Les
médias occidentaux et nombre de chercheurs et de spécialistes du
conflit syrien se sont surtout focalisés sur l'arrivée de
combattants étrangers côté insurrection. Ces volontaires sont
venus renforcer, à partir de 2012, les différents groupes
djihadistes comme le front al-Nosra, puis l'EIIL en 2013. On
s'inquiète, évidemment, du retour de certains combattants
radicalisés dans les pays d'origine. En France, le départ, en
janvier 2014, de deux adolescents de 15 ans, originaires de la région
toulousaine, a relancé l'intérêt pour la question, tout comme
l'annonce récente par Manuel Valls de la présence de « 700
Français » en Syrie -un chiffre qui, sans davantage de
précisions, ne signifie malheureusement pas grand chose. La dernière
estimation sérieuse, en décembre 2013, plaçait à 11 000 au
maximum le nombre de ces volontaires étrangers arrivés depuis 2011
en Syrie, côté insurrection, issus en grande majorité du monde
arabe, même si le nombre de volontaires issus d'Europe de l'Ouest
s'est accru.
Mais qu'en est-il en face, dans le camp du régime ? On sait que
la Syrie, dès le départ, a bénéficié du soutien de l'Iran, qui a
non seulement ravitaillé le régime, mais engagé certaines de ses
troupes sur le terrain, notamment dans un rôle de formation,
d'encadrement et de renseignement. Cela ne veut pas dire d'ailleurs
que les Iraniens restent en dehors des combats, bien au contraire :
ils y ont participé. Surtout, l'Iran a mobilisé ses
« intermédiaires », ses relais d'influence dans
les pays voisins : le Hezbollah, présent dès 2011, a engagé
massivement son appareil militaire en Syrie au printemps 2013,
contribuant à sauver le régime, mal en point. Téhéran déploie
aussi les milices irakiennes pro-iraniennes, à partir de 2012, en
Syrie, et essaie d'élargir l'effort de recrutement. Combien de
combattants étrangers, étatiques ou non-étatiques, au total, sont
venus se battre pour le régime syrien ? Les estimations
varient. Le Hezbollah maintient plusieurs milliers de combattants sur
le terrain, mais a fait tourner ses unités : certains évoquent
le chiffre de 10 000 hommes passés sur les champs de bataille
syrien, un chiffre très élevé. Les Gardiens de la Révolution
auraient au moins envoyé 1 000 à 1 500 hommes en Syrie. Les
miliciens, enfin, notamment irakiens, représentent une force
d'appoint d'au moins 3 500 combattants et peut-être plus de 4 000.
Si le total peut au moins se monter à 7-8 000 hommes,
voire 10-15 000 hommes,
certains n'hésitent pas, en particulier côté rebelle, à le porter
à beaucoup plus, jusqu'à 40 000 (!). Une chose est sûre :
quels que soient les chiffres, l'intervention de ces combattants
étrangers, aux côtés du régime, a eu beaucoup plus d'impact sur
le déroulement du conflit que celui des volontaires étrangers côté
insurrection.
L'Iran
La
République Islamique d'Iran mène un effort soutenu, depuis 2011,
pour maintenir Bachar el-Assad au pouvoir, ou à défaut, pour
pouvoir utiliser le territoire syrien comme tremplin pour ses
intérêts régionaux. Un corps expéditionnaire comprenant des
unités des Gardiens de la Révolution, leur unité spéciale, la
force Qods, et les services de renseignement et de maintien de
l'ordre, est présent en Syrie. L'Iran assure également par air,
essentiellement, la logistique du régime, ce qui représente aussi
un point vulnérable, si l'espace aérien vient à être contesté.
C'est Téhéran, avec le Hezbollah, qui assure également la
formation des miliciens destinés à renforcer la masse de manoeuvre
du régime, ou à prolonger l'influence iranienne sur place. Le
Hezbollah lui-même s'est engagé massivement au printemps 2013, et
l'Iran a activé dès 2012 le levier des milices chiites irakiennes
pro-iraniennes en formant, notamment, la brigade Abou Fadl al-Abbas,
suivie de nombreuses autres en 2013.
