres milices


Le nationalisme arabe, contrairement à ce que l'on pourrait croire, est loin d'être mort. Il est même encore présent dans de nombreux pays arabes d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les nationalistes arabes ont ainsi formé leur propre milice en soutien du régime syrien, la Garde Nationaliste Arabe34. Formée en avril 2013, celle-ci comprend 4 bataillons, dénommés Wadih Haddad (un chrétien palestinien, nationaliste arabe, membre du FPLP), Haydar al-Amali (un penseur nationaliste arabe libanais, mort en 2007), Mohamed Brahmi (un Tunisien fondateur du Mouvement Populaire Arabe Nationaliste et Socialiste, tué en juillet 2013 par les islamistes) et Jules Jammal (un chrétien syrien officier de la marine syrienne, passé au rang de héros pour avoir soi-disant coulé un navire français en 1956 pendant la crise de Suez).


Emblème de la Garde Nationaliste Arabe.-Source : http://3.bp.blogspot.com/-cG-w7b29Wtw/UsKLQCS7jDI/AAAAAAAAIIQ/7iB-mi0keZ0/s1600/1.jpg


L'idéologie du groupe rallie le discours du régime syrien, face aux intérêts sionistes, insiste sur la libération de la Palestine, vante les mérites de Nasser et ceux de la République Arabe Unie entre la Syrie et l'Egypte entre 1958 et 1961. Dans l'iconographie figurent aussi Hugo Chavez, le Hezbollah et Saddam Hussein. La Garde Nationaliste Arabe procède à des recrutements via des réseaux comme la Jeunesse Nationaliste Arabe, présente à Sidon au Liban, à Gaza et en Egypte. La milice comprend de nombreux combattants du monde arabe, dont des Irakiens et des Egyptiens. Elle collabore étroitement avec l'armée syrienne et se trouve dans les provinces de Damas, Homs, Alep et Deraa. Elle est surtout présente à Damas et aux alentours, et aurait pris part à l'offensive dans le Qalamoun en novembre 2013.

Combattants du bataillon Mohamed Brahmi dans le Qalamoun.-Source : http://4.bp.blogspot.com/-nQQ7n6LP7Tw/UsKNuRjRkdI/AAAAAAAAIJc/4pBP8OyvVu0/s1600/10.jpg


D'après Al-Akhbar, la Garde Nationaliste Arabe aurait été formée en mai 2013, après un raid aérien israëlien sur la Syrie (probablement un de ceux contre le matériel destiné au Hezbollah), et serait dirigée par un Libanais originaire de Jamal Amal, au sud du pays, Abu A’ed. Elle se compose à l'origine de membres de la Jeunesse Nationaliste Arabe. Abu A’ed a combattu en Irak contre les Américains. D'après le frère de ce dernier, c'est en collaboration avec l'armée syrienne que la Garde Nationaliste Arabe installe alors son camp sur le mont Qassioun, qui surplombe Damas. Le nombre de combattants, et particulièrement ceux recrutés en Egypte et en Palestine, aurait cru de manière importante au moment des menaces de frappes occidentales sur la Syrie, en septembre 2013, avant l'accord sur les armes chimiques du régime. La Garde Nationaliste Arabe collabore avec les réguliers syriens et les Forces Nationales de Défense : elle interviendrait dans les provinces de Damas, Deraa, Homs et Alep. Parmi les recrues, il y aussi des Irakiens, des Tunisiens, des Yéménites et même des Syriens. Le groupe est financé, entraîné, armé et encadré par le régime. L'effectif avoisinerait les 1 000 hommes et les pertes se monteraient au moins à 50 tués. La plupart des hommes ont entre 18 et 30 ans ; d'anciens officiers des armées égyptienne et irakienne, ou des groupes palestiniens, serviraient d'instructeurs et de conseillers pour les forces du régime. Ainsi le docteur Jamal, 36 ans, ancien officier de l'armée égyptienne. Il a quitté celle-ci après que le président Morsi ait soutenu l'insurrection syrienne et appelé à une intervention occidentale. Le premier tué du groupe, Ahmed Osman, appelé Abu Bakr al-Masri, est mort dans le Qalamoun en octobre 2013. La plus jeune recrue, Fidaa al-Iraqi, un Irakien de 16 ans, a été blessé lors de combats dans la province de Quneitra. Un jeune Libanais de 25 ans, qui lui a été blessé dans la province de Deraa, confirme que la Garde Nationalise Arabe combat aux côtés du Hezbollah et du Parti National Socialiste Syrien (voir ci-dessous). La Garde Nationaliste Arabe a aussi recruté 70 Syriennes qui assurent des tâches de sécurité. Dalal, une jeune femme de 22 ans originaire de Raqqa, a d'abord soutenu l'insurrection ; mais elle a été horrifiée par la mainmise des djihadistes sur Raqqa, puis par la décapitation d'un homme dans la province d'Idlib35. A la mi-mai 2014, la Garde Nationaliste Arabe est engagée sur le front de Mleha, dans l'est de la Ghouta. Comme la milice irakienne et syrienne Liwa Assad Allah al-Ghaleb, elle utilise désormais des roquettes Volcano36.

Combattants de la Garde Nationaliste Arabe à Mleha.-Source : https://syrianfreepress.files.wordpress.com/2014/05/arab-nationalist-guard-2.jpg




Le Front Populaire de Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG), un paravent de la Syrie qui précède de longue date la guerre civile, a été lui aussi impliqué dans le conflit, et y a subi des pertes37. Depuis les années 1970, avec les prises d'otages dans les avions ou les attentats à la bombe, ce groupe aux tactiques innovantes est devenu une milice parmi d'autres au service du régime Assad. Fondé par Ahmad Jibril, le groupe réunissait des militants désireux de passer à l'action plutôt que d'ergoter sur le marxisme. Après la fin de la guerre froide, le FPLP-GC dépend étroitement de l'appui syrien. Il s'associe également avec l'Iran, proche allié du clan Assad. Jibril n'a de fait aucune idéologie : d'aucuns le décrivent comme un « révolutionnaire nihiliste ». Il faut dire que Jibril a servi dans l'armée syrienne, puis a fondé, en 1961, le Front de Libération de la Palestine (FLP). Le groupe est constitué de Palestiniens ayant servi eux aussi dans l'armée syrienne, et avec l'arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad, le groupe est étroitement lié à l'appareil militaire de Damas. D'ailleurs, pendant la guerre civile libanaise (1975-1990), le FPLP-GC participe à la « guerre des camps » contre l'OLP d'Arafat. La guerre civile syrienne est un choc car le groupe est attaqué sur tous les fronts : dans ses camps d'entraînement au Liban, dans les camps de réfugiés près de Beyrouth, et à son QG de Damas. Des scissions et des défections sont intervenues.



Le camp de réfugiés palestiniens du Yarmouk, au sud de Damas, créé dans les années 1950, est devenu un quartier à part entière. Ses 150 000 habitants sont même davantage des Syriens que des Palestiniens. Dès juin 2011, le QG du FPLP-GC à Yarmouk est incendié. La milice du groupe réagit et abat 14 personnes, en blesse 43 autres. En juillet 2012, 17 membres de l'Armée de Libération de la Palestine, une milice pro-Assad, sont kidnappés alors qu'ils se rendent à Alep, puis assassinés. La milice de 2 000 hommes du camp du Yarmouk commence alors à se déchirer. Dès le mois d'août, le FPLP-GC mène des opérations dans le camp avec l'armée syrienne, et crée une milice paravent pour ce faire, le Comité Populaire-Camp de Réfugiés du Yarmouk. Elle établit des checkpoints dans le camp et commence à subir des pertes face aux Palestiniens pro-insurrection et aux insurgés syriens : 3 tués le 7 septembre, un cadre, Adel Hasan, en octobre, tué dans un camp de réfugiés de la province de Deraa. Les Palestiniens pro-insurrection forment bientôt leur propre unité, Liwa al-Asifah (Brigade Tempête), armée par les insurgés syriens. Les attentats à la bombe dans le camp se multiplient dans les mois suivants. Les insurgés et les Palestiniens alliés visent en particulier les camps d'entraînement du FPLP-GC, comme Rihaniyya, pris en novembre 2012. En décembre, la pression est elle que Jibril quitte Damas, le mouvement étant chassé du camp Yarmouk. L'aviation syrienne commence dès lors à le pilonner. Les insurgés répliquent en assassinant le chef opérations du FPLP-GC, Madel Elian. Le site internet du groupe est également neutralisé à plusieurs reprises. Les pertes ont été lourdes dans les combats du Yarmouk ; Nidhal Alani, un des commandants les plus expérimentés, a été tué. En avril 2013, 6 combattants trouvent la mort dans une des nombreuses tentatives de réinfiltrer le camp.

Les scissions et défections ont été fréquentes depuis les débuts du FPLP-CG. Dès la guerre civile libanaise, le mouvement y répond avec la plus féroce violence. En 1977, Muhammad Zaydan part avec ses hommes, en désaccord avec le soutien apporté aux Syriens au Liban. Il fonde le Front de Libération de la Palestine. Un an plus tard, Jibril fait placer une bombe dans le QG du mouvement à Beyrouth, qui tue 200 personnes, dont l'essentiel des cadres du groupe. Le mort du fils de Jibril, Jihad, qui commandait les forces du FPLP-CG au Liban, en 2002, serait peut-être due à des querelles internes. En avril 2010, des affrontements armés éclatent dans un camp de la Bekaa après que Jibril ait limogé un chef local. Après l'implication du FPLP-CG aux côté du régime syrien en août 2012, le camp de Sabra, près de Beyrouth, se déchire. 6 membres du Comité Central du mouvement seraient partis en signe de protestation. Et même Khalid Jibril, le fils d'Ahmad, chef des unités spéciales du mouvement, aurait tenté de rejoindre Gaza en février 2013. Une scission, le FPLP-CL (Commandement Libre), combattrait même aux côtés des rebelles syriens.

Au Liban, en octobre 2012, le QG du FPLP-CG au camp de réfugiés de Ain al-Hilweh, à Sidon, est attaqué par des inconnus armés. En janvier et mars 2013, des sunnites pro-insurrection syrienne attaquent les bureaux du mouvement au même endroit. Le mouvement réplique en tirant des roquettes, en novembre 2012, sur des villages, puis en enlevant un chef sunnite important de la Bekaa, Shaykh Arfan al-Maarabouni. Le FPLP-CG, placé dans le Chouf et la Bekaa, peut lancer des roquettes sur le Liban et la Syrie. Pour conserver une certaine activité, le mouvement s'est rappoché de l'Iran depuis l'été 2012. Il faut dire aussi que l'encadrement vieillit : Jibril a plus de 70 ans, un des chefs historiques, Ibrahim Salama, est mort en mai 2013. La seule alternative pour cette coquille de plus en plus vide est de s'accrocher désespérement à ses soutiens, Syrie et au besoin, Iran.

Le Parti Social Nationaliste Syrien (PNSS) apporte aussi la contribution de sa branche militaire, que l'on reconnaît à l'emblème du zawba’a (typhon). Plus connu pour son activité au Liban, les cadres du PNSS ont été mobilisés dans les Forces Nationales de Défense et les comités populaires. Mais les indices se multiplient montrant que le PNSS opère de manière indépendante. Les éloges aux martyrs tombés au combat se multiplient, comme celui de Muhammad Ali Awad, un Libanais tombé au combat dans la province de Homs à la fin décembre 2013. Le rôle important du PNSS au Liban renforce encore l'intérêt d'une analyse de son implication en Syrie. Fondé en 1932 par un Grec orthodoxe juste à l'extérieur de Beyrouth, le PNSS défend une idéologie plutôt séculière et pan-syrienne, défendant l'idée d'une « Grande Syrie » qui par certains côtés emprunte beaucoup aux nationalismes européens. Il utilise un discours de « résistance » et d'anti-impérialisme, bien que ses détracteurs lui reprochent fréquemment de verser dans l'extrême-droite, voire le fascisme pur et simple. Bien qu'ayant un recrutement transconfessionnel, le PNSS semble aujourd'hui davantage s'activer pour armer les chrétiens face à une insurrection considérée comme dominée par les sunnites.

Emblème du PNSS.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e9/Logo_of_the_Syrian_Social_Nationalist_Party.svg/600px-Logo_of_the_Syrian_Social_Nationalist_Party.svg.png


Malgré ses faibles moyens, la branche militaire du PNSS au Liban est connue pour ses actions éclairs et audacieuses. Le PNSS est ainsi à l'origine de l'introduction des attentats-suicides contre les Israëliens après l'invasion du Liban en 1982 et probablement responsable de la mort du président Bashir Gamayel. Le PNSS a combattu aux côtés du Hezbollah contre Israël, mobilisant encore pendant la guerre de l'été 2006. En mai 2008, ses éléments participent à la défaite des miliciens sunnites dans les rues de Beyrouth. Les sunnites répliquent d'ailleurs en tuant 11 membres de l'organisation à Hadra, puis en mutilant les cadavres. Le PNSS a également fait le coup de feu à Tripoli contre les sunnites radicaux qui prennent le parti des insurgés syriens, en mai 2012 puis en juin 2013. Les combattants du PNSS, essentiellement des Libanais et des Syriens, opèrent dans les provinces de Homs et de Damas, mais on les a vus aussi à Tartous, dans les provinces de Suweida et Deraa, et même récemment à Morek, dans la province de Hama38. A la mi-mai 2014, après l'évacuation de Homs par les insurgés syriens, les miliciens du PNSS qui stationnent dans la ville affrontent par les armes les miliciens syriens, pourtant eux aussi pro-régime, des Forces Nationales de Défense, dans le quartier de Hamadieh. La cause des incidents serait peut-être que les FND, qui ont commis de nombreux pillages, s'en sont pris à des maisons chrétiennes. Or le PNSS est la première milice pro-régime syrien a tenté d'exercer, selon Philip Smyth, une forme de contrôle territorial en Syrie. Le parti a mis en place ses propres drapeaux sur les zones conquises et a lancé un nouveau site internet complètement indépendant du régime syrien. Le PNSS, qui comprend de nombreux chrétiens libanais, et qui est pourtant plutôt séculier, pourrait ainsi jouer de la carte « chrétienne » pour renforcer son emprise territoriale. Il profite aussi du rejet par la population des FND, considéré comme de véritables pillards39.


  • Les combattants ou formations « exotiques »


Si la majorité des combattants étrangers venus soutenir le régime Assad vient d'Irak et du Liban, et suit l'idéologie iranienne, d'autres ne viennent pas forcément de pays arabes avec de fortes minorités chiites40. Des rumeurs font ainsi état de la présence de combattants afghans, pakistanais et même d'un Africain de l'ouest du continent au sein de LAFA, la principale milice pro-iranienne. Dès la fin janvier 2013, les rumeurs s'accumulent sur la présence chiites afghans, peut-être issus de la minorité des Hazaras. Les rebelles en particulier s'ingénient à insister sur la présence d'Afghans et de Pakistanais, impossible à vérifier, d'autant que les éléments restent épars. Muhammed Suleiman al-Kuwni, dont la mort est annoncée par LAFA puis par l'Iran les 26-27 juillet 2013, serait un combattant venu de Côte-d'Ivoire, où vit un demi-million de musulmans chiites. On sait que le Hezbollah a développé un réseau de financement et même de recrutement dans ce pays, mais on ne peut là encore vérifier que ce combattant en est bien originaire.

Récemment, un journal afghan a affirmé, le 15 janvier 2014, que les Gardiens de la Révolution recruteraient effectivement parmi la communauté chiite afghane. Ils auraient expédié 120 hommes en Syrie rien que durant les deux derniers mois, dont 28 ont été tués et 8 blessés. Les morts ont été enterrés dans le cimetière iranien de Mashad et les blessés soignés dans un hôpital des Gardiens de la Révolution. D'après des vétérans eux-mêmes, les Gardiens recrutent parmi la communauté afghane réfugiée en Iran (2,5 millions de personnes) en promettant notamment la résidence permanente aux volontaires. Fin novembre, un journal lié aux Gardiens de la Révolution avait déjà annoncé la mort de 10 Afghans réfugiés en Syrie : deux des martyrs avaient été enterrés à Qoms, ce qui tend à prouver que les Gardiens fournissent une compensation financière aux familles des volontaires41.

Plusieurs centaines de combattants chiites pro-régime seraient aussi originaires de la péninsule arabique, notamment du Yémen. En juin 2013, un officiel irakien évoquait la mort de 9 Saoudiens, 8 Bahreinis et 6 Koweïtiens chiites morts au combat en défendant le sanctuaire de Zaynab, enterrés à Nadjaf. Le premier Saoudien tué en Syrie en combattant pour le régime serait Ahmad Adnan al-Qar'ush, de la région chiite d'al-Qatif. Il a combattu pour LAFA et a été tué en mai 2013. Les médias saoudiens rapportent quant à eux la présence, dans la région de Damas, de l'organisation terroriste saoudienne Hezbollah Hijaz. En août 2013, le journal arabe Al-Sharq Al-Awsat, basé au Royaume-Uni, affirme que des centaines de combattants chiites houthites, au Yémen, une insurrection soutenue par l'Iran, combattraient en Syrie. Le Yémen avançait déjà le chiffre de 200 houthites en mai 2013 et en juin, 6 d'entre eux auraient été tués dans la province de Deraa. Certaines photos postées sur Facebook laissent supposer que quelques Somaliens combattraient aussi dans les rangs de LAFA.

Début mars 2014, des hommes supposés venir des Etats-Unis combattant pour le régime syrien multiplient les vidéos les montrant sur le champ de bataille publiées sur Internet. « Wino », du gang Westside Armenian Power de Los Angeles, et « Creeper », du gang Surenos 13, lié à la mafia mexicaine. « Wino » s'appelle en fait Nerses Kilajyan ; selon les chercheurs américains, il est en Syrie depuis décembre 2012, comme l'indique son profil Facebook. Il se montre en photo avec plusieurs autres américains et combat manifestement sous le commandement du Hezbollah. Les motivations restent difficiles à expliquer : Nerses a peut-être des liens familiaux avec la Syrie, mais l'argent semble la motivation la plus pausible42. Surtout, il appartient peut-être à la minorité arménienne américaine, sans être citoyen américain lui-même ; or les chrétiens arméniens de Syrie ont pour partie rejoint les milices pro-régime43. Certaines vidéos ou photos semblent avoir été prises dans la région d'Alep.



  • Encadrement, caractéristiques et engagement des milices étrangères en Syrie :

Dans la presse et les médias, les volontaires irakiens sont souvent présentés comme désorganisés, mal entraînés44. En réalité, insister sur les volontaires fait partie d'un récit cherchant à regrouper l'effort irakien, en particulier parmi les chiites, derrière le bouclier iranien. Les volontaires constituent la majorité des recrues mais ils sont sélectionnés par les autorités syriennes et iraniennes et soumis à un entraînement sévère, notamment assuré par le Hezbollah. Sur le plan idéologique, les volontaires acquiescent au discours véhiculé en Iran. L'apparition des milices irakiennes à partir de mars 2013 permet de constater que les recrues viennent essentiellements des provinces de Bassorah, Maysan, Nadjaf et Bagdad.

