Depuis
trois décennies, des Turcs participent aux conflits extérieurs
impliquant des combattants étrangers. Ils ont combattu en
Afghanistan (contre les Soviétiques puis les Occidentaux), en Irak,
en Bosnie, et dans le Nord-Caucase, certains ayant même occupé de
hautes fonctions dans les groupes armés. Cevdet Doger, alias Emir
Abdullah Kurd, était le commandant en second des combattants du
Nord-Caucase avant sa mort en mai 2011. En août 2012, un journaliste
turc rapportait la mort de 4 combattants turcs près d'Alep, où
opérait alors au moins 50 hommes de même nationalité1.
Les
djihadistes proposent un large éventail de données en ligne en
langue turque, comme le font les pages Facebook d'al-Nosra ou
de l'EIIL. Des vidéos de combattants turcs, justifiant leur action
et appelant les volontaires au djihad, sont mises en ligne
régulièrement. L'émir Seyfullah, un Tchétchéne qui a vécu en
Turquie et qui dirige une fraction dissidente du groupe Jaysh
al-Muhajirin wa Ansar, groupe désormais rallié à l'EIIL, s'est
directement adressé aux Turcs dans une vidéo datée de juillet
2013. De nombreux combattants du Nord-Caucase vivaient encore en
Turquie ces dernières années. Une vidéo postée également en
juillet 2013 dresse la liste de 27 « martyrs »
turcs tombés en Syrie, la plupart venant de l'est du pays :
Gazianatep, Diyarbakir, Adana. L'âge des martyrs va de 17 ans à des
personnes beaucoup plus âgées.
Ahmet
Zorlu, 30 ans, alias Emir Ahmed Seyyaf, a été tué avec 4 autres
Turcs lors d'une opération à Han el-Asel, près d'Alep. Arrivé en
Syrie quelques mois plus tôt, Zorlu dirigeait vraisemblablement un
groupe composé de combattants turcs. Abdurrahman Koc, originaire de
la province d'Adiyaman, était un homme âgé chef d'une association
religieuse. Il est arrivé en Syrie en janvier 2013 et a été tué
par un sniper lors du siège de la base aérienne de Minagh,
en juillet. Un de ses associés, Yakup Senatas, d'origine kurde, a
également été tué le 25 juillet au même endroit. Metin Ekinci a
été tué un an plus tôt, en juillet 2012, à Alep. Membre d'une
organisation religieuse plutôt modérée, il est surtout le frère
d'Azaz Ekinci, impliqué dans l'attentat contre l'immeuble d'HSBC à
Istanbul le 20 novembre 2003, une des attaques organisées par
al-Qaïda dans la ville qui ont coûté la vie à 57 personnes.
Ahmet Zorlu.-Source : http://3.bp.blogspot.com/-QDrR38zf8Ug/UUZQJfEJpqI/AAAAAAAAL-s/jNJk1PGb8KM/s1600/208698_323349947767433_583799344_n%5B1%5D.jpg |
En
septembre 2013, les services de renseignement turcs estiment que 500
citoyens de leurs pays se battent en Syrie du côté des insurgés.
Des Kurdes turcs ont également rejoint la milice de l'YPG, qui a
adopté jusqu'à la fin 2013 une prudente neutralité, combattant
parfois les rebelles, en particulier des formations djihadistes. A
côté des volontaires pour le djihad, il y a également des
mercenaires qui seraient recrutés pour 1 500 dollars par mois pour
protéger les biens de riches Syriens2.
Selon l'enquête d'un quotidien turc, 200 Turcs au moins auraient été
recrutés dans la ville d'Adiyaman, au sud-est du pays. Le père de
jumeaux explique aux journalistes que le processus de radicalisation
a duré environ un an avant que ses fils ne disparaissent le 2
septembre 2013. Le père part chercher ces deux fils à Alep, croise
de nombreux autres Turcs dans les rangs des insurgés, finit par les
trouver dans un camp d'entraînement mais ne peut les ramener. Le
recrutement s'effectue discrètement en marge des mosquées, pour
éviter la surveillance de la police, qui affirme qu'Urfa et
Diyarbarkir sont d'autres plaques tournantes du djihad. Les Turcs qui
partent pour la Syrie reçoivent une formation militaire accélérée
de 45 jours, selon la police3.
Abu Huseyin, un des recruteurs, se vante d'avoir fait partir des
douzaines de Turcs pour le djihad en Syrie. D'après l'association
islamiste Ozgur-Der, qui opère en Syrie, au moins 50 Turcs étaient
morts en novembre 20134.
1North
Caucasus Caucus, « Turkish Fighters in Syria, Online and
Off », Jihadology.net, 20 août 2013.