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Les djihadistes français en Syrie : la version en anglais sur Jihadology.net (A. Zelin)

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En complément du billet d'hier sur les djihadistes français en Syrie, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'une version en anglais du même article a été publiée ce jour sur le blog Jihadology.net d'Aaron Zelin.

A. Zelin est le "Richard Borrow Fellow" du Washington Institute for Near East Policy. Il travaille sur les salafistes et djihadisme à travers le monde, ainsi que sur les "printemps arabes" et leurs conséquences depuis 2011. Il est aussi consultant et conférencier pour l'USMA au USMA West Point’s Combating Terrorism Center’s Practitioner Education Program. Son blog Jihadology.net fait autorité dans toutes ces thématiques. C'est donc une satisfaction personnelle pour moi qu'il ait accepté de publier la traduction en anglais de mon billet sur les djihadistes français en Syrie.

Publication : DSI HS n°34

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Et voilà, c'est fait... après avoir signé deux numéros complets du magazine Histoire et Stratégie, j'inaugure un premier article pour son grand frère, le magazine DSI, grâce à l'entremise de Joseph Henrotin, le rédacteur-en-chef de ladite publication.

Ce hors-série de DSI est consacré aux hélicoptères de combat. Je fournis une petite contribution sur la vision russe (et soviétique) de l'emploi de ces appareils, ce qui prolonge un peu le premier numéro de Histoire et Stratégie que j'avais écrit, consacré aux opérations aéromobiles, en actualisant un peu le propos jusqu'en 2013.

Bonne lecture !

L'autre côté de la colline : Choc et effroi. Los Zetas

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Après deux articles sur le même sujet en 2011 et 2013, ici-même et sur l'Alliance Géostratégique, je publie un troisième article sur Los Zetas, la fameuse organisation mexicaine qui est pour beaucoup dans la militarisation du conflit entre l'Etat mexicain et les cartels, pour L'autre côté de la colline. Plus long, l'article est sans doute aussi un peu plus complet que ses deux prédécesseurs, avec une description actualisée jusqu'en janvier 2014. Bonne lecture !

Alistair MAC LEAN, HMS Ulysses, Paris, Le Livre de Poche, 1968, 433 p.

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Pendant la bataille de l'Atlantique, durant la Seconde Guerre mondiale. Le HMS Ulysses, un croiseur léger rapide et bien armé, vient de connaître un début de mutinerie, son équipage ayant été poussé à bout dans l'escorte de convois. A titre de sanction, l'amirauté se contente de lui faire à nouveau prendre part à un convoi, le FR-77, à destination de Mourmansk. Sur le trajet, l'Ulysses devra affronter la mer démontée de l'Arctique, les U-Boote et les navires de surface allemands, et la Luftwaffe...

Ce roman a été écrit par Alistair Mac Lean, un auteur écossais qui a servi lui-même pendant la guerre dans la Royal Navy, à bord d'un croiseur léger de classe Dido, le HMS Royalist(qui inspire probablement le HMS Ulysses). Mac Lean est l'auteur d'autres romans célèbres adaptés en films à grand succès : Les canons de Navarone, Ice Station Zebra, Quand les Aigles Attaquent.HMS Ulysses, qui n'a jamais été adapté au cinéma, est pourtant le roman qui a lancé sa carrière d'écrivain. Publié en 1955, c'est donc une histoire inspirée du parcours de l'auteur pendant la guerre, mais la trame fait immanquablement penser au sort tragique du convoi PQ-17 (d'ailleurs cité dans une note). Le choix du nom du navire lui-même n'est pas anodin : l'Ulysses traverse une véritable odyssée dans le roman...

HMS Ulysses est un classique du genre, aux côtés, par exemple, de La Mer Cruelle, de Monsarrat, que je suis également en train de lire. Un récit tragique, au sens antique du terme, où les hommes sont écrasés par la fatalité du destin et la puissance des éléments naturels.



Laurent OLIVIER, Nos ancêtres les Germains. Les archéologues au service du nazisme, Paris, Tallandier, 2012, 314 p.

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Laurent Olivier, conservateur en chef du patrimoine, est en charge des collections celtiques et gauloises au Musée d'Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye. En 2008, il avait publié un ouvrage, issu d'un dossier pour une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), où il s'attaquait, visiblement, à une archéologie pour lui dépassée mais qui était en réalité celle des années 1960-1970, manifestant ainsi un décalage avec la réalité de la discipline actuelle.

Dans cet ouvrage paru en 2012, Laurent Olivier se propose de revenir sur un moment méconnu de l'archéologie, qui n'a été mis au jour que récemment : sa compromission avec le nazisme, en France comme en Allemagne. L'archéologue a fouillé dans les archives du Musée d'Archéologie Nationale pour retrouver les liens existants entre les Français et les nazis, l'Ahnenerbe de Himmler en particulier, mais il a aussi cherché à Metz, et en Allemagne. Il se serait heurté, ce faisant, à l'hostilité de la profession en France, qui refuserait d'ouvrir les yeux sur la période, contrairement à son homologue allemande, beaucoup plus ouverte selon lui à la question depuis la chute du mur de Berlin. Ce qui est d'autant plus regrettable, toujours d'après ses dires, parce que l'héritage de cette archéologie nazie a survécu à la disparition du régime.



Dans la première partie, Laurent Olivier montre comment l'archéologie est utilisée par le nazisme pour mettre le passé au service de la cause. Cette réalité a longtemps été refoulée, car les acteurs ont encore sévi dans l'archéologie de l'après-guerre. Le phénomène n'est devenu un objet d'histoire que dans les années 1990. La première rencontre scientifique en France, sur le sujet, date de 2004. La présence des anciens acteurs dans la discipline a évidemment influencé pendant longtemps le regard porté sur la période. Et pourtant les archéologues allemands se sont massivement compromis avec le nazisme. 86% des préhistoriens au moins ont été membres du NSDAP, soit un des corps professionnels les plus nazifiés du IIIème Reich. La germanisation raciale et culturelle de l'Europe voulue par les nazis se traduit par la création de l'Ahnenerbe, qui vise à renouveler le savoir occidental en fonction de ces critères. Ce qui n'a pas empêché une féroce concurrence entre Himmler et Rosenberg, parrain du Reichsbund für Deutsche Vorgeschichte, illustrée par les deux archéologues phares, un par organisation : Hans Reinert et Herbert Jankuhn. L'archéologie raciale germanique est issue en ligne directe du pangermanisme : son outil et sa méthode lui sont donnés par son père fondateur, Kossina, qui réalise une lecture raciale et ethnique des vestiges archéologiques. C'est lui qui crée en particulier le concept de "race des Seigneurs" ou race nordique, qui s'impose ensuite -Reinert est un disciple de Kossina. Jusqu'à la prise de pouvoir par les nazis, l'archéologie allemande est considérée comme excellente sur les plans classique et oriental. Rosenberg récupère et instrumentalise l'archéologie au sein des luttes de pouvoirs des coteries nazies. C'est une archéologie politique qui fouille, après les victoires de 1940, en dehors de l'Allemagne. L'Ahnenerbe de Himmler, lui, envisage, surtout à partir de 1937, une archéologie véritablement scientifique et pluridisciplinaire. Himmler y rajoute les théories de l'ésotérisme allemand et austro-hongrois. La SS récupère l'Institut Archéologique Allemand et remplit l'université de chercheurs politiquement sûrs. Le territoire du Reich se couvre d'instituts archéologiques régionaux.

Avec l'annexion de l'Alsace, après la défaite de la France en juin 1940, l'archéologie doit prouver que ce territoire est bien d'origine germanique. On développe des instituts spécialisés comme en Allemagne, reproduits d'ailleurs aussi en Lorraine. L'archéologie nazie efface alors complètement le travail des sociétés savantes françaises. Des fouilles spectaculaires doivent corroborer l'ascendance germanique de la population, et les résultats sont abondamment diffusés par différents moyens de vulgarisation - expositions notamment. Autre discipline,  la Westforschung, l'idée, développée sous la République de Weimar, selon laquelle les territoires de l'ouest doivent revenir à l'Allemagne, car ayant été habités par des populations germaniques. Les chercheurs allemands multiplient les contacts en France pour valider leur théorie, et le phénomène s'accentue après 1933. Pour trouver les traces de la race des seigneurs, ils s'intéressent en particulier à la fin du Néolithique et aux runes, et conduisent même des missions d'exploration en France, notamment en Bretagne. Les archéologues nazis sont ensuite chargés de déterminer la localisation de la frontière ouest du Reich, là où s'arrêtent les traces de peuplement germanique, de façon à éventuellement redécouper la France vaincue. Le Bureau archéologie et préhistoire du commandement militaire en France doit faire face à la rivalité entre Rosenberg et l'Ahnenerbe, qui se tranche finalement en faveur du second, plus puissant, dès la fin 1940. Les deux organisations se disputent les sites critiques et les opérations de fouilles. Les Allemands trouvent parfois des archéologues français, notamment dans l'est de la France, pour les seconder. Ils cherchent à prouver que la civilisation mégalithique de Bretagne est d'origine germanique, de même que les Celtes seraient à l'origine des Germains. L'archéologie nazie tente de coloniser son homologue française en favorisant les mouvements identitaires.