L'entraînement des miliciens irakiens se ferait notamment en Iran, sous la direction des Gardiens de la Révolution. Il durerait deux semaines dans des camps de Sanandaj, une ville de l'ouest du pays. Les volontaires reçoivent 50 dollars par jour, soit 1 500 dollars par mois, en plus d'une prime de 12 000 dollars à l'engagement. En novembre 2013, la demande de combattants serait telle que le salaire moyen serait passé à 2 500 dollars45. Les Iraniens forment également plus longtemps certaines recrues dans des camps spéciaux tenus par la force Qods à Varamin. Les volontaires sont ensuite expédiés par groupes de 10 à 15 en avion à Damas. Une fois arrivé, après une rencontre avec les chefs de milices chiites, ils sont convoyés en bus. Les vétérans des combats en Irak ont parfois l'expérience des combats urbains et en rase campagne. Les milices chiites irakiennes emploient des fusils d'assaut AK-47 et dérivés, des mitrailleuses PKM, des fusils de précision et des RPG-7. Non seulement elles montent des checkpoints ou des positions défensives, des embuscades et des contre-embuscades, mais elles servent parfois, aussi, d'infanterie appoint pour les unités blindées/mécanisées syriennes. Elles manoeuvrent également leurs propres technicals. Les miliciens chiites insistent sur la manipulation de telle ou telle arme : cela fait partie de leur entraînement en Iran, où ils reçoivent une formation spécifique sur un armement donné pendant 45 jours. Les snipers, en particulier, sont mis en avant par LAFA, LAIY et LZ, avec des fusils d'assaut FAL ou Steyr SSG 69 à lunette, et des versions modifiées du Dragunov SVD. Les tireurs d'élite servent parfois au sein d'escouades ou de manière plus indépendante, en solitaire ou en binôme.

Depuis octobre 2013, Philip Smyth note, parmi les photos et vidéos de combattants des milices chiites, une présence plus important des armes anti-snipers46. Ces armes sont peut-être des copies iraniennes du Steyr HS. 50 de 12,7 mm, une arme qui porte jusqu'à 1 500 m. L'Iran en avait reçu 800 en 2007 (les Américais en ont retrouvé une centaine en Irak, et au moins un soldat a été tué par une telle arme), mais il est probable que les miliciens manipulent, de fait, des copies, le Sayad-247. Téhéran a pu en convoyer au régime syrien par avion ou celui-ci s'est « servi » lors de livraisons précédentes d'armes par l'Iran au Hezbollah, en tant qu'intermédiaire de transit. En Syrie, en plus du Hezbollah libanais, les milices alimentées par Harakat Hizballah al-Nujaba sont fréquemment vues avec cette arme. Cette augmentation des images de matériel anti-sniper est peut-être destinée à des fins de propagande ; l'arme est probablement devenue plus répandue avec la prolifération des milices chiites ; enfin, le régime a mené plusieurs offensives à l'automne qui ont pu conduire à davantage utiliser cet équipement.

La question du nombre de miliciens, en particulier irakiens, qui participent aux combats en Syrie, est l'une des plus sensibles. Comme on l'a dit au début de cet article, certaines sources parlent de 3 500 à 4 000 hommes. En juin 2013, Philip Smyth faisant le décompte suivant : entre 800 et 2 000 combattants48. Dans un article du journal Elaph, basé à Londres, Viviane Aqiqi, qui écrit depuis Beyrouth, évoque le chiffre de 5 000 miliciens chiites irakiens déjà formés et expédiés en Syrie par les Gardiens de la Révolution : 500 pour As’ib Ahl al-Haq, 600 pour les Brigades du Hezbollah, 400 pour Kata’ib Sayyid al-Shuhada, 2 000 pour Liwa al-Youm al-Mawud, 200 pour Saraya Tala’i al-Khurasani, 300 pour Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr, 500 pour Liwa Abul-Fadl al-Abbas et 150 pour les brigades de l'imam Hussein49. En juin 2013, Philip Smyth, d'après les notices des martyrs, avait établi qu'une à deux douzaines de combattants irakiens chiites étaient tués chaque mois en Syrie50. Les chiffres semblent cependant dérisoires face aux besoins militaires du régime : d'après une étude rebelle (à prendre avec précaution, mais qui recoupent certaines observations de spécialistes), Assad ne pourrait compter que sur à peine 40 000 hommes de l'ancienne armée régulière, et jusqu'à 45 000 miliciens, des Forces Nationales de Défense ou autres51. Ce qui est quasiment certain, c'est que les effectifs de l'armée syrienne, qui comptait plus de 300 000 hommes en 2011, sont tombés à 100 000, ou même un peu moins, aujourd'hui. D'où le recours aux miliciens, regroupés en 2013 sous l'ombrelle des Forces Nationales de Défense, mais qui n'alignent encore que 50 000 hommes. On voit l'importance des contingents étrangers, souvent rapidement disponibles et prêts à combattre, et qui ont souvent fait la décision là où ils sont intervenus (comme le Hezbollah à al-Qusayr)52. Il est fort probable qu'actuellement, sur le terrain, les étrangers pro-régime soient plus nombreux que les djihadistes étrangers de l'insurrection : en tout, depuis le début, il y a en eu peut-être 30 000, avec 8 000 présents simultanément selon un décompte récent, alors qu'en face, on peut aller jusqu'à 15 000 volontaires étrangers avec peut-être 6 000 présents simultanément sur le terrain Sur ces 8 000, on peut diviser en 3 000 du Hezbollah et 5 000 des autres formations53. Le centre d'informations israëlien Meir Amit, lui, parle en mars 2014 de 7 à 8 000 volontaires étrangers présents sur le terrain, dont plusieurs milliers du Hezbollah54. Il note aussi que sur 71 Irakiens tués en Syrie, la plupart viennent des faubourgs de Bagdad ou du sud de l'Irak. La plupart sont aussi des vétérans du combat contre Israël avec le Hezbollah ou contre les pays occidentaux en Irak. Sur les 4 à 5 000 combattants étrangers hors-Hezbollah, 2 à 3 000 opèreraient pour LAFA ou les groupes associés.

La plupart des combattants irakiens acceptent le concept révolutionnaire de l'Iran de Khamenei, le wilayat al-faqih, qui donne aux autorités islamiques de justice la souveraineté sur le peuple (concept qui n'est pas reconnu par le séminaire de Nadjaf en Irak). La religion chiite inclut aussi une forte dimension eschatologique : le retour du Mahdi est censé vaincre l'Antéchrist lors du Jugement Dernier. Le retour de l'imam caché est annoncé par un certain nombre de signes, dont l'irruption d'une armée impie venue de Damas, qui doit être défaite par le Mahdi. Pendant la bataille d'al-Qusayr, les chiites ont commencé à assimiler les rebelles sunnites à cette armée de tyrans, vus comme de nouveaux Omeyyades persécutant la famille du prophète. Dès juillet 2012, Yasser Habib, un prêcheur exalté qui officie depuis Londres, à appeler le Hezbollah à intervenir en Syrie pour protéger le sanctuaire de Sayyida Zaynab, fournissant ainsi une première justification. L'ayatollah Sistani de Nadjaf, très attaché à la tradition quiétiste de son école, n'a pas approuvé le départ de combattants chiites en Syrie. Le Hezbollah, dès l'été 2013, justifie son intervention en Syrie pour la défense des villages chiites menacés par les « mécréants » sunnites et pour la défense des lieux saints du chiisme55. Il serait intervenu en Syrie pour suivre un taklif shar’i, un ordre religieux impératif de l'ayatollah suprême iranien56.

Les milices pro-iraniennes sont en général de petites formations, comme on l'a vu, auxquelles on attribue des missions précises. Les volontaires irakiens, acheminés à l'aéroport de Damas ou à proximité, forment le noyau d'élite de groupes moins solides. Ces troupes d'élite, surtout celles liées au Hezbollah, sont ensuite employées au-delà de l'encadrement, du renseignement et de la formation. Elles contribuent à sécuriser l'aéroport de Damas dès janvier 2013, puis celui d'Alep. Elles deviennent ensuite des formations d'infanterie régulière avec armement lourd : artillerie, mortiers, véhicules blindés, chars. Les milices, après la victoire de Qusayr, sont surtout engagées à Homs et dans l'est de la Ghouta, de juin à septembre 2013. Certaines gardent les lignes de communication entre Damas et Suweyda. A la fin août et en septembre, elles sont même engagées à Deraa, au sud. Puis, en octobre, on les voit intervenir dans la reconquête de faubourgs de Damas, à l'ouest, à l'est et au sud57.

Les milices chiites irakiennes qui interviennent en Syrie ont par ailleurs appuyé la contre-offensive du régime irakien d'al-Maliki, un chiite, contre la province d'Anbar, après le soulèvement piloté par l'EIIL58. LZ, KSS et Asa’ib Ahl al-Haq ont publié des messages soutenant l'offensive du gouvernement irakien. Ces groupes tentent de se confondre avec les forces de sécurité et l'armée irakiennes, et de présenter l'armée irakienne comme une armée chiite, défendant des intérêts sectaires. Ils relient aussi leur engagement en Syrie au combat contre l'EIIL en Irak. Certaines milices auraient peut-être redéployé des combattants de Syrie vers la province d'Anbar.



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Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.



1Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
2Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
3Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
4Christopher Anzalone, « Zaynab’s Guardians: The Emergence of Shi`a Militias in Syria », CTC Sentinel jjuillet 2013 . Vol 6. Issue 7, p.16-21.
5Carl Yonker, Iran’s Shadow Warriors: Iraqi Shiʿi Militias Defending the Faithful in Syria and Iraq, Tel Aviv Notes, The Moshe Dayan Center, Volume 7, Number 23, 10 décembre 2013.
6Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 1 », Jihadology.net, 11 mai 2013.
7Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 2 », Jihadology.net, 17 mai 2013.
8Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Roundup of Iraqis Killed in Syria, Part 3 », Jihadology.net, 2 juin 2013.
9Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Asa’ib Ahl al-Haq’s Liwa’a Kafeel Zaynab », Jihadology.net, 14 août 2013.
11Nicholas A. Heras, « Iraqi Shi’a Militia Asa’ib Ahl al-Haq Expands Operations to Syria », The Jamestown Founda tion, Terrorism Monitor, Volume XII Issue 10, 16 mai 2014.
12Thomas Strouse, « KATA’IB HEZBOLLAH AND THE INTRICATE WEB OF IRANIAN MILITARY INVOLVEMENT IN IRAQ », The Jamestown Foundation, Terrorism Monitor, VOLUME VIII, ISSUE 9, H 5, 5 mars 2010.
13Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
15Philip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a al-Hamad: Harakat al-Nujaba’s Latest Shia Militia in Syria », Jihadology.net, 21 décembre 2013.
16Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Kata’ib Sayyid al-Shuhada: Another Supplier of Iraqi Shia Fighters in Syria », Jihadology.net, 3 juin 2013.
17Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Kata’ib Sayyid al-Shuhada Emerges: Updates on the New Iraqi Shia Militia Supplying Fighters to Syria », Jihadology.net, 9 septembre 2013.
18Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
19Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Breaking Badr: Is Iraq’s Badr Organization Operating In Syria? », Jihadology.net, 25 juin 2013.
20Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Breaking Badr, The New Season: Confirmation of the Badr Organization’s Involvement in Syria », Jihadology.net, 12 août 2013.
21Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Badr Organization’s Syrian Expeditionary Force: Quwet al-Shahid Muhammed Baqir al-Sadr », Jihadology.net, 18 octobre 2013.
22Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Faylak Wa’ad al-Sadiq: The Repackaging of an Iraqi “Special Group” for Syria », Jihadology.net, 13 janvier 2014.
23Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: What is the Liwa’a Abu Fadl al-Abbas (LAFA)?: Assessing Syria’s Shia “International Brigade” Through Their Social Media Presence », Jihadology.net, 15 mai 2013.
24Hezbollah Involvement in the Syrian Civil War, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 17 juin 2013.
25Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
26Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
27Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a Zulfiqar: Birth of A New Shia Militia in Syria? », Jihadology.net, 20 juin 2013.
28Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
29Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a ‘Ammar Ibn Yasir: A New Shia Militia Operating In Aleppo, Syria », Jihadology.net, 20 juillet 2013.
30Matthew Levitt et Aaron Y. Zelin, « Hizb Allah’s Gambit in Syria », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.14-17.
31Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Liwa’a al-Imam al-Hasan al-Mujtaba: A Shia Militia Fighting in Rif Dimashq/Ghouta », Jihadology.net, 5 octobre 2013.
32Phillip Smyth , « Hizballah Cavalcade: Sariyya al-Tali’a al-Khurasani: A New Combat-Tested Shia Militia in Syria », Jihadology.net, 29 octobre 2013.
34Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The Arab Nationalist Guard: A Pro-Assad Militia », Brown Moses Blog, 1er janvier 2014.
35Rana Harbi, « Arab nationalists take up arms in the battle for Syria », Al-Akhbar English, 5 mai 2014.
37Phillip Smyth, « THE POPULAR FRONT FOR THE LIBERATION OF PALESTINE-GENERAL COMMAND (PFLP-GC) AND THE SYRIAN CIVIL WAR », Middle East Review of International Affairs, Vol. 17, No. 2 (Eté 2013), p.55-72.
38Chris Zambelis, « Assad's Hurricane: A Profile of the Paramilitary Wing of the Syrian Social Nationalist Party », Terrorism Monitor Volume: 12 Issue: 6, The Jamestown Foundation, 20 mars 2014.
40Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: The Lion of Damascus, and Afghans, and Africans! Oh My!: Fighters From Exotic Locales In Syria’s Shia Militias », Jihadology.net, 30 juillet 2013.
44Phillip Smyth, « From Karbala to Sayyida Zaynab: Iraqi Fighters in Syria’s Shi`a Militias », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.28-32.
45Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
46Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Khamenei’s Cannon: .50 Caliber Anti-Material Rifles & Shia Fighters in Syria », Jihadology.net, 24 décembre 2013.
48Michael Knights, « Iran's Foreign Legion: The Role of Iraqi Shiite Militias in Syria », PolicyWatch 2096, The Washington Institute, 27 juin 2013.
50Michael Knights, « Iran's Foreign Legion: The Role of Iraqi Shiite Militias in Syria », PolicyWatch 2096, The Washington Institute, 27 juin 2013.
52Jeffrey White, «  Assad's Indispensable Foreign Legions », PolicyWatch 2196, The Washington Institute, 22 janvier 2014.
53« Shiite Foreign Fighters in Syria: Facts, Narratives and Regional Impact », NGC Blog, 24 janvier 2014.
54Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
55« Shiite Foreign Fighters in Syria: Facts, Narratives and Regional Impact », NGC Blog, 24 janvier 2014.
56Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
57Testimony of Mr. Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
58Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: Selling Sectarianism: Shia Islamist Groups & Maliki’s Anbar Offensive », Jihadology.net, 3 février 2014.

Pas trop tôt ? Les enjeux de la livraison de missiles TOW aux rebelles syriens

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Mise à jour 1-lundi 19 mai 2014 : rajout de l'interview d'un des groupes rebelles + quelques vidéos.


Le 1er avril 2014, une vidéo postée sur Youtube montre un groupe armé rebelle syrien utilisant un lance-missile antichar américain TOW. Une autre vidéo, datée du 5 avril, montre des combattants du groupe Harakat Hazm tirant au missile TOW sur un char installé dans une position fixe près du village de Heesh, au nord de la province d'Idlib1. La livraison de missiles TOW par les Etats-Unis marque un changement notable : jusqu'ici, Washington s'était montrée réticente à fournir aux insurgés des armes antichars et antiaériennes (missiles sol-air portables) performantes, de peur que ces armes ne tombent entre de mauvaises mains. Cette « première » survient alors que les Etats-Unis avaient annoncé, dès le mois de mars, leur intention de livrer, éventuellement, des armes plus sophistiquées à l'insurrection syrienne2.





Des missiles TOW pour l'insurrection syrienne... à petite dose


Les missiles TOW ont probablement été livrés, en réalité, depuis les stocks de l'Arabie Saoudite qui les a elle-même acquis des Américains. Selon certaines sources, ce seraient 50 lanceurs TOW qui auraient été fournis au groupe Harakat Hazm (!), un chiffre bien élevé qui correspond plutôt, sans doute, au nombre de missiles fournis (plus de 20 missiles selon une autre déclaration du groupe3), à titre d'essai. La version du TOW qui a été livrée est ancienne, filoguidée, alors que l'armée américaine utilise encore une version plus moderne du TOW à guidage infrarouge ; l'Iran a copié la version première sous le nom de Toophan. La copie iranienne a également été cédée au Hezbollah. Mais les forces pro-régime en Syrie n'ont manifestement pas utilisé ce matériel. Bien qu'encombrant, le système TOW est facile à utiliser et à entretenir, avec un pourcentage normalement très élevé de coups au but4. Le système Semi-Automatic Command to Line-Of-Sight (SACLOS) implique par contre que le tireur garde la cible en vue jusqu'à l'impact du missile. La version observée en Syrie, le TOW-2A, a été la première du système à être dotée de charges tandem, conçues pour pénétrer les blindages réactifs disposés sur les chars. Le TOW a une portée de 3,750 km et peut percer jusqu'à 900 mm de blindage. D'après les vidéos mises en ligne par les insurgés syriens, il apparaît que les missiles TOW présents sur place ont probablement été fabriqués entre 1990 et 1997, par Hugues Aircraft, compagnie rachetée ensuite par Raytheon qui produit les missiles TOW, ce qui confirme l'origine américaine des missiles5.





Le Pentagone avait approuvé la vente de 13 935 missiles TOW (pour un montant de 900 millions à 1 milliard de dollars) à l'Arabie Saoudite en décembre 20136, alors que la CIA développe en parallèle un programme d'entraînement et de ravitaillement de rebelles « triés sur le volet », tout en améliorant leur coordination avec les soutiens extérieurs. L'événement confirme en tout cas que les Etats-Unis revoient quelque peu leur stratégie : devant l'affrontement entre rebelles, contre l'EIIL, depuis le mois de janvier, devant un régime syrien qui s'est repris depuis le printemps dernier grâce à des soutiens extérieurs de plus en plus impliqués sur le terrain (Hezbollah, Iran), devant l'échec des négociations de Genève II et une Russie qui continue à fournir des armes à Bachar el-Assad sans discontinuer, Washington semble progressivement prendre une place importante dans la fourniture d'armes et la direction du soutien aux insurgés -répondant ainsi aux critiques de l'Arabie Saoudite depuis l'été 2013, et faisant pression sur d'autres pays du Golfe, comme le Qatar, pour que cesse le financement de formations rebelles djihadistes, en particulier7. La CIA chapeauterait un programme d'entraînement et d'encadrement des rebelles en Jordanie, à Amman. Pour éviter la déconvenue du printemps 2013, où les armes fournies via l'Arabie Saoudite depuis la Croatie avaient fini par atterrir entre les mains du front al-Nosra, les Américains auraient exigé du groupe Harakat Hazm de renvoyer les caisses de missiles tirés pour vérifier l'utilisation de chaque munition8. Pour accroître les capacités de l'insurrection, Ahmad Jarba, le président de la Coalition Nationale Syrienne, a encore récemment demandé aux Américains la livraison de lance-missiles sol-air portables pour éliminer la menace posée par l'aviation syrienne. Les Etats-Unis n'ont toujours pas acquiescé, même si certaines sources affirment que des SA-7, en provenance de Libye, seraient en train d'être acheminés sur le champ de bataille syrien9.

