Jeff Rutherford, professeur assistant à l'université jésuite de Wheeling, fait partie de cette nouvelle génération d'historiens anglo-saxons en pointe de la recherche sur le front de l'est, dans les directions récentes formulées par l'historiographie. Il a contribué à l'important volume collectif de 2012 sur le sujet, que je fichais récemment.
Ce livre paru l'an dernier prolonge un travail déjà mis en valeur par plusieurs articles, dont on retrouve le contenu ici. En introduction, l'historien rappelle que ce sont les divisions d'infanterie, et non les Panzerdivisionen, qui ont assuré le gros des combats à l'est. Mais elles ont dû également mener à bien des tâches pour lesquelles elles n'avaient pas forcément été préparées, comme l'occupation ou la lutte antipartisans, tout en étant le vecteur de la guerre idéologique voulue par Hitler à l'est. Le comportement de la Wehrmacht de ce point de vue a bien été étudié pour l'opération Barbarossa, mais peu pour la suite, jusqu'à la retraite générale en 1944. Or, à cette date, la majorité de l'armée allemande a eu l'occasion de participer à la guerre d'annihilation voulue par les nazis. La question qui sous-tend l'étude est la même depuis déjà longtemps : pourquoi les soldats allemands se sont-ils comportés de la sorte ? Rutherford a choisi de se pencher sur 3 divisions d'infanterie : les 121., 123. et 126. I.D., toute levées à l'automne 1940, et qui constituent des divisions "ordinaires" de la Wehrmacht. Chaque division néanmoins recrute plus spécifiquement dans une région, respectivement Prusse Orientale, Berlin-Brandebourg et Rhénanie-Westphalie. Les caractéristiques de chaque zone de recrutement influencent le comportement des soldats, de même que le vécu à l'arrière dans chaque région. Ces 3 divisions ont combattu avec le Groupe d'Armées Nord, le moins bien servi par les historiens même militaires. Or c'est dans ce groupe d'armées que l'occupation allemande a été la plus longue : c'est là que le front bouge le moins entre l'automne 1941 et janvier 1944, les Allemands ont occupé le terrain de deux à trois ans. L'hypothèse de l'historien est que les soldats allemands ne se sont pas forcément comportés de la façon qu'on connaît en raison de l'idéologie nazie, mais plutôt par la doctrine de la "nécessité militaire" répandue par la Wehrmacht elle-même. Johannes Hürter, pour la 18. Armee devant Léningrad, et Manfred Oldenburg, pour la 17. Armee dans le Donets et le Caucase et la 11. Armee en Crimée, ont mis en avant le même postulat. C'est pourquoi l'attitude des 3 divisons envers les civils évolue. Considérés comme des partisans en devenir pendant Barbarossa, exploités pendant l'hiver 1941-1942 alors que la situation est critique, ils bénéficient d'une clémence relative quand l'Allemagne s'installe dans une guerre longue. Néanmoins, nécessité militaire et idéologie nazie ne font pas toujours bon ménage. Et au moment de la retraite, anticipée dès l'automne 1943, la politique de la "terre brûlée" et des "zones de mort" est la règle. En dépit de renouvellements remontant à 35 ans, plusieurs questions restent ouvertes. L'exposition itinérante allemande sur les crimes de la Wehrmacht, en 1995, montre qu'une majorité (60 à 80% selon son directeur) de soldats allemands ont participé à des crimes à l'est. Les travaux d'Omer Bartov expliquent ce résultat par la pénétration de l'idéologie nazie au sein de la troupe. D'autres historiens au contraire, comme Stephen Fritz ou Rolf-Dieter Müller, pensent qu'à peine 5% des soldats ont commis des exactions. Fritz et Christian Hartmann soulignent que les crimes n'ont pas été commis par les soldats de première ligne, mais par des troupes à l'arrière comme les divisions de sécurité. Théo Schulte et Ben Sheperd insistent sur l'utilisation de la terreur comme moyen de pacification dans un contexte où les Allemands sont inférieurs en nombre et en puissance de feu. D'autres historiens se sont penchés sur l'évolution de l'armée allemande entre 1870 et 1945, et notamment sur son face-à-face avec les combattants irréguliers. Les