Les nazis soutiennent ainsi les nationalistes bretons, alsaciens et lorrains, pour fragmenter le territoire français, voire anglais dans le cas des bretons. Mais pour des raisons stratégiques liées à l'emplacement de la Bretagne sur l'Atlantique, les Allemands mettent rapidement le hola dès 1940. Certains nationalistes font aussi les frais de leur association avec Rosenberg quand Himmler prend le dessus. La Bourgogne est un cas plus indécis, les Allemands ne revendiquant son origine germanique qu'à partir de 1942 seulement. Ils peuvent compter sur Jean-Jacques Thomasset, chantre de l'indépendance de la Bourgogne. Celui-ci devient vite lié aux nazis après 1933 et aura même l'honneur de prononcer une conférence à Berlin, en 1942. Jusqu'en 1944, les Allemands fouillent et publient pour faire accepter l'idée d'une Bourgogne germanique. Thomasset avait incorporé dans ses écrits le pangermanisme völkisch, mais il reste aussi marqué par d'autres héritages (régionalisme, géographie de Gaston Roupnel, tradition de l'extrême-droite française proche de Vichy). L'archéologie de Vichy, contrairement aux Allemands, ne s'intéresse qu'assez peu à la Préhistoire, davantage à la période gallo-romaine. Il faut glorifier le passé gaulois pour refondre l'identité nationale. On fouille en particulier Gergovie. La réorganisation de l'archéologie française par Vichy a été en grande partie conservée après la Libération. Les archéologues allemands ne sont pas trop inquiétés après la guerre. Reinerth, arrêté par la police française, est rapidement relâché et continue d'exercer. Le congrès de Regensburg, qui refonde l'archéologie allemande en 1949, sanctionne facilement Reinerth et quelques autres, mais ne remet pas en cause les fondements de la discipline. Jankuhn, l'archéologue en chef de l'Ahnenerbe, qui avait suivi un Einsatzgruppe en 1941 puis la division Wiking en 1942 dans le Caucase, avant de s'y engager directement en 1944, terminera professeur émérite de l'université allemande. Les historiens allemands ne se penchent véritablement sur le sujet qu'à partir des années 90. Les Français ayant collaboré ne sont pas non plus beaucoup inquiétés. Thomasset, condamné en 1945, est libéré dès 1948. La plupart des chercheurs poursuivent leur carrière après la guerre. L'influence de l'archéologie nazie est très importante sur la discipline en Alsace-Lorraine, moins dans les autres régions. Pour la Protohistoire et le haut Moyen Age, c'est cette archéologie qui jette les bases d'une discipline moderne en France, beaucoup moins pour d'autres périodes. L'archéologie nazie, pour ainsi dire d'avant-garde, lègue un héritage important dans la fonctionnement de la discipline, avec notamment le souci de vulgariser les recherches.

En conclusion, Laurent Olivier rappelle que l'archéologie allemande s'est, de fait, massivement compromise avec le nazisme. Pour lui, celle-ci a de fait contaminé l'archéologie contemporaine. Les archéologues français, notamment, refouleraient cette période en dégageant l'archéologie de toute contingence politique ou idéologique. Laurent Olivier souligne que personne, en Europe, avant la guerre, n'a critiqué, ou presque, les méthodes allemandes, et même après la guerre, son héritage, à l'exception des Américains à partir des années 1960-1970.

L'ouvrage comprend parfois des répétitions, mais il montre comment s'est forgé l'archéologie nazie et comment elle a appliqué ses principes aux territoires occupés en France. Ironie du sort, l'archéologie de Vichy, qui poursuivait d'autres buts, s'est réorganisée sur le modèle allemand. L'auteur s'attache surtout à montrer la continuité de certaines pratiques après la guerre, du fait du maintien en place de nombre d'acteurs et d'un héritage méthodologique finalement peu contesté, la dimension raciale en moins. Mais le livre semble aussi refléter certains défauts reprochés par la fiche de lecture à l'ouvrage que je citais en tête du billet ; Laurent Olivier, par exemple, accorde peut-être trop d'importance à Thomasset, archéologue hors service actif et relativement isolé en Bourgogne dans sa proximité avec le nazisme. On peine à croire aussi que toute l'archéologie antérieure à la guerre ait été complètement balayée, et l'auteur s'arrête d'ailleurs, à la fin de l'ouvrage, à la période de l'archéologie américaine des années 1960-1970, sans aller au-delà, ce qui rejoint la critique d'une vision peut-être un peu datée de la discipline aujourd'hui. Il semble bien au contraire que les travaux se multiplient depuis quelques années sur la question, et Laurent Olivier semble profiter de l'ouvrage pour régler quelques comptes, probablement entre chapelles archéologiques. Reste la démonstration d'une histoire de l'archéologie embrigadée au service du nazisme, de manière volontaire, et non contrainte.



Fred DUVAL, Jean-Pierre PECAU et Boyan KOVACEVIC, Jour J, tome 9 : Apocalypse sur le Texas, Paris, Delcourt, 2012, 56 p.

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Octobre 1962. La crise des missiles de Cuba dégénère en guerre nucléaire. Un sous-marin soviétique torpille un porte-avions américain, déclenchant des frappes aériennes américaines sur Cuba, puis une riposte nucléaire soviétique qui détruit Washington. La réponse automatisée des Etats-Unis pulvérise l'URSS, la réplique par les SNLE soviétiques efface New York de la carte. Les Etats du Sud se détachent des Etats-Unis et forment des états néoconfédérés sous la direction d'un Protecteur, qui n'est autre que... Charlton Heston, faisant régner la terreur religieuse et du White Power, arborant les initiales sordides du Klux Klux Klan. Quatre ans plus tard, en 1967, les Etats-Unis moribonds demandent le soutien de leurs alliés anglais et français : le Mexique, derrière lequel manoeuvre la Chine, s'apprête à envahir le Texas pour s'emparer de son pétrole. Le président Kissinger souhaite une intervention franco-britannique mandatée par l'ONU, après l'invasion mexicaine, pour rétablir son pouvoir sur le territoire américain -la Californie ayant fait également sécession sous l'autorité du président Nixon. Mais les Etats-Unis ignorent que le Protecteur a envoyé son âme damnée, frère Lee, capturer un site de missiles Titan miraculeusement épargnée par la guerre nucléaire...

J'avais déjà commenté les premiers tomes de la série uchronique de Delcourt, Jour J. Une série inégale mais avec de très bons volumes néanmoins. Il y a maintenant 15 (!) tomes, et je n'arrive que progressivement à compléter la série, avec le n°9, Apocalypse sur le Texas. Ici, l'événement à l'origine de l'uchronie est la crise des missiles de Cuba, en octobre 1962, qui faillit bien plonger le monde dans une guerre nucléaire. L'entrée en matière est donc satisfaisante (avec une scène fameuse où on fait de la planification stratégique dans une boutique de souvenirs dévastée, avec des jouets en guise de pions), même s'il faut attendre le milieu de l'album pour avoir des explications -incomplètes cependant-, ce qui est un peu dommage.


En effet, si le scénario tient la route, et si l'histoire est palpitante, mais sans être la meilleure de la série à mon avis, c'est au détriment de l'uchronie elle-même. On sait ainsi simplement que Nixon est devenu président de Californie et indépendant suite à l'attaque nucléaire, mais sans plus. L'intervention franco-britannique au Mexique est calquée sur celle de Suez en 1956, et les références à l'expédition française au Mexique de Napoléon III sont évidentes tout au long de l'album -jusqu'au nom du colonel qui assiège les Français dans la base de missiles Titan : Vigo, celui de Camerone... excellente idée par contre que d'avoir fait des Etats du Sud une nouvelle sécession -même si là encore, on aurait aimé en savoir plus- dans le climat délétère des années 1950-1960, autour du White Power, du Klux Klux Klan et du prophétisme religieux (on notera le clin d'oeil assez ironique au général Lee, puisque l'âme damnée de Charlton Heston qui ne laisse que des cadavres et des croix enflammées sur son chemin s'appelle... frère Lee). Tout ça sonne juste. On appréciera aussi la peinture de De Gaulle, la mention du sous-marin Le Redoutable, la discrète allusion au rôle de Kennedy s'il avait survécu (cf la même question qu'on se pose souvent sur le Viêtnam). L'album colle peut-être d'ailleurs un peu trop à une trame historique précise qui, si elle n'est pas connue, risque de dérouter plus d'un lecteur, car les explications ne sont pas là, sans compter, comme je le disais, que tout le développement uchronique n'est pas expliqué (d'où sortent les Etats néoconfédérés de C. Heston, par exemple, etc). Il y a quelque chose de frustrant dans cette série à tomes indépendants, en un seul volume, qui ne permettent pas de développer correctement l'uchronie et le scénario. C'est à mon avis un des défauts majeurs de l'exercice. On le voit bien quand on compare avec les tomes 3 et 4 qui allaient de pair, et qui permettaient justement d'aller un peu plus loin à ce niveau. 








Le tome vaut le détour dans la série, assurément, mais pour moi ce n'est pas le meilleur, même s'il est dans le haut de la liste quand même.