Image extraite de la première vidéo mise en ligne par Harakat Hazm, le 1er avril 2014.-Source : http://www.janes.com/images/assets/499/36499/1526028_-_main.jpg

Marquages américains sur un tube de missile TOW.-Source : http://www.armamentresearch.com/wp-content/uploads/2014/04/TOW_5.jpg


Au 9 mai 2014, ce sont en tout 9 groupes armés de l'insurrection qui ont publié images et vidéos montrant qu'ils utilisent ou possèdent le missile TOW10. La plupart utilisent le label « Armée Syrienne Libre » et reconnaissent l'autorité du Conseil Militaire Suprême. Jusqu'à présent, les missiles ont été utilisés dans cinq provinces : Idlib, Alep Homs, Deraa et Lattaquié. Harakat Hazm a été le premier groupe à dévoiler l'usage de missiles TOW. Les bataillons Ahmad Al-Abdo, qui se rattachent à l'ASL, opèrent dans la région du Qalamoun, entre Damas et le Liban. La 13ème division de l'ASL est située dans le sud de la province d'Idlib : elle poste ses premières vidéos de tir au missile TOW le 12 mai. La brigade Omari appartient au Front des Révolutionnaires Syriens de Jamal Maarouf, basé à Idlib, mais elle opère quant à elle au sud, dans la province de Deraa. La brigade Yarmouk de Zoubi, qui pilote la récente coalition baptisée Front Sud, combat également à Deraa. Liwa al-Aadiyat est la seule formation à se trouver dans la campagne de la province de Lattaquié (c'est une ancienne unité des brigades Ahfad al-Rasoul, voir plus loin) : ses combattants ont probablement été sélectionnés et entraînés au Qatar. Liwa Fursan Al-Haq utilise le « label » ASL et se trouve dans la province d'Idlib : elle a été fondée par le Qatar. Le 101ème groupe d'infanterie, une autre faction d'armée d'Idlib de l'ASL, possède 3 missiles TOW qui n'ont pas encore été utilisés. Enfin, l'assemblée Suqour Al-Jabal, entraînée au Qatar, dispose également de 9 missiles TOW.





Tahrir Souri a interrogé Ahmad Al-Sa’oud, le chef de la 13ème division qui est l'une des formations à avoir reçu les missiles TOW. Ce groupe revendique comme priorité la chute du régime et l'installation d'un régime civil. Il aurait été formé à l'utilisation des missiles par son soutien le plus visible, le Qatar. Le groupe réclame la destruction d'un char T-72 à un checkpoint au sud de Khan Seykhoun, dans la province d'Idlib. Il a participé aux récents combats à Alep et dans la province d'Idlib. Le chef du groupe a été enlevé par l'EIIL et il est donc particulièrement hostile à cette formation. En revanche, il est prêt à collaborer avec les Kurdes.








Harakat Hazm : un groupe armé rebelle pas comme les autres ?


Les TOW livrés à Harakat Hazm l'auraient été le 6 mars, via un convoi de 7 véhicules venus de la province d'Hatay, en Turquie, et qui serait passé via le Front Islamique jusqu'à la province d'Idlib11. Abdullah Awda, le chef militaire du groupe armé Harakat Hazm qui a reçu les missiles TOW, a été choisi parce que sa formation est censée être « modérée »12, et en raison de sa discipline13. Harakat Hazm opère dans le nord de la province d'Idlib. Awda confirme par ailleurs que la livraison, qui s'est faite par l'intermédiaire des pays du Golfe, a bien reçu l'approbation des Etats-Unis. Awda est l'un des premiers officiers de l'armée syrienne à avoir fait défection en juin 2011. Il a combattu dans les rangs de Farouq al-Shamal14. Il plaide pour un Etat démocratique en Syrie et s'est forgé une réputation de combattant éprouvé et surtout d'honnêteté, ce qui contraste avec le tableau de pillards que l'on attribue souvent aux unités estampillées « Armée Syrienne Libre ». Awda s'est séparé du Front des Révolutionnaires Syriens de Jamal Maarouf, créé en décembre 2013, pour former Harakat Hazm en janvier 2014. Ce groupe compterait 5 000 combattants ; la solde, payée par les soutiens extérieurs, est de 100 dollars par mois. Awda précise aussi que 150 de ses hommes sont partis recevoir un entraînement au Qatar. Harakat Hazm ferait partie d'un ensemble de 6 groupes armés choisis par les Américains pour tester l'envoi des missiles TOW. Manifestement la fourniture des missiles a gonflé le recrutement du groupe15. Awda se revendique d'une ligne « nationaliste », sans affiliation politique ; son but est d'abord de renverser le régime de Bachar el-Assad, et selon lui, c'est au peuple syrien de décider ensuite ce qu'il veut. Mais s'il souhaite une démocratie, il veut également qu'elle s'inspire de l'islam. Par ailleurs, il explique qu'il n'a pas d'animosité particulière, pour l'instant, contre le front al-Nosra, dont l'objectif premier reste aussi de renverser le régime16.

Annonce officielle du groupe Harakat Hazm, dont on voit l'emblème sur le drapeau derrière le général Idriss, alors chef du Conseil Militaire Suprême, au centre.-Source : http://images.teinteresa.es/mundo/Harakat-Jazm-Movimiento-Firmeza_TINIMA20140428_0105_5.jpg


On peut s'étonner que ce soit un groupe relativement secondaire, limité à une région précise de la Syrie et ne faisant pas partie d'une coalition plus vaste, comme le Front des Révolutionnaires Syriens, qui ait reçu la première livraison de missiles TOW. Harakat Hazm a été créé officiellement le 25 janvier 2014, par fusion de 12 formations plus petites : Salim Idriss, alors encore le chef du Conseil Militaire Suprême, la structure créée en décembre 2012 pour répartir les armes fournies par les soutiens extérieurs et coordonner l'action des groupes armés, est venu en personne appuyer la naissance de cette formation, ce qui est plutôt rare (on verra pourquoi plus loin). Après l'éviction d'Idriss à la tête du Conseil Militaire Suprême le 16 février 2014, Harakat Hazm a continué discrètement à le soutenir17. Harakat Hazm est en fait le noyau de cette structure parallèle au Conseil Militaire Suprême qui rassemble les fidèles d'Idriss18. Par ailleurs, le groupe, en plus d'avoir reçu des lance-missiles antichars TOW, a également mis en ligne des vidéos où on le voit manipuler des lance-missiles sol-air portables SA-1619. Harakat Hazm s'est bâti, sur l'essentiel, à partir des survivants des défunts bataillons Farouq, une des formations les plus puissantes du « label » ASL jusqu'au début 201320, et qui s'est délitée depuis. Il comprend une division nord (provinces de Alep, Idlib et Hama) et une division Sud (provinces de Homs, Rif Dishmaq, ville de Damas, Deraa). Le groupe comprendrait des unités spécialisées : une manipulant les blindés de prise, une autre dite de forces spéciales, et même une unité anti-aérienne (avec SA-16, donc)21.




Pour comprendre pourquoi les Etats-Unis ont fait livrer des missiles TOW à Harakat Hazm, il faut revenir sur la réorganisation au sein de l'opposition extérieure et parmi les groupes armés rebelles depuis l'automne 2013.


Maarouf, Idriss, l'Arabie Saoudite, les Etats-Unis : comment soutenir au mieux l'insurrection syrienne ?


Le Front des Révolutionnaires Syriens est né le 9 décembre 2013, par la réunion de 14 groupes armés22. Parmi ceux figuraient deux unités des bataillons Farouq, dont Farouq al-Shamal, celle qui a ensuite servi de noyau à Harakat Hazm. Au coeur de ce nouveau front, on trouve la brigade des Martyrs de Jamal Maarouf, qui a été pour un temps très puissante dans la province d'Idlib, grâce à l'appui saoudien. Mais, accusé de détourner l'aide pour son propre compte plutôt que de combattre le régime, Maarouf s'était vu plus ou moins couper les vivres par les Saoudiens au début 2013. Maarouf était aussi l'un des grands rivaux, dans la province, du groupe Suqour al-Sham, qui a rejoint en novembre 2013 une autre coalition nouvelle, le Front Islamique, devenue alors, sur le papier, la plus puissante de l'insurrection. Le Front des Révolutionnaires Syriens est considérable dans la province d'Idlib, mais il a la capacité de s'étendre au-delà. Il n'a pas vraiment de ligne idéologique claire, mais une cohérence plutôt géographique et un but négatif, à savoir la détestation des islamistes et en particulier de ceux du Front Islamique. Le Front des Révolutionnaires Syriens se revendique du Conseil Militaire Suprême d'Idriss et il est reconnu par la Coalition Nationale Syrienne quasiment immédiatement. Il est donc probablement formé pour redonner vie à la branche armée de l'opposition politique extérieure : sa création survient à peine trois jours après la capture, par le Front Islamique, des dépôts d'armes de Bab-el-Hawa, à la frontière turque. Or le Front Islamique prétend être intervenu à la demande d'Idriss, le chef du Conseil Militaire Suprême, qui a confirmé ensuite cette version -pour éviter que les dépôts ne soient saisis par un autre groupe, dont on n'est pas vraiment sûr de l'identité : était-ce l'EIIL, le front al-Nosra, ou bien, comme le prétendent certaines sources, le Front des Révolutionnaires Syriens lui-même23 ?

Un des emblèmes utilisés par le Front des Révolutionnaires Syriens.-Source : https://pbs.twimg.com/media/BbX1QZmCMAA11gw.png


Jamal Maarouf, le chef du Front des Révolutionnaires Syriens.-Source : http://i.telegraph.co.uk/multimedia/archive/02857/Wintercross-Maarou_2857355b.jpg


A partir du 3 janvier 2014, le Front des Révolutionnaires Syriens est en pointe dans le combat contre l'EIIL, à Idlib, Hama, Alep, aux côtés de l'Armée des Moudjahidine24, une coalition formée le jour même et qui rassemble des islamistes très variés de la province d'Alep, motivés par la lutte anti-EIIL et une proximité géographique25. Le 16 février, le général Idriss est démis de la direction du Conseil Militaire Suprême et remplacé par le général AbdulIlah al-Bashir al-Noeimi, un officier qui a fait défection de l'armée syrienne en juillet 2012 et qui dirige le conseil militaire pour la province de Quneitra26. Quneitra, au sud-ouest de la Syrie, n'est pas parmi les fronts les plus importants pour les rebelles, mais une offensive de grande ampleur y prend place depuis le 1er février 2014, largement financée par les soutiens extérieurs de l'insurrection. Il s'agit aussi pour ces derniers de réorganiser les rebelles au sud du pays pour promouvoir les « modérés », en profitant de l'éclatement des brigades Ahfad al-Rasoul, un groupe assez important resté indépendant jusque là et financé par le Qatar27. Le nouveau Front Sud, créé à la mi-février 2014 par réunion d'une cinquantaine de factions armées, comprend ainsi la brigade Yarmouk de Zoubi, une des factions les plus puissantes de la province de Deraa, qui reconnaît le Conseil Militaire Suprême ; mais aussi des unités du Front des Révolutionnaires Syriens qui a absorbé des restes des brigades Ahfad al-Rasoul, comme la brigade Omari, une des premières unités au « label » ASL en 201128. Ce Front du Sud, à la ligne idéologique et à l'organisation peu élaborées, semble en réalité avoir été créé pour servir d'ombrelle de façade aux groupes qui ont bénéficié, au sud de la Syrie, d'un apport d'argent frais et de quelques armes (dont des missiles antichars) fournies par les Saoudiens et les Américains : ceux-ci ont probablement exigé, de fait, une « déclaration d'intention » pour confirmer que le soutien se destinait bien à des « modérés ».

Bashar al-Zoubi et le logo de la brigade Yarmouk.-Source : http://the-arab-chronicle.com/wp-content/uploads/2014/02/bashar-al-zoubi.png


Ahmad Jarba, le président de la Coalition Nationale Syrienne depuis novembre 2013.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Sheikh_Ahmad_al-Assi_al-Jarba.jpg


Le général Idriss est donc victime d'une réorganisation à la fois de l'opposition politique extérieure, avec l'élection de Jarba comme président de la Coalition Nationale Syrienne en novembre 2013, et des groupes armés pouvant servir de base militaire à celle-ci, avec la formation du Front des Révolutionnaires Syriens, notamment, en décembre 2013 -le tout largement appuyé par l'Arabie Saoudite29. Mais la plupart des membres de l'état-major du Conseil Militaire Suprême ont pris parti pour Idriss contre cette manoeuvre. Une tentative de réconciliation entre les deux camps début mars 2014 échoue, Jarba recevant même trois coups en plein visage de la part de ses adversaires. Derrière la querelle de personnes, cet affrontement reflète peut-être aussi celui entre le Qatar et l'Arabie Saoudite. On a dit que Jarba, Mustafa, et Maarouf, le patron du Front des Révolutionnaires Syriens, étaient appuyés par les Saoudiens ; or Idriss a toujours été considéré comme proche du Qatar, où il se trouvait d'ailleurs quand est survenue l'annonce de son limogeage, le 16 février. Ceci dit, il semble plus vraisemblable que les considérations politiques proprement syriennes aient précipité cet affrontement30. Bashir, le remplaçant d'Idriss, assez « transparent » au début de la querelle, s'est depuis affirmé : il a été photographié à Alep aux côtés de la brigade al-Tawhid, du Front Islamique (qui a pourtant coupé les ponts officiellement avec l'ASL), et sur le front de Lattaquié, où une offensive a été lancée fin mars, mais là encore, le Conseil Militaire Suprême n'y a pas joué un grand rôle31. La Coalition Nationale Syrienne a désigné un nouvel état-major pour le Conseil Militaire Suprême et coordonne largement ses actions avec le Front des Révolutionnaires Syriens, qui passe maintenant pour la principale formation anti-djihadiste32 depuis janvier 201433. Le colonel Heitham Afeisi, l'adjoint d'al-Bahsir, est l'un des fondateurs du Front des Révolutionnaires Syriens. Celui-ci avait été outré qu'Idriss prenne la défense du Front Islamique au moment de la saisie des dépôts de Bab el-Hawa -des combats avaient éclaté entre le Front Islamique et le Front des Révolutionnaires Syriens, en décembre 2013, avant qu'une trêve ne soit conclue et que les deux coalitions participent au combat anti-EIIL en janvier 2014. C'est pourquoi Idriss aurait favorisé, en janvier 2014, la création de Harakat Hazm, vu comme un contrepoids au Front des Révolutionnaires Syriens soutenu par ses adversaires. L'éviction d'Idriss se serait faite sur forte pression de l'Arabie Saoudite et de ses protégés du Front des Révolutionnaires Syriens (Maarouf) et de la Coalition Nationale Syrienne (le président Jarba, le ministre de la Défense Mustafa). Le Front Islamique, et notamment Ahrar al-Sham, n'aurait pas approuvé le limogeage d'Idriss (sauf les brigades al-Haqq de Homs), et celui-ci aurait également été soutenu par les Américains34. Le soutien américain à Harakat Hazm, et dans une moindre mesure, donc, au Front des Révolutionnaires Syriens, doit aussi peut-être se lire à l'aune d'une volonté de contrer l'influence de l'Arabie Saoudite depuis septembre 2013. Il s'agit pour les Etats-Unis, également, de faire en sorte que les armes livrées ne tombent pas entre n'importe quelles mains (et de contrôler quelles armes sont livrées aux rebelles).


Pour en savoir plus :


Karen DeYoung, « Syrian opposition fighters obtain U.S.-made TOW antitank missiles », The Washington Post, 16 avril 2014.

Thomas Gibbons-Neff, « The Big Weapons that the U.S. May Be Secretly Supplying to the Syrian Rebels », The Daily Beast, 25 avril 2014.

Shane Harris, « Check Out the Syrian Rebels' Insane New Missile Launcher », Foreign Policy, 7 avril 2014.

Charles Lister, « Syrian insurgents acquire TOW missiles », IHS Jane's Defence Weekly, 7 avril 2014.

Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.

Aron Lund, « The Non-State Militant Landscape in Syria », CTC Sentinel, August 2013, SPECIAL ISSUE. Vol 6 . Issue 8, p.23-28.

Aron Lund, « The Syria Revolutionaries’ Front », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 13 décembre 2013.

Aron Lund, « A Confused Situation in Northern Syria », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 décembre 2013.

Aron Lund, « Pushing Back Against the Islamic State of Iraq and the Levant: The Syria Revolutionaries’ Front and the Mujahideen Army », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 7 janvier 2014.

Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Aron Lund, « Syria’s Southern Spring Offensive », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Aron Lund, « Does the “Southern Front” Exist? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 21 mars 2014.

Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Institutional Split », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 25 mars 2014.

Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Failed Reconciliation », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 26 mars 2014.

Aron Lund, « A New Free Syrian Army Leadership », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 4 avril 2014.

Terri Rupar, « Nine questions for the Syrian rebel commander entrusted with the first U.S. missiles of the war », The Washington Post, 28 avril 2014.

Liz Sly, « Syrian rebels who received first U.S. missiles of war see shipment as ‘an important first step’ », The Washington Post, 28 avril 2014. 

Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.

1Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
2Shane Harris, « Check Out the Syrian Rebels' Insane New Missile Launcher », Foreign Policy, 7 avril 2014.
4Thomas Gibbons-Neff, « The Big Weapons that the U.S. May Be Secretly Supplying to the Syrian Rebels », The Daily Beast, 25 avril 2014.
6Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
7Karen DeYoung, « Syrian opposition fighters obtain U.S.-made TOW antitank missiles », The Washington Post, 16 avril 2014.
11Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
12Jeffrey White en fait une formation « modèle » pour la livraison d'armes à destination des insurgés syriens : Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.
13Avant de publier les vidéos de missiles TOW en action, Harakat Hazm avait participé à une offensive dans le sud de la province d'Idlib, et contribué à lever le siège du régime sur la ville de Khan Sheikhoun, située sur l'autoroute stratégique entre Damas et Alep : http://warontherocks.com/2014/04/is-this-the-first-hard-evidence-that-obama-has-started-arming-syrian-rebels/
14Pour Thomas Pierret, le fait que Awda soit un ancien membre des bataillons Farouq, qui avaient des liens étroits avec la Turquie, indiquerait que ce pays a joué un rôle dans le transfert des missiles ; Cf les commentaires ici : http://spioenkop.blogspot.fr/2014/04/a-new-weapon-on-syrian-battlefield-bgm.html
15 Liz Sly, « Syrian rebels who received first U.S. missiles of war see shipment as ‘an important first step’ », The Washington Post, 28 avril 2014.
16Terri Rupar, « Nine questions for the Syrian rebel commander entrusted with the first U.S. missiles of the war », The Washington Post, 28 avril 2014.
17Charles Lister, « Syrian insurgents acquire TOW missiles », IHS Jane's Defence Weekly, 7 avril 2014.
18Charles Lister, « American Anti-Tank Weapons Appear in Syrian Rebel Hands (Updated) », The Huffington Post, 9 avril 2014.
20Aron Lund, « The Non-State Militant Landscape in Syria », CTC Sentinel, August 2013, SPECIAL ISSUE. Vol 6 . Issue 8, p.23-28.
21Jeffrey White, « Rebels Worth Supporting: Syria's Harakat Hazm », PolicyWatch 2244, The Washington Institute for Near East Policy, 28 avril 2014.
22Aron Lund, « The Syria Revolutionaries’ Front », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 13 décembre 2013.
23Aron Lund, « A Confused Situation in Northern Syria », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 décembre 2013.
24Sur cette formation, lire le billet d'Aron Lund : http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=55275
25Aron Lund, « Pushing Back Against the Islamic State of Iraq and the Levant: The Syria Revolutionaries’ Front and the Mujahideen Army », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 7 janvier 2014.
26Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.
27Aron Lund, « Syria’s Southern Spring Offensive », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.
28Aron Lund, « Does the “Southern Front” Exist? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 21 mars 2014.
29Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Institutional Split », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 25 mars 2014.
30Aron Lund, « The Free Syrian Armies: Failed Reconciliation », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 26 mars 2014.
32Dans ce documentaire de VICE où le journaliste Aris Roussinos évolue aux côtés d'une brigade du Front des Révolutionnaires Syriens à Darkoush, dans la province d'Idlib, au moment du combat contre l'EIIL, un combattant confirme le soutien américain. Les rebelles sont d'abord soumis à un test médical d'une semaine en Turquie, puis entraînés 3 semaines au Qatar, apparemment par groupes successifs de 100 hommes. L'entraînement consiste en une semaine de formation sur arme individuelle (AK-47) et deux semaines sur les armes lourdes (mitrailleuse, RPG, canon sans recul). Les armes sont ensuite fournies aux rebelles via le dépôt de Bab-el-Hawa, ainsi qu'un pick-up armé pour 10 combattants. Mais selon ce témoignage, les armes sont avant tout destinées au combat contre l'EIIL... voir à 7:30 : https://www.youtube.com/watch?v=9Cb3OURdl3g
33Aron Lund, « A New Free Syrian Army Leadership », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 4 avril 2014.
34Aron Lund, « A Coup in the Supreme Military Council ? », Syria in Crisis/Carnegie Middle East Center, 17 février 2014.