francs-tireurs deviennent un mythe, une légende entretenue dans l'armée allemande après la guerre de 1870, et plusieurs officiers justifient les mesures les plus sévères en raison de la nécessité militaire. Ce qui explique la radicalisation allemande en 1914 à l'égard des civils belges ou français, comme l'a montré le travail de Horne et Kramer. Les Allemands continuent leur politique radicale à la fin de la guerre, dans les combats contre les communistes ou sur les frontières orientales, contre les Polonais. La recherche de la victoire décisive explique déjà la campagne génocidaire dans la colonie allemande du sud-ouest de l'Afrique dès 1904. Cette culture perdure dans l'entre-deux-guerres et jusqu'au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Pendant Barbarossa, l'armée mène une campagne non seulement contre l'armée soviétique, mais aussi contre la société soviétique: une injonction des nazis qui n'a cependant fait qu'accélérer une tendance déjà bien présente dans la Wehrmacht. Pendant la guerre, la force de la Wehrmacht tient à sa cohésion basée sur un système de recrutement régional. Si le système est presque au bord de la rupture en 1941, pendant Barbarossa, il fournit des remplaçants et des convalescents de manière quasi continue jusqu'en 1944. La qualité des remplaçants est même parfois très bonne, car les recrues bénéficient d'un entraînement tiré des premières expériences de combat, à l'arrière du front. Rutherford utilise pour son travail une grande variété de sources : archives officielles, témoignages par l'intermédiaire des lettres ou autres documents écrits par les soldats allemands, littérature secondaire bien sûr, etc.
Dans le premier chapitre, l'historien revient sur les liens entre la Wehrmacht et la société allemande. Une "société violente", comme l'a expliqué l'historien Christian Gerlach. Ces violences, contre les communistes, les "asociaux", les homosexuels, plus tard les Juifs, sont publiques. Les Allemands y participent par congruence idéologique avec le nazisme, mais aussi par une sorte de conformisme. Malgré tout, l'Allemagne reste un Etat fédéral, avec de fortes particularités régionales, même si l'on constate une poussée nationaliste pendant la Grande Guerre. La Prusse Orientale et le Brandebourg connaissent, après 1918, les combats sur les frontières orientales, et l'arrivée de 750 000 réfugiés. Ce sont des régions encore agricoles, à faible densité de population. La grande propriété domine, de même que la classe des Junkers et le protestantisme, le tout donnant une société conservatrice. Le DNVP est majoritaire en Prusse Orientale, et dans le Brandebourg jusqu'en 1928, année où il est dépassé par les socialistes. L'année 1929 est un tournant : le parti nazi s'implante en force dans les deux régions et emporte la mise aux élections de 1932, crise économique aidant. Les nazis n'ont pas instrumentalisé leur idéologie, mais bien les problèmes locaux, pour l'emporter. Berlin, au contraire, qui a pourtant connu les sanglants affrontements entre communistes et Freikorps en 1918 et 1919, devient sous Weimar la "capitale de la modernité". La renaissance culturelle s'opère dans une ville de plus de 4 millions d'habitants, capitale industrielle et commerciale. Pôle ouvrier, Berlin vote majoritairement pour le SPD et le KPD, les deux partis de gauche étant encore en tête lors du raz-de-marée nazi de 1932. Goebbels, nommé Gauleiter de Berlin, savait d'ailleurs fort bien que la tâche serait ardue. En Rhénanie-Westpahlie, les habitants connaissent aussi l'écrasement de soulèvements communistes par les Freikorps. Surtout, les Français occupent la Ruhr de 1923 à 1925 et la Rhénanie jusqu'en 1930. Industrialisée, urbanisée, la région voit l'implantation massive du SPD et du KPD. Mais avec plus de 60% de catholiques, c'est le parti du Zentrum qui domine. Il maintient sa position même avec la poussée des nazis, qui s'affrontent aux communistes. L'importance de ces différences régionales joue incontestablement sur les comportements des soldats dans les divisions étudiées.