IMPORTANT : ralentissement d'activité pour les six prochains mois (au moins)

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Petit billet, ce matin, pour annoncer que le blog va connaître un ralentissement d'activité prolongé, et ce jusqu'en septembre, si ce n'est définitivement. A cela plusieurs raisons :

1) La diffusion d'un abondant contenu gratuit ici-même (fiches de lecture, articles, etc) est une activité chronophage. Sans doute un peu trop au regard de la vie d'un homme normalement constitué (lol). Je rétrograde donc dans l'activité sur le PC pour me consacrer à des choses un peu plus essentielles. Ce qui n'empêche pas que je sois encore très attaché à la diffusion d'un contenu gratuit et de qualité, si possible : les fiches de lecture et les articles continueront (et de même sur L'autre côté de la colline, blog collectif qui fête son premier anniversaire et qui a réussi à durer, ce qui n'est déjà pas mal, avec une belle cadence d'articles gratuits tout aussi disponibles), mais à moindre rythme, probablement.


2) Je dois aussi, à titre personnel, me concentrer sur quelques projets importants : la thèse en histoire, l'écriture de plusieurs ouvrages, etc. Tout cela est difficilement compatible avec une présence en ligne qui était la mienne jusqu'ici. Question de priorités.


3) Enfin, j'invoquerai le besoin de sortir un peu d'un milieu où écrire de manière critique (je pense notamment aux fiches de lecture) n'est pas toujours bien vu, ni apprécié à sa juste valeur. Mes prises de position depuis un certain temps déjà m'ont valu pas mal d'inimitiés ici et là, et il est bon parfois de prendre un peu de hauteur et de s'extraire du bourbier. Et pour des choses, qui, tout compte fait, n'intéressent qu'une poignée de personnes et qui ne changeront pas l'histoire du monde. Cela a pris un tour parfois très désagréable, c'est bien dommage, mais mieux vaut s'épargner de telles futilités et aller à l'essentiel.

Merci à toutes les personnes qui sont passées par ici ces derniers temps et qui ont enrichi le débat, m'ont amené à réfléchir, parfois à me remettre en question, via les commentaires ou en off, par mail notamment.

A bientôt !

Supplément 2ème Guerre Mondiale Thématique n°34 : quelques considérations sur Stalingrad

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Je ne suis pas complètement absent de la toile, comme je le disais en réponse à de sympathiques commentaires reçus hier, en réaction à mon dernier billet. La preuve avec ce supplément, qui arrive un peu tard, faute de temps, pour le dernier thématique de 2ème Guerre Mondiale. Bonne lecture !


Pour de nombreux auteurs, la bataille de Stalingrad, un des tournants de la guerre, est surtout une bataille décisive d'annihilation avec de profondes conséquences stratégiques. Elle a donc été beaucoup étudiée sur les plans stratégique et opératif. Pourtant, pour S.J. Lewis, cette bataille est surtout intéressante au niveau tactique, en ce sens qu'elle préfigure largement les conflits contemporains. La bataille voit ainsi le déploiement, de part et d'autres, d'effectifs imposants, qui subissent de lourdes pertes et nécessitent des quantités énormes de munitions. Les systèmes logistiques sont considérables, de même que ceux pour l'évacuation des blessés. L'aviation joue un rôle certain pour l'interdiction des lignes de communication. Le plus important est peut-être que le combat urbain influe grandement sur les décisions opératives et stratégiques de la bataille.

 

Comme il le rappelle, les divisions d'infanterie de la 4. Panzerarmee, que Hitler réoriente vers le sud de Stalingrad pour aider la 6. Armee de Paulus qui attaque par l'ouest (la 4. Panzerarmee arrive dans les faubourgs sud le 10 septembre seulement), ont déjà perdu 40 à 50% de leur effectif depuis le début de l'opération Blau, le 28 juin. Le plan de Paulus lui-même ne prévoit pas de combat urbain dans Stalingrad ; il faut dire qu'en 1941, Hitler avait écarté la possibilité de combats de rues dans Léningrad, et même à Moscou. La ville de Stalingrad, étalée en longueur, est notamment coupée par la balka (ravin aux pentes très raides) de la rivière Tsaritsa, qui sépare les deux tiers nord du tiers sud de la ville. Une des caractéristiques majeures de la bataille est qu'une bonne partie de la population soviétique est prise au piège dans la ville ; mi-octobre, à peine 25 000 civils ont fui vers Kalatch, à l'ouest. Tchouïkov, pendant la bataille, fait passer la Volga à l'équivalent de 9 divisions de fusiliers et 2 brigades de chars.



Le 23 septembre, un officier d'état-major allemand visite les 295. et 71. I.D. engagées dans le combat urbain. Il observe que les Soviétiques collent au plus près des lignes allemandes pour éviter d'être pilonnés par l'artillerie ou l'aviation. Dès qu'ils sentent une faiblesse dans le dispositif allemand, ils contre-attaquent immédiatement. L'officier remarque que même après un violent bombardement d'artillerie, les Soviétiques sortent rapidement de leurs trous pour répliquer. Il est très inquiet de voir deux unités d'infanterie anciennes, solides, s'effriter, avec des compagnies réduites à 10 ou 15 hommes. Les pertes en sous-officiers et en officiers sont problématiques, car les remplaçants, à peine formés, ne peuvent donner de l'allant à la troupe qui se replie dès qu'ils sont abattus. Les fantassins rechignent en particulier à avancer s'ils n'ont pas l'appui d'un StuG. Le moral n'est pas bon, les hommes sont exténués, il n'y a aucune réserve ; le fantassin grogne contre les privilèges des tankistes et des aviateurs. La chaîne logistique n'est pas toujours performante et les obus de mortiers de 81 mm peinent à être livrés en nombre, alors que les Landsern en ont besoin pour déloger les défenseurs des ruines. Dès le mois d'octobre, la Luftflotte IV commence à perdre la supériorité aérienne : les VVS se sont renforcées, sous l'effet de la réorganisation de Novikov, spécialement venu pour les préparatifs de la contre-offensive soviétique -retardée à sa demande par Joukov car les forces aériennes ne sont pas encore prêtes.

Le combat urbain, dans Stalingrad, est très compartimenté. Il comprend aussi une dimension verticale, en dépit des destructions opérées au départ par la Luftwaffe, puis par la suite lors des combats. Paulus emploie ainsi les bataillons de sapeurs, lors de sa dernière offensive majeure, afin de détruire les immeubles encore debout pour créer des « couloirs » de progression -mais il faut protéger les flancs des couloirs et détacher des troupes pour liquider les poches soviétiques qui ont survécu... La dépense de munitions pendant la bataille est phénoménale. En septembre 1942, par exemple, la 6. Armee tire plus de 23 millions de cartouches de fusils ou de mitrailleuses, plus de 575 000 obus antichars, plus de 116 000 obus de canons d'infanterie et et plus de 752 000 obus de mortiers. Les fantassins posent aussi près de 15 000 mines et lancent 178 000 grenades à main. Les pertes sont à l'avenant. La 13ème division de fusiliers de la Garde, jetée dans la bataille immédiatement après avoir franchi la Volga, perd 30% de son effectif en 24 heures ; à la fin de la bataille, il ne reste plus que 320 survivants de l'effectif d'origine.



Côté allemand, on connaît bien l'exemple de la 24. Panzerdivision, dont de nombreuses archives ont survécu. L'artillerie provoque 50% des pertes. 11% des pertes seraient dues aux armes d'infanterie -un chiffre sans doute sous-estimé. Plus intéressant, 38 % des pertes sont attribuées à l'aviation. C'est peut-être surestimé mais quand on regarde dans le détail, par unité, on arrive à un taux de pertes entraîné par l'aviation de 9 à 12%, ce qui n'est pas rien. La division perd aussi de nombreux blindés et canons automoteurs pendant la bataille, ainsi que peut le contaster Paulus qui vient la visiter le 28 septembre ; manifestement, la supériorité aérienne allemande n'a pas été aussi établie qu'on a bien voulu le dire. L'aviation soviétique frappe en particulier avec un certain succès les installations à l'arrière du front, et notamment les dépôts de munitions. Les rapports après combat de la 24. Panzerdivision soulignent combien les chars ne sont pas adaptés au combat urbain, gênés par les ruines et à la merci des canons et armes antichars soviétiques. L'emploi des StuG conduit les fantassins à vouloir utiliser les Panzer III et IV de la même façon, pour se protéger derrière eux ; les rapports conseillent au contraire de mettre l'infanterie devant et les chars derrière, en soutien. Ils plaident aussi pour une coopération interarmes (infanterie, chars, génie) au plus petit niveau tactique, qui apparemment peine à se mettre en place à Stalingrad.

Les rapports de la 24. Panzerdivision insistent aussi sur la nécessité de récupérer les chars endommagés, en particulier par les mines. Fin septembre, le VIIIème corps allemand compte 62 carcasses de T-34 dans son secteur, tous fabriqués en 1942. Au XIV. Panzerkorps, il y en a 48, mais les Allemands ne peuvent les approcher en raison du feu ennemi. Le 30 septembre, ce corps prétend avoir détruit 24 chars soviétiques et 100 du Lend-Lease, dont 8 M3 Lee, 47 M3 Stuart et 24 Valentine, mais seulement 2 T-34, 3 T-60 et 19 T-70. La 24. Panzerdivision se déclare satisfaite des frappes de l'aviation, les Stukas plaçant fréquemment leurs bombes à moins de 100 m du but. Mais pour les fantassins, en revanche, la situation est trop fluide et les frappes aériennes touchent fréquemment les lignes amies. L'escouade d'assaut doit comprendre des armes automatiques, des snipers, des charges explosives et des grenades ; en soutien, des StuGe, des half-tracks armés de pièces de DCA pour le tir tendu, et des canons antichars de 37 mm. Des sapeurs avec lance-flammes sont également recommandés, ainsi que des miroirs et des radios en nombre.

