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Tactiques militaires de l'EI-Synthèse 6

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Cette synthèse n°6 confronte les informations recueillies avec le questionnaire sur les vidéos 26, 27, 28, 29 et 30 et dont les analyses ont été mises en ligne sur le blog.

Pour la première fois depuis que j'ai commencé à analyser les vidéos de propagande militaire de l'EI avec le questionnaire (début de l'année 2016), c'est le théâtre syrien qui domine dans l'échantillon et non plus l'Irak. Nous avons ici une vidéo de la wilayat al-Khayr (Deir-es-Zor), ainsi qu'une deuxième de la même wilayat qui reprend pour partie probablement des images des opérations de la première, et une vidéo de la wilayat Homs. La première vidéo montre les opérations tout autour de la poche du régime centrée sur l'aéroport militaire. La vidéo de Homs concerne les combats à Huwaysis et sur le champ gazier d'al-Shaer. En Irak, ce sont les wilayat Salahuddine et Ninive qui fournissent les 2 vidéos de l'échantillon. La vidéo de Salahuddine montre les opérations autour de Baiji. Il est vraisembable que la propagande de l'EI ait choisi délibérément de mettre l'accent sur ses opérations en Syrie, car la situation en Irak est moins bonne. La ville de Falloujah a été reconquise le 28 juin. Quelques jours plus tôt, l'EI était chassé des monts Makhoul, au nord/nord-est de Baiji, où le groupe avait maintenu une présence depuis la chute de la ville en octobre 2015, fournissant de nombreuses vidéos de propagande militaire à la wilayat Dijlah. En recul en Irak, l'EI conserve pourtant des capacités sur le théâtre syrien, où les choses semblent plus équilibrées, comme le montre cet échantillon.

Position prise à une unité de la mobilisation populaire-wilayat Salahuddine.


Celui-ci conserve encore un grand écart entre les opérations montrées et le moment de la mise en ligne sur Internet. Un bon mois sépare les opérations de la vidéo d'al-Khayr, d'avril à fin mai, de la publication. Pour Homs, il y a deux mois de distance (!) entre l'attaque à Huwaysis et sur le champ gazier d'al-Shaer, début mai 2016, et la mise en ligne de la vidéo début juillet. Il n'y a pas de recoupement pour les 3 autres vidéos mais on peut estimer que la durée moyenne de 3 semaines/1 mois de décalage est respectée. Cet aspect nous confirme si besoin l'était que ces vidéos sont toujours des montages de propagande, savamment mis en scène et qu'il faut donc prendre ces documents avec précaution, en multipliant les recoupements et visionnages pour ne rien manquer d'important.



Les types de vidéos sont variés mais reflète davantage ici la séparation entre théâtres irakien et syrien. La première vidéo d'al-Khayr montre les offensives tous azimuts de l'EI autour de la poche de Deir-es-Zor : les moyens engagés sont conséquents et c'est la dimension conventionnelle des forces militaires du groupe qui ressort ici. A Salahuddine au contraire, l'EI montre davantage des tactiques de guérilla (même si la dimension conventionnelle reste présente avec la colonne mécanisée). Même situation à Ninive où l'EI met en oeuvre des opérations de harcèlement. Pour Homs en revanche, on retrouve une dimension nettement plus conventionnelle : engagement de blindés, d'un canon, de nombreux véhicules et d'une infanterie conséquente. L'EI est donc capable d'adapter ses opérations militaires au théâtre, alors même qu'il est sur la défensive en Irak et parfois au contraire à l'offensive en Syrie.


Escouade de combattants, avec M-16, SVD Dragunov et fusil improvisé de sniping-wilayat Ninive.

L'EI affronte toujours des adversaires de nature différente, ce qui explique aussi sans doute les différences relevées à propos des tactiques employées. A Deir-es-Zor, il fait face au régime syrien, certes appuyé par son aviation et des combattants étrangers, mais avec lequel l'EI peut se permettre un affrontement quasi conventionnel, presque à armes égales (sauf sur certains points). A Salahuddine, le raid mécanisé vise des unités de la mobilisation populaire chiite irakienne, cible plus facile, de même que la police irakienne, mais cette dernière tout comme l'armée est appuyée par des moyens aériens (ici hélicoptère de combat Mi-35) et l'EI est obligé d'en tenir compte. Même constat contre les peshmergasà Ninive qui bénéficient d'un soutien aérien rapproché efficace que l'EI peine d'ailleurs à masquer dans sa vidéo.