Les milices créées par Asaib Ahl al-Haqq ou les Brigades du
Hezbollah en Irak, pour le combat en Syrie, prennent leurs ordres de
Téhéran, et en obtiennent armement et autres équipements.
Certaines milices, en Syrie, préfèrent d'ailleurs combattre sous
les ordres du Hezbollah libanais plutôt que du régime.
C'est aussi l'Iran qui organise le recrutement de réfugiés chiites
afghans sur son son pour épauler les miliciens irakiens en Syrie.
Ces Afghans, à la mi-2014, aurait formé leur propre unité, la
brigade Fatimyyoun, qui compterait entre 2 500 et 4 000 hommes.
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Source : http://www-tc.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbureau/images/ghasem.jpg |
Dès
le départ, les Gardiens de la Révolution et la force Qods tentent
d'appuyer la contre-insurrection du régime, en 2011. Quand Bachar
el-Assad commence à perdre le contrôle du nord et de l'est du pays
à l'été 2012, les Iraniens s'attachent à maintenir le contrôle
du régime sur le centre et le sud. C'est aussi à ce moment-là que
l'Iran commence à former des miliciens, à la fois pour pallier à
la désintégration progressive de l'appareil militaire et, comme on
l'a dit, afin de maintenir son influence sur place au cas où le
régime tomberait. L'Iran appuie donc à la fois les restes de
l'ancien appareil militaire et les nouvelles milices qui fusionnent
avec eux.
Dès
mai 2011, il apparaît que le général Suleimani, le commandant de
la force Qods, et Mohsen Chizari, le directeur de l'entraînement et
des opérations de celle-ci, sont impliqués dans la répression des
manifestations anti-régime. Les deux hommes ont activement soutenu
les milices pro-iraniennes en Irak, contre les Américains :
Chizari avait même été arrêté, avec un autre officier de la
force Qods, en 2006, avant d'être expulsé par le gouvernement
irakien. L'implication de la force Qods est révélée au grand jour
avec l'assassinat, en février 2013, du général Shateri, dans la
campagne autour de Damas, alors qu'il se rendait à Beyrouth après
avoir visité le front à Alep. Shateri était un officier important
de la force Qods qui avait opéré secrètement au Liban depuis
2006 ; il avait servi en Afghanistan et en Irak. On a spéculé
sur le fait que Shateri était peut-être venu pour récupérer ou
détruire des documents sensibles à l'intérieur de la base d'armes
chimiques d'al-Safira, près d'Alep, alors menacée par les rebelles
-l'Iran ayant contribué au programme des armes chimiques syriennes.
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Photo du général Shateri, tué en Syrie en février 2013. |
Les
Iraniens forment, de toute évidence, de nouvelles unités militaires
syriennes. On sait que le 416ème bataillon de forces spéciales a
été entraîné par les Iraniens, probablement au complexe de
al-Dreij, entre Damas et Zabadani. Les forces conventionnelles des
Gardiens de la Révolution participent également à cet effort. 48
d'entre eux, capturés en août 2012, ont été relâchés en janvier
2013. Parmi eux, deux généraux, le commandant et l'ancien
commandant de l'unité Shohada de la province de l'Azerbaïdjan
occidental ; le commandant de la 14ème brigade Imam Sadegh
(province de Bushehr) ; et du personnel lié à la 33ème
brigade al-Mahdi (province de Fars). Le déploiement de forces
conventionnelles des Gardiens de la Révolution, et pas seulement de
la force Qods pourtant chargée des opérations à l'étranger,
montre le degré d'implication de l'Iran. Il faut dire que les
Gardiens de la Révolution ont l'expérience de la
contre-insurrection, ce qui n'est pas forcément le cas de la force
Qods : d'ailleurs les unités impliquées viennent de provinces
où se sont déroulés des soulèvements réprimés par les Gardiens
de la Révolution.
