Quantcast
Channel: Historicoblog (3)
Viewing all articles
Browse latest Browse all 1172

Jacques DUQUESNE, Jean Bart, Paris, Seuil, 1992, 318 p.

$
0
0
La figure de Jean Bart reste pour moi associée à une des lectures de mon enfance, L'histoire de France en bande dessinée, qui mettait en scène les exploits du corsaire de Louis XIV. Cependant, le personnage n'a pas fait l'objet d'une abondante littérature. Les biographies sont rares et probablement inégales. Celle de Jacques Duquesne, journaliste et écrivain, parue au Seuil en 1992, si elle n'est pas dépourvue de défauts, a le mérite de constituer une bonne entrée en matière.

Jean Bart naît en 1650 dans la ville de Dunkerque, alors possession espagnole. A l'âge de 8 ans, il assiste de loin à la bataille des Dunes Turenne défait l'armée ibérique renforcée par Condé, le frondeur. Dunkerque est libérée, mais pas encore française. Jusqu'en 1662, elle accueille d'abord une garnison anglaise laissée là par Cromwell : finalement, Charles II rétabli roi d'Angleterre vend tout  simplement la place à Louis XIV. La même année, Jean Bart fait ses premières armes de marin comme mousse sur le Cochon-Gras, une grosse barque de contrebandiers.



 

En 1666, comme c'est la coutume à l'époque en temps de paix, Jean Bart s'engage dans la flotte hollandaise, alliée de la France, de l'amiral De Ruyter, qui combat une Angleterre qui commence alors à vouloir dominer les mers. Bart y connaît son baptême du feu, dont il ne voit pas grand chose, puisqu'il sert sur la première batterie au pont le plus bas. En 1672, quand Louis XIV se retourne contre la Hollande, Jean Bart revient à Dunkerque. Contre son ancien employeur, il a déjà en tête d'utiliser la course plutôt que la guerre d'escadre. Dès 1673, il s'empare de ses premières flûtes. L'année suivante, il devient officiellement corsaire du roi. A l'époque, cette véritable guerre économique qu'est la course relève d'abord de l'entreprise privée, non de l'acte étatique. Bientôt, Jean Bart monte une frégate, la Royale, avec laquelle il continue de faire des prises. Dans les corps-à-corps, il est souvent au premier rang, n'hésitant à affronter en duel et à tuer le capitaine adverse si nécessaire.

Marié, Jean Bart passe, après quelques déboires avec la Royale, sur une autre frégate, La Palme, avec laquelle il capture 16 bâtiments rien qu'en 1676. Sur terre, la guerre s'enlise. Si Colbert accélère la construction des bâtiments de course selon les techniques en vigueur à Dunkerque, renommées, il hésite encore à former de véritables escadres de corsaires. Il faut dire que la Hollande est une grande puissance : le commerce, la finance et un régime libéral, malgré des dissensions internes, font toute sa force. A bord d'une nouvelle frégate, Le Dauphin, Jean Bart livre en mars 1678 l'un de ses plus rudes combats contre un navire de guerre hollandais : il est blessé pendant l'abordage. La guerre se termine : Louis XIV est venu à bout d'une coalition dressée contre lui. Les corsaires dunkerquois n'ont pas peu contribué au succès : Jean Bart lui seul réclame 81 prises !

Vauban profite de la paix pour désensabler le port de Dunkerque et la fortifier après avoir construit ses défenses vers l'intérieur. Bart, nommé lieutenant de vaisseau en 1679, s'ennuie, d'autant qu'il a perdu son épouse et l'un de ses camarades corsaires. Heureusement, Seignelay le nomme capitaine de frégate légère. La guerre se prépare en effet, Jacques II étant bientôt chassé d'Angleterre par Guillaume d'Orange. Or Louis XIV soutient le roi déchu. Au début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, grâce aux efforts de Colbert et de Seignelay, la marine de guerre française est puissante, une construction qui ne s'est pas faite sans mal, mais avec l'accord du souverain.

Jean Bart par en course sur la Railleuse, avec son fils...qu'il fait bien vite descendre à terre après un abordage violent qui se termine à nouveau au corps-à-corps. Il escorte entre Le Havre et Brest un convoi de 20 navires, renforcé par le chevalier de Forbin et son bâtiment. Interceptés par deux vaisseaux anglais, les deux corsaires français, après un combat inégal mené jusqu'à la dernière extrêmité, sont capturés. Ils parviennent cependant à s'évader d'Angleterre assez facilement, bien que Forbin, Provençal tonitruant, en rajoute pour la forme dans ses mémoires. Fin 1689, Jean Bart se remarie, entre dans la bonne société dunkerquoise, participe à une confrérie. Il souhaite bloquer les côtes hollandaises et anglaises par une guerre de course et mener des raids, imitant De Ruyter dans la Tamise en 1667.