Les combats de la 71. I.D. Illustrent assez bien les difficultés du combat urbain à Stalingrad. Le 24 septembre, l'unité avance près du théâtre et d'autres bâtiments. Il faut se battre pièce par pièce. Les prisonniers russes confirment que le combat s'est décentralisé en très petites unités commandées par des chefs éprouvés. Les deux camps font peu de prisonniers. L'artillerie de la division allemande tire sur les bateaux faisant la navette sur la Volga, réduit au silence deux batteries ennemis et touche un dépôt de munitions sur la rive est. Pour l'artillerie, l'une des difficultés majeures est l'observation des cibles. Le 28 septembre, alors que le LIème corps attaque les usines Barricade et Octobre Rouge, l'artillerie repère 22 batteries ennemies et en engage 14 en contre-batterie. La 24. Panzerdivision, en revanche, n'a pas les moyens organiques pour produire une contre-batterie efficace. Elle est donc plus tributaire de la Luftwaffe. Quant aux sapeurs, leur principal problème réside dans les nombreuses mines conçues avec du bois posées par les Soviétiques. Les pièces d'artillerie manquent de viseurs téléscopiques pour effectuer des tirs précision qui auraient permis, souvent, d'éliminer des points de résistance.


Pour en savoir plus :


S.J. Lewis, « The Battle of Stalingrad », William G. ROBERTSON et Lawrence A. YATES (dir.), Block by Block : The Challenges of Urban Operations, U.S. Army Command and General Staff College Press, Fort Leavenworth, Kansas, 2003, p.29-63.

L'autre côté de la colline : le putsch de la Brasserie (David François)

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Depuis deux jours, vous pouvez lire sur L'autre côté de la colline l'article de David consacré au putsch raté d'Hitler de novembre 1923, le fameux "putsch de la Brasserie". Avec les derniers articles, nous poursuivons une tendance, alors que nous fêtons le premier anniversaire de ce blog collectif, qui nous mène en dehors de l'histoire militaire. De mon côté, je travaille sur un gros papier pour mon prochain article qui permettra de fêter comme il se doit l'anniversaire du blog. Bonne lecture !

Café Stratégique n°33 : Les militaires dans les médias (Bénédicte Chéron)

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Le volet 33 des Cafés Stratégiques s'intitule Les militaires dans les médias. L'invitée est Bénédicte Chéron, enseignante, chercheuse à l'IRSEM, qui travaille sur la représentation du fait guerrier et du fait militaire, guerre et cinéma, les mémoires de guerres et notamment celles des guerres de décolonisation. On lui doit en particulier un ouvrage sur Pierre Schoendoerffer, paru en 2012. Le café aura lieu demain, jeudi 13 mars, à 21h00, au café le Concorde comme de coutume.

Daniel HEMERY, Ho Chi Minh. De l'Indochine au Viêtnam, Histoire 97, Découvertes Gallimard, Paris, Gallimard, 1999 (1ère éd. 1990), 192 p.

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Daniel Hémery est maître de conférences honoraire de l'université Parius-VII. Il a enseigné l'histoire de l'Asie orientale et dirigé un laboratoire de cette université consacré à cette thématique ; lui-même a travaillé sur les mouvements sociaux et politiques du Viêtnam contemporain. On lui doit un ouvrage sur la colonisation de l'Indochine avec Pierre Brocheux, également auteur d'une biographie de Ho Chi Minh que j'ai déjà commentée précédemment, ici.

Comme il le rappelle dès le premier chapitre, le Viêtnam se construit au miroir de la Chine voisine, à la fois modèle et envahisseur, et la communauté nationale en gestation est irréductible à toute assimilation. L'Etat bureaucratique, construit autour de la famille impériale, le noyau familial et villageois, et la classe des lettrés, assurent la permanence du Viêtnam jusqu'au XIXème siècle. Maintenu à l'écart de l'innovation, le Viêtnam est mal armé pour affronter la conquête française qui démarre sous le Second Empire pour viser le marché chinois. Il faudra néanmoins de longues années de combats pour que le compromis franco-chinois fasse apparaître l'Indochine. Les résistances populaires durent jusqu'en 1897, alors que l'Union indochinoise est née dix ans plus tôt, avec de multiples statuts pour les territoires concernés. Hô Chi Minh naît près de Vinh dans ces années troublées. Son père, issu de l'élite mandarinale, est révoqué en 1910 pour faute grave et sombre dans la misère. Le jeune adolescent est formé dans les écoles de Hué, mais il est plus autodidacte que lettré classique ou récepteur d'un savoir moderne. Il semble plus attiré par un nationalisme réformiste, au départ, et choisit de s'embarquer pour la France comme maître d'hôtel sur l'Amiral Latouche-Tréville, en 1911.



Il visite Londres, New York, puis Paris en 1919 où il participe à la fondation des Patriotes Annamites, qui réclament déjà l'indépendance de l'Indochine. Il abandonne vite le nationalisme réformiste, qui ne débouche sur rien, pour rejoindre le Parti Socialiste. Invité au congrès de Tours, en 1920, il milite pour l'adhésion au Komintern et rejoint le nouveau PCF. En juin 1923, il part pour l'URSS, clandestinement.

C'est pendant l'âge d'or de la colonisation de l'Indochine, entre 1920 et 1929, qu'apparaissent des groupes sociaux amenés à jouer un grand rôle : une bourgeoisie commerçante et terrienne, un noyau de classe ouvrière et une élite intellectuelle réduite. Pour répondre à la crise, le colonisateur français envisage un développement rural, mais en aucune façon une réforme politique. En février 1925, Ho Chi Minh est à Canton, auprès de la mission soviétique du gouvernement nationaliste chinois. Il forme un embryon de parti communiste viêtnamien avec la clandestinité, la propagande et des militants actifs. En 1927, il doit repartir en URSS en raison du revirement du Kuomintang, puis gagne Hong-Kong en 1929. Il forme le parti communiste viêtnamien en 1930, intégré comme Parti Communiste Indochinois au Komintern l'année suivante. Mais les premières soulèvements contre le colonisateur français sont au même moment férocement réprimés. Arrêté par la police britannique de Hong-Kong, il n'est relâché qu'en janvier 1933 et reste en URSS jusqu'en octobre 1938, surveillé car critiqué pour son action.

Quand Hô Chi Minh revient au Viêtnam, en 1941, la situation est particulière : la colonie française reste fidèle à Vichy, mais vaincue en métropole, la France doit plier devant les Japonais. Hô Chi Minh peut ainsi affronter le pouvoir colonial au nom de la lutte alliée ; mais il est soutenu par les Japonais, et surtout dopé par l'essor d'un nationalisme impossible à contenir dans la colonie. Le Viêtminh, sous un couvert nationaliste, met en place un micro-Etat dans le nord-est du pays dès le printemps 1943. Emprisonné un temps en Chine, Ho parvient à contacter les Américains et à obtenir le parachutage d'une mission de l'OSS pour disposer d'armes et d'encadrement. Le Viêtminh profite du vide politique entre la capitulation japonaise et l'arrivée des troupes chinoises et anglaises d'occupation provisoire. Quand Hô Chi Minh proclame l'indépendance, le 2 septembre, le Viêtminh est déjà solidement implanté dans le nord et le centre du Viêtnam, moins bien dans le sud, où les Français ne tardent pas à débarquer. Les négociations avec les Français, en 1946, permettent de gagner du temps, d'éliminer les nationalistes, tandis que le colonisateur, persuadé de pouvoir reprendre le Nord, fait tirer sur Haïphong le 23 novembre. Le Viêtminh prend l'initiative de l'attaque à Hanoï le 19 décembre, consommant la rupture des négociations et le début de la guerre.

A partir de là, le livre n'est plus une histoire d'Hô Chi Minh à proprement parler mais une histoire du Viêtnam en guerre, d'abord contre la France, puis contre les Américains ; on retrouvait le même défaut, un peu moins accentué, dans la biographie de P. Brocheux. Les Français ont sous-estimé le caractère viêtnamien du conflit ; ils parient sur une guerre courte, mais rapidement, c'est l'enlisement, militaire d'abord, politique ensuite ; pas de stratégie claire, pas de compromis sur la colonisation. Le Viêtminh, lui, pense sur le temps long : guérilla, mobilisation de la population, Etat clandestin. A partir de l'été 1949, le Viêtminh peut mettre sur pied de grandes formations régulières, bénéficie ensuite du soutien de la Chine devenue communiste, ce que confirme la campagne sur la frontière de l'automne 1950. Le corps expéditionnaire perd 9 bataillons et la frontière chinoise. Mais le conflit s'inscrit alors dans la guerre froide. Les Etats-Unis financent l'effort de guerre français, offrent du matériel ; en face, le Viêtminh accroît ses unités régulières et dispose de l'initiative stratégique dès le mois de mai 1953. C'est pour la reconquérir que Navarre tente de barrer la route aux offensives de Giap par la création de la base aéroterrestre de Dien Bien Phu, avant de la transformer en camp retranché censé attirer et détruire le corps de bataille ennemi. La victoire de Giap n'est cependant pas traduite dans les faits à Genève, où le Viêtminh doit accepter la partition du pays.