Il
est difficile de dire si les Iraniens influencent véritablement les
choix stratégiques du président Assad. On peut remarquer que la
décision de combattre pour conserver les centres urbains, dès le
début 2012, correspond à un discours de Suleimani en janvier 2012
qui préconisait justement de tenir les villes, et effectivement, la
première capitale provinciale, Raqqa, ne tombe qu'en mars 2013. La
première offensive en 2012 a lieu à Zabadani, qui a l'avantage
d'être proche de la capitale Damas, mais qui est aussi sur le cordon
de ravitaillement pour le Hezbollah au Liban. C'est à Zabadani que
les Gardiens de la Révolution stationnaient pour leurs opérations
au Liban à partir de 1982 ; en outre, jusqu'en 2011, c'est le
point de transit et de stockage principal pour les armes à
destination du Hezbollah. Le mur construit autour de Homs après le
siège de février-mars 2012 rappelle étrangement celui que les
Américains avaient bâti autour de Sadr City, à Bagdad, en 2008,
pour isoler leurs adversaires. Suleimani et le commandant adjoint de
la force Qods, Esmail Ghaani, ont cependant multiplié les critiques
contre Assad, lui reprochant en particulier le massacre sectaire de
Houla en 2012 et sa gestion beaucoup trop répressive des
manifestations. Par ailleurs, l'Iran laisse les groupes djihadistes
comme al-Nosra recruter ou chercher des financements via son propre
sol, pour renforcer la position de ces acteurs en Syrie, discréditer
l'insurrection et renforcer le discours du régime, qui lu-même a
laisse sciemment se développer les groupes djhadistes tout en les
infiltrant et en négociant des accords avec eux (notamment sur le
pétrole).
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Source : http://www.worldtribune.com/wp-content/uploads/2012/03/OSGEOINT-14-Feb-2012-UAV-on-Video-Over-Homs-2.jpg |
Téhéran
contribue aussi à envoyer des spécialistes du renseignement et du
maintien de l'ordre. Le commandant adjoint des forces de maintien de
l'ordre iraniennes, Ahmad Reza Radan, fait le voyage à Damas dès la
fin avril 2011. Ce sont ces forces qui avaient brisé les
manifestations en Iran, en juin 2009. Elles dépendant du ministère
de l'Intérieur, et in fine de Khamenei, ce qui montre bien
d'ailleurs que le soutien à la Syrie n'est pas le fait que de
Suleimani ou des Gardiens de la Révolution, mais bien de l'ensemble
du pouvoir iranien. Le chef du renseignement des Gardiens de la
Révolution, Hojjat al-Eslam Hossein Taeb, est impliqué dans
l'effort dès mai 2011 au moins. En février 2012, un drone iranien
Monajer est déjà utilisé au-dessus de Homs. En septembre 2012,
Iran Electronics Industries a déjà fourni au moins deux millions de
dollars de matériel à la Syrie, dont des brouilleurs radio.
Mohammed Nasif Kheirbek, un proche du clan Assad, dont la famille est
très impliquée dans l'appareil de renseignement, sert
d'intermédiaire avec les Iraniens : il va discuter à l'été
2011 pour l'établissement d'un complexe militaire et de dépôts à
l'aéroport de Lattaquié.
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Ahmad Reza Radan. |
L'Iran
utilise principalement la voie aérienne pour ravitailler le régime
syrien. Les compagnies commerciales sont mises à contribution :
Iran Air, Yas Air (qui transportent combattants, munitions,
roquettes, canons antiaériens et obus de mortiers). En septembre
2012, une centaine d'appareils commerciaux est déjà impliquée,
sans compter les appareils militaires : au moins 3 An-74 et 2
Il-76. Il faut dire que les Gardiens de la Révolution utilisent la
Syrie comme hub pour leurs livraisons au Hezbollah depuis au
moins l'an 2000. Au départ, les membres de la force Qods sont
d'ailleurs acheminés par avion. L'aviation syrienne engage ses Il-76
également, dont au moins un a, en 2012, navigué via l'Iran et la
Russie, pour ramener des hélicoptères de combat Mi-25 « remis
en condition ». En mars 2011, la Turquie avait saisi un
Il-76 de Yas Air transportant des fusils d'assaut, des mitrailleuses,
des obus de mortiers ; l'Iran utilise ensuite l'espace aérien
irakien. Le passage est facilité par la collusion du ministre du
Transport irakien, Hadi al-Amiri, et l'organisation Badr en Irak.