Dominique SOURDEL, L'islam, Que-Sais-Je 355, Paris, PUF, 2004, 128 p.

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Dominique Sourdelétait professeur honoraire de l'université Paris IV-Sorbonne. Décédé en mars 2014, à 93 ans, c'était un historien spécialiste de l'histoire et de la civilisation islamiques, sur lesquels il avait écrit plusieurs ouvrages en plus de ce Que-Sais-Je.

Comme il le rappelle dans le premier chapitre, l'islam (soumission à Dieu, Allah) apparaît dans une Arabie préislamique très diverse, mais ouverte aux influences extérieures : on y trouve des Juifs, des chrétiens de diverses obédiences. La vie de Mahomet avant sa révélation est mal connue. Comme le souligne l'historien, les sourates reflètent l'évolution de ses rapports avec les Mecquois. Après l'Hégire et l'installation à Médine, puis la conquête progressive de l'Arabie, Mahomet se fait davantage législateur religieux et social, pour organiser la communauté. Les sourates du Coran restent donc la base de la révélation.

Sous les quatre premiers califes (râshidoun), l'expansion est fulgurante, mais les Omeyyades doivent aussi faire face à l'hostilité des chiites, suite à la mort d'Ali puis de ses fils, et à celle des Médinois. Les Abbassides remplacent la dynastie en 750 et s'installent à Bagdad, s'appuyant beaucoup sur les Iraniens. L'appareil administratif se renforce, la succession héréditaire s'impose. Mais le califat décline dès le milieu du IXème siècle, en raisons de causes internes et externes. Le califat omeyyade de Cordoue connaît d'ailleurs les mêmes difficultés, tandis que les Fatimides s'installent en Afrique du Nord. Les Turcs Seldjoukides arrivent au XIème siècle ; les Mongols déferlent au XIIIème siècle. Le Maghreb connaît une évolution indépendante jusqu'au XVème siècle et la conquête ottomane (sauf le Maroc). L'empire moghol règne sur l'Inde, les Séfévides en Iran, les Ottomans ne déclinent qu'au XVIIIème siècle.



Le Coran est un code révélé, religieux et social : l'islam a donc un caractère juridique. Le dogme a été progressivement codifié par les savants musulmans : unicité de Dieu, mission des prophètes, Jugement Dernier. Cela n'empêche pas les débats et les affrontements : libre arbitre/prédestination, etc. Le texte du Coran n'a été fixé que sous le calife Othman, il en a circulé plusieurs versions. La sunna, basée sur les hadiths, donne naissance à quatre écoles juridiques : celles de Mâlik, d'Abou Hanifa, al-Châfii, Ahmad Hanbal. Le croyant doit se tenir aux 5 obligations rituelles, même si le djihad n'est pas forcément compté dans les obligations fondamentales. Un culte des saints se met en place. L'islam pénètre la vie sociale (droit pénal, vie familiale, etc). La forme idéale de la société musulmane serait une "théocratie laïque et égalitaire". Le pouvoir du calife n'est pas défini avec précision, et il est rapidement contesté. Le cadi exerce le pouvoir judiciaire mais n'est pas forcément séparé de l'exécutif. Quand bien même pouvoirs temporel et spirituel se dissocient, l'islam reste le principe d'organisation sociale et politique.

L'islam a connu de nombreux mouvements sectaires. Les kharijites, partisans d'Ali, sont parmi les premiers. Le chiisme, lui aussi organisé autour de la figure d'Ali, comporte deux innovations, l'imamat et l'aspect messianique. Après la mort des fils d'Ali se rajoute la passion ; les chiites deviennent aussi les soutiens des opprimés, ajoutant des revendications sociales. Le mouvement chiite éclate lui-même en nombre de tendances : duodécimains, Ismaëliens, Druzes, et ceux qui deviendront les alaouites, en Syrie notamment.

Le soufisme, qui s'appuie sur une tendance à la piété, est présent dès le VIIIème siècle. La mystique musulmane se présente comme une suite d'expériences personnelles soutenue par des recherches théologiques originales. Cette mystique heurte l'enseignement traditionnel, et elle n'est pas exempte d'influences extérieures. Pour rester en règle avec l'autorité juridique, le soufisme évolue vers l'ésotérisme. La philosophie musulmane s'inspire beaucoup de l'héritage grec.

De même les sciences profanes, dans le monde musulman, se développent largement à partir des traductions d'oeuvres grecques. Elles sont adaptées aux besoins de la vie pratique et à la Loi religieuse ; elles comportent souvent des manuels ou des encyclopédies ; le savoir ancien est complété par des observations concrètes. La civilisation musulmane se distingue par ses apports en arithmétique, en astronomie, en chimie, en physique, dans le savoir médical. Les lettres sont le lieu d'une érudition qui passe notamment par la philologie et l'histoire. Ibn Khaldoun, au XIVème siècle, est le premier à poser les bases de ce qui commence à ressembler à une histoire "scientifique". L'art musulman apparaît encore souvent comme un art dynastique. La mosquée en est l'exemple le plus significatif.

Le XIXème voit le déclin de l'empire ottoman jusqu'à l'explosion définitive après la Grande Guerre, et l'émergence d'un nationalisme arabe. Mais un sentiment de solidarité sociale et politique, en partie inspiré de l'islam, survit dans le panarabisme. L'islam concerne aujourd'hui plus d'un milliard de personnes, dont une minorité d'Arabes ou d'arabisants, majoritairement sunnites, dominés par l'école hanafite. L'islam est très divers. La Turquie, dès l'après Grande Guerre, a adopté purement et simplement un régime politique et social inspiré des pays européens. D'autres ont échoué à le faire, comme le montre l'exemple de l'Iran. A l'inverse, le wahhabisme en Arabie Saoudite témoigne d'un profond conservatisme. En Egypte, les Salafiya tentent de régénérer l'islam en se référant à la tradition des ancêtres. Le mouvement débouche sur les Frères Musulmans. L'adaptation aux nouvelles conditions de vie entraîne des malaises,  un repli vers une relecture du Coran, qui débouche parfois sur le fondamentalisme.

Au final, le Que-Sais-Je de D. Sourdel se présente surtout comme une tentative de présentation des principes fondateurs du Coran et de la Loi islamique, en montrant ce que l'islam a produit, à travers son développement historique. Une bonne introduction pour avoir les idées claires. même si les références bibliographiques mériteraient probablement d'être actualisées (je n'ai pas la dernière édition du volume).



Café Stratégique n°35-Syrie : chronique d'un soulèvement détourné, avec Joseph Bahout (enregistrement sonore)

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Grâce à Ariane Michaloux, que je remercie, les personnes qui souhaitaient assister au café de mardi soir et qui n'ont pu se déplacer peuvent désormais réécouter le café via cet enregistrement sonore. Vous pouvez aussi l'écouter ci-dessous :




Publication : 2ème Guerre Mondiale n°54

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Ce numéro 54 marque un changement important pour le magazine 2ème Guerre mondiale puisque Nicolas Pontic, le rédacteur en chef, crée les éditions Mars et Cliopour assurer la direction du magazine en lieu et place des éditions Astrolabe. Je lui souhaite évidemment bonne chance dans ce projet.

Pour ce numéro 54, je contribue avec un article sur la bataille aérienne du Kouban (mars-mai 1943), un épisode méconnu et pourtant important de la guerre à l'est, où les VVS commencent à prendre l'ascendant sur la Luftwaffe. Je fournis aussi, comme d'habitude, une fiche cinéma, et je contribue pour la première fois à la rubrique personnage avec une fiche sur Bagramian, le général soviétique d'origine arménienne.

Suppléments et peut-être vidéo à suivre, comme d'habitude. Bonne lecture !

Vidéo : la bataille aérienne du Kouban (2GM 54)

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Sur le modèle de ce que j'avais fait pour le numéro 52 de 2ème Guerre mondiale, je vous propose cette fois-ci un commentaire audio de l'article paru dans ce numéro, sur fond d'images d'archives et de séquences filmées par des fans du jeu Il-2 Sturmovik. Je précise également que je comptais faire, en réalité, un article soviéto-centré, avec la bataille vue du côté soviétique. Les contraintes commerciales m'ont forcé à faire un article "germanocentré" et le point de vue soviétique n'apparaît que dans les encadrés. Je suis en train de rédiger un supplément qui complètera l'aperçu soviétique.

H.H. KIRST, Sorge l'espion du siècle, J'ai Lu leur aventure 140/141, Paris, J'ai Lu, 1966, 434 p.

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La collection "bleue" J'ai Lu leur aventure m'a réservé une petite surprise au fil des mes acquisitions chez les bouquinistes : il se trouve qu'elle comprend pas moins de deux volumes différents sur Richard Sorge, l'espion soviétique en poste à Tokyo, démasqué en octobre 1941 et pendu en novembre 1944. J'avais commenté le premier il y a quelques semaines, une traduction d'un ouvrage écrit par deux Soviétiques.

Rien de tel ici puisque ce volume-ci est l'histoire romancée de Richard Sorge par un célèbre écrivain et journaliste allemand, Hans Hellmut Kirst. Celui-ci est le fils d'un agent de police. Il passe sa jeunesse en Prusse-Orientale et intègre la Reichswehr en 1933. Puis il fait partie de la Wehrmacht et sert dans la Flak, la défense anti-aérienne. Devenu officier, il est, en 1944-1945, un Nationalsozialisticher Führungsoffizier, autrement dit l'équivalent des commissaires politiques soviétiques, créé par décret du Führer en décembre 1943, notamment pour insuffler l'idéologie nazie dans la troupe et resserrer le contrôle politique de l'armée allemande. Dénoncé aux Américains en 1945, il passe 9 mois dans un camp d'internement, où il commence d'ailleurs à écrire ses premiers romans. Relâché, il s'installe à Munich. A partir de 1950, il est à la fois journaliste et écrivain. Certains de ses romans sont très célèbres et ont même été adaptés pour le cinéma, comme La Nuit des Généraux.

Pour revenir au livre, on est clairement dans le roman inspiré du parcours de Sorge, il ne faut pas s'attendre à un récit historique (même déformé) comme pouvait l'être l'ouvrage de la même collection écrit par les deux auteurs soviétiques. Kirst commence chaque chapitre par des introductions sur l'espionnage de manière générale, la guerre, des réflexions philosophiques qui montrent d'ailleurs qu'il a réfléchi sur son engagement au sein du nazisme, sans forcément en tirer toutes les leçons, visiblement. Un des avantage du livre de Kirst, peut-être, sur son homologue soviétique, c'est qu'il considère Richard Sorge avec ses qualités et ses défauts, et non pas sous l'angle apologétique comme avait tendance à le faire son vis-à-vis. Pour le reste, il faut le lire comme il est, c'est à dire comme un roman. On en apprend presque plus sur H.H. Kirst, finalement, que sur Sorge.

Inescapable (2012) de Ruba Nadda

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Janvier 2011. Adib Abdel Kareem (Alexander Siddig) est un Syrien, qui s'est exilé 30 ans plus tôt au Canada. Marié, père de deux filles, il travaille dans une société d'informatique. Cet univers apparemment bien tranquille s'écroule quand Adib apprend que sa fille Muna, probablement partie pour la Syrie, a disparu à Damas. Adib n'a d'autre choix, pour la retrouver, que de regagner un pays dont il s'est enfui il y a longtemps, et de déterrer un passé qu'il aurait préféré garder secret...

J'ai voulu regarder ce film canadien à cause du sujet "syrien", qui m'intéressait au vu de mon travail récent. L'action est censée se déroule juste avant le début de la révolution en Syrie, en mars 2011. Le film emprunte apparemment beaucoup (je dis apparemment car je ne l'ai pas vu) à l'un de ses prédécesseurs, Taken (2008). Je peux dire en revanche, sans l'avoir vu, que Inescapable n'exploite pas au mieux des qualités qui auraient pu en faire un must, vu le sujet.

Ainsi, toute l'histoire tourne autour du passé d'Adib, que l'on devine plus qu'autre chose sans avoir d'explication claire et sans que le scénario n'utilise à fond cette carte, ce qui est dommage. L'idée était pourtant intéressante : pourquoi s'est-il exilé, etc. Le personnage d'Adib mène une enquête en jouant davantage sur ses connaissances acquises anciennement que sur sa présence physique, pourrait-on dire. Alexander Siddig sauve l'ensemble par sa présence, mais sans lui, le film aurait bien moins d'intérêt. L'atout principal du film est peut-être de proposer un héros arabe, et syrien, ce qui pour le coup est assez rare. Comme dans mon cas, il peut attirer en raison du conflit en Syrie. Mais il est probable, et finalement assez logique, qu'on l'oubliera vite.



Anton JOLY, Stalingrad. Atlas de bataille, volume I, Stal Data Publications, 2013, 132 p.

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Cet ouvrage que je commente aujourd'hui est original à plus d'un titre. D'abord parce que son auteur, Anton Joly, m'a longuement contacté avant de me l'envoyer pour recension. Ensuite, parce qu'il s'agit d'un livre autoédité via le label Amazon, et jusqu'ici j'avoue ne pas en avoir lu de ce type. Enfin, le sujet était pour moi plus qu'intéressant : un atlas de la bataille de Stalingrad, se proposant de suivre les combats au jour le jour. C'est donc avec intérêt que je me suis plongé dans la découverte de ce petit opus.

Comme il l'explique dans l'introduction, l'auteur, passionné par la Grande Guerre Patriotique (pour des raisons familiales évidentes qu'il mentionne aussi), est allé puiser dans les archives disponibles du ministère de la Défense russe, ainsi qu'à des ouvrages anciens et plus récents (en russe, mais aussi en anglais notamment) pour bâtir ce premier volume qui couvre la période allant du 13 septembre au 13 octobre 1942.

L'ensemble comporte des atouts certains. Une chronologie, pour chaque partie (le propos étant découpé en séquences équivalent à une semaine), permet de suivre le déroulement de la bataille et de se repérer. A chaque début de partie, l'auteur propose également un ordre de bataille détaillé des deux camps qui est tout aussi utile pour suivre l'évolution des forces en présence. Le gros point fort du livre, à mon avis, est ce qui en constitue le coeur : les cartes de suivi de la bataille au jour le jour. On progresse ainsi à l'échelon tactique (carte de la ville ou d'une partie de la ville), en suivant les combats des deux camps, le tout agrémenté de brefs commentaires et d'extraits de documents d'époque ou de traductions d'ouvrages russes réalisées par l'auteur. C'est un aspect qui, il est vrai, manque beaucoup dans les livres traitant de la bataille de Stalingrad, où il faut une bonne connaissance de la campagne en général pour visualiser un tant soit peu le cours des combats. Assurément, en français, l'atlas présenté comble un vide. Certes, on pourra gloser sur la qualité des cartes, mais c'est tout de même relativement secondaire.

L'ouvrage a aussi les défauts de ses qualités. Certaines légendes sont trop vagues ou imprécises et vont faire bondir les spécialistes du matériel et autres passionnés intransigeants (p. 14, une MG 34 ; p.28, canon antiaérien M1939 de 37 mm ; p.83, un servant de mitrailleuse DP, par exemple, etc). Anton Joly s'est surtout concentré sur les cartes au jour le jour et délaisse volontairement, dans les parties plus générales qui introduisent les séquences de cartes, l'analyse à proprement parler de l'histoire militaire de Stalingrad. On aurait parfois aimé que l'ouvrage prenne un peu plus de hauteur, décolle le nez de la cartographie tactique de la bataille, notamment au début, pour expliquer les choix chronologique ou replacer la bataille dans une perspective plus large. Cela reflète aussi les choix bibliographiques : comme je le disais, A. Joly s'est surtout servi de sources russes/soviétiques traduites, ce qui est une excellente chose, en revanche on peut noter qu'il manque peut-être des sources secondaires et notamment des articles plus spécialisés sur les événements traités. Ceci étant dit, le choix se comprend au vu de l'ambition plutôt modeste qui était celle d'un atlas de la bataille, au jour le jour.

Au final, cet atlas peut donc utilement compléter la bibliothèque des passionnés du front de l'est ou de l'Armée Rouge, et ce d'autant plus que pour un livre autoédité via Amazon, il n'a pas à rougir particulièrement sur la qualité ou le contenu par rapport à d'autres livres édités par des maisons prestigieuses et dont on pourrait discuter la qualité. J'ajoute aussi que l'auteur a lancé un site Internet, qui renvoie lui-même vers plusieurs sites dédiés notamment à la cartographie de la bataille de Stalingrad et à la constitution d'ordres de bataille à propos de la Seconde Guerre mondiale et en particulier du front de l'est. A découvrir.

Supplément 2ème Guerre Mondiale n°54 : Cobras Rouges. Les P-39 soviétiques au-dessus du Kouban

Du sang et des larmes (Lone Survivor) de Peter Berg (2013)

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2005, Afghanistan. Les Américains veulent éliminer Ahmad Shah, un chef taliban responsable de la mort de 20 Marines et qui fait exécuter les civils qui collaborent avec les Américains. Les Navy Seals sont chargés de mener à bien la mission visant à la capture d'Ahmad Shah. Une équipe de reconnaissance/surveillance de 4 Navy Seals est dépêchée pour localiser et observer le chef taliban dans un village. L'équipe est commandée par le lieutenant Michael P. Murphy (Taylor Kitsch) et se compose des tireurs d'élite Marcus Luttrell (Mark Wahlberg) et Matthew Axelson (Eric Foster), et du radio Danny Dietz (Emile Hirsch). Déposé dans l'Hindou Koush par hélicoptère, les Seals progressent à flanc de montagne pour se placer en surplomb du village, afin de mener leur mission d'observation. Ils repèrent Ahmad Shah en contrebas, mais avec de nombreux combattants, contrairement à ce qui était prévu. Peu après s'être mis en position d'observation, les Seals sont malencontreusement découverts par trois bergers venus du village avec leurs chèvres. Dès lors, la mission des Seals est compromise et les quatre hommes se retrouvent menacés d'être pris à partie par des adversaires très supérieurs en nombre...