Si l'armée du Viêtminh est alors épuisée, il n'en demeure pas moins que Genève permet la naissance d'une alternative nationaliste au sud, bien vite transformée en armée-Etat face au parti-Etat du nord. Celui-ci entame la collectivisation et brise les dissidences intellectuelles. Ho reste une figure respectée ; le Nord décide finalement de relancer la lutte au sud, contre Diêm, en 1959, puis de créer le Front National de Libération l'année suivante. La dégradation de la situation au sud, l'assassinat de Diêm en novembre 1963 et le chaos politique qui s'ensuit précipitent l'intervention directe des Américains. Le Nord-Viêtnam tient, mais au prix fort. Ho assure la victoire médiatique du Nord à l'étranger, et évite aussi que le pays ne soit broyé par l'opposition entre la Chine et l'URSS, ses deux grands soutiens. L'ouvrage est ici un peu daté quand il affirme que Ho a assumé ses responsabilités jusqu'au bout (il meurt en septembre 1969) ; les travaux récents montrent au contraire qu'il a perdu en influence dans les grandes décisions dès le début de la décennie 1960. La mort du personnage donne naissance au mythe, soigneusement entretenu par le Nord vainqueur en 1975.

La section Témoignages et Documents est particulièrement étoffée dans ce volume avec pas moins de 50 pages. Le livre est complété par une chronologie de la guerre d'Indochine et par une bibliographie dont les titres s'arrêtent au début des années 2000, ce qui peut expliquer certaines formulations datées. Incontestablement, la partie jusqu'à 1945 reste toutefois la plus intéressante de ce volume d'introduction au personnage.



Supplément au 2ème Guerre Mondiale n°53 : disponible sur le nouveau site du magazine

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Une fois n'est pas coutume, je publie en avance un court supplément pour le prochain numéro du magazine 2ème Guerre Mondiale, le 53, bientôt disponible à la vente.

C'est un court supplément en appoint du dossier sur les liens entre nazisme, ésotérisme et occultisme, construit en trois parties : après avoir rappelé les liens entre ces composantes, je montre rapidement comment s'est construit le mythe d'un nazisme occulte après la guerre et comment ce mythe s'est répandu dans la culture populaire.

Le supplément est disponible sur le nouveau site du magazine, récemment ouvert : notez l'adresse car il va probablement s'enrichir au fil des semaines. Bonne lecture !

Nicholas MONSARRAT, La mer cruelle, Paris, Presses Pocket, 1979, 533 p.

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1939. L'Angleterre vient de déclarer la guerre à l'Allemagne. Le capitaine de corvette Ericson, réserviste de la Royal Navy, prend le commandement d'une corvette de classe Flower, un navire bricolé pour la lutte anti-sous-marine des plus rudimentaires, le Compass Rose. Il doit déjà composer avec un second australien, James Bennett, guère formaté pour son poste. Il accueille bientôt deux officiers à peine sortis de l'école, Lockhart et Ferraby. Bientôt les officiers et les hommes du Compass Rose sont propulsés dans toute la dureté de la bataille de l'Atlantique. L'ennemi le plus redoutable, c'est la mer, souvent cruelle...

Le Lieutenant Commander Monsarrat était un romancier britannique particulièrement connu pour ses oeuvres portant sur la mer. The Cruel Sea (1951) est peut-être le plus fameux, notamment parce qu'il a été adapté au cinéma quelques années plus tard. Etrange destinée que celui de cet homme, plutôt pacifiste, qui s'ennuie dans des études de droit et se lance, de 1934 à 1939, dans l'écriture comme auteur indépendant pour des journaux et, déjà, dans des romans. Pendant la guerre, en tant que réserviste de la Royal Navy, il sert sur des petits bâtiments chargés de l'escorte des convois et s'y comporte bien : il finit la guerre comme commandant d'une frégate. Il prétend avoir vu le fameux navire fantôme "le Hollandais Volant" dans le Pacifique. Après la guerre, il entame une carrière diplomatique puis se consacre entièrement à l'écriture en 1959.

La Mer Cruelle, sa première oeuvre post-guerre, est considérée comme la meilleure et c'est celle qui reste le plus lue aujourd'hui. Elle est largement inspirée du parcours de Monsarrat pendant la guerre : il a commandé une corvette de classe Flower et d'autres modèles de corvette, ainsi que plusieurs frégates. Le parcours de l'officier Lockhart rappelle la biographie de l'auteur, qui décalque probablement sa propre expérience. C'est l'un des premiers livres qui raconte la vie des petits bateaux chargés de l'escorte des convois dans l'Atlantique.




 




En 1953, Charles Frend s'inspire du roman pour réaliser un film, La Mer Cruelle, avec notamment Jack Hawkins, Stanley Baker et le jeune Denholm Elliott. Le résultat est plutôt intéressant ; personnellement, j'aime beaucoup le film, que j'ai d'ailleurs vu avant de lire le livre (ce qui évite la sensation du puriste). On y retrouve l'esprit du roman, en raccourci évidemment, malgré quelques longueurs. Le film, soutenu dans la production par la Royal Navy, a remporté un grand succès en Angleterre à sa sortie, et a également été plébiscité aux Etats-Unis.

La Mer Cruelle reste un classique de la littérature sur la bataille de l'Atlantique, probablement mieux réussi et un peu plus profond que le HMS Ulysses d'Alistair McLean que je commentais l'autre jour.

Stéphane FRANCOIS, Le nazisme revisité. L'occultisme contre l'histoire, Paris, Berg International, 2008, 125 p.

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Stéphane François est un spécialiste des sous-cultures occultistes et ésotériques, et a en particulier étudié leurs rapports avec les milieux de l'extrême-droite européenne, ciblant les courants néo-paganistes, l'ufologie et la Nouvelle Droite.

Le but de ce court essai est d'étudier le thème de prédilection d'une littérature marginale : le nazisme et ses crimes seraient expliqués par une arrière-pensée occulte. Se construit ainsi le concept "d'occultisme nazi" qui est une réécriture de l'histoire en tentant de tout expliquer à travers des spéculations irrationnelles ou pseudo-scientifiques, en vouant aux gémonies les "historiens officiels", accusés d'être des idiots ou des agents de la désinformation. Le thème a connu un vrai décollage avec la publication du Matin des magiciens en 1960 et le lancement de la revue Planète l'année suivante.

Le nazisme a-t-il été une forme de néo-paganisme ? Il est vrai qu'il baigne dans l'atmosphère völkisch et que la fascination pour le paganisme européen antique est forte, mais elle n'a rien à voir avec le néo-paganisme. Celui-ci s'inspire évidemment du romantisme, et le mouvement völkisch est encore différent. Certains aryosophes, une fraction de ce mouvement, influencés par la théosophie de Blavatsky, tablent ainsi sur un christianisme aryen. Une bonne partie du mythe de l'occultisme nazi est à chercher dans la Société Thulé, qui fait partie de cet ensemble. Les rapports entre cette société secrète assez confidentielle et le nazisme ont en en réalité été très lâches. Les nazis ont d'ailleurs tout fait pour minimiser leurs liens avec le mouvement völkisch. Cela n'a pas empêché le Matin des magiciens de relayer le mythe d'un occultisme orientalisant, inspiré de la théosophie.



Hitler était-il un envoyé des forces occultes, un agent de Satan, comme le prétendent ces milieux, voire un medium ? Ces idées farfelues sont soutenues par d'anciens nazis, comme Rauschning, et par les occultistes eux-mêmes. Il y a reprise du vieux thème de l'extrême-droite catholique selon lequel la franc-maçonnerie, société secrète par excellence,  est une oeuvre satanique. Ces théories se basent surtout sur les liens de Hess et Himmler avec le monde ésotérique, qu'Hitler a aussi fréquenté en Autriche. Le Führer a certes été influencé par les idées de ce milieu mais pas au point de ne pas prendre des mesures drastiques, plus tard, contre les völkisch. On a également beaucoup glosé sur le château de Wewelsburg, que Himmler a recouvert de références symboliques, mais qui cherche surtout à donner un vernis d'antiquité germanique à la SS.

En réalité, le nazisme se rapproche plus d'un christianisme germanisé que d'un néo-paganisme. Et ce même si les nazis se sont passionnés pour les thèses pagano-racialistes d'un Hans Günther, qui jouera un grand rôle après la guerre dans la reconstruction de l'extrême-droite et qui reste une référence pour les identitaires. Himmler cherche surtout à créeer une pseudo-culture germanique à partir d'un passé imaginé et idéalisé, pour justifier la prétention à la domination mondiale du IIIème Reich. C'est le sens de l'intervention d'un personnage comme Wiligut ou de la création de l'Ahnenerbe. Le paganisme nazi a été forgé en grande partie par les Eglises chrétiennes allemandes persécutées. Or le nazisme a eu besoin du soutien des catholiques pour s'imposer, même s'il a combattu ensuite toute forme de dissidence, y compris parmi les néo-païens.

Le nazisme ne serait-il finalement qu'un millénarisme inspiré du christianisme ? L'historien britannique N. Goodrich-Clarke souligne que le mythe de l'occultisme nazi, dans sa composante religieuse, naît peut-être du culte politique organisé par le régime, la SS devenant une sorte de pseudo-clergé répressif. D'autres y voient une religion séculière autour du culte du sang et de l'héritage du romantisme et du mouvement völkisch. Hitler a très tôt compris l'intérêt de la propagande et a orchestré une véritable "liturgisation" de la vie politique.

