Suite de la recension d'anciens numéros de 2ème Guerre Mondiale avec le n°42 (encore merci à Nicolas Pontic). Dans l'éditorial, le rédacteur-en-chef reconnaît avec beaucoup de lucidité les problèmes posés par la concurrence et les attentes du lectorat et évoque un changement de formule (passage au trimestriel, plus de diversité, approche moins centrée "histoire militaire"), dans la lignée du précédent.
Dans la rubrique des recensions, on trouvera une interview de Christophe Prime qui sortait alors son ouvrage sur Omaha Beach, dans la collection L'histoire en batailles de Tallandier, que j'avais commenté ici.
- François Kersaudy signe un volet de la chronique Ecrire l'histoire, intitulé "La guerre dans un fauteuil", où il met en garde l'historien contre toute une série de travers : "politiquement correct, théorie du complot, autoflagellation, devoir de mémoire, guerre des zéro morts, négationnisme, ultrarévisionnisme et académisme". J'avoue être un peu dubitatif devant la teneur du propos... chacun son opinion.
- Philippe Listemann signe un bon article sur l'expérience des B-17 dans la RAF avant l'entrée en guerre des Etats-Unis. La conclusion est que les Anglais perçoivent déjà les limites du bombardement stratégique diurne, mais que les Américains n'en tiendront pas compte pour autant... tout comme les Allemands.
- fiche Uniformes ensuite sur un membre d'équipage de bombardier britannique, pour coller au sujet.
- le dossier est intitulé "La France pouvait-elle gagner la guerre en 1940 ?" et il est de... Dominique Lormier. Le premier article tente de démontrer que le matériel et l'armement des Français étaient adaptés à une doctrine défensive. Pour l'auteur, les défaillances de l'armée française sont surtout dues au commandement, qui a utilisé ses forces à contre-emploi... mais il a aussi le don de transformer les défauts des matériels français en qualités (absence de radio dans les chars, autonomie réduite, etc). La faiblesse de la démonstration tient à ce que l'on peut retourner les arguments dans l'autre sens. Dominique Lormier cherche ensuite à montrer comment l'opération Dyle-Breda aurait pu réussir, si le commandement français avait engagé ses moyens de manière proportionnée... mais c'est oublier que ce même commandement français est totalement surclassé au niveau opératif et même stratégique. L'auteur assène alors son arme favorite, les succès tactiques de l'armée française contre la Wehrmacht : Hannut/Gembloux, Stonne (cf la recension de son ouvrage ici), la Somme et l'Aisne... des succès, certes, mais qui ne changent rien au déroulement global des opérations. A lire Dominique Lormier, on a l'impression que seul le commandement a failli. A rebours, on tombe dans l'excès inverse de celui qui consiste à ne voir la performance française de 40 que sous un angle calamiteux : ici, on est clairement dans le révisionnisme historique, au sens de ce que François Kersaudy conseillait d'éviter plus haut. Lormier conclut d'ailleurs le dossier par la possibilité de poursuivre la guerre en Afrique du Nord -hypothèse que certains historiens et autres spécialistes, dont Jacques Sapir, ont développé dans un livre uchronique... et l'auteur d'insister sur le rôle de l'armée française qui sauve les Britanniques à Dunkerque. On appréciera aussi les sources, "archives militaires françaises (...) allemandes (...) britanniques" et... des ouvrages de Dominique Lormier. Bref, on l'aura compris, l'outrance même du propos le dessert. Réhabiliter l'armée française de 1940, oui, mais pas n'importe comment.
- David Zambon fournit une fiche sur le Prince Noir, Junio Valeri Borghese. Toujours intéressantes et bien conçues, ces fiches, avec leurs encadrés sur le côté.
- le même auteur produit ensuite ce qu'on pourrait appeler l'antithèse du dossier de Dominique Lormier : un article sur les combats de 1940 à Boulogne-sur-Mer, sous-titré avec intelligence "Comme un coup d'épée dans l'eau". Je dis antithèse parce que David Zambon montre à la fois comment les Alliés ont pu mener une défense efficace, cependant entravée par des lacunes et autres faiblesses du moment, tout en mesurant combien l'impact de la bataille est limité et combien la défense souffre du manque de coordination franco-britannique et de la panique provoquée par la vitesse d'exécution de l'armée allemande. Avec des encadrés utiles sur des points particuliers (en revanche je suis un peu surpris que l'OCM soit qualifiée p.74 "d'apolitique" ?).
- le numéro se termine sur une fiche Uniformes représentant un sous-lieutenant d'artillerie hippomobile.
Au final, l'intention affirmée dans l'éditorial est là, si l'on enlève le dossier de Dominique Lormier, le reste y colle de près.