Lone Survivor, le dernier film de Peter Berg, est d'abord l'histoire, inspirée de faits réels, d'un désastre. Il est tiré du livre du même nom écrit par Marcus Luttrell en 2007, où celui-ci raconte cet épisode dramatique de l'opération Red Wings, qui prend place en Afghanistan entre la fin juin et la mi-juillet 2005, dans la province de Kunar. L'opération vise notamment à éliminer Ahmad Chad, un chef afghan lié au groupe de Gulbadin Hekmatyar, mais qui n'appartient pas à proprement parler aux talibans -il est étroitement associé avec eux, cependant. L'opération, qui implique deux bataillons de Marines, fait également appel à des forces spéciales. L'équipe de 4 Navy Seals chargée de repérer et d'observer les mouvements d'Ahmad Sah est attaquée par celui-ci et ses hommes peu de temps après avoir été hélitreuillée via un CH-47 ; 3 des 4 hommes sont tués et un CH-47 de la force de réaction rapide, envoyé en renfort pour aider les Seals, est abattu par un tir de RPG, entraînant dans la mort 8 autres Seals et 8 aviateurs des US Army Special Operations. L'opération, devenue Red Wings II, se poursuit pendant plusieurs semaines pour récupérer les corps des Seals tués au combat et Marcus Luttrell, le seul survivant. Le groupe d'Ahmad Shah, passé au Pakistan et bénéficiant désormais d'une certaine notoriété en raison de la destruction de l'hélicoptère, revient avec davantage d'hommes et d'armement. Accroché en août 2005 pendant l'opération Whalers, le groupe est décimé, Shah lui-même étant blessé. Il sera tué en avril 2008 lors d'un échange de tirs avec la police pakistanaise.



Berg a entendu parler du livre de Luttrell en 2007 et a commencé à négocier pour racheter les droits. Le film est ensuite tourné avec l'assistance de l'armée américaine et des survivants de l'opération, dont Marcus Luttrell. Peter Berg avait su façonner, en 2007, un film réellement percutant, Le Royaume, avec un superbe générique et des scènes d'anthologie dans le suivi du parcours d'une équipe du FBI en mission antiterroriste en Arabie Saoudite. Rien de tout ça ici : l'histoire est celle d'une défaite, que Peter Berg réussit malgré tout à magnifier, en quelque sorte, sans forcément tomber dans la caricature du film patriotique. Quelque part, comme certains critiques l'ont fait remarquer, on est proche de La chute du faucon noir de Ridley Scott.

Le film n'est pas là pour interroger sur la complexité de l'Afghanistan et du conflit qui s'y déroule depuis octobre 2001, sur les enjeux de l'intervention américaine/occidentale ou sur les problèmes d'ordre militaire et politique. Berg ne suit pas l'ouvrage de Luttrell, qui raconte son engagement depuis les années 1990 jusqu'à l'embuscade de 2005 -ou plutôt il le fait indirectement, via le générique mettant l'accent sur la formation extraordinairement difficile des Navy Seals (et qui sonne comme un rappel du film A armes égales) et via les premières scènes montrant l'intimité des 4 hommes. Mais très vite, on comprend que Berg est plus intéressé par la peinture de la puissance des forces spéciales que sont les Navy Seals, et de qui fait leur fierté -le bizutage de la nouvelle recrue, la compétition physique, l'esprit de camaraderie, l'entraînement, etc.

Le récit de la mission des Seals et de l'embuscade, qui recouvre l'essentiel du film, a, comme je l'ai dit, des accents de Faucon Noir. Le terrain n'est pas ici une ville africaine en proie à la guerre civile mais les montagnes hostiles et découpées en lame de rasoir de l'est de l'Afghanistan. Pas de grande bataille, mais l'histoire d'une course vers la mort de quelques Navy Seals pris au piège, par des circonstances imprévues, d'un adversaire plus nombreux, déterminé, et connaissant le terrain. Comme la tradition l'exige depuis Saving Private Ryan, les scènes de combat sont réalistes, sanglantes, voire insupportables puisqu'on suit, finalement, le calvaire, très long, de quatre hommes acculés devant la mort. Le réalisateur montre ici son efficacité mais concède un hommage à la valeur guerrière des Navy Seals, même si les moments les plus dramatiques n'ont pas le souffle de ce qu'avaient pu être ceux du Faucon Noir, quelque part plus esthétiques.



La dernière partie du film est peut-être la plus intéressante, car Peter Berg évite le manichéisme en ne confondant pas Afghans avec talibans. Marcus Luttrell ne doit en effet son salut qu'à une tribu pachtoune qui le recueille, ce qui lui-même n'arrive pas à comprendre, s'attendant à être livré aux talibans. Mais le morceau qui retient l'attention, c'est bien l'essentiel du  film, à savoir la mission compromise par l'irruption des bergers et le long calvaire de l'équipe de SEALS submergée par un adversaire impitoyable. Derrière la prétention au réalisme affichée par le réalisateur, il y a quelque chose qui relève du jeu, voire du jeu vidéo. Ainsi la scène de la planification de la mission, où le capitaine des SEALS utilise des figurines d'hélicoptères pour montrer le parcours des hélicoptères. Mais ce quelque chose va jusqu'au traitement de la mort : alors que les SEALS sont montrés criblés de balles, de blessures, de boursouflures à cause des explosions, jusqu'à la mort au ralenti pour trois d'entre eux, les talibans, eux, ne "saignent" quasiment pas. Ils sont fauchés comme des quilles par les Apaches dans la scène finale du film, au moment où Marcus Luttrell est secouru. Quelque part, cela reflète aussi l'incapacité ou le non-vouloir de l'appréhension de l'autre, de l'étranger, de l'Afghan.

Nul doute que Lone Survivor fera remonte la cote de Peter Berg, dont le Battleship (2012) avait été, probablement à raison, un cinglant échec critique et commercial. Le film fait quasiment figure de documentaire, même s'il est inspiré du récit d'un survivant qui dramatise probablement les faits -notamment sur le nombre d'adversaires. On le voit aussi s'agissant de l'attaque du village par les talibans -qui en réalité n'a jamais eu lieu- ou avec l'arrêt cardiaque de Luttrell. Pour autant, on peut s'interroger sur les objectifs de Berg. Lone Survivor se présente, au premier abord, comme une ode à la gloire des Navy Seals et de leur engagement en Afghanistan. Pourtant, c'est bien l'histoire d'un échec militaire, et c'est peut-être ce qu'il y a de plus intéressant à en tirer : toute opération, y compris de forces spéciales comme les Navy Seals, peut mal tourner en raison des facteurs impossibles à prévoir, malgré toute la planification méticuleuse que l'on peut y mettre. Derrière ce film se transformant presque en survival avec des relents d'accent patriotique, on distingue, tout de même, quelque chose d'un peu plus fin. La scène du débat entre les Seals sur le sort à réserver aux bergers qui les ont découverts en est l'illustration. Ici Berg, très clairement, ne verse pas dans le manichéisme militaire et politique le plus grossier. Par un singulier renversement de perspective, il place le même débat au sein de la tribu pachtoune qui recueille Luttrell, à la fin du film : tout un symbole. Symbole d'une guerre qui n'en finit pas et qui, finalement, est plus compliquée qu'un jeu vidéo ou qu'un viseur d'hélicoptère filmant ses adversaires avant de leur expédier obus, roquettes et missiles antichars.




Les autres combattants étrangers du conflit syrien. Quelques réflexions sur un débat

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Le 26 mai dernier, le site OrientXXI mettait en ligne un article de Matthieu Cimino1, historien et politologue, (Docteur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI, Paris) et enseignant au collège universitaire de Sciences Po (campus de Paris et Menton) ), à propos des combattants étrangers pro-régime en Syrie, une thématique beaucoup moins abordée que celle des djihadistes sunnites combattant aux côtés de l'insurrection. Une simple recherche Google peut le confirmer : 284 000 résultats pour les mots clés « combattants étrangers régime Syrie » contre 1 220 000 résultats pour les mots clés « djihadistes Syrie »2.

Quelques jours plus tard, un auteur écrivant sous le pseudonyme de Nidal publie un article en forme de réponse au précédent, qu'il massacre pour ainsi dire en règle avec des arguments plus ou moins fondés, le tout desservi par un ton très polémique3. Comme je suis cité dans l'argumentaire de Nidal par l'intermédiaire de mes travaux, je souhaite réagir à ce sujet, en particulier sur les point sur lesquels je suis en désaccord, assez brièvement, en renvoyant aussi vers mes précédents billets.

 

Le premier point tient à la composition des effectis du régime syrien. Nidal, en citant le premier article4 que j'avais écrit en septembre 2013 (que je reconnais moi-même comme étant, aujourd'hui, nettement insuffisant, car trop peu sourcé), converti en lettre pour le CDEF5 via le colonel Michel Goya, semble croire que le régime dispose de suffisamment de forces « autochtones » pour mener ses opérations militaires. Or, en réalité, le régime connaît une certaine pénurie d'effectifs. Avant la révolution de 2011, on estimait que l'armée syrienne comptait environ 300 000 hommes. Au 1er avril 2014, les pertes se montent déjà, peut-être, à plus de 35 000 tués ; un ratio d'un tué pour trois blessés n'est probablement pas exagéré ; et l'armée a connu, depuis 2011, des défections impossibles à chiffrer précisément, mais qui s'élèvent probablement à plusieurs dizaines de milliers d'hommes (40 000 ? 50 000 ?). En l'état, cela laisse environ 125 000 hommes à disposition du régime, total dans lequel il faut inclure de nombreuses troupes jugées peu sûres par le pouvoir, qui préfère les maintenir encasernées. Le corps de bataille « syrien » du régime, issu de l'ancienne armée régulière, ne se monte donc, en réalité, qu'à quelques dizaines de milliers d'hommes (40-50 000), tirés des unités de prétoriens du régime Assad : Garde Républicaine, 4ème division blindée, forces spéciales, etc. Un récent état des lieux par Charles Lister, spécialiste militaire du conflit, rappelle ainsi que le régime « corsette » fréquemment les unités peu sûres avec les restes de ces formations d'élite, constamment engagées sur le terrain depuis 2011 (et qui ont donc subi des pertes prononcées)6

Ci-dessous, vidéo des Forces Nationales de Défense, la milice syrienne pro-régime créée à partir de novembre 2012, avec l'aide de l'Iran et du Hezbollah (ici les combats dans la province de Lattaquié).

 

Nidal souligne aussi l'importance des Forces Nationales de Défense (FND), cette milice syrienne créée par le régime en novembre 2012. Or cette milice, qui regroupe des structures plus lâches nées depuis 2011 et même les fameux shabiha, ces gangs alaouites mafieux de Lattaquié et d'ailleurs, n'a vu le jour que grâce à l'encadrement des Iraniens (force al-Qods)7 et du Hezbollah libanais8. Elle apparaît au tournant 2012-2013, à l'époque où le régime est en grande difficulté, et va être littéralement sauvé par ses soutiens extérieurs, Iran et Hezbollah notamment. L'injection de ces miliciens, qui finissent par former un ensemble difficile à chiffrer mais allant probablement de 50 à 100 000 hommes aujourd'hui9, soulage le problème d'effectifs du régime mais n'y met pas fin. En outre, bien que les FND comportent des combattants parfois aguerris par plusieurs années de guerre, ces miliciens ont une valeur très inégale. Les FND ont manifestement « craqué » devant l'offensive rebelle dans l'est de la Ghouta, en novembre 201310, avant que des renforts -notamment tirés du Hezbollah- ne rétablissent la situation. En outre, elles ont été prises par surprise par l'offensive rebelle soigneusement préparée dans le nord de la province de Lattaquié, fin mars 2014, autour de Kessab11. Par ailleurs, elles sont régulièrement accusées de pillage (au moment de l'entrée dans Homs, par exemple12). Enfin, j'ajoute que sur le terrain, de nombreux indices laissent à penser que les FND sont au minimum « corsetées » par des éléments solides de l'ancienne armée syrienne, quand ce n'est pas par le Hezbollah ou des conseillers iraniens.

Compilation de vidéos rebelles sur l'offensive lancée dans l'est de la Ghouta, en novembre 2013. Cette offensive a été peu couverte par les médias occidentaux, mais elle a pourtant sérieusement secoué, au départ, les lignes du régime, qui ont craqué devant, parfois, de véritables "vagues humaines". Seule l'intervention de renforts rapidement acheminés, notamment du Hezbollah, a permis au régime de stabiliser la situation.



Concernant les chiffres cités par l'OSDH, ils ne peuvent donner que des ordres de grandeur. On peut noter aussi qu'ils ne mentionnent pas, par exemple, le nombre de combattants étrangers tués du côté de l'insurrection (et qui est déjà conséquent). En outre, si l'on prend le chiffre des tués pour le Hezbollah (438), il est probablement en-dessous de la réalité ; un responsable du mouvement libanais reconnaissait, dès le mois de mars, que l'on dépassait déjà les 500 morts depuis 201113, nombre qui apparaît probable, au vu des calculs que l'on peut faire à partir des cérémonies funéraires ou autres indices visibles des pertes subies par le Hezbollah (avec un minimum de 360 tués14). En réalité, Nidal joue sur cette question des chiffres pour masquer le facteur important qui est celui du rôle joué par le Hezbollah et les autres combattants étrangers pro-régime (en particulier irakiens) depuis le printemps 201315. Comme je l'ai déjà dit, cette intervention a littéralement sauvé le régime syrien, bien mal en point en novembre-décembre 2012. Cette intervention passe par un soutien financier et matériel, via l'Iran, en particulier, mais aussi par la Russie. Elle se manifeste également par un effort d'encadrement et d'instruction des restes de l'armée régulière syrienne16 et de la nouvelle milice, les FND, prises sous leur aile par les conseillers iraniens de la force al-Qods des Pasdaran. On peut le constater dans ce document vidéo précieux capturé par le groupe rebelle Liwa Dawood en août 2013 après une embuscade réussie contre des miliciens syriens accompagnés de conseillers iraniens de la force al-Qods17. Ces Iraniens, âgés d'une quarantaine/cinquantaine d'années, sont des vétérans de la guerre Iran-Irak, parfois même de la contre-insurrection menée en Iran dans certains régions à partir de 1979. Non seulement ils encadrent les miliciens syriens, mais ils conduisent aussi des opérations spéciales de reconnaissance, d'infiltration et d'observation pour l'artillerie. Ils ne se limitent donc pas à une simple fonction de conseillers militaires. Les estimations placent généralement entre 1 000 et 1 500 le nombre de combattants des Pasdarans présents en Syrie, mais, encore une fois, il ne s'agit que d'un ordre de grandeur. Pour le centre Meir Amit, il y aurait surtout plusieurs centaines de membres de la force al-Qods déployés en Syrie18. Selon un décompte non-officiel, l'Iran ne communiquant que très peu sur les pertes subies en Syrie pour des raisons évidentes, 60 membres des Pasdarans seraient déjà tombés au combat -le dernier, le général Abdollah Eskandari, a été tué en mai 2014. Un article récent affirme qu'effectivement, l'intervention directe des Iraniens se limite à grosso modo un millier d'hommes, mais qu'une campagne de recrutement pour la guerre en Syrie aurait attiré, en Iran, plus de 3 000 volontaires19.

Le documentaire de la BBC réalisé à partir des images prises par Liwa Dawood et qui montre l'intervention de conseillers militaires iraniens de la force al-Qods au combat, à l'est d'Alep, en août 2013.



Le Hezbollah libanais, quant à lui, jette littéralement une partie de son appareil militaire, en avril 2013, pour faire tomber la ville de Qusayr, dans la province de Homs. Le succès est au rendez-vous, mais avec des pertes conséquentes, probablement 120 tués (la campagne la plus coûteuse jusqu'ici) et un nombre encore plus important de blessés20. A cette occasion, le Hezbollah mène les opérations de manière autonome, bénéficiant de l'appui-feu du régime syrien, et pilote même les chars T-54/55, l'artillerie et les missiles antichars fournis par le régime21. Le rôle du Hezbollah n'a cessé de s'affirmer depuis. Si durant l'été 2013 il semble surtout assumer une mission d'encadrement, notamment dans le siège de Homs et dans les combats à Alep, il revient sur le devant de la scène dès le mois de novembre avec le premier assaut sur le Qalamoun, à la frontière libanaise. En outre, lors de l'offensive rebelle dans l'est de la Ghouta ce même mois, c'est à nouveau le Hezbollah qui est en première ligne, dépêchant des renforts qui permettent entre autres de sceller les pénétrations effectuées par les insurgés22. C'est le Hezbollah qui, en février-mars 2014, permet de faire tomber Yabroud, place importante du Qalamoun, et objectif symbolique pour le mouvement chiite au Liban. Enfin, dès le mois d'avril 2014, on constate que les effectifs du Hezbollah jouent un rôle de « pompiers volants », puisqu'ils interviennent sur tous les endroits critiques pour le régime. Ils effectuent ainsi un débarquement amphibie pour reprendre le village de Samra, dans la province de Lattaquié, sur le flanc de la poche rebelle créée en mars autour de Kessab ; ils fournissent des renforts à la partie ouest d'Alep, tenue par le régime, et mise sous pression en avril 2014 par des attaques rebelles23 ; enfin, ils sont présents dans l'offensive qui dégénère en guerre d'usure sur la localité de Mleha, dans l'est de la Ghouta. Le Hezbollah joue donc un rôle essentiel sur nombre de fronts importants pour le régime syrien, sans compter que ses troupes ont aussi « comblé les vides » dans certaines formations prétoriennes du régime, épuisées par leur engagement quasi continu, comme la 4ème division blindée24.

Images du Hezbollah lors des combats pour la reconquête de Yabroud (février-mars 2014).



Quant aux miliciens irakiens chiites, leur intervention se fait de plus en plus massive, là aussi, à partir du printemps 2013, encore une fois pour venir en aide au régime, en grande difficulté25. Leur participation remonte au moins à 2012, avec notamment l'un des groupes les plus anciens, Liwa Abou Fadl al-Abbas26, officiellement pour protéger le sanctuaire chiite de Zaynab, au sud de Damas, et les populations chiites syriennes. Mais le nombre de groupes impliqués (et donc l'effectif total) croît dans des proportions importantes dès l'été 2013. Ces miliciens sont fournis par des organisations irakiennes généralement formées par l'Iran durant les dernières années de l'occupation américaine de l'Irak. Ils suppléent, là encore, au problème d'effectifs du régime, en dépit de frictions, parfois, avec les forces syriennes ou d'autres combattants étrangers pro-régime. Ils ont joué un rôle important dans la stratégie du régime à Damas, permettant de sécuriser l'aéroport international et de mener le siège de certains quartiers tenus par les rebelles, tout en attaquant certaines positions pour améliorer la position du régime syrien. On les trouve aussi en dehors de la capitale, à Alep notamment. Fin août-début septembre 2013, ils interviennent même au sud, dans la province de Deraa27. Récemment, les miliciens irakiens ont été très présents dans l'assaut sur Mleha, dans l'est de la Ghouta, et durant le siège de Homs. L'un des derniers groupes en date, Liwa Assad Allah al-Ghaleb (un surgeon de Liwa Abou Fadl al-Abbas), s'est même vu confier par le régime les fameuses roquettes Volcano, celles-là même qui ont servi pour les attaques chimiques du 21 août 2013 dans la Ghouta28. C'est une première pour le régime, et cela montre aussi que celui-ci se repose très largement sur ces combattants étrangers au point de leur confier un armement lourd comme ces roquettes bricolées à partir des Falaj-2 iraniennes, avec un pouvoir de destruction important à l'impact, vu le calibre des roquettes29. D'ailleurs une autre milice étrangère, la Garde Nationaliste Arabe, a elle aussi utilisé ce même matériel lors des combats à Mleha30. Quant au nombre de combattants irakiens présents en Syrie, là encore, on ne peut le connaître avec exactitude : tout au plus peut-on donner des ordres de grandeur. En juin 2013, Philip Smyth, le spécialiste du sujet, parlait déjà de 800 à 2 000 combattants31. Les estimations les plus récentes32 portent à 4 à 5 000 le nombre de miliciens irakiens présents simultanément en Syrie33.