L'occultisme nazi décolle donc avec le Matin des Magiciens, qui entoure certains personnages extravagants du IIIème Reich d'une aura de mystère. Mais le livre ne fait que reprendre des thèmes qui existent alors depuis 30 ans. En les combinant différemment, il attire l'attention du grand public ; il y a convergence entre les milieux occultistes et ceux pré et néo-nazis. Le livre permet aux thèmes occultistes de dépasser un cercle restreint, ce qui explique aussi le succès des penseurs qui vont reconstruire l'extrême-droite européenne, comme Evola. Les thèmes se diffusent alors dans la culture populaire, surfant sur le désenchantement du monde dans la seconde moitié des années 1970.

Le mythe de l'occultisme nazi est récupéré par une partie de l'extrême-droite, comme les anciens SS français qui publient beaucoup après la guerre (Saint-Loup, Yves Jeanne, Robert Dun). Saint-Loup (Marc Augier), en particulier, parle beaucoup d'une quête ésotérico-raciste dans ses romans, de même que la Franco-Grecque Savitri Devi et le Chilien Miguel Serrano. Jan Helsing, au sein de la droite radicale conspirationniste, utilise également le thème. Ces auteurs entretiennent à dessein le mythe d'un enseignement ésotérique de la SS et du mythe d'Otto Rahn. En outre, ce thème a influencé les "folklistes", des néo-völkisch qui ont comme référence le fameux Günther, de même que le GRECE et autres mouvements d'extrême-droite de la même époque. Un auteur comme Ernesto Mila, un folkliste espagnol, concentre tous les poncifs sur l'occultisme nazi. En France, la transmission se fait notamment via Jean Mabire, qui écrit un livre sur le sujet en 1977, à côté de ses innombrables récits à la gloire des Waffen-SS. De fait, cependant, la fascination pour l'occultisme nazi est restreinte même au sein de l'extrême-droite ; elle est surtout entretenue par des éditeurs qui ont senti un "bon filon".

La littérature a permis au thème de se diffuser dans la culture populaire. Les films de "nazixploitation", insistant plus sur le caractère sadique et sexuel de la SS, finissent par créer une véritable sous-culture "underground". Le thème de l'occultisme nazi se retrouve ensuite dans les Indiana Jones, dans les BD, les comics (Hellboy), les jeux vidéos (Return to Castle Wolfenstein) et même dans le domaine musical, ainsi le National Socialist Black Metal, même si le recours reste superficiel.

Pour conclure, Stéphane François souligne que l'occultisme nazi est un mythe qui répond à l'impossibilité pour certains thuriféraires du IIIème Reich d'acquiescer à la fin d'un règne devant durer 1 000 ans et de ses propagateurs. Il fallait aussi expliquer comment le nazisme avait pu commettre de telles horreurs -c'est ce que l'on trouve derrière la démarche du Matin des Magiciens. La tactique d'euphémisation du nazisme par l'occultisme, utilisée par une partie de l'extrême-droite, a été un succès relatif. Le mythe sert surtout à légitimer la vision du monde de ces courants ; il est réapparu en force avec Internet, après un certain déclin.

Cette courte synthèse, certes un peu chère, permet pourtant de décortiquer les représentations concernant les rapports entre occultisme et nazisme. A l'heure où le conspirationnisme se développe à une vitesse folle, c'est aussi une saine lecture contre une réécriture de l'histoire devenue une véritable mythologie, pour certains.


L'autre côté de la colline : interview de R. Porte (Joffre)

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Sur L'autre côté de la colline, vous pouvez lire à partir de ce matin l'interview que j'ai réalisée auprès de R. Porte,à propos de sa biographie de Joffre parue le mois dernier. Je ficherai le livre un peu plus tard, en raison du ralentissement d'activité que j'ai annoncé. Bonne lecture !

Thomas FLICHY (dir.), Opération Serval au Mali. L'intervention française décryptée, Paris, Lavauzelle, 2013, 124 p.

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L'opération Serval, déclenchée par l'armée française au Mali en janvier 2013, a entraîné un certain "boom"éditorial avec la parution, parfois rapidement après le début des opérations, d'ouvrages consacrés à la situation au Mali ou aux dessous de l'intervention de la France (une dizaine de titres jusqu'à ce jour, au moins). J'avais déjà commenté récemment l'ouvrage paru sous la direction de M. Galy, certes pas parfait, mais qui fournissait un tableau assez complet, paru en juin 2013. Ce livre-ci est même sorti encore plus tôt, en mars : il est l'oeuvre d'un collectif d'auteurs, sous la direction de T. Flichy. Le format est court, avec un peu plus de 100 pages de texte.

L'introduction, qui commence curieusement comme une sorte de roman (en gros : bienvenue les Français, nous vous attendions !), souligne que l'intervention française répond à des motifs stratégiques, à savoir maintenir et accroître sa position dans une région où l'on trouve du pétrole et de l'uranium. Les auteurs se félicitent de l'intervention d'une armée française au matériel vieillissant et au budget réduit (mais qui arrive à point nommé, même si ce n'est pas discuté ici, alors qu'on discute budget de la défense en France...). On se demande d'entrée si le livre se limitera strictement à une approche militaire, contrairement à l'ouvrage susmentionné. Et grosso modo, c'est bien le cas, malheureusement pas forcément dans le meilleur sens du terme.

Le tableau historique du Sahel postule notamment que la colonisation a fait du sud le point fort face à un nord privé de son pouvoir traditionnel. Si l'image traditionnelle du Touareg est bien abordée, le chapitre ne montre pas que cette image disparaît temporairement durant la conquête coloniale, particulièrement dure, pour réapparaître seulement ensuite. En revanche, il est bien souligné que la conquête de ce territoire a surtout reposé sur l'action de militaires avides de gloire ; un territoire pauvre, sous-administré plus que colonisé, et destiné à fournir des hommes et des ressources à la métropole, dans la mesure de ses (faibles) moyens.

Si le deuxième chapitre montre que le Mali possède certes de l'or, un potentiel qui reste à trouver en pétrole et en uranium, il n'insiste peut-être pas assez sur la proximité du Niger, qui explique aussi, en partie, l'intervention française, en raison de ses mines d'uranium et de la présence d'Areva. La partie consacrée à la "zone grise" des trafics ne parle pas de l'implication plus que probable de pans entiers de l'Etat malien et même de l'armée, et manque un peu de précision et de profondeur. On est plus convaincu en revanche par la présentation de l'attitude américaine, plus que prudente, et qui consiste à favoriser une approche indirecte. Les enjeux stratégiques expliquent effectivement l'implication de la France, comme le rappellent les auteurs.

Pour ceux-ci, la situation malienne résulte directement du résultat de la guerre déclenchée en Libye. Le berceau de la rébellion, c'est Kidal. Le chapitre insiste aussi sur la figure d'Iyad Ag Ghaly, effectivement importante dans la troisième rébellion touarègue. Mais paradoxalement, s'il met bien en lumière le rôle de Kadhafi, il est beaucoup plus discret sur le rôle de l'Algérie, qui a aussi manipulé à son profit -et souvent contre la Libye- les rébellions touarègues. Le conflit actuel s'inscrit aussi dans l'opposition entre un islam traditionnel, confrérique ou soufique, et un islam plus fondamentaliste importé de la péninsule arabique. La justification de l'intervention française par le droit, en particulier à l'ONU, semble quelque peu limitée (et prend sans doute une trop grand place dans ce court ouvrage), d'autant que comme le rappellent les auteurs, la définition du terrorisme dans cette  dernière organisation laisse à désirer. L'opération Serval vise avant tout à bloquer la progression d'Ansar Eddine sur Bamako, à protéger les ressortissants français et à réaffirmer la présence de la France dans une zone stratégique. La France fait le choix d'une intervention armée, quasiment seule, une tendance qui se confirme depuis la guerre en Libye. Celle-ci ne peut suffire à elle seule à solutionner les problèmes du Mali, avec notamment la question du nord du pays, toujours non réglée. Les organisations islamistes peuvent tenter d'infiltrer les centres urbains : Gao, Tombouctou, Bamako, et profiter des "zones refuge" du pays comme l'Adrar des Ifoghas.

Pour les auteurs, l'opération Serval plaide dans le sens d'une recomposition des interventions française sur un partenariat d'actions civilo-militaires, en liant le tout à une nouvelle association avec le Mali, à reconstruire, et plus généralement avec l'Afrique.

En conclusion, le collectif d'auteurs souligne la nécessité de régler la question du nord du pays, où la situation des Touaregs est comparée à celle des Kurdes. La crainte est celle d'une déstabilisation de toute la bande sahélienne, qui menacerait les intérêts stratégiques français. D'où la volonté d'une nouvelle forme d'intervention de la France, de l'UE, des Etats-Unis, en s'appuyant notamment sur les acteurs africains, non en les mettant en tutelle. La France a fait le choix d'une intervention armée, seule, unilatérale. Et la conclusion se termine à nouveau comme un roman (en gros, les Français sont amenés à rester...).