Le chapitre 2 détaille les préparatifs allemands pour l'opération Barbarossa. La guerre contre l'URSS, conçue au départ pour priver l'Angleterre d'un allié possible, se transforme rapidement en guerre d'annihilation, où l'URSS n'est qu'un entrepôt géant à vider et à piller. Les plans allemands de l'OKH et de l'OKW insistent sur l'objectif que constitue Moscou, là où Hitler est plus intéressé par Léningrad et l'Ukraine, et méprise en particulier la résistance que peut offrir l'Armée Rouge. Les trois divisions étudiées par Rutherford font partie du Groupe d'Armées Nord de von Leeb : 18. Armee qui doit foncer dans les Etats baltes, 16. Armee pour faire la jonction avec le Groupe d'Armées Centre, Panzergruppe 4 pour la percée et l'exploitation. Une division d'infanterie allemande comprend alors théoriquement un peu plus de 17 000 hommes, surtout occupés dans les fonctions de combat, une combinaison interarmes organisée autour de 3 régiments d'infanterie et un d'artillerie. Mais les 3 divisions du livre appartiennent à la 11ème vague de mobilisation (10 divisions levées à l'automne 1940), pour porter la Wehrmacht à 180 divisions lors de Barbarossa : elles ne comprennent que 13 000 hommes, dont un tiers de recrues novices et deux tiers de vétérans. Si les hommes sont en moyenne plus âgés, et si la 121. I.D. est satisfaite pour un de ses régiments, il n'en va pas de même pour un autre de ses régiments d'infanterie ; la 126. I.D. se plaint de certains de ses officiers. Au niveau du matériel, la situation est encore pire : seule la 121. I.D. est jugée opérationnelle. Les recrues, préparées dans des bataillons de marche d'environ un millier d'hommes, sont soudées par l'appartenance régionale. On sait que la 121ème, par exemple, regroupe 80% d'hommes venus de Prusse Orientale et 15% de Rhénanie-Westphalie. La 123ème, en revanche, pose de nombreux problèmes de discipline à son commandant : c'est la division qui recrute majoritairement à Berlin, "cité rouge". En résumé, les 3 divisions sont, au sein de la Wehrmacht prête à attaquer l'URSS, plutôt "en-dessous de la moyenne", pour reprendre l'expression de Christian Hartmann sur la 296. I.D. . Dès le 30 mars 1941, Hitler a exposé à ses généraux ses buts de guerre, économiques et idéologiques. La bureaucratie prévoit par exemple, dès mai 1941, d'affamer 30 millions de Soviétiques en pillant de manière organisée les ressources alimentaires. Pour Barbarossa, la Wehrmacht collabore de manière plus étroite avec la SS pour délimiter l'action des Einsatzgruppen, qu'elle voit comme un instrument de pacification à l'arrière. Les ordres criminels, comme celui prescrivant l'élimination des commissaires politiques après capture ou la non sanction d'exactions contre les civils, sont diffusés peu de temps avant l'attaque. Le 2ème corps d'armée, formation qui contrôle la 121ème division, assimile dans ses directives les Juifs aux partisans. La 126ème division prépare ses hommes, dans les entraînements, au combat anti-partisans, avec toutes les "ruses" que peut utiliser l'ennemi (soldats faussement blessés, véhicules faussement détruits pour tirer à courte portée, etc). L'officier de renseignements souligne aux officiers de la 121ème division le traitement spécial à réserver aux commissaires. Dans le cadre de la collaboration avec les Einsatzgruppen, la 123ème division prend contact avec la Gestapo à Eydtkau et Schirwindt en Prusse Orientale. Fin mai,cette même division, lors de wargames de la 16. Armee, astreint ses prisonniers au travail forcé. Un peu plus tard, l'ordre des commissaires est mis en avant. Les trois divisions ont reçu une information idéologique plus renforcée selon les voeux du commandant en chef de l'armée, von Brauchitsch. Küchler, le commandant de la 18. Armee du Groupe d'Armées Nord, illustre la fusion entre la nécessité militaire définie par l'armée allemande et le fond idéologique fourni par les nazis : il édicte dans ses ordres la vision de la guerre d'annihilation et l'ordre des commissaires. Il est difficile de se faire une idée précise de l'impact global de ces préparatifs sur les 3 divisions étudiées, même si l'on a vu les exemples cités ci-dessus.