Hélicoptère de combat Mi-35 de l'aviation irakienne-wilayat Salahuddine.



Les effectifs ne font là encore que refléter les différences entre théâtre irakien et syrien. A al-khayr, l'EI dispose d'une infanterie conséquente dans ses assauts contre la poche tenue par le régime, quelle que soit la direction. Fait remarquable qui confirme cette hypothèse : les unités tactiques de base (escouades) sont plus fournies dans cette wilayat, avec au moins 12 hommes et jusqu'à 15. On note d'ailleurs la présence d'inghimasiyyi, les troupes de choc de l'EI. Même constat à Homs où les effectifs sont nombreux et où là encore sont engagés des inghimasiyyi. De nouveau, les escouades semblent plus fournies qu'à l'ordinaire (8-10 hommes en général) avec plutôt 12 voire 15 combattants. A Salahuddine en Irak, les escouades ne comptent que 7 à 9 hommes et globalement les effectifs sont moindres, même si la colonne mécanisée regroupe sans doute plusieurs dizaines d'hommes. Les escouades de Ninive sont relativement même ordre mais on note toutefois la présence d'inghimasiyyi, là aussi (avec un armement plus abondant) : on les voit donc dans pas moins de 3 vidéos sur 5 ce qui est rare. En outre, à Ninive, les inghimasiyyi interviennent sans attaque préalable de SVBIED ce qui est très rare dans les vidéos de propagande militaire de l'EI, et l'un d'entre eux se fait exploser au milieu des positions ennemies.

Escouade comptant une quinzaine d'hommes, dont un pourvoyeur RPG-7-wilayat Homs.


Escouade au combat, avec tireur RPG-29 au centre, caché-wilayat al-Khayr.


L'EI engage de moins en moins de moyens d'appui fixes, conventionnels, et utilise plutôt maintenant des moyens plus légers et mobiles qui relèvent de ses tactiques de guérilla. La Syrie se distingue là encore : à Al-Khayr comme à Homs, l'EI emploie encore des canons, D30 de 122 mm surtout, ou montage à partir d'un M-46 de 130 mm à Deir-es-Zor. Preuve que les conditions tactiques permettent d'éviter la destruction de ces pièces. En Irak par contre, les moyens sont plus légers : roquettes Grad, mortiers de 82 ou 120 mm, fusils de sniping improvisés, canon sans recul SPG-9, canon KPV... moyens que l'on retrouve pour partie en Syrie en plus des pièces lourdes. Le groupe aurait parfois tendance, comme on le voit bien dans la vidéo de Homs, à confier l'appui-feu aux véhicules : chars utilisés comme artillerie mobile, et surtout technicals déployés en masse pour pilonner les positions adverses.

Canon D30 (122 mm) en action-wilayat Homs.



Canon improvisé sur un M-46 de 130 mm -wilayat al-Khayr.



Tir de roquette Grad de 122 mm-wilayat Salahuddine.



L'utilisation des véhicules confirme ce constat, ainsi que les différences entre Syrie et Irak. A Deir-es-Zor, dans le cadre d'affrontements conventionnels, l'EI engage de nombreux chars T-55 pour appuyer ses combattants, jusqu'à un exemplaire utilisé en combats de rues (avec un véhicule de combat improvisé et un bulldozer). Toute la gamme des technicals est représentée jusqu'au modèle le plus lourd : le camion avec canon AA S-60 de 57 mm, en plus des habituels ZU-23 et KPV. Même constat à Homs où l'appui est essentiellement fourni par les véhicules : chars T-55 et T-72, technicals avec ZPU-4, ZU-23 ou KPV (manque le modèle lourd avec canon de 57 mm)... à noter que la mitrailleuse DSHKM d'un T-55 tire cette fois contre un L-39 du régime. La wilayat de Salahuddine conserve sa tradition de fabrication de véhicules improvisés en Irak : la colonne visible comprend 2 montages sur Dzik-3, en plus d'un autre véhicule improvisé, un M113 et un MT-LB "customisé". Néanmoins, ici, la colonne vise plus le raid que l'affrontement conventionnel que l'on voit en Syrie. Les véhicules sont moins nombreux dans la vidéo de Ninive mais l'on distingue un Humvee aménagé (sans doute par les ateliers de Mossoul : on reconnaît leur patte sur le SVBIED qui ressemble à ceux du fameux "bataillon suicide") et un T-55 embusqué pour pilonner les positions adverses, et qui sert donc à l'appui-feu fixe.