Le livre se conclut ainsi à la p.87 seulement. En annexe, un court texte qui présente le regard de la France sur les prémices de la première rébellion touarègue, en 1963, des textes officiels, et une fin étonnante sur un scénario d'anticipation, le scénario du pire qui pourrait se dérouler dans le conflit (et qui jusqu'à présent n'est pas encore arrivé). Il n'y a malheureusement pas de bibliographie récapitulative pour reprendre toutes les référence qui apparaissent en notes, à l'instar du livre dirigé par M. Galy.

En refermant le livre, on est un peu frustré, parce qu'on se dit que certains développements auraient mérité d'être prolongés. On voit mal l'enchevêtrement des jeux d'échelle (local, régional, mondial) de la crise. Certains acteurs sont peu ou pas traités, comme l'Algérie. Surtout, l'opération Serval et son contexte sont vus à travers le prisme franco-français, ce qui peut éventuellement se comprendre pour une telle publication, mais on attendait quand même un peu mieux. Il n'est que peu question, par exemple, de l'armée malienne, dont la fragilité est à l'image de celle de l'économie du pays et parfois de la société, et qui symbolise aussi l'échec, quelque part, d'un soutien américain et français qui n'a pas fonctionné. Le propos est plus convaincant quand il est question des enjeux stratégiques de Serval, de l'armée française, du contexte militaire sur place. Mais c'est largement une impression plus qu'en demi-teinte qui demeure. On a l'impression d'un ouvrage "bricolé", réalisé en peu de temps, et qui sent parfois le travail bâclé sur certains points, alors qu'il est beaucoup plus pertinent sur quelques autres (mais peu), manifestement. C'est dommage. Et ce d'autant plus qu'il n'est parfois pas exempt d'un regard un peu daté sur l'Afrique ; il faut dire qu'un ouvrage paru à peine deux mois après le début de l'opération Serval, écrit uniquement par des personnes liées à l'armée française, c'était un peu risqué. Sans doute un peu trop.



A propos de la guerre en Syrie : sur Medi1 Radio

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Depuis septembre dernier, il m'arrive d'être interrogé par Pierre Boussel, journaliste et écrivain français, qui travaille depuis 1999 au Maroc pour Radio Méditerranée Internationale, une station de radio bilingue (arabe/français) qui diffuse dans l'ensemble du bassin méditerranéen, notamment au Maghreb.

D'ordinaire je n'interviens que pour de courtes séquences à destinations des flashs d'information, mais il y a deux jours, j'ai pu parler un peu plus longuement à l'occasion du raid israëlien en réplique à l'attaque de paras sur le plateau du Golan. Vous pouvez réécouter cette intervention ici.

Dernière précision : on m'a affublé le qualificatif "d'historien du Proche-Orient" sur cette page, ce n'est évidemment pas le cas, je souligne. Indépendant de ma volonté...

Rostislav ALIEV, The Siege of Brest 1941. A Legend of Red Army Resistance on the Eastern Front, Pen & Sword Military, 2013, 219 p.

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Le siège de Brest-Litovsk, forteresse occupée par l'Armée Rouge après l'invasion de la Pologne en 1939, aux premiers jours de l'opération Barbarossa, fait partie de la légende de la Grande Guerre Patriotique côté soviétique. Une légende qui a mis un certain temps à se construire après la guerre, et qui est aujourd'hui battue en brèche par cet ouvrage. L'épisode a même eu droit à son film en 2010, russo-biélorusse, Battle or honor. La bataille de Brest-Litovsk, d'Alexander Kott. Rostislav Aliev, journaliste formé à l'université en histoire, a publié en 2008, en russe, ce livre basé en particulier sur des recherches intensives du côté allemand ; Stuart Britton, traducteur quasi attitré de Pen & Sword Military pour le front de l'est, livre ici la version anglaise, cinq ans plus tard. J'avais moi-même utilisé le travail en russe de R. Aliev pour mon hors-série du magazine 2ème Guerre Mondiale consacré à l'opération Barbarossa.

Aliev a bâti son ouvrage sur une étude des archives russes et allemandes, sur des collections de témoignages dans les deux camps et surtout sur les documents de la 45. I.D., la principale unité allemande engagée à Brest-Litvosk, relatifs à la bataille. L'Armée Rouge elle-même ne prend conscience de la résistance de la forteresse qu'au printemps 1942, lorsqu'elle capture des documents sur la 45. I.D. pendant la contre-offensive d'hiver. L'épisode est monté en épingle par la propagande soviétique en juin 1942, avant de retomber quelque peu dans l'oubli. C'est le travail du journaliste S. Smirnov qui sort la défense de la forteresse de Brest des limbes de l'histoire en 1957, fournissant une version soviétique et "officielle" de la bataille. Aliev se propose quant à lui de faire une comparaison équilibrée entre points de vue allemand et soviétique, qui manque, de son point de vue, en majorité, dans les travaux occidentaux.



Les 5 cartes fouillées qui montrent la disposition des forces et les principales phases du siège sont malheureusement placées toutes en début d'ouvrage, ce qui amène fréquemment à s'y reporter pour suivre, avec plus ou moins de bonheur.

Les Allemands doivent s'emparer de la forteresse de Brest-Litovsk pour ouvrir la voie au Panzergruppe 2 de Guderian. Cependant, l'expérience de 1939 -avec le même Guderian- avait montré qu'à moins de bénéficier de l'effet de surprise, la forteresse n'était pas aussi désuète qu'il y paraissait pour bloquer la progression d'un assaillant. Les Allemands choisissent une unité expérimentée dans le franchissement des coupures, la 45. I.D., mais sous-estiment probablement l'effort nécessaire pour s'emparer de la place.

La garnison de la forteresse, après 1939, se compose essentiellement des 6ème et 42ème divisions de fusiliers -cette dernière revenant de la guerre contre la Finlande. La 4ème armée soviétique, dont dépend la forteresse, a placé l'essentiel de ses forces en première ligne, près de la frontière. Les unités stationnées dans la forteresse font un va-et-vient fréquent pour s'entraîner et surtout effectuer des travaux de terrassement ou d'autres moins martiaux. Le plan de défense prévoit d'ailleurs d'extraire l'essentiel des troupes des bâtiments pour se battre sur la frontière. La défense s'organise autour de plusieurs îles fortifiées séparées par le Boug et la Muchavec et reliées par des ponts.

Aliev présente, après la disposition des forces de part et d'autre, un récit quasiment heure par heure, jour par jour, du siège de la forteresse. La plupart des officiers soviétiques se trouvent à l'extérieur au moment de l'attaque, le 22 juin. Le bombardement d'artillerie allemand, avec Nebelwerfer et pièces lourdes (dont des obus géants de 600 mm), "sonne" et élimine une partie des défenseurs. Les fantassins allemands, appuyés par des sapeurs, franchissent le Boug. S'ils arrivent à faire tomber assez vite l'île ouest de la forteresse et bientôt l'île sud, l'île nord et la Citadelle, le coeur du bastion, se révèlent des noix plus dures à casser, notamment en raison de la résistance d'éléments des 333ème et 44ème régiments de fusiliers autour des quelques officiers disponibles. Des soldats allemands sont isolés par des défenseurs déterminés dans la Citadelle, même si le gros de l'effectif soviétique cherche à sortir du piège, ce qui correspond au plan de défense prévu qui enjoint de sortir pour défendre la  frontière. Les quelques automitrailleuses BA-10 et chars amphibie T-38 sont de peu d'utilité aux Soviétiques. Mais la 45. I.D. doit engager sa réserve, l'I.R. 133, dès le premier jour de la bataille. 







Les Allemands pris au piège dans la forteresse se retranchent dans l'ancienne église Saint-Nicolas. Les Soviétiques cherchent à les anéantir, mais ne parviennent qu'à pénétrer dans l'édifice, sans le submerger. La 45. I.D. tente une percée avec le renfort de 6 StuG III du 201ème bataillon de StuG, mais plusieurs canons d'assaut sont détruits par les défenseurs. Les pertes allemandes en officiers sont très élevées, mais les défenseurs ne peuvent mettre en batterie correctement les quelques pièces qui leur restent en raison de l'observation adverse. La 45. I.D. a perdu plusieurs centaines d'hommes, les plus lourdes pertes du XII. Armee Korps, dans le premier jour de combat.


Le 23 juin, la 45. I.D. noie la Citadelle sous un déluge de feu, les défenseurs commencent à fléchir, mais la division croit trop tôt que la partie est gagnée. Les restes du 132ème bataillon du NKVD, en particulier, se défendent encore farouchement. Le commissaire politique Fomin, l'âme de la défense, réunit les autres officiers qui combattent encore -le capitaine Zubachev et le lieutenant Vinogradov en particulier. Des tentatives de sortie dans la nuit du 23 au 24 juin échouent sous le feu des Allemands. Le lendemain, avec l'appui de l'artillerie lourde dont de nouveaux obus de 600 mm, la 45. I.D. dégage finalement les soldats encerclés dans la Citadelle.

Dans la soirée du 24 juin, les Allemands utilisent canons antichars et lance-flammes, nettoient l'île sud et progressent vers l'est de la Citadelle et sur l'île Nord. Mais les Soviétiques tentent encore des sorties dans la nuit du 24 au 25 juin. Le 25, les sapeurs ont le plus grand mal, malgré des lance-flammes, à venir à bout des points fortifiés encore défendus, en particulier sur l'île nord. L'I.R. 135 demande même des chars lance-flammes pour se débarrasser des poches de résistance. La Wehrmacht considère l'affaire réglée le 26 juin et transfère la 45. I.D. à un autre corps d'armée ; les sapeurs, avec des charges d'explosifs, viennent à bout des plus gros points soviétiques. Fomin, capturé, dénoncé par des conscrits, est executé en vertu de l'ordre des commissaires ; Zubachev meurt dans un camp de prisonniers allemand en 1944. De manière générale, du moins au début des combats, les deux camps n'ont pas fait beaucoup de prisonniers.