Dès le 22 juin 1941, les Allemands peuvent mesurer combien l'Armée Rouge n'est pas le "colosse aux pieds d'argile" si longtemps décrit. La 121ème division se heurte le premier jour à une forte résistance en Lituanie, de même que la 123ème division. Elles perdent respectivement 1 100 et 760 hommes en un mois de combat. Seule la 126ème division est relativement épargnée. Dès les premiers jours, les Allemands se sentent les victimes de méthodes de combat non conventionnelles, accumulant les stéréotypes racistes contre les soldats d'origine asiatique ; il n'y a pas de partisans, mais des unités soviétiques dépassées par l'avance allemande qui tentent de se dégager et attaquent les lignes de communication et les arrières de la Wehrmacht. A Kazlai, un village lituanien, la 121ème division manque de fusiller tous les hommes du village après avoir essuyé des coups de feu. Toutes les divisions d'infanterie doivent poursuivre, avec des marches de 35 km par jour. La 126ème division achève les formations soviétiques disloquées par le Panzergruppe 4. Alors que la 121ème division franchit la Dvina et livre de violents combats, la 123ème division a un parcours moins violent. Elle poursuit jusqu'à Kholm, doit néanmoins affronter une violente contre-attaque soviétique et faute de recrues de remplacement, est contrainte de mobiliser ses troupes arrières en première ligne. La 126ème division, qui connaît un dur baptême de feu à la mi-juillet, réagit brutalement lorsqu'un bataillon d'artillerie est pris sous des tirs dans le village de Dorochova : les 7 hommes du village sont fusillés, les maisons incendiées. C'est plutôt l'exception pendant Barbarossa, mais l'incident montre la combinaison entre le contexte militaire et l'arrière-plan idéologique, utilisé pour la justification dans le cadre de la "nécessité militaire". Le commandant de la 121ème division a donné, dès le 22 juin, un ordre du jour très inspiré par les standards nazis. Durant le mois où la Wehrmacht contrôle la Lituanie et la Lettonie avant leur passage sous administration civile, le 25 juillet, le massacre des Juifs commence. La 121ème division semble mieux traiter les Juifs parlant allemand, ce qui montre les limites du processus d'endoctrinement. Elle assiste aux pogroms menés par les Lituaniens à Kovno, sans intervenir : le commandement allemand, au mieux, est indifférent, voire encourage les massacres, qui s'accroissent avec l'entrée en scène de l'Einsatzgruppe A. Les soldats allemands des trois divisions ont des stéréotypes marqués quant aux habitations, aux villes et aux habitants soviétiques qu'ils rencontrent (tout comme à l'encontre des "Asiatiques" de l'Armée Rouge). Cette vision influence leur traitement des civils. Le nazisme n'a pas fait disparaître complètement la compassion du soldat pour les civils, mais en revanche la haine de l'Etat bolchevique est très forte. Le Groupe d'Armées Nord est au départ le moins concerné des 3 par les problèmes de ravitaillement : néanmoins, les consignes initiales interdisant aux soldats allemands de vivre sur le pays (pour préserver le pillage organisé) sont rapidement levées. Il faut dire que dès la fin de l'été, la viande envoyée de l'arrière pourrit ; le système de ravitaillement est dépassé par l'état des routes ; et les soldats soviétiques isolés attaquent les colonnes de logistique, comme ce convoi du 418ème régiment de la 123ème division, anéanti le 19 juillet. Cette division est d'ailleurs la première à vivre sur l'habitant dès la fin juin-début juillet. Le résultat est que les premiers noyaux de partisans s'en trouvent renforcés. Alors que la 121ème division adopte un comportement restreint à l'égard des civils, la 126ème division au contraire réagit avec une grande brutalité. Dans le pillage, en revanche, les 3 unités sont sur le même plan. Cependant, dans les premiers mois, les divisions se concentrent principalement sur la défaite de l'Armée Rouge.
