Voici le supplément pour l'article sur Khalkhin-Gol paru dans le n°48 de 2ème Guerre Mondiale. J'avais prévu initialement de travailler directement à partir d'ouvrages russes mais faute de temps, je m'inspire d'un petit article russe traduit en anglais... bonne lecture quand même !
Nous
revenons ici sur l'un des moments importants de la bataille, au début
juillet 1939. Les Japonais ont rassemblé 3 régiments de leur 23ème
division d'infanterie, une division de cavalerie du Mandchoukouo, 2
régiments de chars et un régiment d'artillerie. Le plan japonais
prévoit une attaque en pinces : une partie des forces
japonaises, menée par Kobayashi, doit traverser la rivière
Khalkhin-Gol au nord des défenses principales de l'Armée Rouge de
façon à tomber sur les arrières de celles-ci. Parallèlement, une
attaque frontale fixera les défenseurs de la tête de pont
soviétique de l'autre côté de la rivière. Cette diversion en
forme d'attaque brusquée doit attirer les réserves de l'Armée
Rouge et favoriser la manoeuvre de contournement de l'autre pince.
L'attaque
fronale commence le 2 juillet 1939, à 11h00. Elle est prise sous un
violent feu d'artillerie des Soviétiques. Le 3 juillet, les Japonais
lancent à nouveau plusieurs assauts. Joukov, conscient de la menace
sur sa tête de pont, choisit de contre-attaquer en flanquant
l'adversaire. Dans la nuit du 3 juillet, la 11ème brigade de chars
légers, la 7ème brigade mécanisée et des unités de cavalerie
mongole se mettent en mouvement. A 3h15, le 4 juillet, le détachement
Kobayashi franchit la rivière Khalkhin-Gol et défait un détachement
de cavalerie mongole en poussant vers la colline Baintsagan, qui
domine le site de franchissement. Il repousse une contre-attaque avec
l'aide de l'aviation. A 6h00, deux bataillons japonais sont déjà en
marche vers le sud pour prendre à revers la tête de pont
soviétique. Mais à 7h00, les Japonais butent dans la 7ème brigade
mécanisée en cours de déploiement : les Soviétiques savent
donc désormais à quoi s'en tenir.
Joukov
ne perd pas une minute et décide d'éliminer la tête de pont
japonaise installée pendant la nuit. La tâche revient à la 11ème
brigade de chars légers de Yakovlev, qui devait initialement
elle-même passer la rivière plus au nord que les Japonais. La
brigade est redirigée vars la tête de pont nipponne et les trois
bataillons de chars attaquent finalement de trois directions
différentes. A 9h00, la compagnie de tête du 2ème bataillon, avec
15 chars BT et 9 véhicules blindés, engage les Japonais. Elle
submerge le bataillon qui se trouve le plus au sud et son artillerie
tractée, avant de buter sur le 71ème régiment d'infanterie qui
s'est retranché sur les pentes de la colline Baintsagan.
L'assaut
général commence à 10h45, même si le 24ème régiment mécanisé
n'est pas en place à temps. Joukov lance délibérément chars et
véhicules blindés sans soutien d'infanterie contre les fantassins
nippons. La bataille dure quatre heures. Le 2ème bataillon, qui
attaque les Japonais par le sud avec 53 BT-5, affronte des soldats
armés de cocktails Molotov et de mines antichars fixées au bout de
bâtons improvisés. 3 chars et 2 véhicules blindés sont touchés,
ceux-ci ainsi qu'un char pouvant être tractés vers l'arrière. Au
matin du 4 juillet, les Japonais tentent une contre-attaque. Après
un pilonnage effectué par des bombardiers et trois heures de
préparation d'artillerie, ils s'élancent à l'assaut mais les cinq
attaques de la journée sont repoussées avec de lourdes pertes. A
19h00, ce sont les Soviétiques et les Mongols qui repartent à
l'attaque. Les Japonais ne peuvent tenir leurs positions et
retraitent vers le ferry sous couvert de la nuit. Les 1er et 2ème
bataillons de chars de la 11ème brigade soviétique approchent du
site et le prennent sous leur feu. Pour éviter la destruction
complète de leur détachement, les Japonais font sauter le ferry,
isolant les hommes qui n'ont pas encore traversé sur l'autre rive.
Ceux-ci sont éliminés par les Soviétiques, mais les chars ne
peuvent pas, du coup, anéantir complètement les forces adverses.
Au
matin du 5 juillet, le lieutenant Vasilyev mène 4 chars BT contre 11
chars japonais : les BT détruisent 4 chars adverses, sans
perte. Vasilyev est fait Héros de l'Union Soviétique. La 11ème
brigade a perdu 77 chars sur les 133 engagés, dont 51
définitivement. Les pertes humaines sont légères : 12 tués
et 9 blessés au 2ème bataillon, 10 morts et 23 disparus au 3ème
bataillon. De nombreux chars sont également réparés et au 20
juillet, la 11ème brigade aligne déjà 125 véhicules. Les pertes
sont essentiellement dues aux canons antichars japonais, qui portent
des coups mortels au faible blindage des BT.
Les
Japonais eux aussi ont grandement souffert. Face à la tête de pont
soviétique, lors de l'attaque frontale, le 3 juillet, 41 chars sur
73 ont été mis hors de combat, dont 18 irrécupérables. Les
régiments de chars japonais, saignés à blanc, sont retirés de la
bataille dès le 9 juillet. Joukov a sacrifié volontairement
plusieurs dizaines de chars BT pour contrer un encerclement possible
de la tête de pont soviétique au-delà de la rivière Khalkin-Gol :
une leçon que d'autres officiers soviétiques n'appliqueront pas en
Carélie, un peu plus tard, contre les Finlandais. Les Japonais
laissent dans l'affaire, en 24 heures, 800 tués et blessés soit 10%
de leur effectif. Pendant la campagne de Khalkhin-Gol, 33 tankistes
sont faits Héros de l'Union Soviétique : 27 appartiennent à
la 11ème brigade.
Pour
en savoir plus :
Andry
KRAVCHENKO, « Khalkhyn-Gol 1939: Cost of Victory. The
counterattack of 11th Light Tank Brigade », The Russian
Battlefield, 3 janvier 2010, mis à jour le 19 septembre 2011.