Mary R. Habeck est une spécialiste des relations internationales. Diplômée de l'université de Yale, elle est professeur d'études stratégiques à l'université John Hopkins. Par ailleurs, elle maîtrise également le russe.
Dans cet ouvrage important paru en 2003, elle cherche à comprendre comment les Allemands ont pu maîtriser en 1941 une technique efficace et innovante dans l'emploi de leurs forces mécanisées, alors que cinq ans avant l'opération Barbarossa, les Soviétiques disposaient de l'organisation la plus sophistiquée en ce qui concerne l'arme blindée. La question a donné lieu à de multiples réponses, privilégiant, selon Habeck, les facteurs internes. Gudmundsson insiste sur la reprise des tactiques des Stormtruppen ; Citino souligne la construction de ce qui devient la Blitzkrieg face à la "menace" polonaise, puis met en avant le rôle de von Seeckt qui aurait jeté les bases théoriques transformées en doctrine pratique par des innovateurs plus jeunes. Corum insiste aussi sur le rôle de von Seeckt. Côté soviétique, on met en lumière la volonté de créer un art de la guerre prolétarien différent de celui du monde capitaliste, sans parler du rôle de certaines personnalités, Toukhatchevsky et Triandafillov pour l'URSS, Guderian pour l'Allemagne. Or, en réalité, l'Armée Rouge et la Reichswehr, puis la Wehrmacht, ont développé des théories similaires, qui ne sont pas liées à un copiage de l'adversaire, mais bien à des influences et des idées communes à propos de l'art de la guerre. En particulier, les deux armées s'inspirent de l'exemple britannique de l'utilisation des chars. Mais les réticences quant à l'emploi des chars ne sont vaincues qu'à partir de 1926, en raison de l'amélioration technologique des blindés. C'est là que les personnalités entrent en jeu : même si, côté allemand, Guderian ne fait que prolonger un effort collectif de la Reichswehr. Même situation du côté soviétique, où la mise au pinacle de Toukhatchevsky est le fait de son disciple Isserson, alors que l'effort est là aussi collectif. Les deux armées peuvent aussi appliquer leurs nouveaux concepts car elles sont soutenues par le pouvoir politique, Staline jusqu'en 1936 et Hitler à partir de 1933. L'Armée Rouge et la Reichswehr partagent un autre point commun, celui d'avoir privilégié un art de la guerre offensif, mobile, mais qui ne néglige pas l'infanterie dans le cadre d'un système de combinaison des armes. En somme, elles ont greffé toutes deux les progrès technologiques sur des doctrines anciennes. En URSS en revanche, l'Armée Rouge a dû attendre qu'un complexe militaro-industriel soit créé avant de réfléchir à la mécanisation/motorisation. En 1936, les deux armées ont des conceptions similaires. L'URSS démonte l'oeuvre de réflexion collective car elle n'a pas réussi à mettre en oeuvre la bataille/l'opération en profondeur lors des exercices, ce qui discrédite ses partisans ; en outre elle tire des conclusions des "petites guerres" des années 30 qui ne correspondent pas à ce schéma. Côté allemand, les succès du début de la guerre ne doivent pas masquer le fait que la Wehrmacht n'a pas su résoudre deux problèmes qui seront fatals : la question logistique et surtout la coopération chars-infanterie, cette dernière évoluant majoritairement à pied et ne disposant pas de moyens de transport mécanisés pour suivre les chars.