Reste l'île nord, où le major Gavrilov conduit encore plusieurs centaines de défenseurs. Les Allemands retournent des T-38 capturés contre les Soviétiques. Au 27 juin, la 45. I.D. a déjà perdu 500 hommes dans les combats pour la forteresse. Les Allemands engagent un canon de 88 mm, un canon d'assaut, puis les Ju 88 de la KG 3 contre le point principal de résistance. Le 29 juin, un Ju 88 armé d'une bombe spéciale SC-1800 d'1,8 tonnes attaque aussi les défenseurs. Dans la soirée, le gros des défenseurs se rend. Mais le major Gavrilov et plusieurs autres se réfugient dans les tunnels qui courent sous la forteresse. Le 1er juillet, avant de gagner le front, la 45. I.D. enterre plus de 480 tués. Gavrilov est finalement capturé. Des isolés font encore le coup de feu en juillet et peut-être même jusqu'à fin août, date à laquelle la place est déclarée sûre par les Allemands.

Si le récit de R. Aliev est fort bien traduit par Stuart Britton, et constitue sans doute la description la plus aboutie à ce jour des combats, on peut regretter, sans que l'on sache si cela est dû à la traduction mais c'est fort possible, que les notes de bas de page soient des plus limitées (quelques-unes par chapitre à peine, alors que le texte est dense, ce qui est peu). De même, il n'y a aucune bibliographie récapitulative ni index, ce qui limite singulièrement l'utilité de l'ouvrage comme référence, malgré la présence d'un livret photo central abondant. Indispensable pour les passionnés du front de l'est, mais à compléter avec d'autres lectures plus générales et mieux sourcées.



Pierre BOULLE, Le pont de la rivière Kwaï, Paris, Julliard, 1958, 248 p.

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1943. Les Japonais se servent de leurs prisonniers de guerre pour construire une imposante voie ferrée, en pleine jungle, qui doit relier la Thaïlande à la Birmanie, dans la sphère de co-prospérité nipponne. Le colonel Nicholson, qui commande une unité britannique faite prisonnière par le Mikado, pour maintenir le moral de ses hommes et répondre à une conception toute particulière du devoir, refuse d'abord de se plier aux injonctions des Japonais, commandés par le colonel Saïto. Puis, triomphant de l'opiniâtreté de ses geôliers, il décide de les défier en prenant à sa charge, avec ses officiers, la construction d'un pont difficile sur la rivière Kwaï. Ce qu'il ne sait pas, c'est que le commandant Shears, le capitaine Warden et Joyce, de la Force 316, unité spéciale basée à Calcutta, a justement choisi d'entraver la construction de la ligne en s'attaquant au pont sur la rivière Kwaï...

Si on connaît le film Le Pont de la Rivière Kwaï et l'air fréquemment associé avec, on sait moins que le roman qui a inspiré le film est l'oeuvre d'un Français, Pierre Boulle, qui a été agent de la France Libre dans le sud-est asiatique, dès 1941. Capturé par les militaires français fidèles à Vichy en 1942, en Indochine, il s'évade en 1944 et rejoint la Force Spéciale 136 du SOE à Calcutta. Décoré, il signe Le Pont de la Rivière Kwaï en 1952 et, en 1963, La planète des singes, lui aussi destiné à être adapté au cinéma. Boulle a été l'un des auteurs français les plus populaires aux Etats-Unis.




Le roman s'inspire de la construction, tout à fait authentique, du "chemin de fer de la mort", de 415, entre Bangkok et Rangoon, en 1943, pour appuyer la campagne japonaise en Birmanie. Plus de 180 000 civils asiatiques et 60 000 prisonniers de guerre sont mis à contribution : respectivement, 90 000 et plus de 12 000 y laissent la vie. Pour la figure du colonel Nicholson, Boulle s'inspire largement de ses contacts malheureux avec des officiers français en Indochine, après avoir choisi de mettre en scène les Britanniques. Nicholson symbolise en quelque sorte, d'une manière satirique, un sens du devoir dévoyé, où la fierté contribue aux plans de l'adversaire. Les romans de Pierre Boule sont marqués par son expérience personnelle en Asie du Sud-Est, avec des héros souvent face à des choix impossibles, voire absurdes, et qui font l'épreuve de la relativité du bien et du mal.

Le roman est adapté au cinéma par David Lean, en 1957, avec Alec Guinness dans le rôle de Nicholson. Le film diffère assez nettement du roman, notamment en ce qui concerne le personnage de Shears, interprété par William Holden. Bien accueilli par la critique, le film remporte 7 Oscars dont celui du meilleur film et assure la carrière internationale de D. Lean. Comme le roman toute fois, que Boulle ne présentait pas comme inspiré directement de l'histoire, le film comporte probablement de nombreuses erreurs par rapport à la réalité, et en particulier sur le traitement des prisonniers par les Japonais -beaucoup plus dur que ne le montrent, finalement, le roman ou le film.



Francis WINIS et Frédéric ZUMBIEHL, Buck Danny, tome 53 : Cobra Noir, Dupuis, 2013, 56 p.

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De nos jours. A la frontière entre le Turkménistan et le Basran, un F-22 Raptor du 1st Fighter Wing américain est abattu. Le Pentagone soupçonne fortement le Basran d'avoir reçu des missiles sol-air lourds russes de dernière génération. Pour évaluer discrètement les capacités anti-aériennes du Basran, il décide de faire appel à Buck Danny et à ses deux équipiers, Tumbler et Tucson. Basé désormais sur le porte-avions USS Ronald Reagan, ceux-ci mettent au point l'opération "Cobra Noir", qui tire son nom de l'emploi de Su-27 Flanker, dont certains empruntés aux Israëliens, afin de brouiller au maximum les pistes...


J'avoue que j'attendais non sans curiosité le changement de scénariste et de dessinateur de Buck Danny. J'aimais assez les idées et la patte dessin de F. Bergèse, qui avait signé les derniers albums en solo, du 46 au 52. Cependant, à partir du numéro 50, les scénarios avaient connu, de mon point de vue, un certain fléchissement, le n°52 en particulier n'étant pas très original. Il aura fallu attendre cinq ans après la sortie du dernier album pour qu'un duo d'auteurs prenne finalement la suite de Bergèse, qui avait jeté l'éponge.




Je suis à la fois satisfait et un peu déçu. Satisfait car le scénario est plus élaboré, même si les auteurs ont camouflé l'Iran, dont on reconnaît la carte p.5, en Basran (c'est un peu ridicule, il faut bien le dire). Le scénario est aussi plein de rebondissements. En outre, faire piloter des Flankers à Buck et ses amis redonne un goût de l'album des "Agresseurs" (n°44). Enfin, et contrairement peut-être à de trop nombreux albums de Buck Danny, la mission secrète ne s'effectue pas "les doigts dans le nez" et les Américains se heurtent à forte partie, subissant des pertes conséquentes. Sur ces plans-là, indubitablement, il y a du mieux, par rapport aux derniers scénarios de Bergèse. C'est évidemment très fortement inspiré de l'actualité, et pas toujours en bien, mais quand même. La ligne est respectée.

En revanche, on ne peut que constater que le dessin de Winis est inférieur à celui de Bergèse, c'est un fait. Le dessinateur va devoir travailler pour rattraper le "standard" des derniers albums. Surtout, le scénariste F. Zumbiehl, ancien pilote de combat, que j'avais déjà vu oeuvrer sur Unité Félin, ne fait pas dans la dentelle en ce qui concerne la vision de l'adversaire, on ne peut plus stéréotypé, sans parler des quelques invraisemblances du scénario (le personnage du capitaine Abramson, etc) -on retrouvait déjà un peu les mêmes défauts dans Unité Félin. Certains puristes ont remarqué que le dessinateur semblait confondre la version biplace du Su-27 et le nouveau Su-34 d'attaque...



Au final, les deux auteurs, qui n'avaient pas la tâche facile (reprendre Buck Danny, une institution du genre, ce n'est quand même pas rien) s'en sortent assez bien : le scénario s'inspire de la ligne tout en sachant redonner un peu de souffle à la série, le dessin pèche surtout en réalité sur les personnages et quelques autres détails. Il faut noter cependant que Winis s'attèle à représenter de nombreux appareils soviétiques qui interviennent dans l'album (MiG-21, 23, 29 plus les Flanker), et en soi, ce n'est déjà pas rien. Mais il est vrai que le retour à un dessin qui rappelle les premiers albums n'est pas des plus heureux (et pourtant je n'ai pas lu tous les Buck Danny, je suis loin d'être un puriste). Cependant, attendons de voir l'évolution sur le prochain album, d'ores et déjà en train, et qui devrait voir le retour de Lady X -on retrouve déjà Slim Holden dans ce volume, on ne va pas bouder son plaisir... ce n'est probablement pas le meilleur volume des aventures de Buck Danny mais on ne peut contester qu'il marque un retour apprécié par rapport aux derniers tomes de Bergèse.



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