Camion avec canon AA S-60 de 57 mm-wilayat al-Khayr.
T-55AV avec sacs de sable sur la tourelle-wilayat al-Khayr.

T-55 en combat de rues-wilayat al-Khayr.
T-55 avec blindage SLAT sur la tourelle-wilayat Homs.
Toyota Land Cruiser avec bitube ZU-23-wilayat Homs.
Toyota Land Cruiser avec ZPU-4-wilayat Homs.
MT-LB aménagé avec tourelle embarquant une DSHK et blindage SLAT-wilayat Salahuddine.
Véhicule improvisé à partir d'un Dzik-3-wilayat Salahuddine.
M113 avec mitrailleuse PK-wilayat Salahuddine.





Seule une vidéo, celle de Salahuddine, ne montre pas de kamikaze sur SVBIED, probablement parce que les attaques relèvent du raid et de la guérilla et visent à conserver l'effet de surprise (les objectifs assaillis n'étant pas non plus de grande valeur). Sur les 7 kamikazes visibles, 5 sont identifiés : 4 sont Syriens et 1 Kirghize (on note encore une fois la présence d'un homme d'Asie Centrale parmi les kamikazes, il y en avait deux dans l'échantillonprécédent, avec en tout 3 nationalités représentées), et tous les noms apparaissent dans les vidéos en Syrie où l'emploi des SVBIED est le plus important. Sur les SVBIED visibles, 4 sont des pick-up transformés en SVBIED par l'ajout de blindage artisanal et SLAT et 1 est un BMP-1. Les wilayats syriennes se taillent la part du lion dans leur emploi : à al-Khayr comme à Homs, ils sont utilisés de manière classique, pour ouvrir la voie à un assaut ou harceler les positions adverses, comme celui de Ninive d'ailleurs. Il est logique d'en voir plus ici en Syrie où l'EI est à l'offensive sur les fronts évoqués.



SVBIED au centre, ressemblant à ceux du "bataillon suicide" de Mossoul-wilayat Ninive.
BMP-1 comme SVBIED-wilayat Homs.


L'échantillon montre un nombre important de fantassins. A al-Khayr, le groupe de combat des inghimasiyyi est remarquable de par son armement : plusieurs mitrailleurs PK, plusieurs tireurs RPG-7 avec souvent arme individuelle dans le dos, fantassin transportant plusieurs RPG-26 "consommables" pour un tir en rafales sur les positions adverses... Un autre groupe de combat monte à plus de 20 hommes, avec tireurs PK, lance-grenades RBG-6 et surtout RPG-29 Vampir (on a probablement là aussi affaire à des inghimasiyyin). En combat urbain, là encore l'arsenal est conséquent : outre de nombreuses grenades classiques ou improvisées, les escouades de l'EI, plus fournies (12-15 hommes voire plus), disposent d'une mitrailleuse M249 américaine, d'un lance-grenades PW Mk2 ou assimilé, d'un AGS-17, d'une AK à chargeur tambour, sans compter les snipers incontournables en combat urbain. En tout état de cause, ce front intègre des troupes d'élite avec un armement bien plus fourni qu'en d'autres occasions. A Salahuddine en Irak, en revanche, on retrouve la composition classique avec escouades de 7-9 hommes, tireurs PK et RPG-7 et fantassins. A Ninive, où on a là encore sans doute à faire à des inghimasiyyi, les escouades sont mieux armées : outre les habituelles PK, on voit une MG3 prise aux Kurdes, des RPG-7, des tireurs d'élite sur Dragunov ou fusil de sniping improvisé. Les groupes de combat d'inghimasiyyi de Homs comprennent eux aussi 12 à 15 hommes minimum avec cette fois un armement classique, PK, RPG-7 (mais en quantité).