Habeck découpe sa comparaison de la naissance des doctrines d'emploi des chars chez les Allemands et les Soviétiques en différentes phases chronologiques. La première, de 1919 à 1923, est baptisée celle de la "machine non terminée". Les Allemands, avec l'apparition du tank durant la Première Guerre mondiale, font le choix délibéré d'en voir plutôt les faiblesses techniques que les succès sur le terrain. Ils insistent au contraire sur les techniques de lutte antichar pour l'infanterie. Le rôle des chars, pour eux, ne devient patent que lors de la grande contre-offensive alliée d'août 1918. Mais la Reichswehr, dans ses premières années, ne se focalise pas sur le char. Les bolcheviks, à la même époque, empruntent beaucoup à l'expérience du front ouest pour leur propre doctrine. Ce n'est qu'avec la guerre civile qu'ils utilisent les chars et commencent à en voir les effets. Mais l'Armée Rouge hérite de cette expérience de guerre mobile et considère encore le char comme un outil de la guerre de positions, notamment, là aussi, en raison de ses limites techniques. La doctrine d'emploi des chars n'est pas modifiée. Du côté de la Reichswehr, on se concentre d'abord sur la construction d'un corps d'officiers à toute épreuve, et non sur les questions matérielles. Il faut les écrits de quelques pionniers, comme Volckheim, pour que le char ne sombre pas complètement dans l'oubli. L'Armée Rouge connaît aussi une baisse d'effectifs et une restructuration après la fin de la guerre civile. Néanmoins, un commandement de l'arme blindée est établi en son sein, qui est cependant supprimé en 1924. La situation économique de l'URSS est telle que les chars sont parfois utilisés pour le labour (!). Des pionniers, là aussi, commencent à envisager l'utilisation future du char comme véritable arme indépendante, empêchant qu'il tombe dans les limbes de l'URSS.
Entre 1923 et 1927 prend place de part et d'autre un débat sur la mécanisation de la guerre. L'Armée Rouge perd un soutien des chars avec l'élimination de Trotsky. Mais les améliorations techniques poussent Soviétiques et Allemands à s'interroger sur le facteur décisif dans la guerre : le matériel ou le moral, avec des positions relativement similaires. Au nom de l'idéologie prolétarienne, de l'art de la guerre historique russe et de la situation économique, le débat appartient en URSS au moral, comme en Allemagne. En outre, l'URSS ne dispose pas encore de la base industrielle nécessaire pour soutenir une guerre mécanisée. Voilà pourquoi les Soviétiques pensent que les théoriciens britanniques comme Fuller vont trop loin. Mais cette position est érodée par les avocats du matériel qui soulignent les améliorations techniques rapides des chars. En Allemagne, après 1925, c'est ce dernier point qui donne l'avantage aux chars, mais ses partisans se heurtent à de fortes oppositions dans la Reichswehr, auxquelles répondent aussi, d'ailleurs, les théoriciens soviétiques. Les défenseurs du moral sont persuadés que l'Allemagne peut surmonter toute nouvelle technologie et que celle-ci a en réalité atteint ses limites, et que l'état de l'économie allemande ne permet pas le recours massif aux chars. Les partisans des chars pensent d'ailleurs à une armée réduite, professionnelle, ce qui n'est pas du goût de beaucoup de monde dans la Reichswehr. Le débat sur le maintien dans sa forme traditionnelle, ou non, de la cavalerie, commence à tourner en défaveur de celle-ci en 1927, moment où même von Seeckt a basculé en faveur des chars. C'est cette année-là également que les Soviétiques lancent un programme de trois ans pour la construction de premiers véhicules blindés.
La technologie triomphe entre 1927 et 1929, moment où débute aussi la collaboration germano-soviétique quant aux chars. Dopés par les expériences britanniques et les écrits de Fritz Heigl, certains officiers allemands comme Guderian s'intéressent de plus en plus aux blindés. L'état-major allemand a déjà tranché en faveur des chars, cependant. Heigl, lui, plaide pour une mécanisation ou motorisation totale des forces armées, ce qui n'emporte pas l'adhésion de tous. Les Soviétiques, qui ont lancé leur programme de construction de chars, ouvrent l'école de Kazan, en juillet 1927, pour bénéficier des avancées techniques des Allemands. Mais ceux-ci utilisent encore de nombreux chars factices dans leurs exercices. En 1928, Toukhatchevsky s'intéresse finalement aux chars mais ses désirs de production massive se heurtent à la réalité économique de l'URSS, incapable de produire des quantités énormes de chars. La collaboration avec les Allemands ne donne pas les résultats escomptés mais les doctrines allemande, soviétique et britannique, cette dernière inspirant les deux autres, sont néanmoins remarquablement proches. L'URSS est convaincue désormais de l'utilité des chars et d'un besoin de production massive, mais comme l'Allemagne, peine à appliquer ses théories. L'arrivée des premiers chars allemands fin 1929 à Kazan n'y change rien. En revanche, Triandafillov publie cette année-là son maître ouvrage qui raffine l'art opératif en gestation et attribue un rôle clé aux formations blindées opérant de manière indépendante. Ces innovations passent dans les manuels de campagne soviétiques, même si la production ne suit pas encore.
