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Guerres et Histoire n°11

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Un numéro 11 de Guerres et Histoire encore bien rempli, avec du bon et du moins bon.

- le témoignage est celui de Jacques Guindrey, chirurgien à Dien Bien Phu. Guindrey est parfois intervenu, d'ailleurs, dans des documentaires consacrés à la bataille ces dernières années. A noter que c'est le deuxième témoignage, en 11 numéros, sur la guerre d'Indochine. Le récit offre un aperçu instructif sur un aspect méconnu de la bataille (la dimension médicale). Dans l'encadré critique, la rédaction souligne quand même que le sort des prisonniers français capturés par le Viêtminh n'a pas été forcément délibéré (comme souvent dans les régimes communistes -qu'on pense à l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale-, rien n'avait été prévu pour les prisonniers dans des conditions d'existence déjà difficiles...).

- dans la rubrique Actualités, j'ai noté la mention de la chasse aux Spitfires en Birmanie (p.18). Or il semblerait que la chasse ne soit pas si fructueuse qu'escompté (merci à Nicolas Pontic pour le lien).

- intéressante rubrique Caméra au Poing sur la guerre au Pakistan oriental (futur Bangladesh) en 1971. Pas d'ouvrages cités pour aller plus loin malheureusement, sur un sujet où ils ne doivent pas être très nombreux.

- on arrive au dossier, Stalingrad. Nouvelle vision d'une bataille mythique. Son intérêt principal est de replacer la contre-offensive soviétique à Stalingrad dans la planification stratégique soviétique qui prévoit le plan des 4 planètes (Mars et Jupiter contre le saillant de Rjev, Uranus et Saturne au sud autour de Stalingrad). L'ambition du dossier est de montrer comment naît cette supériorité stratégique soviétique, qui s'exprime à Stalingrad grâce, entre autres, à Rjev, selon la rédaction. Premier hic dans la présentation du dossier de Jean Lopez : je ne suis pas d'accord avec l'idée formulée p.39, mineure ici dans le propos, selon laquelle l'Armée Rouge reste inférieure tactiquement aux Allemands jusqu'en 1945. C'est vrai dans certains cas, mais l'analyse d'engagements précis -je pense par exemple à ceux que j'ai faits pour le n°47 de 2ème Guerre Mondiale avec le s. Panzer-Abteilung 501à Sandomiercz et Lissow-, en confrontant à la fois les sources russes et allemandes, élément important, me laisse croire que ce n'est pas le cas. Tactiquement, l'Armée Rouge parvient souvent à faire jeu égal avec les Allemands dès 1944 si ce n'est en 1945.

Le dossier comprend, excellente initiative, une interview d'Alexeï Isaïev, un des historiens russes les plus prolifiques actuellement (en russe) sur la Grande Guerre Patriotique. Celui-ci confirme ce que l'on savait déjà, à avoir que Mars n'a pas été une diversion mais bien une offensive aussi importante voire plus que celle de Stalingrad et qui échoué, mais cet échec a indirectement servi le succès d'Uranus et n'a pas empêché Joukov, qui reste un stratège hors pair, de continuer sa brillante carrière. Mais pourquoi mettre cet encadré critique qui commence de but en blanc par nous affirmer que les historiens militaires russes ont enfin progressé ? C'est vrai, mais depuis un certain temps maintenant. Et cela revient à traiter l'intervention d'un historien comme le témoignage du début du magazine. En outre l'interview d'Isaïev se suffit à elle-même, et l'encadré critique disparaît quand Guerres et Histoire interroge le colonel Glantz... bref, cela laisse sceptique, d'autant qu'aucun ouvrage d'Isaïev n'est cité dans la bibliographie, contrairement aux travaux de Glantz (dont pour ma part j'ai lu quelques-uns, fiches de lecture disponibles sur ce blog, mais pas encore ceux sur Stalingrad, malheureusement) et à celui de Jean Lopez. On en aurait attendu un ou deux, pourtant.

Le reste du dossier montre pourquoi Mars échoue et Uranus réussit et l'emploi efficace par les Soviétiques d'une nouvelle dimension de l'art de la guerre qu'ils ont formulé dès les années 20, l'art opératif. A ce propos Benoist Bihan souligne, utilement, que les Soviétiques ont l'initiative au printemps 1943 malgré la contre-offensive de Manstein et choisissent prudemment la défensive à Koursk, tirant les leçons des échecs des offensives de l'hiver, justement. L'interview de Glantz permet de rappeler les responsabilités d'Hitler mais aussi des généraux allemands dans le désastre de Stalingrad et se conclut sur l'idée que le vrai tournant de la guerre à l'est n'est pas Stalingrad mais bien plutôt Moscou, ce qui est assez logique, effectivement. Quand Jean Lopez explique les raisons du succès soviétique, il me semble qu'il insiste un peu trop sur les contraintes politiques (grandes purges staliniennes, etc, dans la tradition d'une certaine historiographie) qui conditionneraient les problèmes d'encadrement : il y a aussi la naissance et le développement de l'Armée Rouge, sans doute trop ambitieux pour les penseurs comme Toukhatchevksy qui ont créé, en fait, un outil sans adéquation avec les possibilités réelles de l'URSS, il ne faut pas l'oublier.

