De
nombreux commandants du Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP) ont précisé
avoir envoyé des militants en Syrie pour combattre le régime de
Bachar el-Assad1.
Mohammed Amin, le coordinateur du TTP pour la Syrie, a ainsi affirmé
que son organisation avait établi une base en Syrie avec l'aide de
vétérans de l'Afghanistan. Un commandant de rang intermédiaire du
TTP justifie l'envoi de militants par le fait que des chiites
seraient également recrutés par l'Iran au Pakistan pour aller
combattre aux côtés du régime de Bachar el-Assad. Le réseau qui
se charge d'acheminer les volontaires en Syrie est tenu conjointement
par le TTP et par le Laschkar-i-Jangvi (LJ), deux groupes affiliés à
al-Qaïda. Il aurait envoyé de 100 à 150 hommes. Abdul Rashid
Abbasi, un proche du chef du TTP, Hakimullah Mehsud, a précisé que
120 combattants pakistanais se trouvaient en Syrie et qu'ils étaient
sous les ordres du commandement local d'al-Qaïda. Le réseau est
dirigé par Usman Ghani, un ancien commandant du LJ, et Alimullah
Umry, un commandant du TTP de la province de Khyber Pakhtunkhwa.
Selon al-Jazeera, les Pakistanais se trouvent dans la Katibat
Mujahiroon, un groupe djihadiste composé de volontaires étrangers
qui combat à Lattaquié et qui est commandé par un Libyen, Abu
Jaafar il Libi. Le TTP, le LJ et un autre groupe sectaire, le Hafiz
Gul Bahadur, ont envoyé des combattants. Le TTP a également demandé
à ses commandants de Mohmand, Bajaur, Khyber, Orakzai et des agences
tribales du Waziristan de procéder à des recrutements.
Une
première vidéo, le 31 juillet 2013, confirme la présence de
combattants du TTP en Syrie. Elle montre un groupe de 10 à 20
Pakistanais et a été mise en ligne par l'EIIL. En septembre, les
médias annoncent que les corps de 30 Pakistanais ont déjà été
rapatriés au pays, la plupart appartenant au LJ ou à la faction du
Punjab du TTP. Cette participation du TTP à l'insurrection syrienne
ne doit pas surprendre : elle fait partie de la stratégie
d'internationalisation promue par Mehsud, qui veut participer aux
djihads à l'étranger en lien avec al-Qaïda. Il y en a eu d'autres
exemples : en juin 2012, le président du Niger affirmait que
des Afghans et des Pakistanais entraînaient des hommes au nord du
Mali. Au Yémen, des Pakistanais convoyés par al-Qaïda formeraient
des militants aux explosifs, l'un d'entre eux, Ragaa Bin Ali, étant
même tué par un drone américain en 2013. Faisal Shahzad, un jeune
Pakistanais résidant aux Etats-Unis et qui avait tenté de placer
une bombe à Times Square en mai 2010, était lié au TTP.
L'envoi de combattants en Syrie a aussi eu pour effet de raviver les
tensions sectaires au Pakistan entre sunnites et chiites.
En
juillet 2014, Tehreek-e-Khilafat, un groupe responsable d'attentats à
Karachi, a annoncé qu'il se ralliait sous la bannière de l'Etat
Islamique. C'est le premier groupe hors du Moyen-Orient à prendre
cette position, ce qui renforce l'idée de djihad global de l'Etat
Islamique, non son influence régionale, encore limitée. Ce groupe
pakistanais est lié aux talibans du même Etat2.
Il faut rappeler que Zarqawi, qui a dirigé al-Qaïda en Irak, a
séjourné au Pakistan, dans le cadre du djihad afghan, à Hayatabad
(Peshawar), qui est vite devenue l'une des villes phares de
l'organisation. C'est là qu'il s'est radicalisé et qu'il a dirigé
un camp d'entraînement sous la frontière, grâce à l'aide
logistique du mouvement Lashkar-e-Jhangvi (LeJ). Il s'est également
rendu régulièrement à Karachi avant de quitter le Pakistan en
1999. Son attitude très dure à l'égard des chiites se retrouve
d'ailleurs au sein des mouvements radicaux sunnites pakistanais qui
s'en prennent particulièrement à cette communauté3.
1Zia
Ur Rehman, « Pakistani Fighters Joining the War in Syria »,
CTC Sentinel, Volume 6 Issue 9, septembre 2013, p.9-11.