Les années 1930-1931 tournent entre le consensus et le conflit. Toukhatchevsky veut des chiffres de production de chars astronomiques, bien au-delà des capacités de l'économie soviétique. C'est pourquoi l'URSS se tourne vers les réalisations étrangères, pour démarrer sa propre production de chars. Les premiers blindés soviétiques s'inspirent de modèles anglais, américains ou allemands. Mais les Soviétiques ont du mal à traduire dans leurs exercices leur doctrine de plus en plus évoluée. Les Allemands, au contraire, forment un noyau de spécialistes des blindés à Kazan. La Reichswehr, en raison du format réduit de l'armée, ne développe pas encore une vision grandiose de l'emploi des chars et de leur organisation. En revanche, les Allemands considèrent comme fondamentale la combinaison des armes, et évitent le piège britannique du "tout blindé". Ils choisissent d'abord un char léger parce qu'il coûte moins cher et qu'il est plus facile à produire. La coopération à Kazan bat de l'aile, d'autant plus qu'en 1931 l'industrie soviétique commence enfin à sortir des chars en quantité, ce qui fait d'ailleurs augmenter les exigences des responsables militaires comme Toukhatchevsky. Les Soviétiques font aussi le choix de chars légers, T-26 et BT. Toukhatchevsky veut créer des unités mécanisées indépendantes tout en mécanisant l'infanterie et la cavalerie, non sans mal pour cette dernière. La théorie de la bataille en profondeur, par contre, s'impose. L'URSS perd cependant en 1931 deux grands théoriciens militaires, Triandafillov et Kalinovskii. Alors que l'Allemagne recrée une organisation pour quelques unités indépendantes de chars, malgré des oppositions internes fortes, l'URSS, qui adopte la bataille en profondeur, peine à l'appliquer concrètement.
1932-1933 voient la fin de la collaboration germano-soviétique. L'URSS produit maintenant des chars en quantité et a une doctrine bien établie, la bataille en profondeur. L'Allemagne, avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler, retrouve confiance et ne voit plus l'intérêt de poursuivre l'expérience de Kazan. Les Allemands ont la liberté d'expérimenter les prototypes, les doctrines et l'organisation des chars. Les manoeuvres confirment le potentiel des machines. Pour les Soviétiques, l'expérience de Kazan n'est pas nulle mais la production de chars ne justifie plus le maintien de la collaboration. L'Armée Rouge essaie de coordonner l'action des autres armes avec celle des blindés, mais pour la cavalerie, cela pose de nombreux problèmes, alors que le rôle de l'infanterie est réaffirmé. Les Soviétiques rencontrent toujours de grandes difficultés à traduire sur le terrain leurs constructions théoriques. Le problème se pose notamment pour les blindés chargés de l'exploitation la plus lointaine sur les arrières adverses. Les Allemands, eux, développent dès 1933 l'idée de divisions blindées indépendantes combinées à des divisions motorisées plus légères. L'URSS produit désormais des milliers de chars, avec une quantité considérable de modèles différents, le tout pour une bataille en profondeur sur 100 à 150 km derrière les lignes ennemies. Les manoeuvres soviétiques tentent de traduire ce qui devient l'opération en profondeur : si la coopération blindés-aviation progresse, on ne peut pas en dire autant pour le reste.