Compilations de vidéos montrant des miliciens irakiens chiites venus combattre aux côtés du régime syrien.




Nidal ne semble pas croire non plus à l'expertise du Hezbollah en matière de sniping, ravalée au rang de « petites mentions typiques des prétentions moralisatrices (...) » . Or, en réalité, si l'on écarte les rumeurs selon lesquelles des snipers du Hezbollah seraient intervenus dès 2011 pour participer à l'étouffement des premières manifestations, de nombreux indices laissent penser que le Hezbollah a effectivement fait bénéficier le régime syrien de son talent dans le domaine. Un officier des Pasdarans a indiqué que les snipers du Hezbollah étaient intervenus dès février 2012 lors de l'offensive du régime sur Zabadani34. L'indice le plus probant est sans doute la présence massive, depuis octobre 2013 au moins, de matériel anti-sniper, en particulier parmi les miliciens irakiens chiites. Parmi ces armes en particulier, la copie iranienne du HS. 50 de Steyr, compagnie autrichienne, que l'on a vu entre les mains du Hezbollah et de certains miliciens irakiens35. Récemment, cette même arme a été vue au sein des forces gouvernementales irakiennes, qui l'ont peut-être obtenue via les milices chiites engagées en Syrie36.


La copie iranienne du fusil anti-sniping HS. 50 de Steyr est utilisée en Syrie par le Hezbollah et certaines milices irakiennes. 



Le constat selon lequel il y a « plus de jihadistes étrangers chiites pro-régime que de jihadiste sunnites dans l’opposition » n'est pas là pour « distiller l’idée qu’il y aurait en Syrie un ignoble confessionnalisme chiite parfaitement illégitime, et un gentil confessionnalisme sunnite tout à fait légitime » : ce sont des faits, purement et simplement. Les combattants étrangers pro-régime, au total, ont été depuis 2011 probablement plus nombreux que ceux venus se battre du côté des insurgés. Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est que le rôle de ces combattants étrangers pro-régime, militairement parlant, a été beaucoup plus important que celui des combattants étrangers de l'insurrection, en particulier à partir du printemps 2013, en gros depuis un an, donc. Au contraire, à quelques exceptions près (comme les Tchétchènes37), les combattants étrangers de l'insurrection n'ont pas eu un rôle militaire décisif sur le terrain38 -même s'ils ont contribué à renforcer l'EIIL, un acteur tout à fait atypique du conflit, mais c'est une autre question.


Documentaire de la chaîne iranienne PressTV sur la bataille de Qusayr (avril-juin 2013). Le Hezbollah, qui y joue un rôle crucial, n'est même pas mentionné...



Un autre reproche fait par Nidal au texte de M. Cimino est qu'il s'intéresse beaucoup (trop) au Hezbollah. Ayant pour ma part travaillé sur l'ensemble des combattants étrangers pro-régime, PSNS, Garde Nationaliste Arabe, Palestiniens du FPLP-CG, réfugié afghans chiites recrutés par l'Iran, je suis surpris que Nidal passe sous silence certaines informations qui corroborent les dires de M. Cimino à la fin de l'article, notamment quand il soulève cette nouvelle problématique fort intéressante que sont les tensions au sein des forces pro-régime, syriennes et étrangères. On a ainsi vu les miliciens du PSNS, à Homs, hisser leurs propres drapeaux sur un quartier chrétien et ouvrir le feu sur les miliciens syriens des FND qui cherchaient manifestement à piller les maisons dudit quartier, les affrontements ayant fait plusieurs tués39. Si cela se confirmait, on aurait ainsi le premier exemple de construction territoriale par des combattants étrangers pro-régime, ce qui bouclerait la logique sectaire du conflit que le régime a savamment entretenu quasiment depuis le début de la révolution. En outre, au sein des combattants étrangers, le Hezbollah a eu un rôle incomparablement plus important que les autres. Nidal s'attarde sur le nombre de combattants engagés par le Hezbollah pendant la bataille de Qusayr (avril-juin 2013). Il est effectivement difficile à déterminer. Mais dans un article de référence, Nicholas Blanford, un spécialiste de la question, l'estimait à 1 200-1 700 hommes, ce qui n'a rien d'exagéré40. Comme je le disais plus haut, le Hezbollah a probablement perdu 120 tués, ou peut-être plus, durant la bataille. Un ratio de trois blessés pour un tué, qui n'a rien d'extraordinaire, porte déjà le total des pertes à 360 hommes. Il n'est donc pas incongru de penser que le Hezbollah a probablement engagé au moins un millier d'hommes dans la bataille de Qusayr, ce qui n'est pas rien, sans monter effectivement jusqu'à certaines estimations plus hautes portant le total à 3 ou 4 000 hommes. Depuis la bataille de Qusayr, comme je l'ai dit, le total des morts dépasse maintenant probablement les 500, et celui des blessés, si l'on applique le même ratio, des 1 500. On peut donc estimer qu'une bonne partie des forces régulières du Hezbollah (évaluées, la plupart du temps maintenant, entre 5 et 10 000 hommes) est bien passée par le champ de bataille syrien, ou que le mouvement chiite a su jouer de sa réserve mobilisable, estimée à 20-30 000 hommes. Les chiffres sûrs (pertes minimum : 360 tués, voire plus de 500) confirment en tout cas que le Hezbollah, depuis son engagement en Syrie, a probablement déployé plusieurs milliers d'hommes, sans atteindre les totaux farfelus que l'on lit parfois, effectivement, dans une propagande outrancière. En tout les cas, le mouvement libanais joue un rôle central dans le sort militaire du régime syrien, et ce même si maintenant, la situation étant stabilisée, on pourrait penser qu'il serait amené à se retirer. Il n'est pas inintéressant non plus de savoir que le régime syrien a mis sur un pied un Hezbollah syrien, calqué sur le mouvement libanais, dont on discute toujours des objectifs41...



2Recherche réalisée le 2 juin 2014.
6CHARLES LISTER, DYNAMIC STALEMATE:SURVEYING SYRIA’S MILITARY LANDSCAPE, POLICY BRIEFING, Brookings Doha Center, 19 mai 2014.
8Cf mon article sur l'intervention du Hezbollah en Syrie : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/05/mourir-pour-assad-les-combattants.html
9CHARLES LISTER, DYNAMIC STALEMATE:SURVEYING SYRIA’S MILITARY LANDSCAPE, POLICY BRIEFING, Brookings Doha Center, 19 mai 2014, p.10.
14Au 1er avril 2014 : cf Hezbollah's Involvement in the Civil War in Syria: Hezbollah regards the takeover of Yabrud as a security and morale-boosting achievement, costing the organization relatively few losses, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 22 avril 2014.
15Cf mon article sur l'intervention du Hezbollah en Syrie : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/05/mourir-pour-assad-les-combattants.html
16Les Iraniens forment ainsi un nouveau 416ème bataillon de forces spéciales syriennes dans le complexe d'al-Dreij, entre Damas et Zabadani, lieu historique de présence des Pasdarans iraniens depuis l'époque de la guerre civile libanaise. Cf Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
18Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014.
20Cf mon article sur l'intervention du Hezbollah en Syrie : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/05/mourir-pour-assad-les-combattants.html
21Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
22Marisa Sullivan, Hezbollah in Syria, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 19, Institute for the Study of War, avril 2014.
23Un premier contingent de 250 hommes menés par un officier haut placé, selon Edward Dark, que l'on ne peut suspecter d'être un sympathisant des insurgés : cf http://www.al-monitor.com/pulse/fr/originals/2014/04/syria-aleppo-offensive-rebels-jabhat-nusra-regime.html
25Cf mon article sur ces combattants étrangers, irakiens notamment, pro-régime : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/01/mourir-pour-assad-les-combattants_27.html
26Phillip Smyth, « Hizballah Cavalcade: What is the Liwa’a Abu Fadl al-Abbas (LAFA)?: Assessing Syria’s Shia “International Brigade” Through Their Social Media Presence », Jihadology.net, 15 mai 2013.
27Phillip Smyth, Research Analyst at the University of Maryland – Laboratory for Computational Cultural Dynamics, House Committee Foreign Affairs Committee – Subcommittee On Terrorism, Nonproliferation, and Trade, 20 novembre 2013, Hearing: Terrorist Groups in Syria.
31Michael Knights, « Iran's Foreign Legion: The Role of Iraqi Shiite Militias in Syria », PolicyWatch 2096, The Washington Institute, 27 juin 2013.
32« Shiite Foreign Fighters in Syria: Facts, Narratives and Regional Impact », NGC Blog, 24 janvier 2014.
33Shi'ite Foreign Fighters in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 18 mars 2014 .
34Will Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria, Institute for the Study of War, mai 2013.
35Cf mon article sur ces combattants étrangers, irakiens notamment, pro-régime : http://historicoblog3.blogspot.com/2014/01/mourir-pour-assad-les-combattants_27.html
38Voir la liste de mes articles sur le sujet ici : http://historicoblog3.blogspot.com/p/la-syrie-cest-par-ici.html
40Nicholas Blanford, « The Battle for Qusayr: How the Syrian Regime and Hizb Allah Tipped the Balance », CTC Sentinel, août 2013, special issue . Vol 6. Issue 8, p.18-22.
41Une milice calquée sur le Hezbollah libanais pour émanciper le régime syrien de l'influence pesante de ses soutiens extérieurs, selon Tahrir Souri : http://tahrirsouri.com/2014/05/07/the-syrian-hezbollah-what-is-it-and-why/ ; ou une branche militaire spécialement formée aux missions spéciales et à la guérilla, sur le modèle du Hezbollah, pour mener la guerre contre Israël, notamment sur le Golan, selon E.J. Magnier, un spécialiste du mouvement chiite libanais.

Peter TREMAYNE, Le suaire de l'archevêque, Grands Détectives 3631, Paris, 10/18, 2004, 346 p.

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664 ap. J.-C. Soeur Fidelma est en mission à Rome, au nom de l'Eglise d'Irlande, et doit rencontrer le pape Vitalien. Frère Eadulf, quant à lui, accompagne le nouvel archevêque de Cantorbéry, Wighard. Quelques jours après leur arrivée, Wighard est retrouvé assassiné dans sa chambre du palais du Latran. L'évêque Gelasius, le nomenclator du pape, charge Fidelma et Eadulf de faire la lumière sur cette affaire, qui risque de réveiller le conflit latent entre Irlandais et Anglo-Saxons, entre Eglise d'Irlande et Eglise romaine...

Je suis en train de relire toute la série des Soeur Fidelma,écrite par Peter Tremayne, Peter Berresford Ellis de son vrai nom. J'avais commenté le tome d'ouverture de la série il y a quelques temps. Voici le deuxième tome qui, comme le premier, ne se déroule pas en Irlande mais à Rome. C'est une des particularités de la série de ne pas faire débuter les enquêtes à l'endroit où l'on s'attendrait qu'elles se déroulent, l'Irlande natale de Fidelma, mais dans des contrées qui lui sont étrangères. L'Irlande "n'arrive" qu'avec le troisième tome.


La grande force de Tremayne est de mêler, dans le même roman policier, une intrigue policière qui tient la route et une description assez fine de l'univers dans lequel évoluent ses personnages. C'était vrai pour le premier tome avec le concile de Whitby, cela le reste avec cette enquête qui se situe à Rome. On apprécie en particulier les références appuyées à la naissance de l'islam et à la première vague de conquêtes musulmanes. Le moins que l'on puisse dire est que la période choisie par Tremayne, à coup sûr, est originale : peu d'enquêtes policières se déroulent au VIIème siècle de notre ère... quant à l'intrigue, elle tient ses promesses, et la résolution n'est pas des plus évidentes à découvrir.

Cette qualité n'est pas toujours présente -l'équilibre entre les deux piliers, l'univers et l'enquête-, mais pour les premiers tomes en tout cas, elle fait toute la force du récit. 



Colette BRAECKMAN, Rwanda. Histoire d'un génocide, Paris, Fayard, 1994, 343 p.

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Le vingtième anniversaire du génocide rwandais, commis entre avril et juillet 1994 à l'encontre des Tutsis, puis des Hutus modérés, a suscité un débat passionné en France, comme on était en droit de s'y attendre. Le génocide a rapidement fait l'objet de controverses dans notre pays, et d'abord quant à sa réalité. Une cohorte de chercheurs ou de "pamphlétaires", d'ailleurs souvent marginalisés sur le plan académique ou contestés pour leur travail (Bernard Lugan, Stephen Smith, Pierre Péan) ont fourni des interprétations qui dénigrent ou relativisent le génocide. C'est une particularité française, sur ce sujet, qui a même donné lieu à une typologie par des chercheurs : la négation du génocide ; l’euphémisation en "guerre civile" et plus souvent en "guerre tribale" ; et, enfin, l’hypothèse d’un double génocide. Si ces idées trouvent un écho plus important en France, c'est en raison du rôle de l'Etat français au Rwanda mais aussi parce que la grille de lecture "ethnique" est utilisée à foison, dans l'Hexagone, pour qualifier les crises et conflits du continent africain. La recherche se focalise donc sur ces problématiques, ce qui est logique.

L'ouvrage de Colette Braeckman, journaliste de l'équipe de Le Soir, l'un des premiers à paraître sur le sujet, l'année même du génocide, marque une étape. Loin de céder aux explications "ethniques" qui s'imposent dans les médias, la journaliste belge cherche à comprendre les causes historiques du génocide et s'intéresse aussi, par exemple, aux répercussions des événements au Rwanda dans le Burundi voisin, ce qui est rarement fait par les autres personnes qui écrivent sur le sujet, dont les pamphlétaires mentionnés ci-dessus.




Les Européens, via les Allemands, ne prennent contact avec le royaume installé dans l'actuel Rwanda qu'à la fin du XIXème siècle. Les ethnographes et les membres de l'Eglise qui arrivent pour procéder à une administration indirecte, reposant sur les pouvoirs locaux, séparent artificiellement les populations entre cultivateurs et pasteurs, alors qu'elles sont en réalité, on s'en doute, beaucoup plus complexes. En outre, l'Eglise impose la foi et ses corvées, ce qui n'est pas du goût des paysans et du souverain. Le colonisateur, pour appuyer son autorité, favorise les Tutsis au détriment des Hutus. Cependant, les élites tutsies et hutus n'ont pas accepté de bonne grâce la domination coloniale. Ce n'est qu'à la veille de l'indépendance, dans un pays passablement transformé, que l'Eglise commence à se retourner vers les Hutus. Le colonisateur belge décalque des idées européennes, sur fond de guerre froide, au Rwanda. Le Manifeste des Bahutus, en 1957, en est la traduction, avec un parti, le Parmehutu. Les Hutus, marginalisés lors de l'indépendance en 1959 en raison de l'organisation politique des Tutsis, n'hésitent pas à persécuter ces derniers, les forçant à l'exil, le tout avec la bénédiction du colonisateur belge. Dès la proclamation de la république du Rwanda, en juillet 1962, la haine des Tutsis cimente la conscience nationale des Hutus au moment de ce que l'on a appelé la "révolution sociale". Au Burundi voisin, la révolte des Hutus après un coup d'Etat raté de militaires, en 1965, est sauvagement réprimée par l'armée, qui tue encore plusieurs centaines de milliers de Hutus en 1972. Les Hutus du Rwanda voisins, qui observent ces événements, multiplient les exactions contre les Tutsis, effrayés du sort réservé à leurs congénères du Burundi.

Dès que les Tutsis lancent des opérations de guérilla sur les frontières, à partir du Burundi, les Hutus rwandais réagissent en massacrant leurs compatriotes tutsis : 10 000 en décembre 1963, sans compter le flot d'exilés que provoque chacun des massacres. Plus de 150 000 au total, qui viennent gonfler ceux déplacés par volonté du colonisateur au Zaïre, et qui seront eux aussi victimes de persécutions, ayant choisi de s'intégrer dans l'élite locale, tout comme le font les Tutsis restés au Rwanda. Les exilés hors Afrique abandonnent vite le rêve d'un retour au pays, contrairement à ceux réfugiés dans un pays voisin. Marginalisés en Ouganda par le président Obote, les Tutsis rwandais accueillent avec soulagement l'arrivée au pouvoir d'Imin Dada, renversé en 1979, et qui cède la place à Obote, de retour. Mais celui-ci est bientôt évincé par Museveni, auprès duquel Fred Rwigyema et Paul Kagame font leurs premières armes. En 1986, la National Resistance Army victorieuse qui entre dans Kampala comprend 3 000 Banyarwandas, sur 14 000 hommes. C'est en Ouganda que le Front Patriotique Rwandais naît, en décembre 1987, remplaçant une ancienne structure apparue en 1979. Le FPR s'organise, noyaute l'armée ougandaise, dont les membres sont formés aux Etats-Unis, fait appel à la diaspora. Museveni est pressé de se débarrasser de ces alliés encombrants, qui reçoivent bientôt le soutien de Banyarwandas du Zaïre et même d'opposants hutus en exil, ce qui inquiète le pouvoir de Kigali. La négociation échoue. Le FPR lance son offensive en octobre 1990. Dirigés par Rwigyema et Kagame, les Tutsis rwandais volent de succès en succès. Mais dépourvu d'armement lourd, le FPR se heurte bientôt à des forces gouvernementales appuyées par la France, la Belgique, et Mobutu, qui du Zaïre envoie des éléments de sa division spéciale présidentielle. Les pertes sont lourdes parmi les Tutsis, Rwigyema est tué par un éclat de mortier. Le FPR est soutenu par l'Ouganda, sans qu'il faille y voir un complot anglophone ou autre, comme certains l'ont fait : il cherche à s'imposer sur la scène rwandaise pour obtenir le partage du pouvoir, ce qui mène d'ailleurs aux accords d'Arusha en août 1993. Le FPR comprend désormais des Tutsis exilés, mais aussi des Tutsis du Rwanda qui l'ont rejoint, et des Hutus ; cependant le premier bataillon qui arrive dans la capitale, en décembre 1993, doit s'enterrer dans un camp retranché, la population est inquiète, les soldats gouvernementaux très hostiles.