En 1690, l'amiral de Tourville remporte une victoire contre la flotte anglaise à Bévéziers. Mais après la mort de Seignelay, la marine française commence son déclin. Elle abandonne la Manche à l'adversaire. Jean Bart réussit enfin à former, en 1691, son escadre de corsaires. Il faut cependant sortir de Dunkerque, environnée de navires adverses. Il attaque les côtes anglaises. A son retour, victime de calmonies, jalousé par Forbin, il se rend pour la première fois à Versailles pour plaider sa cause et gagne la confiance du roi. Mais le 29 mai 1692, la flotte française sous les ordres de Tourville est battue à La Hougue. Ce ne sont pas tant les pertes matérielles que l'effet moral qui y est important : les Français se découragent de combattre sur mer, en guerre d'escadre, et ne maintiennent que la course, abandonnant les flots aux navires de ligne anglais.

Jean Bart, lui, convoie les partisans de Jacques II en Irlande pour provoquer un soulèvement. La famine de 1693-1694 met la France en difficulté. Tourville parvient heureusement à s'emparer d'un important convoi près de Lagos. Jean Bart aussi. Mais son coup de maître survient en juin 1694 : avec son escadre de six bâtiments corsaires, il intercepte au Texel un convoi de blé hollandais de 30 navires. Il défait l'escorte à l'abordage et ramène les marchands à Dunkerque. La France respire. Jean Bart envoie son fils faire le récit de la bataille à Louis XIV, qui lui confère la noblesse. Mais un autre danger menace : les Anglo-Hollandais s'attaquent successivement à tous les ports français. Saint-Malo, Brest, Dieppe et maintenant Dunkerque.

Le blocus commence en septembre 1694, ce qui n'empêche pas Jean Bart de se faufiler à l'extérieur. Après des tentatives infructueuses, les assiégeants lèvent le blocus en août 1695. Jean Bart fait un autre voyage pour transporter des jacobites, à nouveau en vain. Peu après, il doit incendier un convoi capturé au Dogger Bank sous la menace de bâtiments de guerre ennemis. Jean Bart est pourtant nommé chef d'escadre en 1697. Bientôt, il convoie le prince de Conti dont Louis XIV espère qu'il sera nommé roi de Pologne. A nouveau c'est la désillusion. Au retour à Dunkerque, le corsaire français apprend que la paix de Ryswick a mis fin au conflit. Jean Bart a pris au cours du conflit 14 navires de guerre, en a détruit 16 ; il a capturé 50 navires marchands, en a brûlé 62 et rançonné 18.

A terre, nommé commandant de la marine de Dunkerque en 1699, Jean Bart se morfond à nouveau. Les relations avec l'intendant son exécrables. Mais voilà que le problème de la succession d'Espagne amène à nouveau la guerre. Jean Bart inspecte Le Fendant, son nouveau bâtiment, le plus imposant qu'il ait commandé, 70 canons. Lors d'une visite, le 11 avril 1702, il prend froid. C'est probablement une pneumonie qui le terrasse le 27 avril. Si Cassard ou Duguay-Trouin prennent la suite de Jean Bart dans la course, la marine de guerre française a abandonné le terrain à l'Anglais. D'ailleurs, à la fin de la guerre de Succession d'Espagne, l'Angleterre obtient le démantèlement des fortifications de Dunkerque. Colbert et Louis XIV ont cherché à briser les Provinces-Unies puis l'Angleterre, Amsterdam puis Londres devenant les villes phares d'Europe. Pour ce faire, ils ont fini par institutionnaliser la guerre de course : un processus où Jean Bart a joué les premiers rôles. Il est aussi, à sa façon, le symbole d'une certaine mobilité sociale sous l'Ancien Régime.

Si le livre est bien écrit et comprend une bibliographie indicative (à actualiser), on peut toutefois regretter, en raison du sujet, l'absence complète d'illustrations et surtout de cartes. Difficile de se faire une idée des types de bâtiments ou des manoeuvres sur mer ! 

Viewing all articles
Browse latest Browse all 1172

Trending Articles