Au final, un bon dossier qui remet en perspective la contre-offensive soviétique de Stalingrad dans le contexte plus large de la stratégie de l'Armée Rouge, et fait oeuvre utile de vulgarisation à partir des derniers ouvrages anglo-saxons. Mais rien de bien nouveau pour les connaisseurs hormis quelques prises de position tranchées de Jean Lopez (qui a conçu Uranus, rôle de Mars, etc). Et quelques points de désaccord que j'ai soulignés.Le dossier est quand même meilleur, je trouve, que le précédent, ne serait-ce que, parce que ça se voit tout de suite, les auteurs sont plus familiers du sujet.

- Julien Peltier revient sur l'invasion mongole ratée du Japon en 1281, que l'on associe souvent au vent divin, "Kamikaze", pour montrer que les typhons ne sont pas les seuls responsables de la déroute mongole.

- Jean-Baptiste Murez revient un peu trop rapidement, faute de place pour un tel sujet, sur le chant militaire. Même si j'apprécie les chants militaires comme j'ai pu le montrer dans certains billets (trop courts) que je leur ai dédié, je ne sais pas si l'on peut dire que Ein heller und ein Batzen et le Panzerlied ne sont pas des chants politiques (sic). Ils ont quand même été repris ou créés par le régime nazi et son armée, ce n'est pas négligeable...

- Eric Tréguier, qui fait tous les articles sur l'Antiquité depuis le début du magazine, évoque la bataille d'Hydaspe, menée par Alexandre contre le souverain indien Poros. J'avais pointé les limites du précédent article sur les Champs Catalauniques. On remarque d'entrée en erreur de date : l'auteur fait mourir Héphaestion, le compagnon d'Alexandre, en 327... alors que celui-ci décède en fait trois ans plus tard, en 324, et prend d'ailleurs une part importante à la charge de cavalerie macédonienne à la bataille d'Hydaspe que présente l'auteur ! Plutôt bien pour le reste, heureusement, avec un encadré sur l'Inde avant et après Alexandre.

- suit une très bonne présentation des F-15 et des F-16 par Benoist Bihan. Un tandem d'appareils directement inspiré de la dure et inefficace expérience viêtnamienne pour l'USAF et qui reste encore d'actualité aujourd'hui.

- Laurent Henninger offre ensuite un article de synthèse sur les janissaires. Utile et efficace.

- l'allié Michel Goya revient sur David Galula, un des chantres français de la contre-insurrection, méconnu jusqu'à sa redécouverte par les Américains enlisés en Irak bien que Gérard Chaliand l'évoquait, tout de même, dans ses travaux. Les idées de Galula sont cependant à adapter à un contexte nouveau aujourd'hui qui n'est plus celui des guerres de décolonisation.

- évocation de la bataille de Smolensk, avant Borodino, pendant la campagne de 1812.

- très intéressant article de Charles Turquin sur les combats lacustres en Afrique orientale allemande pendant la Première Guerre mondiale. Pour le coup, c'est original.

- les chroniques habituelles, dont celle de J.-D. Merchet consacrée au fondateur des US Special Forces, Aaron Bank.

- L'oeil du cinéma revient sur la deuxième guerre d'Irak. Manque peut-être quelques références comme Battle for Haditha, mais la rubrique est coutumière de ce raccourci.

- à noter que Nicolas Mioque, qui m'a déjà gentiment offert une fiche de lecture, a droit aux honneurs de l'encadré blog pour Trois-Ponts.

- dans la rubrique A Lire,je note sans surprise qu'un ouvrage sur l'histoire de l'Algérie coloniale, une somme collective entre autres dirigée par Sylvie Thénault, donne lieu à une féroce critique par Daniel Lefeuvre. Le débat historiographique sur la guerre d'Algérie étant particulièrement houleux, il aurait été bon d'offrir un droit de réponse à ceux qui ont dirigé ledit ouvrage. Car de la sorte, Guerres et Histoire se positionne clairement plutôt dans une historiographie de droite qui cherche entre autres à montrer absolument les "côtés positifs" de la colonisation en Algérie (mots par lesquels se termine la recension, d'ailleurs). Sur le fond, ça ne me gêne pas : mais alors on l'assume et on présente aussi la vision d'en face.

- Quiz sur les guerres médiques : 18/20. Par contre, dire que Miltiade commande à Marathon (question 4) mériterait une petite correction.         

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