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Source : http://understandingwar.org/sites/default/files/FINAL%20SYRIA%20MAP.jpg |
Par
voie de terre, à la fin 2012, il ne restait qu'un seul point
d'entrée à la frontière syro-irakienne que pouvait utiliser les
Iraniens : Al Walid-At Tanf. Les trois autres ont été perdus
de par la progression des Kurdes au nord-est, de l'activité des
groupes sunnites en Irak et de l'avance des rebelles syriens. Al
Walid-At Tanf, la route la plus au sud, est aussi la plus rapide vers
Damas. L'Iran a aussi déployé des navires via le canal de Suez, et
ce dès avant le déclenchement de la révolte, en février 2011.
L'Alvand et le Kharg
rallient ensuite Lattaquié. Deux autres navires font le même voyage
en février 2012 vers Tartous. Des tankers ramèneraient du pétrole
syrien brut vers l'Iran. Toujours est-il que le soutien iranien au
régime syrien passe d'abord par le ravitaillement aérien, qui
s'opère sur une base quasi quotidienne.
Les
Iraniens fournissent probablement des pièces pour l'entretien de la
flotte de T-72 syriens, des roquettes Falaq-2 (modifiées en Volcano
et autres par le régime), des missiles ballistiques Fateh 110, des
jeeps et autres véhicules (Morattab Pazhan et Sahra), des roquettes
de 107 mm, des obus de mortiers de 120 mm et des fusils anti-sniping
lourd en 12,7 mm Sayaf 2, copie du H.S. 50 autrichien. On sait aussi
qu'en août 2012 13 officiers des unités de missiles des Pasdarans
sont venus entraîner leurs homologues syriens.
En novembre 2013, de nouveaux drones, les Yasir, apparaissent
au-dessus de la Ghouta, suivis en avril 2014 par des Shahed 129
modifiés près de Damas. L'Iran serait également partie prenante
dans la fabrique de barils explosifs à as-Safira, près d'Alep, avec
la Chine, et aurait contribué à mettre au point les munitions au
chlore ponctuellement utilisées en 2014.
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Un camion avec deux lance-roquettes Falaq-2 du régime syrien. |
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Un membre de la brigade Liwa Abou Fadl al-Abbas pose avec un Sayad 2 iranien, copie du fusil anti-sniping H.S. 50 de Steyr. |
Dès
l'été 2012, alors que le pouvoir reconnaît à demi-mot sa présence
militaire en Syrie,
l'Iran commence aussi à former les milices paramilitaires syriennes,
et en particulier Jaysh al-Sha‘bi, qui regroupe à la fois des
chiites et des alaouites. En septembre, Mohammad Ali Jafari, le chef
des Gardiens de la Révolution, reconnaît que cette milice compte
déjà 50 000 hommes. Basée sur le modèle de la milice Basij
iranienne, cette milice est encadrée, aussi, par la force Qods. Dès
le début du conflit en 2011, de nombreuses milices pro-régime se
sont en effet constituées : aux comités populaires, minorités
armées pour se protéger des sunnites jugés menaçants, se sont
ajoutés les milices des gangs criminels de la bande côtière
alaouite, les fameux shahiba. D'où le nom générique de
shahiba donné à toutes ces organisations. Au printemps 2013,
l'Iran est encore présent quand l'ensemble de ces milices est plus
ou moins regroupé dans les Forces Nationales de Défense : il
en assure probablement l'entraînement. D'ailleurs, des miliciens
syriens sont formés en Iran même, comme ces 4 combattants de Homs
qui assurent avoir reçu là-bas un entraînement au combat urbain,
après avoir été emmené en avion de Lattaquié à Téhéran.
En avril 2014, plusieurs généraux reconnaissent avoir créé les
FND comme une seconde Basij. Selon un officier à la retraite des
Pasdarans, il y aurait en permanence 60 à 70 officiers supérieurs
des Gardiens de la Révolution, en uniforme syrien, sans pièces
d'identité.
Ce
documentaire, réalisé par la BBC à partir d'images fournies par les
insurgés syriens, montren des membres de la force Qods des Gardiens de
la Révolution opérant dans le pays, où ils ont été tués lors d'une
embuscade (août 2013).
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Emblème des Forces Nationales de Défense, la milice pro-régime encadrée et entraînée par les Iraniens en Syrie. |
Les
Gardiens de la Révolution et la force Qods se sont fréquemment
retrouvés engagés dans les combats en Syrie contre les insurgés.
