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Supplément gratuit : le témoignage de Vladimir Splinter, officier de reconnaissance soviétique en Prusse-Orientale (Ligne de front n°43)

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Je commence cette semaine à proposer les suppléments gratuits manquants pour les articles récemment parus. Voici le premier, qui complète l'article paru dans le n°43 de Ligne de front sur la conquête de la Prusse-Orientale : le témoignage d'un ancien officier des éclaireurs soviétiques, qui a servi dans cette campagne.


Vladimir Spindler, étudiant au déclenchement de Barbarossa, s'enrôle fin 1941 dans l'Armée Rouge. En février 1942, il est sur le front du Volkhov, près de Léningrad, au sein de la 286ème division de fusiliers. Spindler devient rapidement chef d'escouade et, de fait, commandant de la section de reconnaissance : il acquiert son expérience « sur le tas ». En septembre 1942, il accomplit avec son groupe une mission particulèrement périlleuse en vue de l'offensive de Siniavino, devant Léningrad. Devenu lieutenant au 1er janvier 1943, Spindler rejoint la 73ème brigade de fusiliers marins. Il participe à l'offensive pour lever le blocus de Léningrad ce même mois. La brigade est disssoute en septembre et Spindler reversé dans l'infanterie : il rejoint le 406ème régiment de la 124ème division de fusiliers. Il raconte avec émotion comment ses hommes viennent à bout d'un char Tigre, repéré grâce à une interception radio, mais que les Allemands parviennent à tracter vers leurs arrières. En prévision de l'offensive pour dégager Léningrad, en janvier 1944, Spindler mène un groupe de 20 hommes et surprend un observateur allemand isolé dans sa tranchée, ramené prisonnier. Il est décoré pour une autre mission du même genre, menée le 19 janvier, de l'ordre de l'Etoile Rouge. Blessé, il refuse de quitter le front. Rattachée à la 59ème armée, la 124ème division de fusiliers à laquelle appartient Spindler mène de durs combats en juillet 1944 pour s'emparer des îles de la baie de Vyborg. La division perd plus de 1 000 hommes et elle est mise au repos près de Vybord fin juillet. Devenu capitaine, Spindler commande la reconnaissance du 406ème régiment de fusiliers. Son unité entre en Prusse Orientale.

" Aussitôt que nous nous trouvons en territoire ennemi, nous souhaitons prendre notre revanche pour les destructions, pillages et autres incendies de villages réalisés par les Allemands. Nous recevons ensuite l'ordre de bien nous comporter avec la population et de respecter les biens matériels. Nous ne réglons pas nos comptes avec les prisonniers de guerre ou les civils.



En Prusse-Orientale, je parviens à monter et à réaliser une mission de reconnaissance pour ramener une « langue ». Pas très loin derrière notre première ligne de défense, il y a un grand moulin. Je grimpe dessus et, à travers une fente, j'ai une vue parfaite sur la tranchée ennemie. Un endroit attire mon attention : il y a un abri à côté d'un emplacement d'arme lourde. Je reçois l'ordre de faire un prisonnier. J'envoie chercher le commandant de la section de mortiers : en regardant par la fente, il peut ainsi régler le tir de ses tubes sur des cibles pré-sélectionnées. Pour ne pas révéler nos intentions, nous rusons. Nous tirons d'abord 5 obus au même en droit dans la tranchée allemande, puis un obus sur l'objectif, enfin d'autres obus sur un autre endroit de la tranchée. Nous répétons ce tir « désorganisé » deux fois. Pendant la répétition, j'observe sur ma montre qu'il s'écoule 60 secondes environ entre le départ des coups de mortiers et l'explosion. Un long tir de mitrailleuses doit constituer le signal pour le barrage de mortiers.



J'inclus dans mon groupe un fantassin avec une mitrailleuse légère et, de nuit, nous nous engageons dans le no-man's-land. Je préviens tout le monde qu'après avoir pénétré dans la tranchée allemande, nous aurons 40 secondes pour accomplir la mission, car des obus de mortiers amis tomberont sur la position. 40 secondes et pas une de plus, « langue » ou pas ! Juste avant l'aube, nous approchons de l'objectif. J'ordonne au fantassin de tirer une longue rafale avec sa mitrailleuse légère. Celui-ci expédie un chargeur circulaire complet pour faire sortir les Allemands de leur abri. Mes hommes ne perdent pas de temps : ils tombent dans la tranchée, attrapent un Allemand et repartent aussitôt. Ensuite, le silence à nouveau. Nous délivrons le prisonnier sans pertes. Quand les Allemands à moitié réveillés se tiennent enfin dans leurs tranchées, ils reçoivent les obus de mortiers sur la tête. On pense qu'une section a été anéantie. En représailles, les Allemands bombardent notre première ligne et visent également le moulin, se doutant d'où le coup est venu. Il est cependant trop tard car tous nos hommes sont abrités. Il y a deux vélos appuyés contre le moulin. Par signes, je demande au prisonnier s'il sait pédaler et il me répond que oui : je lui intime l'ordre de me suivre en vélo en montrant mon pistolet pour bien lui faire comprendre qu'il ne doit pas songer à autre chose. Je l'emmène au QG du régiment où l'on me demande ce qui est arrivé à ma section et pourquoi l'artillerie allemande a tiré...



Un autre épisode se déroule près de la ville de Goldap, alors que les Allemands sont en pleine retraite. Notre groupe de reconnaissance patrouille dans les forêts à la recherche de détachements ennemis. Soudain, je vois un grand groupe de soldats allemands venir vers nous de l'extrêmité d'une autre forêt, les mains en l'air, prononçant un mot dans une langue incompréhensible qui ressemble à « Bologne ». Ils sont apparemment très heureux de se constituer prisonniers et nous offre même leurs montres et autres objets, que pour ma part je refuse. Nous les forçons à se coucher et par radio, je préviens le QG que j'ai capturé une centaine d'Italiens. J'expédie deux de mes hommes avec les prisonniers au QG. Une heure se passe et le QG me répond par radio : « Qu'avez-vous fait des 7 Italiens ? » ; je ne comprend pas la question et réponds : « Comment ça, sept ? ». Le QG répond : « Vous avez dit avoir capturé 100 Italiens. Or, après recomptage, il n'y en a que 93. Donc je redemande : qu'avez-vous fait des 7 Italiens ? ». Je réponds : « Qui les a comptés ? J'ai simplement indiqué leur capture et je vous les ai envoyés ! » . Le QG répond : « Eh bien, vous ne les avez pas comptés, mais vous avez donné le nombre 100. Ce nombre a déjà été rapporté au commandant suprême. Où allons-nous pouvoir trouver 7 Italiens maintenant ? ». Cet événement tragi-comique s'arrête finalement là..." .



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