Le 2 avril 1972, au troisième jour de l'offensive de Pâques déclenchée par les Nord-Viêtnamiens contre le Sud-Viêtnam, le lieutenant-colonel Hambleton, navigateur sur un appareil EB-66 de guerre électronique qui protège une "cellule" de 3 B-52, s'éjecte en parachute après que l'avion ait été abattu par un missile sol-air SA-2 et tombe en plein milieu des troupes nord-viêtnamiennes lancées dans leur offensive. L'opération search and rescue (SAR) mise en oeuvre pour le récupérer sera la plus grande, la plus longue et sans doute la plus complexe de toute la guerre du Viêtnam.
L'ouvrage est préfacé par le colonel Harry Summers, de l'école révisionniste. Il précise l'apport de Whitcomb par rapport à l'ouvrage de William C. Anderson, une version romancée de l'histoire parue en 1985 qui a servi de base au film Bat*21, avec Gene Hackmann dans le rôle d'Hambleton. Whitcomb, lui-même ancien FAC (Forward Air Controller) en Asie sud Sud-Est entre 1972 et 1974, a eu accès à des documents déclassifiés. Selon Summers, l'intérêt de son travail réside d'abord dans la description de l'offensive de Pâques et dans celle de l'odyssée du lieutenant Noris, un SEAL, et de ses auxiliaires sud-viêtnamiens, pour secourir Hambleton et le lieutenant Clark, un FAC abattu lors d'une tentative de sauvetage précédente. Whitcomb revient aussi sur la controverse liée à l'opération elle-même : au vu des pertes et de ses conséquences, en valait-elle la peine ? Ce faisant, l'auteur met le doigt sur le malaise de l'USAF, frustrée par des frappes inefficaces sur la piste Hô Chi Minh et pour laquelle les missions SAR représentent un objectif plus concret.
Le film Bat 21 (1988), avec Gene Hackmann et Danny Glover, est une version romancée du sauvetage du lieutenant-colonel Hambleton basée sur l'ouvrage d'Anderson paru en 1985 (lui-même romancé). Le film, qui évacue d'ailleurs tous les aspects controversés ou presque, a été tourné en Malaisie, avec le matériel fourni par les autorités locales.
Le film Bat 21 (1988), avec Gene Hackmann et Danny Glover, est une version romancée du sauvetage du lieutenant-colonel Hambleton basée sur l'ouvrage d'Anderson paru en 1985 (lui-même romancé). Le film, qui évacue d'ailleurs tous les aspects controversés ou presque, a été tourné en Malaisie, avec le matériel fourni par les autorités locales.
Effectivement, les premiers chapitres sur l'offensive de Pâques 1972 sont intéressants, bien que vus principalement du côté sud-viêtnamien et surtout américain. Les Etats-Unis sont alors en plein retrait, ce qui n'est pas sans conséquence sur le moral du personnel de l'USAF qui reste présent. En revanche Whitcomb attribue à la 3ème division de l'ARVN, tout juste formée et placée sur la zone démilitarisée, un potentiel de combat peut-être un peu trop optimiste, comme va le montrer l'offensive nord-viêtnamienne.
En revanche, on peut regretter qu'à partir du moment où entre en scène Hambleton, principal personnage de cette histoire et seul survivant de l'EB-66, on n'ait pas une présentation de cet officier. Pourquoi était-il si important de le récupérer ? On en saura rien, ce qui affaiblit un peu le propos. Whitcomb passe directement ensuite à la phase "sauvetage". Une première tentative avec des UH-1 escortés par des Cobras échouent devant le feu d'enfer de la DCA nord-viêtnamienne. On est également frappé de voir que le personnel de l'USAF n'est pas informé tout de suite du déclenchement d'une offensive de grande envergure, ce qui explique une partie des pertes et de la surprise des personnels devant la réaction ennemie : cela paraît tout à fait incroyable, et pourtant cela semble bien être le cas.
Le 3 avril, un OV-10 modifié participant à la mission SAR est abattu à son tour : l'un des pilotes, Henderson, est bientôt capturé, tandis que l'autre, Clark, réussit à se cacher. Le 6 avril, une autre tentative conduit à la perte d'un hélicoptère HH-53 dont tout l'équipage est tué dans le crash, là encore en raison de la DCA. Le lendemain, un autre OV-10 est lui aussi descendu par un SA-2 et l'un des pilotes, Walker, se retrouve également au sol.