Le "changement de position" entre Soviétiques et Allemands se fait progressivement entre 1934 et 1936. Les Allemands n'arriveront jamais à produire autant de chars que les Soviétiques, mais l'organisation structurelle des unités blindées rejoint celle de l'Armée Rouge. La mécanisation de la cavalerie fait son chemin, tout comme la réflexion autour de la combinaison des armes à partir de 1934. Côté soviétique, les manoeuvres de 1934 désespèrent ceux qui rêvent d'appliquer l'opération en profondeur. Le doute s'installe et certains théoriciens proposent de revenir à la prééminence de l'infanterie sur les chars. En 1935, Hitler réarme officiellement l'Allemagne : les premières Panzerdivisionen sont créées, les manoeuvres confirment les réflexions sur l'emploi des chars. D'autant que Beck, contrairement à ce qu'affirmera plus tard Guderian, est favorable à la mécanisation, même s'il estime qu'elle ne peut être étendue à toute l'armée. Les Soviétiques quant à eux réintroduisent un rôle plus important pour l'infanterie dans les manoeuvres de 1934-1935, et insistent moins sur les formations indépendantes de chars, rejoignant de la même façon la doctrine allemande. En outre, les Allemands se trouvent confrontés aux mêmes problèmes que les Soviétiques pour ce qui concerne la production des chars, mais leurs objectifs sont plus réalistes. Par ailleurs ils séparent clairement le rôle des divisions blindées de celui des formations plus légères, le tout en coopération étroite avec les autres armes. La direction soviétique, quant à elle, se fait de plus en plus critique sur l'emploi des chars en 1936.
C'est alors que les deux armées sont en pleine réorganisation doctrinale qu'éclate la guerre d'Espagne à l'été 1936, conflit qui va servir de banc d'essai pour l'emploi des chars. Les Soviétiques se battent aussi contre les Japonais en Extrême-Orient. Les républicains ne sont pas capables d'exploiter leur supériorité numérique et matérielle, grâce aux chars soviétiques. Les Allemands trouvent plus faciles d'améliorer leurs tactiques que de développer de nouveaux chars pour contrer, en particulier, les T-26. La réflexion de Guderian en 1937 rejoint certains concepts soviétiques, même s'il n'offre pas de solution à la coopération chars-infanterie. Les Allemands, qui n'ont utilisé que le seul Panzer I en Espagne, doivent analyser l'emploi des chars par leur adversaire. La Wehrmacht tire deux leçons du conflit : les chars allemands se sont montrés inférieurs, mais en même temps, les blindés, dans les deux camps, ont été utilisés à contre-emploi, pas selon la doctrine pour laquelle ils avaient été conçus, et l'armée allemande refuse donc de se baser sur la guerre d'Espagne pour tirer des enseignements valables pour un prochain conflit majeur. Les Soviétiques, au contraire, pensent que le conflit montre la validité du rôle de soutien d'infanterie des chars, ce qui suppose l'abandon de l'opération en profondeur et autres concepts développés depuis dix ans. Au printemps 1937, les purges décapitent les partisans de ces théories, dont Toukhatchevsky, et l'entraînement et la production s'en ressentent également. Les Allemands, eux, doivent également répondre aux difficultés posées par l'amélioration des armes antichars et par la coopération chars-infanterie. Ils adoptent une vue de compromis sur la nature du prochain conflit. Les Soviétiques, de leur côté, tentent de rationnaliser la production en limitant le nombre de modèles. Le chaos créé par les purges explique la piètre performance soviétique au lac Khasan, à l'été 1938, face aux Japonais. Les Allemands, qui cherchent encore à améliorer la coopération chars-infanterie, mettent la main en mars 1939 sur l'industrie tchécoslovaque, qui avec les modèles Skoda renforce leur potentiel blindé. L'Armée Rouge a cependant davantage de chars, mais peine à mettre en oeuvre les solutions tactiques suite au changement de doctrine. D'autant que la bataille de Kalkhin-Gol contre les Japonais semble valider, de fait, le concept d'opération en profondeur abandonné depuis les purges. Les leçons des opérations menées par Joukov sont cependant enterrées.