Le chapitre 4 décrit l'avance sur Léningrad. Le front du Groupe d'Armées Nord s'étend en raison de l'avance en URSS, mais ses effectifs s'amenuisent. Début août, le 28ème corps d'armée, qui comprend la 121ème division, avance au nord-est vers Léningrad, flanquant à l'est le Panzergruppe 4 ; le 2ème corps, avec la 123ème division, est en route vers Kholm, à l'est. Le 10ème corps, avec la 126ème division, est entre les deux, dans la direction de Staraia-Russa/Novgorod. Les divisions vont désormais combattre dans des contextes différents, et leur attitude ne sera pas la même. La 121ème division livre encore de durs combats pour percer la ligne de la Louga et franchir le cours d'eau. La 126ème division perd 1 500 hommes en une semaine dans une tentative pour prendre Staraia Russa. La 123ème division doit également faire face à forte partie devant Kholm. Un régiment de cette dernière division est prélevé pour boucher un trou entre les 10ème et 2ème corps d'armée. Le 18 septembre, la 121ème division parvient au terme de son avancée en prenant Slutsk/Pavlovsk. La 126ème division prend part à la dernière grande offensive allemande le 16 octobre, pour détruire les forces soviétiques dans le corridor Schlüsselburg-Mga. Mais la division est finalement rejetée au-delà du fleuve Volkhov à la mi-décembre. La 123ème division, qui connaît encore des problèmes de discipline, pousse à l'est sur les collines de Valdai et la ville de Demyansk. Les effectifs s'étiolent, les distances à contrôler s'agrandissent. Durant l'automne 1941, l'attitude allemande dans la lutte antipartisans se durcit, tournant confirmé par une directive de Keitel le 16 septembre. Les officiers du Groupe d'Armées Nord le traduisent par des ordres de plus en plus brutaux. L'activité des partisans se développe en effet, en particulier dans le secteur de la 16. Armee, où le 2ème corps (avec la 123ème division) fait la jonction avec la 9. Armee du Groupe d'Armées Centre, secteur où se trouve l'une des plus importantes concentrations de partisans. La 121ème division, qui rencontre il est vrai peu d'activités irrégulières, n'a pas laissé de traces d'exactions. La 126ème division, au contraire, monte des opérations anti-partisans ses ses arrières jusqu'en octobre, moment où elle entame une politique de la terreur, avec les premières exécutions publiques. Elle met en coupe réglée le territoire occupé, et s'occupe de recenser la population en vue de son évacuation. Le 30 octobre, après une attaque de faible ampleur contre une unité de ravitaillement, une femme est exécutée. Une autre opération anti-partisan peu après conduit à la mort de 29 "partisans", probablement pour l'essentiel des civils non armés. La 123ème division dispose de peu d'effectifs pour patrouiller un territoire avec de nombreuses forêts et des marécages. Du 15 au 25 août, elle a déjà arrêté 21 "suspects" et exécuté un commissaire. La division procède à des évacuations forcées et à des déportations d'habitants dans le cadre de la lutte antipartisans. L'activité des partisans n'est pourtant pas ralentie : le 2ème corps lance, le 16 décembre, une opération qui aboutit à la destruction de 11 villages, et à la mort de 85 personnes, dont "12 partisans avérés". Fin novembre-début décembre 1941, selon un rapport de la 16. Armee, 387 partisans sont abattus, 124 soldats de l'Armée Rouge et 35 "suspects" sont arrêtés, au prix de 11 soldats allemands tués et 10 blessés. La 121ème division, située dans une région plus urbanisée et mieux servie par les voies de communication, a moins de difficultés de ravitaillement que ses deux consoeurs. Les 123ème et 126ème divisions manquent non seulement de nourriture mais aussi de vêtements d'hiver : 600 hommes de cette dernière sont victimes d'engelures dans la première semaine de décembre.