Devant les dangers posés par la DCA nord-viêtnamienne au sauvetage par voie aérienne, les Américains décident de recourir à l'option terrestre. Le lieutenant-colonel Anderson, du MACSOG, met au point une opération Bright Light pour récupérer les aviateurs abattus. Le lieutenant Noris, des SEAL, s'enfonce dans un territoire où les combats font rage, la 3ème division d'infanterie de l'ARVN soutenue par des brigades de Marines tentant désespérement de repousser les Nord-Viêtnamiens, sous les tirs de l'artillerie. Finalement, Noris parvient à récupérer le lieutenant Clark, puis Hambleton. Mais le lieutenant Walker, lui, a été débusqué et abattu par le Viêtcong.
Dans un gros chapitre, Whitcomb revient ensuite sur la controverse autour de la mission SAR pour récupérer Hambleton (nom de code Bat 21 Bravo dans les conversations échangées, d'où le titre du film réalisé sur l'histoire). Le premier problème est qu'une no-fire-zone a été établie autour d'Hambleton pendant l'opération. Or, celle-ci a gêné la défense de la 3ème division sud-viêtnamienne, pressée par les Nord-Viêtnamiens. Comme le montre l'auteur, la 7th Air Force et l'ARVN semblent mener deux guerres parallèles plutôt qu'une guerre en commun. Le deuxième problème est le pont de Cam Lo, qui n'a pas été détruit en raison de l'opération alors qu'il aurait dû l'être pour empêcher la progression de l'adversaire, qui finit par mettre la main sur la ville de Quang Tri. Encore une fois, l'auteur montre que l'USAF ne coordonne pas vraiment son effort avec les Sud-Viêtnamiens au sol. Dernier problème : cette opération en valait-elle la peine ? Pour sauver deux hommes, les Américains n'ont-ils pas détourné des moyens qui auraient été plus utiles pour les combats en cours au sol ?
Whitcomb prend un chapitre pour répondre à ce dernier point. La guerre aérienne que mène l'USAF depuis 1968 se concentre alors sur la piste Hô Chi Minh. Malgré une véritable débauchede technologie, utilisateur de senseurs, de bombes à guidage laser, développement des gunships, l'USAF n'arrive pas à stopper le flot des camions sur la piste. Le général Abrams, le commandant en chef du MACV, acquiesce à l'invasion du nord-Laos en 1971 par l'ARVN, l'opération Lam Son 719, pour tenter de couper la piste, et qui se termine en désastre. Début 1972, la piste reste garnie de DCA et les premiers missiles sol-air SA-2 installés au Laos abattent un AC-130 en janvier. Le général Lavelle, commandant la 7th Air Force, autorise de plus en plus d'incursions au-delà des limites autorisées face à la réaction très violente de la DCA nord-viêtnamienne, avant que son stratagème ne soit mis à jour et qu'il ne soit forcé d'abandonner ses fonctions. En conséquence, les équipages de l'USAF font des missions SAR un objectif qui en vaut la peine : sauver des compatriotes, et plusieurs autres opérations d'envergure sont menées dès 1969 avant la récupération d'Hambleton. Dans un autre chapitre, Whitcomb explique aussi combien les aviateurs sont déconnectés des combats au sol. Cela est lié à l'histoire institutionnelle de l'USAF mais également à un mépris certain de l'allié sud-viêtnamien, qui en 1972 se charge des combats terrestres. Ce n'est pas systématique mais c'est la tendance qui domine assurément. Ce sont donc deux guerres, au sol et dans les airs, qui sont menées, et pas une seule. La coalition Etats-Unis/Sud-Viêtnam ne fonctionne pas bien alors que l'USAF conduit pour ainsi dire une mission d'arrière-garde, pendant que l'armée américaine se retire.
Whitcomb termine son livre par une postface qui compare la mission SAR de 1972 à l'opération Gothic Serpentà Mogadischio en octobre 1993, mais la comparaison laisse quelque peu dubitative. Dommage également que toutes les cartes soient situées dans le livre photo central, car il faut s'y reporter pour suivre correctement toutes les manoeuvres et tous les événements décrits. Il n'y a malheureusement pas de bibliographie récapitulative après les notes mais la plupart des ouvrages renvoie à des sources secondaires anglo-saxonnes, bien évidemment. L'ouvrage de Whitcomb est donc incontournable sur le sujet, mais reste à compléter sur plusieurs points.