J'avais déjà eu l'occasion de présenter la collection de poche des éditions du CNRS, Biblis. Le numéro 28 est signé Pierre Maraval, professeur émérite d'histoire des religions à Paris IV-Sorbonne, spécialiste du christianisme ancien et de l'Antiquité Tardive. On lui doit déjà des biographies de Constantin (2011) et de Théodose (2009).
Le plan de l'ouvrage déroute un peu car il n'y a pas d'introduction : Pierre Maraval attaque de but en blanc son sujet, en posant le cadre de l'Empire romain d'Orient (géographique, politique, administratif...), les acteurs (Justin, Justinien, Théodora), avant de passer au règne à proprement parler, mais sous l'angle thématique : la loi et l'ordre, les guerres de reconquête, les guerres défensives, les problèmes sociaux et économiques, la politique religieuse. Ce que chaque chapitre gagne en cohérence thématique, l'ouvrage y perd en cohérence chronologique car il est difficile, en fait, de suivre exactement le règne de Justinien et ses grandes étapes au fil des pages. On revient en arrière ou on saute dans le temps fréquemment. En outre, ce choix fait que le tout manque de contextualisation : on a du mal à saisir tous les tenants et aboutissants de l'arrivée au pouvoir de Justin, l'oncle de Justinien, de même que les origines, assez anciennes, du conflit entre chalcédoniens et monophysites, par exemple.
L'idée phare de Maraval, qui est reprise dans la conclusion, c'est que l'Empire romain d'Orient était loin d'être un monde sur le déclin ou en décadence, selon la vue classique, comme le montre les entreprises de reconquête en Occident, l'oeuvre juridique, les réalisations artistiques ou culturelles, et la richesse de l'Empire. Mais le règne de Justinien n'a pas réussi, selon lui, à réduire l'écart social entre la poignée de puissants et les humiliores ; les guerres de reconquête, à contre-courant, ont été coûteuses, et ont empêché de protéger efficacement la partie la plus riche de l'Empire, l'Orient, en particulier contre les invasions perses. Pour Pierre Maraval, l'un des changements les plus importants est la disparition progressive du cadre urbain antique. Dans un monde qui devient chrétien, les églises, les hospices, les monastères deviennent plus importants que les monuments de la cité. Le règne de Justinien marque donc bien, selon lui, la fin de l'Antiquité en Orient.
Dans un appendice ajouté au livre d'origine (un Que-Sais-Je paru en 1999), Maraval présente en détail le travail d'une historienne allemande paru en 2003 sur le même sujet : mais celle-ci fait une histoire des mentalités à partir du règne de Justinien. L'idée est que le règne de Justinien marque, là aussi, une coupure avec l'Antiquité, notamment après 540, et qu'on ne peut le voir comme un ensemble continu (il règne de 527 à 565). Ce qui est un peu étrange, c'est que Pierre Maraval semble souscrire à cette hypothèse mais le plan de son ouvrage ne le reflète pas vraiment. La bibliographie suit (en revanche, une seule carte au début, ce qui est un peu court).
On a donc entre les mains, au final, un ouvrage d'introduction au sujet (c'est le rôle d'un Que-Sais-Je ?), mais sur l'interprétation du règne et les hypothèses, on reste un peu sur sa faim.