Tireur PK-wilayat al-Khayr.
Tireur AK-wilayat al-Khayr.
M249 en combats de rues-wilayat al-Khayr.
Tireur AK-wilayat Salahuddine.


Tireur RPG-7 avec GoPro sur le front-wilayat Ninive.
Tireur MG3-wilayat Ninive.


Logiquement, l'EI engrange davantage de butin en Syrie face à un adversaire avec lequel il arrive davantage à rivaliser sur un plan conventionnel, alors qu'en Irak elle attaque au faible pour pallier à ses handicaps. Sur le front de Deir-es-Zor, les prises sont nombreuses : 2 BMP-1 (plus un détruit), 1 T-72, 1 canon AA S-60 de 57 mm, sans compter les armes légères et collectives. A Salahuddine, l'EI détruit des véhicules légers et plusieurs Humvees, s'empare d'un M1117 en bon état, et capture surtout des armes légères ou collectives : MG3, lance-grenades Mk 19 (prise rare), fusils d'assaut VHS-2 (que l'on voit de plus en plus souvent maintenant aux mains de l'armée, de la police ou des milices chiites), RPG-7, PK... le butin matériel de Huwaysis et d'al-Shaer, en revanche, constitue un succès considérable pour l'EI, sans doute un des plus gros des débuts de l'année 2016. On compte 7 T-55, 2 T-62, 4 BMP-1 et 1 BM-21, plus un canon M46 de 130 mm. D'énormes quantités de munitions sont saisies : un missile antichar 9M111 Fagot ou AT-4 Spigot, un missile antichar 9M14M (AT-3 Sagger), un lance-missiles antichar Fagotà côté de plusieurs RPG-7, des obus perforants de 100 mm pour char T-55, des obus perforants de 115 mm pour char T-62, des roquettes Grad de 107 mm, des munitions pour le canon 2A28 Grom de 73 mm du BMP-1, au moins 2 missiles antichars 9M131M Metis-M, au moins 4 lance-roquettes thermobariques RPO-A Shmel, un canon S-60 de 57 mm avec ses munitions. Les pertes infligées à l'adversaire sont aussi plus élevées en Syrie : sur le front de Deir-es-Zor, une cinquantaine de corps sont visibles ; une vingtaine à Homs. On remarque la pratique courante chez l'EI d'humilier les cadavres adverses en bourrant les orifices de la tête de cigarettes. On en voit tout de même 15 dans les différentes opérations de Salahuddine, mais aucun à Ninive.



T-72-wilayat al-Khayr.
Lance-grenades Mk 19-wilayat Salahuddine.
BMP-1-wilayat Homs.
2 T-55-wilayat Homs.
Au centre, des missiles antichars Metis-M, à droite des obus de 73 mm pour canon de BMP-1-wilayat Homs.

Toutes les vidéos montrent des morts ou des blessés de l'EI, ce qui est rare et montre à la fois la dureté des combats mais aussi peut-être une volonté d'insister sur les sacrifices et les "martyrs" tombés pour la cause. A Deir-es-Zor, où depuis longtemps l'insistance est de mise sur ce dernier aspect, un inghimasi est tué en pleine action (entouré par l'EI durant la séquence pour que le spectateur l'aperçoive bien) et on voit 8 blessés au moins être secourus à la fin de la même séquence. La wilayat Salahuddine montre un combattant tué pendant un des assauts. La vidéo de Ninive montre un fantassin blessé par une frappe aérienne américaine. A Homs enfin, ce sont pas moins de 4 morts de l'EI qui sont filmés, dont un membre de la branche média qui assure les images de propagande visibles dans les vidéos commentées ici.

Reporter de l'EI tué au combat-wilayat Homs.



Soins à un blessé-wilayat al-Khayr.




En ce mois de ramadan, les vidéos de l'EI ne manquent pas de souligner la dimension religieuse de leur combat : prière collective à Deir-es-Zor, prière individuelle à Salahuddine, lectures du Coran, chants et prière collective à Ninive, insertion du texte d'un hadith dans la vidéo de Homs.



Prière collective-wilayat Ninive.



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