Hormis les 48 « pélerins » capturés en 2012 puis
relâchés, et le général Shateri, ces corps ont subi d'autres
pertes. Le lieutenant-colonel Amir Reza Alizadeh, par exemple, a été
tué à Damas le 1er mai 2013.
En avril 2013, une brigade de l'Armée Syrienne Libre de la province
d'Idlib capture un officier iranien qui, devant la caméra, reconnaît
avoir formé pendant 5 mois des snipers pour le régime.
En janvier 2014, les autorités iraniennes publient la liste de 15
citoyens volontaires morts au combat en Syrie.
L'intensification
de l'engagement iranien correspond à la période la plus critique du
conflit pour le régime, entre novembre 2012 et mars 2013. A partir
de novembre, les rebelles ouvrent plusieurs nouveaux fronts au nord,
au centre et au sud de la Syrie. Deux attaques à la voiture piégée
visent Damas et l'aéroport international de la capitale est attaqué.
Mi-décembre, les rebelles capturent l'académie militaire
al-Muslimiyah à l'extérieur d'Alep et avancent dans Daraya, au sud
de Damas. Le 4 mars 2013, le régime perd sa première capitale
provinciale, Raqqa, 6ème ville du pays. Le 20 mars, une voiture
piégée explose devant la mosquée Al-Iman Mosque du district de
Mazraa, tuant 42 personnes, dont Mohamed Al Buti, un clerc sunnite
pro-régime influent. Quatre jours plus tard, les rebelles pilonnent
au mortier le centre de Damas. La survie du régime est donc en jeu,
avec un recul sur tous les fronts et la capitale sérieusement
menacée. C'est pourquoi l'Iran a fait en sorte d'intervenir pour
sauver Bachard el-Assad.
Le
cas le plus emblématique d'implication de l'Iran dans la guerre en
Syrie est la mort, le 19 août 2013, d'un réalisateur de
documentaire et d'un officier des Gardiens de la Révolution, tués
dans une embuscade montée par les rebelles dans la province d'Alep.
Le réalisateur s'appelait Hadi Baghbani et l'officier Esmail
Heydari. Le premier effectue son second voyage en Syrie en août
2013, pour tourner un film à usage interne sur les officiers
d'active des Gardiens de la Révolution ou rappelés de leur retraite
afin de former les miliciens pro-régime. Heydari, un officier de
carrière des Gardiens de la Révolution, a participé à la
formation des miliciens syriens à Téhéran et a effectué plusieurs
séjours en Syrie, sur la ligne de front. Le 19 août, les
conseillers iraniens accompagnent des miliciens pro-régime dans une
reconnaissance au sud-est d'Alep, mais tombent sur la brigade Liwa
Dawood, qui dispose d'armes lourdes et même d'un blindé. 6 Iraniens
sont tués, dont Baghbani et Heydari.
Pour le centre de renseignement israëlien Meir Amit, il n'y
aurait en Syrie que quelques centaines de membres des Gardiens de la
Révolution, essentiellement de la force al-Qods. Il y a également
des cadres de la milice des Gardiens de la Révolution, la Basij.
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Esmail Heydari, l'officier de la force al-Qods tué dans une embuscade au sud-est d'Alep en août 2013. Un des témoignages les plus manifestes que ces conseillers iraniens participent à l'occasion aux combats, directement. |
Pour
le Middle East Media Research Institute (MEMRI), dès le début
2012, des cadres des Gardiens de la Révolution combattent
directement sur le terrain, en Syrie. Mohammad Tork, l'un d'entre
eux, est ainsi tué à Damas. Amir Kazem-Zadeh, un soldat des
Gardiens de la Révolution, est donné pour mort « dans la
défense du sanctuaire de Zaynab » ; un classique des
déclarations funéraires iraniennes pour annoncer une mort au combat
en Syrie. Mehdi Moussavi, un cadre de la milice Basij des Gardiens
des la Révolution, est rapatrié en Iran, décédé, le 7 juillet
2013. Le général Mohammad Jamali Paqale, un vétéran de la guerre
Iran-Irak, est annoncé tué au combat le 4 novembre 2013.
