La 4th Armored Division reste l'une des unités les plus connues de la 3rd US Army de Patton pendant la campagne d'Europe de l'ouest en 1944-1945. C'est notamment elle qui conduit le mouvement de Blood and Guts pour secourir Bastogne et les paras de la 101st Airborne Division assiégée. Nat Frankel a servi dans les chars du35th Tank Battalion de la 4th Armored Division. Trente ans après le conflit, il livre ses impressions sur son parcours au sein de cette division mythique à Larry Smith. On a donc à faire à un témoignage écrit bien après les faits, basé à la fois sur des souvenirs vivaces et des lectures et discussions avec d'autres vétérans de la division ou acteurs de l'époque.
Frankel est un Juif mais cela ne l'empêche pas d'aduler Patton, bien connu pour son penchant antisémite. Il ouvre le livre sur la terreur qu'inspire aux Allemands le surnom de la division, les "bouchers de Roosevelt", qui amènent parfois des redditions spontanées. Il faut dire que la propagande allemande a fait croire aux Landsers que cette division blindée avait été recrutée avec des détenus de droit commun, un grand classique ! Frankel relate aussi des combats acharnés et relativement méconnus à partir de la percée américaine de l'opération Cobra : à Rennes, lorsque la 3rd Army fonce sur la Bretagne, et surtout à Troyes, lors de la poursuite, ville qui est défendue par des unités SS.
Si Frankel se montre relativement indulgent avec Patton, il conserve une vision assez traditionnelle pour l'époque de l'adversaire : Rommel est ainsi montré comme le prototype du soldat-chevalier malheureux, antinazi, ainsi que la vulgate du temps de la guerre froide forgée en Occident le présentait. Le tankiste américain raconte aussi les difficultés de sa division lors du franchissement de la Moselle et de la Meuse, avec cette scène pittoresque où son Sherman tire trois obus sur un Tigre I qui rebondissent sur le blindage, le chef de char allemand sortant et passant un mouchoir sur les impacts pour se moquer de ses adversaires américains... de la même manière, Frankel signale les durs combats autour de Metz, véritable bête noire de Patton. Mais la bataille qui l'a particulièrement marquée, c'est celle de Singling, dans la trouée de Belfort.
L'auteur revient aussi sur la percée de la 4th Armored Division en direction de Bastogne, et s'attache en particulier à l'adversaire, la 5. Fallschirmjäger Division, que les tankistes avaient déjà trouvé devant eux au moment de Cobra... lors de l'entrée sur le sol allemand, la Wehrmacht se défend parfois farouchement. A Kreuzberg, elle a même pratiqué la politique de la "terre brûlée" devant l'ennemi... tandis qu'à Worms, Frankel et ses camarades se font d'abord passer pour des Russes afin d'effrayer la population ! La 4th Armored Division découvre ensuite le camp de concentration d'Ohrdruf. On ne peut que rendre justice à Frankel qui consacre un long passage à décrire le raid de la Task ForceBaum, épisode alors peu connu, puisque relativement caché par Patton et les historiens de l'unité, le livre de référence sur le sujet ne paraissant qu'un peu plus tard (recension ici). La cohabitation avec l'Armée Rouge en Tchécoslovaquie n'est pas toujours simple non plus...
Frankel termine son engagement en Europe en travaillant pour l'OSS dans la traque d'anciens nazis, SS, responsables des camps ou cadres importants du parti. L'ouvrage se conclut sur des considérations à propos des officiers généraux ayant commandé la division et sur les hommes de troupe que Frankel a côtoyé pendant son service. Un témoignage de première main, donc, mais écrit longtemps après les faits et qui n'offre qu'une vue partielle et partiale du parcours de la 4th Armored Division : à compléter avec des ouvrages sur l'historique de l'unité.