Habyarimana est alors aux commandes du Rwanda, après avoir pris le pouvoir en 1965. Il est marié à Agathe Kanziga, d'une puissante famille hutu du nord, dont le rôle sera important dans les événements conduisant au génocide. Le président dirige un régime de parti unique. Marginalisés socialement, les Tutsis réussissent à contourner certaines barrières, par exemple par le recours aux écoles privées. La Deuxième République de Habyarimina, où s'échinent les payans, fait figure de modèle aux yeux des Occidentaux, surtout comparée aux pays voisins, plus instables ou déséquilibrés. L'accent sur l'agriculture et la démographie galopante du pays conduisent à une saturation de l'occupation du sol cultivable. La hiérarchie de l'Eglise catholique est très liée au régime. Les services de renseignement de ce dernier sont omniprésents, encouragent la délation. Pas de contraception et une reconnaissance bien tardive des ravages du sida (30% de la population active des villes à la veille du génocide). Habyarimana fait assassiner les journalistes trop indépendants, torturer les opposants : les prisons rwandaises sont de sinistre mémoire. Le président se rapproche, dans les années 80, du Zaïrois Mobutu, rapprochement qui correspond aussi à la dérive affairiste du régime. C'est surtout la belle-famille du président qui profite du phénomène, même si Habyarimana reçoit de Mobutu deux immenses domaines dans le Masisi et le Walikale, à l'est du Zaïre. Le clan du président, en réalité de sa belle-famille, l'Akazu, ne rêve que de pouvoir et de fortune démesurés. Dans la forêt de Nyungwe, près de Butare, le régime fait cultiver du cannabis. On trafique aussi les gorilles du parc de Virunga, défendus jusqu'au sacrifice suprême par Diane Fossey. Le trafic d'armes, surtout, permet l'enrichissement de l'Akazu jusque pendant la guerre civile qui démarre en octobre 1990.

Dès le début du conflit, Habyarimana fait arrêter 10 000 personnes, bientôt relâchées, mais l'on commence alors à définir un "ennemi intérieur" dans une logique qui va mener tout droit au génocide. Dès octobre 1990, on massacre localement des Tutsis, parfois en masse, parfois de manière plus sélective, pour intimider, le tout avec l'encouragement tacite ou plus prononcé des autorités. Les premiers partis d'opposition qui se créent alors reflètent moins une séparation ethnique que la volonté de partage du pouvoir et des différences régionales (le président vient du nord et est honni par les Hutus du sud). Le FPR ne rencontre cette opposition intérieure qu'à l'été 1992, à Bruxelles, où les premiers contacts se nouent. Les accords d'Arusha, à l'été 1993, sanctionnent un prochain partage du pouvoir que Habyarimana et l'Akazu ne peuvent accepter. Pour reprendre la main, le président cherche à diviser l'opposition en jouant de la carte ethnique : c'est le début du hutu power, forgé par les intellectuels comme Ferdinand Nahimana. Car les accords scellent aussi, par la fusion des armées, la supériorité militaire du FPR, qui se retient de trop en jouer par peur des massacres du régime et par la présence française aux côtés de celui-ci.

L'armée du régime, pendant la guerre civile, voit ses effectifs passer de 7 000 à 40 000 hommes. Elle participe aux massacres de Tutsis, prisonniers civils et autres, et à celui des Bagogwes, en février 1991. Et elle attribue ses crimes au FPR. Elle achète de nombreuses armes, qui viennent d'Afrique et surtout d'Egypte, le tout financé essentiellement... par l'Etat français. La France fournit aussi ses propres armes. Les quantités sont énormes, à tel point que plusieurs hypothèses se cumulent quant à l'utilisation de ces armes : ce trafic vise à armer des civils, mais probablement aussi à réexporter une partie des équipements (trafic au bénéfice de l'Akazu). Du côté du FPR, les armes viennent d'Ouganda et sont surtout financées par la diaspora. Au Rwanda, dès 1959, les Hutus commencent à jeter le bases de ce qui deviendra "l'ennemi intérieur" tutsi. Dès septembre 1991, le régime rwandais arme des groupes d'autodéfense ; les radicaux de l'armée, l'Amasasu, veulent encore aller plus loin : ce sera la naissance des Interahamwes, pilotés par l'Akazu et les officiers de l'armée, garde présidentielle et services de renseignement. Dès la fin 1993, on commence à distribuer grenades, fusils d'assaut et machettes aux civils. Les Interahamwes ont été encadrés, notamment, par des Français, en 1991-1992 ; des militaires français participent également aux interrogatoires de prisonniers du FPR. La Radio des Mille Collines, lancée à l'été 1993, financée par l'Akazu, parachève le processus de planification du génocide. La machine à exterminer est en place.

Au 6 avril 1994, le président Habyarimana est contesté dans son propre camp, les radicaux militaires s'alliant avec l'Akazu. Au point qu'il craint pour sa vie. Les ultras du hutu power ont préparé une liste de 1 500 personnes à éliminer immédiatement. Après avoir rendu visite à Mobutu, Habyarimana et le président du Burundi s'envolent pour Dar es-Salaam, en Tanzanie, pour participer aux négociations qui doivent déboucher sur un accord pour un gouvernement de transition. C'est au retour de ce déplacement que l'appareil présidentiel est abattu, au-dessus de Kigali, par un tir de missile sol-air, le 6 avril 1994. La garde présidentielle et les coopérants militaires français font rapidement le ménage autour de l'épave. Les massacres de Tutsis commencent, en dehors de la capitale, dès l'après-midi (l'avion est abattu en soirée). Les génocidaires mettent la main sur 10 paras belges, membres de la force d'interposition de l'ONU, et les coupent proprement en morceaux. La Belgique ne songe plus alors qu'à se retirer du pays. Colette Braeckman souligne, à propos de l'attentat déclencheur du génocide, des faits troublants, notamment la possible présence, près du camp de la garde présidentielle dont sont partis les missiles sol-air, de coopérants français restés au Rwanda après l'opération Noroît, qui auraient peut-être tiré les fameux missiles. On sait en tout cas que deux spécialistes des transmissions, dont un ancien du GIGN, ont été massacrés peu après à proximité pour avoir recueilli des Tutsis... ou parce qu'ils en savaient trop. Braeckman propose ici une hypothèse que l'on sait aujourd'hui irrecevable, mais elle écrit à chaud, juste après l'événement, et ne dispose pas de toutes les informations connues à ce jour.

Les paras belges qui servent au Rwanda entre décembre 1993 et mars 1994 auront l'impression de n'avoir servi à rien : on les empêche en effet de désarmer les militaires rwandais... et ils assistent aux distributions d'armes aux civils. Les Interahmawes se préparent, le FPR infiltre certains quartiers. Après le départ de Belgique, la Minuar prend fin. Les Français commencent à encadrer, dès le 9 avril, l'évacuation de leurs ressortissants et d'autres Européens... et même des membres de l'Akazu. De nombreux coopérants rwandais, en revanche, sont abandonnés et livrés à leur triste sort, peu de temps après. La faillite de l'ONU, plus au niveau des structures que des forces présentes sur le terrain, est quasi complète.

Alors que la carcasse de l'avion fume encore, les génocidaires entrent en action. Les opposants tutsis et les modérés hutus sont les premiers à succomber. Les miliciens, sous l'oeil complaisant des militaires, établissent des barrages à Kigali et massacrent à tour de bras, tandis que le FPR sort de son cantonnement, lance des commandos nocturnes pour sauver les rescapés. Bourgmestres, universitaires, personnel médical participent aux tueries, qui ne durent pas et ne se déclenchent pas partout au même moment. Les églises deviennent des pièges mortels. A la fin mai, en plus de 350 000 réfugiés en Tanzanie, on compte déjà probablement plus de 500 000 victimes. Vient alors le moment où le FPR est sur le point de conquérir le pays. Les Hutus sont hantés par les événements du Burundi voisin : le président Ndadaye, assassiné en octobre 1993, ne suivait pas les radicaux de la minorité tutsie qui contrôle le pays. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on va enfin commencer à parler de génocide, définition laborieusement acceptée, d'ailleurs.

Jusqu'à pendant le génocide, les ultras hutus peuvent encore compter sur le soutien de certains Belges, notamment ceux de l'Eglise catholique. En outre, des militaires belges sont encore présents pour encadrer l'armée du régime, jusqu'en 1994, avec toutes les conséquences que cela implique. A ce moment-là, cette présence est plus un héritage du passé qu'une véritable volonté politique. La France ne prend le relais de la Belgique qu'en 1990, un lien très étroit unissant Habyarimana à Mitterrand. Dès lors, elle y envoie ses troupes pour bloquer la progression du FPR, dont de nombreuses unités relevant des forces spéciales -1er RPIMa, mais aussi 13ème RDP. Le Détachement d'assistance militaire et instruction (Dami) est commandé par le lieutenant-colonel Chollet, conseiller personnel de Habyarimana ; trop voyant, il est remplacé par le lieutenant-colonel Maurin. Les militaires français constatent les dérives du régime ; ils en forment les recrues, et peut-être même les milices levées pour le génocide. Certains mènent des interrogatoires "musclés" sur les prisonniers du FPR. Après l'attentat du 6 avril, Mitterrand choisit clairement son camp, exprime ses condoléances à la veuve du président, fait évacuer des membres de l'Akazu. La France livre des armes aux FAR, l'armée du régime, jusqu'au mois de mai, via Goma, au Zaïre. La situation change à la mi-juin : le FPR est sur le point de l'emporter. Contrairement aux attentes, il n'a pas foncé sur Kigali, mais a contourné et isolé les villes, les a infiltrées de l'intérieur pour les faire tomber plus facilement. Si la France lance l'opération Turquoise, c'est pour défendre des intérêts, stratégiques et surtout militaires.

Au Rwanda, l'Etat a entraîné toute la population, notamment les jeunes, dans un massacre où les techniques barbares disputent la vedette aux méthodes de manipulation des foules. Les intellectuels ont forgé les armes pour mettre en place la machine du génocide. Dès 1990, le contrôle des populations est un enjeu-clé du conflit. Les génocidaires hutus prennent ainsi en otage les populations réfugiées au Zaïre. Les Hutus du Burundi chassés après avoir commis des massacres contre les Tutsis burundais avaient fait de même au Rwanda, et participent d'ailleurs aux massacres de Tutsis rwandais. C'est l'afflux massif de réfugiés à Goma, suivis par les génocidaires, qui relance l'intérêt international pour le Rwanda... et provoque l'opération Turquoise. Cette opération française vise d'abord à créer, si possible, un "Hutuland"  dans le sud-ouest du pays : d'où l'emploi d'unités dépendant du Commandement des Opérations Spéciales (COS), le tout sous contrôle de la Direction du Renseignement Militaire (DRM). Il s'agit de barrer la route au FPR. Mais comme les FAR sont en pleine déconfiture, la mission se transforme en sauvetage humanitaire : 10 à 15 000 survivants tutsis en bénéficieront, ce qui n'est pas rien, mais représente une goutte d'eau dans l'océan. Surtout, l'armée française, fort mal équipée d'ailleurs pour sa mission humanitaire, laissée aux ONG, permet aux génocidaires de se replier au Zaïre sans être inquiétés. L'armée française forme même une gendarmerie parmi les rescapés des FAR...

La comparaison entre le Burundi et le Rwanda voisin est plus qu'intéressante. Le président Ndadaye, avant d'être assassiné, avait promu le partage du pouvoir, une transition démocratique, un Etat de droit. Autant dire qu'il dérangeait les dictateurs voisins et les trafiquants associés. Il est assassiné par les militaires de son armée, qui n'instaurent pas une dictature militaire, mais un pouvoir civil. Les paysans hutus commencent alors à massacrer les Tutsis. Cependant, l'armée ne reste pas l'arme au pied et exécute 50 à 100 000 Hutus, en chassant 350 000 au Rwanda, propulsant le pays dans une purification ethnique. En réalité, des groupes qui n'acceptaient pas le partage du pouvoir ont joué la carte de l'ethnicité, tout simplement. Au Zaïre, après la fin de la guerre froide, dès 1990, Mobutu en joue aussi pour tenter de conserver le contrôle de cet immense pays. Les Banyarwandas des Kivus vont en faire l'amère expérience : 7 000 morts et des dizaines de milliers de déplacés. Et le déchaînement de violence qui suivra sera à l'avenant.

On l'aura compris, le livre de Colette Braeckman est fondamental dans la quête d'une histoire du génocide rwandais. Comme le dit René Lemarchand, c'est la première tentative sérieuse d'histoire globale de l'événement. La meilleure preuve en est qu'il a tout de suite été confronté à leurs travaux par les tenants de la lecture "ethnique", comme Pierre Erny ou Bernard Lugan, lesquels pensent que l'opposition entre Hutus et Tutsis doit immanquablement déboucher sur un massacre interethnique (la fameuse théorie du double génocide), par une sorte d'atavisme raciste. Ceux-ci écartent toute analyse des événements ayant mené au génocide. Cette posture est en partie l'héritière de l'anthropologie raciste du XIXème siècle : à partir, en gros, du dixième anniversaire du génocide, elle postule aussi que les Tutsis ne seraient pas africains, sans preuves solides. Elle refuse donc de penser le racisme comme une construction politique et sociale. Mise en équivalence des acteurs, banalisation des événements, relecture de l'action du FPR entre 1990-1994 à la lumière de ce qui s'est passé au Zaïre en 1996 sont fréquents dans cette littérature. Sans compter que celle-ci se rapproche opportunément de la thèse officielle défendue par la France à l'époque. Il faut dire aussi que la mission d'information parlementaire de 1998, dirigée par Paul Quilès, en France, contrairement à sa consoeur belge, n'avait pour mission que d'informer, là où la mission belge a pu aller jusqu'au fond du dossier, interroger, enquêter, poser des questions, jetant la lumière sur le rôle de la Belgique au Rwanda. La mission française a exonéré la France de toute responsabilité, même si des erreurs ont été reconnues. La parcimonie dans les informations délivrées et l'ambiguïté de cette mission expliquent certainement pour beaucoup que le rôle de la France au Rwanda soit encore sujet à débat. Et si Colette Braeckman n'évoque pas dans ce livre les crimes commis par le FPR durant sa progression, au moment du génocide, elle s'est rattrapée dans ses ouvrages plus récents. A la lumière du débat qui a encore fait rage en avril dernier à l 'occasion du vingtième anniversaire du génocide, il semble donc tout à fait opportun de découvrir cet ouvrage qui est sans doute le premier à poser les bases d'une histoire authentique du troisième génocide du XXème siècle.





Volontaires étrangers de l'insurrection syrienne. 11/Les Espagnols

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En décembre 2013, les spécialistes espagnols estimaient que 17 personnes avaient fait le voyage pour combattre en Syrie au sein des groupes djihadistes1. Les agences de sécurité du Maroc ont également identifié 3 résidents espagnols supplémentaires qui sont partis faire le djihad en Syrie2. 11 sont des citoyens espagnols et les 9 autres des immigrés marocains vivant en Espagne. La plupart viennent de Ceuta, l'enclave espagnole en territoire marocain, qui compte 85 000 habitants, dont 37% de musulmans. Les Espagnols de Ceuta qui commencent à partir en Syrie à partir du mois d'avril 2012 appartiennent aux classes sociales les plus pauvres. Les Marocains sont aussi partis de villes du continent comme Girona et Malaga. Ce sont tous des hommes, âgés de 16 à 49 ans, la plupart ont entre 25 et 30 ans et sont mariés. La plupart sont chauffeurs de taxis, travailleurs non qualifiés, étudiants ou sous emploi. Sauf 3 ou peut-être 4 d'entre eux, aucun n'avait de lien particulier avec les réseaux djihadistes (probablement, même, 19 sur les 20). Au moins deux avaient cependant participé à des manifestations djihadistes qui se tiennent depuis 2008 à Ceuta et dans une municipalité de la province de Cadix. Plusieurs avaient participé à des échauffourées contre la police à Principe Alfonso, un faubourg de Ceuta, et à du trafic de drogue. L'exception est Mouhannad Almallah Dabas, un Syrien naturalisé espagnol qui a fait partie de la cellule espagnole implantée par al-Qaïda dès le milieu des années 1990 avant d'être démantelée en novembre 2001. Dabas a été arrêté et jugé pour les attentats de Madrid en 2004, avant d'être relâché. Il est ensuite parti en Syrie où il se charge des activités logistiques pour le front al-Nosra, en compagnie de son jeune fils. Il a été tué à Homs en octobre 2013 au sein du front al-Nosra.

 

Ceuta a connu des implantations djihadistes par le passé. En 2006, les autorités espagnoles conduisent l'opération Duna et arrêtent 10 Espangols et 1 Marocain suspectés d'activités terroristes, même si 9 sont finalement relâchés. En 2007, trois autres personnes sont également arrêtées. Entre juin et septembre 2013 enfin, ce sont 10 personnes qui sont appréhendées et qui appartiennent à un réseau organisé, avec des connections internationales, chargé de radicaliser des recrues et de les expédier en Syrie, dans le cadre de l'opération Cesto. Parmi les personnes arrêtées, 9 Espagnols de Ceuta et un Belge. C'est cette opération qui permet d'identifier le 20 djihadistes déjà partis en Syrie3.

Les Espagnols rejoignent surtout al-Nosra ou l'EIIL, voire le groupe Harakat al-Sham composé de Marocains. Muhammad al-Kutibi Abu Adam al-Mughrabi, un citoyen espagnol de Barcelone d'origine marocaine, a combattu avec al-Nosra jusqu'à sa mort à Alep, le 7 avril 20134. Ceux qui manquent d'expérience djihadiste subissent un processus de radicalisation à Ceuta ou dans des communes marocaines voisines comme Castillejos. On sait ainsi qu'un imam marocain radical venu de Tétouan, arrêté après les attentats de Casblanca en 2003, a prêché en juin 2012 dans la mosquée Attauba de Principe Alfonso à Ceuta. Plusieurs djihadistes partis en Syrie se rendaient à cette mosquée5. Deux ou trois agents recruteurs opèrent à travers la frontière au sein d'un réseau hiérarchisé : on encourage le volontariat en fournissant de l'argent aux familles. Les volontaires gagnent Algésiras en ferry, puis rejoignent Malaga ou Madrid où ils prennent l'avion pour Istanbul. Une fois en Turquie, ils sont acheminés dans la province frontalière d'Hatay où les membres des groupes de recueil se chargent de leur faire passer la frontière. Parfois les vols pour Istanbul partent de Casablanca. En Syrie, les volontaires passent par des camps d'entraînement. Certains sont affectés à des cellules kamikazes -trois cas ont été identifiés. L'attaque kamikaze la plus meurtrière, qui aurait tué plus de 100 personnes, est intervenue en juin 2012 dans la province d'Idlib. Cette attaque aurait été mené par Rashid Wahbi, un chauffeur de bus ou de camion de 33 ans, père d'un enfant, originaire du Maroc espagnol6. En plus des Espagnols ayant rejoint les groupes djihadistes, au moins 25 autres ont également rejoint précédemment l'Armée syrienne libre et ont peut-être changé d'allégeance depuis.


Image tirée de la vidéo de Rachid Wahbi, avant son attaque kamikaze sur la base de Nayrab, en juin 2012, qui tue 130 personnes.-Source : http://www.propublica.org/images/uploads/ht_rachid_wahbi_300x200_130724.jpg


Le 5 janvier 2014, la police espagnole arrête Abdelwahid Sadik Mohamed, un des 20 djihadistes partis en Syrie, considéré comme étant lié à l'EIIL7. Il a été arrêté à sa descente d'avion à Malaga, en provenance d'Istanbul. Originaire de Ceuta, Mohamed était parti en mai en Syrie via la Turquie et a été formé dans les camps d'entraînement de l'EIIL. La police espagnole a déjà arrêté plusieurs membres d'une cellule qui recruterait à Ceuta, notamment des candidats aux attaques kamikazes. Le chef, Yassin Ahmed Laarbi, a été arrêté en septembre dernier, après 8 autres personnes en septembre. Une nouvelle cellule de recrutement pour le djihad en Syrie est démantelée par la police espagnole en mars 2014. En avril, le gouvernement espagnol chiffre officiellement à 51 le nombre de ressortissants nationaux partis faire le djihad en Syrie8.