L'Iran
et la Syrie sont liés, depuis 1980, par une alliance qui est surtout
tactique et qui ne repose pas sur des facteurs religieux. L'Iran a
besoin de la Syrie dans son « axe de la résistance »
et pour donner de la profondeur stratégique au Hezbollah, sa plus
belle réussite au Proche-Orient. C'est pourquoi Téhéran axe la
stratégie du régime syrien sur le contrôle de la région allant de
la bande côtière alaouite à Damas, corridor nécessaire, entre
autres, au ravitaillement du Hezbollah et à sa profondeur dans
l'espace. Même si Assad tombe, les milices appuyées par l'Iran ou
le Hezbollah seraient peut-être capables de prendre à leur charge
ce cordon ombilical nécessaire à la survie du mouvement chiite
libanais.
De fait, avec l'installation de la guerre civile, la relation entre
l'Iran et la Syrie s'est transformée : le premier occupe pour
ainsi dire une bonne partie de la seconde, et le général Soleimani,
le commandant de la force al-Qods, est le véritable maître des
lieux.
En mai 2014, les Iraniens jouent ainsi un rôle clé dans les
négociations avec les rebelles pour l'évacuation de certains
quartiers de Homs.
En
juin 2014, le général Hossein Hamedani affirme que la Basij est
présente dans 14 provinces syriennes.
Mais pour l'Iran, l'intervention en Syrie a un prix très élevé.
Les 70 000 hommes des FND revendiqués à la mi-2014 ont un salaire
mensuel de 100 à 160 dollars, pris en charge par l'Iran. Les
miliciens irakiens et afghans recrutés par l'Iran reçoivent jusqu'à
500 dollars par mois. Le Hezbollah coûte jusqu'à 100 millions de
dollars annuels à l'Iran ; la prime pour un combattant
célibataire tué en Syrie se monterait pour la famille à 50 000
dollars. L'Iran paie une bonne partie de l'entretien des avions de
combat syriens en Russie, et porte à bout de bras le régime en lui
achetant notamment du pétrole. L'inflation en Iran a augmenté de
10% depuis le début de la guerre en Syrie.
En
octobre 2014, le général Darisavi, des Pasdarans, est déclaré
mort au combat en Syrie par les autorités. Selon l'opposition
iranienne, en quatre semaines, 16 Iraniens ont été tués en Syrie.
Le 9 janvier 2015, Hossein Ahmadi, un membre de la force al-Qods, est
enterré dans la province d'Alborz : c'est le premier membre de
l'organisation déclaré officiellement mort au combat en Syrie.
Le nombre des Gardiens de la Révolution tués en Syrie depuis 2011
dépasse probablement la centaine, ce qui reste toutefois modeste (et
sans doute sous-estimé) au regard d'un contingent de plus de 1 000
hommes présents en permanence et qui a probablement tourné (comme
pour le Hezbollah).
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Enterrement de Hossein Ahmadi, membre de la force al-Qods tué en Syrie, en janvier 2015. |
Bibliographie :
Will
Fulton, Joseph Holliday, et Sam Wyer, Iranian Strategy in Syria,
Institute for the Study of War, mai 2013.
Aron
Lund, « Who Are the Foreign Fighters in Syria? An Interview
With Aaron Y. Zelin », Syria in Crisis/Carnegie for the
Middle East, 5 décembre 2013.
Karim
Sadjadpour, « Iran’s Unwavering Support to Assad’s Syria »,
CTC Sentinel, Août 2013, Special Issue Vol 6. Issue 8, p.11-14.
Mazis
I., Sarlis M., « A GEOPOLITICAL ANALYSIS OF THE ACTIVATION OF
THE SHIITE GEOPOLITICAL FACTOR WITHIN THE SYRIAN CONFLICT
GEOSYSTEM », Regional Science Inquiry Journal, Vol. V,
(2), 2013, pp. 125-144.
Phillip
Smyth, « Hizballah Cavalcade: Iran’s Losses In the “35th
Province” (Syria), Part 1 », Jihadology.net, 14 juin
2013.
Iran
in Syria. From an Ally of the Regime to an Occupying Force, Naame
Shaam, Septembre 2014.