Le chapitre 5 traite de l'occupation de Pavlovsk par la 121ème division. L'unité y demeure du 19 septembre 1941 au 30 avril 1942, moment où elle est redéployée sur le Volkhov. Les villes soviétiques sont un exemple intéressant de la politique d'occupation : la vitesse de l'offensive impose de les prendre, mais la politique d'annihilation d'affamer leur population. Au moment où la division prend Pavlovsk, des consignes très sévères ont été données à l'encontre des civils qui tentent de passer les lignes. Les Allemands procèdent immédiatement à un recensement : 13 000 habitants, dont 3 000 réfugiés ou soldats de l'Armée Rouge. Les valides sont d'abord transférés dans un camp de prisonniers ; puis 6 000 personnes sont déportées dans des camps de travail en URSS occupée au nord-ouest, ou en Allemagne. 3 500 ne reviennent pas. La 121ème division a établi 3 camps de prisonniers dans et autour de la ville : un millier de détenus meurent de faim. La division laisse les SS massacrer les Juifs de la ville, sans qu'on ait la preuve de la participation de l'unité aux fusillades. Le Sonderkommando 1B, de l'Einsatzgruppe A, vient fusiller le 24 septembre 9 civils dont 6 pris avec des explosifs après le couvre-feu, suite à l'attaque d'un soldat allemand. La division arrête 3 civils avec un émetteur radio et 2 femmes suspectées d'être des espionnes. 5 partisans en possession de papiers allemands sont exécutés le 5 octobre, puis 10 civils sont fusillés en raison des nombreuses coupures de câbles téléphoniques. 10 autres civils sont passés par les armes peu après. En deux semaines, 34 personnes ont été exécutées. La 121ème division collabore, à Pavlovsk, main dans la main avec la SS. Par la suite, bien que continuant la lutte antipartisans, elle confie les exécutions au SD ou à l'Einsatzgruppe, respectant le partage des tâches initial. C'est qu'aussi la propagande allemande tente de détacher les civils du régime soviétique. La 121ème division fait également travailler 1 300 personnes à son service en février 1942. Les Allemands fréquentent quotidiennement la population soviétique, sans séparation stricte, comme en témoignent les 67 cas de maladie vénérienne. Les villes soviétiques vont être affamées pour nourrir l'Allemagne, ainsi Kiev ou Kharkov. Léningrad, que les Allemands décident finalement, à la mi-juillet 1941, d'assiéger pour la réduire à capituler, perd un million d'habitants au moins jusqu'en 1944. La situation alimentaire des civils en zone occupée par les Allemands devant Léningrad est catastrophique. Les Allemands tentent de régler le problème en évacuant la population, mais n'ont pas les moyens de transport suffisants. L'ordre de Reichenau, le 30 octobre, interdit aux soldats allemands de se préoccuper des civils sur le plan alimentaire. Le Wirtschaftsstab Ost est débordé. 6 000 habitants de Pavlovsk meurent littéralement de faim, dont 387 enfants de 3 à 13 ans regroupés par les Allemands dans un orphelinat. La 121ème division doit réprimer des cas de cannibalisme. L'armée allemande continue pourtant, à la marge, de donner de la nourriture aux civils mais dans des proportions insuffisantes. Sans parler du fait que la 121ème division confisque des vêtements d'hiver, dont elle n'est pas pourvue, aux habitants. Ladite division, qui s'installe dans une guerre de positions, n'a plus le moral d'antan : juste avant la prise de Pavlovsk, un bataillon avait refusé de monter à l'assaut, avant que celui-ci ne soit finalement annulé... les fantassins allemands, en novembre-décembre 1941, font face à des contre-attaques soviétiques où ils sont surclassés en artillerie et à la peine face aux chars les plus récents. 10 000 des 15 000 habitants de Pavlovsk ont succombé, sous le coup de la nécessité militaire imposée par la 121ème division et de sa collaboration avec la SS et le Wirchaftsstab Ost. Et paradoxalement les soldats allemands ont parfois donné à manger aux civils ; le 50ème corps doit même faire exécuter publiquement 2 soldats d'un dépôt qui vendaient la nourriture aux Soviétiques...