Abdelwahid Sadik Mohamed.-Source : http://www.le360.ma/fr/sites/le360.ma.fr/files/styles/asset_image_full/public/assets/images/2014/01/abdelwahid_mohamed_sadik.jpg





1Fernando Reinares et Carola García-Calvo, «  Jihadists from Spain in Syria: facts and figures », Elcano Royal Institute, 12 décembre 2013.
2Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
3Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
4Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, janvier 2014.
5Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
6Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, janvier 2014.
8RICHARD BARRETT, FOREIGN FIGHTERS IN SYRIA, The Soufan Group, 2 juin 2014.

Foreign Fighters, Rebel Side, in Syria. 11/Spaniards

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In December 2013, Spanish experts believed that 17 people had traveled to fight in Syria within jihadists groups1. Security agencies of Morocco have also identified three additional Spanish residents who went to jihad in Syria2. 11 are Spanish citizens and 9 others Moroccan immigrants living in Spain. Most come from Ceuta, the Spanish enclave in Moroccan territory , which has 85,000 inhabitants, of which 37 % are Muslim. Spaniards from Ceuta who go to Syria since the month of April 2012 belong to the poorest social classes. Moroccans come also from mainland cities such as Girona and Malaga. They are all men, between 16-49, most are between 25 and 30 and married. Most are taxi drivers, unskilled workers, students or underemployment. Except maybe 3 or 4 of them, none had special bond with jihadist networks (probably even 19 on 20). At least two, however, had participated in jihadist events held since 2008 in Ceuta and a municipality in the province of Cadiz. Many had participated in clashes against the police Principe Alfonso, a suburb of Ceuta, and drug trafficking. The exception is Muhannad Almallah Dabas, a naturalized Spanish Syrian who was part of the Spanish cell implanted by al-Qaeda since the mid- 1990's before being disbanded in November 2001. Dabas was arrested and tried for attacks in Madrid in 2004, before being released. He then moved to Syria where he is in charge of logistics for the al-Nosra front, with his young son. He was killed in Homs in October 2013.

 
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Ceuta has experienced jihadists settlements in the past. In 2006, the Spanish authorities lead the Duna operation and arrested 10 Spaniards and 1 Moroccan suspected of terrorist activities, even if 9 are finally released. In 2007, three people were also arrested. Between June and September 2013 finally 10 people have being arrested, during the Cesto operation, and belong to an organized network with international connections, tasked to radicalize recruits and ship them in Syria. Among those arrested, nine Spaniards and a Belgian from Ceuta. It is this process which identifies the 20 jihadists who have already gone into Syria3.
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Spaniards especially join al-Nosra or ISIS, or Harakat al-Sham group of Moroccans. Muhammad al-Kutibi Abu Adam al-Mughrabi, a Spanish citizen of Moroccan origin in Barcelona, fought with al-Nosra until his death in Aleppo, 7 April 20134. Those who lack jihadist experience undergo a process of radicalization in Ceuta or in neighboring towns such as Moroccan Castillejos. It is known that a radical Moroccan imam who come from Tetouan, arrested after the attacks Casblanca in 2003, preached in June 2012 in the mosque Attauba of Principe Alfonso, Ceuta. Several jihadists who left in Syria went to this mosque5. Two or three recruiters are operating across the border in a hierarchical network : it promotes volunteerism by providing money to families. Volunteers are going to Algeciras ferry, then join Malaga or Madrid where they are flying to Istanbul. Once in Turkey, they are routed in the border province of Hatay, where group members responsible for collection make them cross the border. Sometimes flights depart to Istanbul are in Casablanca. In Syria, the volunteers go through training camps. Some are assigned to cells bombers -three cases were identified. The deadliest suicide bomber, who killed more than 100 people, took place in June 2012 in the province of Idlib. The attack was led by Rashid Wahbi, a bus driver or truck, 33, father of a child, originally from Spanish Morocco6. In addition to the Spaniards having joined jihadist groups, at least 25 others have also previously joined the Free Syrian Army and may have since changed allegiance.




Image tirée de la vidéo de Rachid Wahbi, avant son attaque kamikaze sur la base de Nayrab, en juin 2012, qui tue 130 personnes.-Source : http://www.propublica.org/images/uploads/ht_rachid_wahbi_300x200_130724.jpg



On 5 January 2014 the Spanish police arrested Abdel Wahid Mohamed Sadik, one of the 20 jihadist who have left in Syria, considered related to ISIS7. He was arrested in his flight to Malaga who comes from Istanbul. Originating in Ceuta, Mohamed had left in May to Syria via Turkey, and was trained in the camps of ISIS. Spanish police have arrested several members of a cell that recruit in Ceuta, including candidates for kamikaze attacks The leader, Ahmed Yassin Laarbi, was arrested last September after 8 other people in September. A new cell of recruitment for jihad in Syria is dismantled by Spanish police in March 2014. In April , the Spanish government officially figure to 51 the number of nationals who have left to do jihad in Syria8.


Abdelwahid Sadik Mohamed.-Source : http://www.le360.ma/fr/sites/le360.ma.fr/files/styles/asset_image_full/public/assets/images/2014/01/abdelwahid_mohamed_sadik.jpg

 

1Fernando Reinares et Carola García-Calvo, «  Jihadists from Spain in Syria: facts and figures », Elcano Royal Institute, 12 décembre 2013.
2Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
3Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
4Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, janvier 2014.
5Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
6Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, janvier 2014.
8RICHARD BARRETT, FOREIGN FIGHTERS IN SYRIA, The Soufan Group, 2 juin 2014.

Volontaires étrangers de l'insurrection syrienne. 12/Les Egyptiens

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Le 5 septembre 2013, un attentat à la voiture piégée a lieu à Nasr City, un faubourg du Caire, visant le ministre de l'Intérieur. L'attentat, qui blesse au moins 20 personnes, est revendiqué par Ansar Bayt al-Maqdis, un groupe djihadiste du Sinaï. Deux mois plus tard, les djihadistes postent une vidéo du kamikaze, Walid Badr, ancien officier de l'armée égyptienne et surtout vétéran des combats en Syrie1.

Le conflit syrien fournit en effet une expérience appréciable aux djihadistes égyptiens qui cherchent à déstabiliser le régime des militaires. Selon le dernier décompte, entre 119 et 358 Egyptiens auraient déjà pris part aux combats en Syrie. Un autre combattant du même groupe, Saaed al-Shahat, avait tué un officier de police et s'était fait sauter avec sa ceinture de bombes quand les forces de sécurité avaient investi son appartement. Lui aussi était un vétéran de la Syrie. Ansar Bayt al-Maqdis s'est imposé progressivement comme le groupe le plus violent parmi la nébuleuse djihadiste égyptienne : l'attentat à la voiture piégée du 24 décembre 2013 à Mansourah montre que ses capacités ne cessent de croître, peut-être sous l'influence du retour de combattants partis en Syrie.

 

Des centaines d'Egyptiens étaient partis combattre les Soviétiques en Afghanistan à la fin de la décennie 1980. Les vétérans de ce conflit avaient entretenu les rangs de deux organisations plus tard liées à al-Qaïda, al-Gamaa al-Islamiyya et le Djihad Islamique égyptien, qui avaient semé la terreur en Egypte dans les années 1990. Le renversement du président Morsi a fourni des munitions aux djihadistes. Un idéologue, le cheikh Abou al-Mundhir al-Shinqiti, a appelé à la guerre contre les services de sécurité ; l'EIIL a proclamé son soutien à ses « frères » égyptiens. Le 1er septembre 2013, les forces de sécurité égyptiennes avaient arrêté Adel Habbara, qui serait lié à al-Qaïda, aurait dirigé un groupe nommé Al-Muhajereen wal-Ansar dans la péninsule du Sinaï, lequel serait responsable de l'exécution de 25 soldats en août. Habbara aurait juré allégeance à l'EIIL et se serait vu promis 10 000 dollars pour financer les activités de son groupe armé. Les vidéos du groupe font de plus en plus référence aux discours de Baghdadi, le chef de l'EIIL. En plus des Egyptiens partis combattre en Syrie, le groupe recruterait également parmi la communauté des réfugiés syriens arrivés en Egypte depuis 2011. Le commandant de l'Etat Islamique en Irak, l'ancêtre de l'EIIL, était d'ailleurs jusqu'à sa mort en avril 2010, un Egyptien, Abou Ayyoub al-Masri, un des bras droits de Zarqawi2.

Le drapeau d'Ansar Bayt al-Maqdis.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/3/38/Ansar_Bayt_al-Maqdis_%28%D8%B4%D8%B9%D8%A7%D8%B1%D8%A7%D8%AA_%D8%AC%D9%85%D8%A7%D8%B9%D8%A9_%D8%A3%D9%86%D8%B5%D8%A7%D8%B1_%D8%A8%D9%8A%D8%AA_%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%82%D8%AF%D8%B3_3%29.png


Les Egyptiens qui partent combattre en Syrie proviennent donc de milieux assez variés, même si leur profil comporte des points communs. Aboubakr Moussa, tué au combat aux côtés de l'insurrection syrienne, était diplômé d'une des meilleures écoles du Caire et n'est devenu « religieux » qu'à son entrée à l'université. A la mosquée, il rencontre un homme dont il épouse la soeur, veuve d'un Tchétchène. Il tente de gagner la Tchétchénie mais est refoulé par les autorités russes, puis emprisonné six mois par la police égyptienne. Après s'être remarié, sa première femme l'ayant quitté, il participe au renversement de Moubarak, puis se trouve dans des convois humanitaires à destination de la Libye -on ne sait pas s'il a pris part aux combats sur place. Il gagne ensuite la Syrie via un réseau visiblement assez organisé et combat à Damas, dans la province d'Idlib, à Homs, à al-Qusayr, avant d'être tué le 1er septembre 20123. Ahmed Refat, un djihadiste qui s'était échappé des prisons égyptiennes à la faveur du renversement de Moubarrak, a été tué en Syrie le 7 juillet 2012. Il avait lutté les armes à la main contre Khadafi avant de rejoindre le djihad syrien4. Abou Rami, âgé de 37 ans, a fait quatre voyages aller-retour en Syrie en 2012, où il a gagné la confiance d'une association chargée de maintenir l'ordre dans les territoires libérés par l'insurrection. Il est entré par la Turquie, comme nombre de combattants étrangers ; d'après lui le voyage coûterait 250 dollars en tout. Il a déclaré par ailleurs que les volontaires pour le djihad en Egypte étaient des gens éduqués, sans problèmes sociaux ni financiers. Dès février 2013, le gouvernement égyptien a publié les noms de 10 citoyens nationaux tués au combat en Syrie. Abou Rami en rajoutait 3 de plus, qui seraient entrés par le Liban et seraient morts à Homs ce même mois. Abou Ahmed, un étudiant égyptien de 34 ans en Angleterre, a quitté femme et enfant pour rejoindre une brigade de l'Armée syrienne libre via le point de passage de Bab el-Hawa à la frontière turque. Bien qu'affilié à al-Gamaa al-Islamiyya, il prétend ne pas avoir utilisé ce réseau ; c'est la rencontre d'un exilé repartant pour le djihad qui l'a convaincu. Il a acheté une AK-47, appartenant à un combattant mort, pour 700 dollars et a payé 80 dollars pour les munitions. Il a fait la cuisine pour son groupe armé avant d'être engagé dans de petites opérations et d'être blessé à la jambe, puis il a été soigné et il est revenu en Egypte5.

Jérôme Drevon6 explique également comment le conflit entre al-Nosra et l'EIIL a eu des répercussions dans le paysage djihadiste égyptien. Une faction, baptisée les « puristes », s'est alignée avec l'EIIL et rejette al-Nosra, en particulier parce que ce dernier mouvement accueille des volontaires égyptiens qui n'ont pas les mêmes idées politiques que les djihadistes, ainsi le cheikh Hazim Abou Ismaïl. Ces djihadistes égyptiens rejettent à la fois al-Nosra qui se confine au djihad syrien, uniquement sur le plan militaire, mais aussi la direction d'al-Qaïda, c'est à dire Zahawiri, qui a soutenu al-Nosra dans sa querelle avec l'EIIL. Ils se sont ralliés à Abou Umar al-Kuwaiti, qui dirige un groupe de combattants étrangers, Jamaat al-Muslimin, installé près de la frontière turque, vers Atme et Bab el-Hawa. Le groupe est associé avec l'EIIL mais a en plus excommunié al-Nosra, ce qu'a rejeté l'EIIL lui-même. Les puristes s'opposent en cela au courant dominant du salafisme égyptien qui, lui, prône la réconciliation. Ce qui est intéressant, peut-être, c'est la centralité de l'expérience syrienne dans la redéfinition du djihadisme issu du salafisme.



Au début de l'année 2014, les djihadistes égyptiens multiplient les attaques : voiture piégée devant les QG des forces de sécurité, tirs en plein jour sur un personnage important du ministère de l'Intérieur, destruction d'un hélicoptère de l'armée au-dessus du Sinaï grâce à un missile sol-air portable7. Le tireur de ce dernier engin (un SA-16) a manifestement été formé à l'utilisation de ce matériel : bénéficie-t-il d'une expérience acquise en Syrie ? Il abat en tout cas un Mi-17 au-dessus du nord du Sinaï. Reste à savoir aussi d'où vient l'arme8. Selon une étude du centre Meir Amit, plusieurs centaines d'Egyptiens ont déjà combattu dans les rangs du front al-Nosra ou de l'EIIL en Syrie. Le 13 avril 2014, les autorités égyptiennes annoncent détenir Wa'el Ahmed Abd al-Fattah, un ancien employé de la compagnie pétrolière égyptienne qui a servi au sein du front al-Nosra. Il serait entré en Syrie via la Turquie en 2012. Un mois plus tôt, le 10 mars, c'est Muhammad Dura Ahmed al-Taliawi qui est arrêté par les services de sécurité ; il aurait participé à l'attaque sur le QG de celles-ci en janvier au Caire. Revenu de Syrie en mars 2013, il cherche à commettre des attentats contre Israël, entre en contact avec un membre de Ansar Bayt al-Maqdis. Au moment de son arrestation, il ouvre le feu sur les policiers qui répliquent et le blessent. Dès le 23 septembre 2013, Ansar Bayt al-Maqdis avait annoncé dans un communiqué la mort en Egypte de deux vétérans du djihad syrien, Fahmi Abd al-Rauf Muhammad (Abu Djana) et Samir Abd al-Hakim (Abu al-Baraa'). Wa'el Abd al-Fattah, qui a fait partie du front al-Nosra, a lui aussi été arrêté par les autorités égyptiennes en raison de ses projets d'attentats9.

Une autre étude du centre Meir Amit sur les volontaires des pays arabes partis faire le djihad en Syrie estime à 40 le nombre d'Egyptiens déjà tués sur place, la plupart originaires de villages ou de petites localités et très peu du Caire ou d'Alexandrie. Plusieurs cadres égyptiens en Syrie appartiennent à une organisation baptisée Ansar al-Sharia. Cette organisation est dirigée par le Sheikh Ahmed Ashoush, un vétéran du djihad afghan et d'Al-Qaïda, rentré en Egypte en 1991, arrêté en 1993 et détenu jusqu'en 2011. Relâché, il est de nouveau emprisonné en décembre 2012 pour activités terroristes. Hashem al-Ashri, un Egyptien vivant aux Etats-Unis depuis 15 ans, a affirmé en juin 2013 qu'il aidait des Egyptiens à gagner la Syrie. D'après lui, la plupart viennent des classes moyennes, ce qui leur permet de se payer un billet d'avion et une arme, deux éléments indispensables pour le combattant étranger. Il leur conseille de partir pour un pays voisin, puis de gagner la frontière où un groupe rebelle se chargera de les faire passer en Syrie10.



1David Barnett, « Blowback in Cairo.The Syrian civil war has now reached the heart of Egypt. », Foreign Policy, 9 janvier 2014.
2Mohannad Sabry, « Al-Qaeda emerges amid Egypt’s turmoil », Al-Monitor, 4 décembre 2013.
4Bill Roggio, « Egyptian jihadist killed in fighting in Syria », The Long War Journal, 12 juillet 2012.
5 Mohamed Fadel Fahmy, « Egyptian Fighters Join 'Lesser Jihad' in Syria », Al-Monitor, 17 avril 2013.
6Jérôme Drevon, « How Syria’s War Is Dividing the Egyptian Jihadi Movement », Carnegie/Syria in Crisis, 9 janvier 2014.
9Involvement of Operatives Who Returned from Syria in the Terrorist Campaign against the Egyptian Regime, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 4 mai 2014.
10The Phenomenon of Foreign Fighters from the Arab World in the Syrian Civil War, Most of Them Fighting in the Ranks of Organizations Affiliated with Al-Qaeda and the Global Jihad, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, mai 2014.

Peter TREMAYNE, Les cinq royaumes, Grands Détectives 3717, Paris, 10/18, 2004, 363 p.

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665 ap. J.-C. . Soeur Fidelma est de retour en Irlande, après ses pérégrinations à Rome et dans les royaumes anglo-saxons. Mais quand elle arrive à Cashel, capitale du royaume de Muman, au sud-ouest de l'île, son frère Colgu lui annonce de bien mauvaises nouvelles. Le roi Cathal, son cousin, se meurt et Colgu, son taniste ou héritier présomptif, est appelé à lui succéder. Or le royaume voisin de Laigin pourrait en profiter pour attaquer Muman. Et Fidelma, pour empêcher un conflit, doit absolument résoudre une énigme : le vénérable Dacan, érudit du Laigin, a été assassiné sur les terres de Muman, au monastère de Ros Ailithir, au sud-ouest du royaume, alors qu'il était venu effectuer des recherches. Mais quel lien celles-ci ont-elles avec la dispute opposant Muman à Laigin autour du petit royaume d'Osraige, propriété de Muman ? C'est Fidelma qui devra dénouer les fils d'une intrigue compliquée...

Troisième tome des aventures de soeur Fidelma, Les cinq royaumes est le premier de la série à se dérouler en Irlande, terre natale de l'enquêtrice. Ce n'est pas la seule originalité du volume puisque pour la première fois, Fidelma enquête seule, sans l'appui de frère Eadulf demeuré à Rome auprès du nouvel archevêque de Cantorbéry, Théodore.

Le tome joue peut-être davantage ici sur l'enquête policière que sur le contexte historique, bien que l'histoire des cinq royaumes d'Irlande connaisse un début d'exposé et que celle-ci inspire par la suite nombre d'idées de volumes à Peter Tremayne. On note aussi l'apparition d'un personnage, Ross, le marin, que l'on reverra dans plusieurs autres tomes de la série. L'intrigue est particulièrement difficile à dénouer cette fois : je ne me souvenais plus de la solution, pour l'avoir lu il y a longtemps, et je n'ai pas su la retrouver avant la fin du livre ! La série commence à monter en puissance avec ce tome, où l'enquête policière est beaucoup plus travaillée, ce qui se confirmera sur le volume suivant.





Syrie : des articles cités sur Slate

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Mon travail sur les djihadistes français en Syrie et le récent billet sur les combattants étrangers pro-régime sont à l'honneur dans le court article d'Etienne Goetz paru aujourd'hui sur Slate. Merci à l'auteur. J'ai cependant signalé des remarques sur certains points, les chiffres ou des affirmations qui font un peu "raccourcis". Une mise à jour du billet sur les djihadistes français interviendra prochainement.
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