En septembre 1939, la campagne de Pologne valide le concept allemand des Panzerdivisionen alors que les divisions légères sont rapidement démantelées. Côté soviétique, la piètre performance des blindés aboutit à la disparition des corps mécanisés. En revanche, on accélère la production d'un nouveau modèle, le T-34, promis à un glorieux destin. Le désastre finlandais renforce l'Armée Rouge dans l'idée d'une coopération des chars avec l'infanterie, avec de petites unités. La campagne de France et son succès triomphant poussent la Wehrmacht à développer ses unités de chars, mais lui donne aussi un trop-plein de confiance qui s'avère catastrophique. L'armée allemande et ses chars ne sont en effet pas taillés pour une guerre contre le géant soviétique. D'autant que l'Armée Rouge revient aux corps mécanisés après la défaite de la France. Habeck termine sur l'idée que 4 facteurs ont conduit à un développement similaire de la doctrine blindée en Allemagne et en URSS : l'inspiration britannique, une lecture commune de la façon dont les chars doivent être utilisés durant la prochaine guerre et de la façon dont la technologie influe sur ce processus, un art de la guerre offensif, mobile, mettant en oeuvre la combinaison des armes, centré sur l'infanterie mais ouvert à l'innovation, et la production de théoriciens innovateurs soutenus à un moment donné par leurs supérieurs et le pouvoir politique. Au registre des différences, les Allemands privilégient une structure de commandement très décentralisée, dans la lignée des Stormtruppen, contrairement aux Soviétiques. Jusqu'en 1926, les deux armées ne croient pas que le char puisse changer les formes de la guerre. C'est avec l'amélioration des chars que l'Allemagne et l'URSS adaptent leur outil militaire, toujours basé sur le même fond, à cette nouvelle technologie. Les deux armées ont bénéficié du soutien du haut-commandement et du pouvoir politique, avec des nuances entre les deux pays (opposition Voroshilov-Toukhatchevsky, par exemple, qu'on retrouve moins côté allemand). Les Soviétiques croient pouvoir tirer des leçons des conflits des années 30 alors que les Allemands sont beaucoup plus sceptiques. Mais ceux-ci n'ont pas résolu deux problèmes importants : l'avancée simultanée des chars avec les autres forces et le ravitaillement en carburant d'une masse de blindés. Les Soviétiques, malgré leurs formidables avancées doctrinales, n'ont pas été capables de les mettre en oeuvre et sont revenus à une vision plus simpliste de la guerre. Finalement, aucune réflexion théorique de l'entre-deux-guerres n'a été capable de préparer correctement l'une et l'autre puissance au changement décisif que représente l'avènement du moteur : seule l'expérience de la guerre le fera.
Bien que dépourvu de bibliographie récapitulative (seules les notes apparaissent en bas du texte, il faut les lire pour repérer toutes les sources de l'historienne), l'ouvrage de Mary Habeck est tout simplement fondamental pour qui s'intéresse à la naissance de la doctrine d'emploi des chars en Allemagne et en URSS, de la fin de la Première Guerre mondiale au début de la Seconde Guerre mondiale. Utilisant de manière extensive sources allemandes et russes, ainsi que de nombreux travaux secondaires surtout anglo-saxons et allemands, Habeck démontre avec brio que l'Allemagne et l'URSS ont suivi un chemin similaire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, même si une rupture majeure survient en 1936-1937, lorsque la première prend le pas sur la seconde. Habeck, contrairement à Citino (qui est d'ailleurs une des sources principales de Jean Lopez en ce qui concerne la vision qu'a celui-ci de l'art de la guerre allemand, en particulier), ne considère pas, ainsi, l'art de la guerre allemand ou soviétique comme un bloc monolithique ou intangible, ou bien que les deux nations sont séparées par un gouffre doctrinal infranchissable. Bien au contraire : en montrant les sources d'inspiration communes, elle permet au lecteur d'être plus nuancé, d'éviter les raccourcis, les simplifications, quant à la comparaison entre arts de la guerre allemand et soviétique, où les passerelles et les points communs sont en réalité nombreux, peut-être plus que les différences. Une lecture séminale pour mieux comprendre les deux adversaires de la guerre à l'est pendant la Seconde Guerre mondiale.