Pierre Miquel, historien disparu en 2007, était devenu à partir des années 70 un des spécialistes de la Première Guerre mondiale en France : auteur prolifique, il lui avait consacré quantité d'ouvrages. Historien vulgarisateur, qui était apparu dans de nombreux documentaires et à la télévision de manière générale, d'aucuns le comparent à Michelet dans son souci de défendre les valeurs républicaines et de dresser, à travers la Première Guerre mondiale, une fresque de la France.
Ce livre, sur les poilus de la Grande Guerre, est paru en 2000. Dans une longue introduction, Pierre Miquel fait la continuité entre la Première Guerre mondiale et la Seconde, où certains poilus ont combattu de nouveau... il crée aussi un parallèle entre l'occupation des territoires russes à l'est par l'armée allemande jusqu'en 1918 et ce qui se passera, plus tard, au moment de Barbarossa : il y trouve des similitudes. Il rappelle également le soutien de l'armée et de la grande industrie à la montée du nazisme. Pour Pierre Miquel, ces deux guerres mondiales ne sont finalement qu'une "guerre de trente ans". Pour l'historien, la guerre devient moderne dès 1914, les poilus n'apparaissant que plus tard, en 1915. On s'étonne de la citation d'un ouvrage d'Ernst Nolte en note de bas de page...
Pour le reste, on a là un ouvrage bâti à coups de témoignages et de descriptions du quotidien des soldats français, ainsi qu'allemands, dans une moindre mesure, pendant les quatre années de guerre. Toutes les opérations sont passées en revue, avec force détails de la part des combattants. Dans la lignée de ses ouvrages précédents, Pierre Miquel pointe les erreurs du commandement -tous les grands chefs y passent : Joffre, Pétain, Foch...-, la supériorité de l'artillerie lourde allemande au début du conflit, la meilleure utilisation des mitrailleuses, les tranchées ou ouvrages allemands plus solides... et l'incroyable gâchis en vies humaines par des offensives stériles et incroyablement coûteuses. Pour autant, cette description manque parfois de recul et d'analyse : on ne s'élève que trop rarement au-dessus du simple récit. En outre, Pierre Miquel ne fait que mentionner les combattants des Dardanelles et du front d'Orient, et s'intéresse essentiellement aux combats au sol, pas à ceux dans les airs ou des blindés, par exemple. Tout cela laisse un goût d'inachevé et la lecture devient rapidement fastidieuse, au gré des attaques successives et des massacres qui vont avec.
Si l'on ajoute au fil du texte une note renvoyant vers un ouvrage de Jean Mabire (sic), des cartes placées en fin d'ouvrage et donc de peu d'utilité pour se repérer dans la lecture, et une bibliographie assez datée, on comprendra que ce livre peut constituer une bonne introduction, mais qu'il est à compléter par d'autres lectures plus savantes.