Dans le chapitre 6, Rutherford revient sur l'échec de Barbarossa. L'échec allemand est dû à un manque d'hommes, à des difficultés de ravitaillement et à une focalisation trop étroite sur le champ de bataille seul, en méprisant totalement le sort des civils qui rejoignent les partisans ou une attitude anti-allemande, comme on le voit très bien dans le parcours des 3 divisions étudiées. Le Groupe d'Armées Nord n'a pas assez d'hommes pour prendre Léningrad, maintenir la jonction avec son voisin et construire des défenses sur ses flancs. Dans le premier mois et demi, il reçoit 14 000 remplacements pour 42 000 pertes. Le général Fromm, qui dirige l'armée de réserve, avait pourtant prévenu que les 400 000 hommes de réserve disponibles seraient probablement épuisés au mois d'octobre, et ce dès mai 1941. La 121ème division perd 6 387 hommes, 35% de son effectif. La 126ème division compte 3 465 pertes et la 123ème 4 839. Juillet-août-septembre ont connu les coupes les plus sombres. Dans le système de remplacements, on regroupe les convalescents en compagnies de marche de 150 hommes pour retourner au front. Entre le 31 juillet et le 12 décembre, la 121ème division reçoit 6 bataillons de marche de l'arrière, 5 267 hommes. Mais beaucoup n'ont pas l'entraînement suffisant. La 126ème division reçoit 4 998 hommes et la 123ème division 2 902 hommes, dont la plupart, contrairement aux deux autres, ne sont pas issus de la même région. Si la cohésion est maintenue dans deux divisions, et si la 121ème division reçoit plutôt des vétérans, le manque d'hommes est là : les compagnies perdent 30% de leur effectif. L'infanterie, composante principale du groupe d'armées, est donc affaiblie. L'autre problème des divisions est le ravitaillement précaire, particulièrement pour les 123ème et 126ème, qui sont dans le "désert" de la 16. Armee. Pour emporter rapidement la décision, la Wehrmacht a fait sienne les directives nazies, comme le montre l'exemple de l'ordre des commissaires, censé désarticuler l'Armée Rouge en la privant de cadres combattifs. La 121ème division conserve le comportement le moins brutal, car elle fait face à moins de partisans, et se trouve dans un secteur où elle est plus densément présente, tout l'inverse de ses deux consoeurs, mais l'occupation de Pavlovsk montre sa participation à la guerre d'annihilation.
Le chapitre 7 aborde la contre-offensive d'hiver soviétique en 1942. Les Allemands eux-mêmes reconnaissent que l'Armée Rouge gagne en capacité, et ce dès avant les contre-attaques de janvier 1942 devant Léningrad, qui vont conduire à des crises locales pour les 123ème et 126ème divsions. Au sud du lac Ilmen, le Front du Nord-Ouest lance le 7 janvier une attaque vers Staraia Russa et Demyansk, menaçant de détruire une partie de la 16. Armee et de couper le Groupe d'Armées Nord de son voisin. La 123ème division reçoit le choc de plein fouet. Les combats sont extrêmement violents et les rapports font état de nombreux corps-à-corps ; la division compte aussi de nombreux cas d'engelures. Enfermée dans la poche de Demyansk, elle ne compte plus que 8 à 9 000 hommes le 19 janvier, dont les trois quarts souffrent du gel. Quelques unités de la division sont aussi dans la poche de Kholm, au sud-ouest. Du 16 janvier au 15 mars, la 123ème division doit repousser d'incessantes attaques soviétiques pour écraser la poche : elle compte 3 500 cadavres devant ses positions. L'artillerie soviétique matraque les habitations et tous les refuges possibles. Le 8 janvier, la 126ème division subit elle aussi le choc de l'assaut soviétique sur le Volkhov. Son front est enfoncé en deux jours, avec 2 500 pertes dont 1 000 par engelures. La 2ème armée de choc soviétique vise Liuban, mais ne parvient pas à avancer et reste bloquée, reliée au reste des forces soviétiques par un étroit corridor. Le 15 mars, la 126ème division fait partie de la pince nord d'une attaque visant à cisailler le corridor, qui échoue. La division a perdu 16% de son effectif combattant à cause du gel. Dans ce contexte de crise, le comportement des 123ème et 126ème divisions se radicalise encore. En se repliant, elles détruisent les habitations et les autres bâtiments, conformément aux ordres reçus des formations supérieures. Les civils sont réquisitionnés pour du travail forcé. La 123ème division, pour éviter les problèmes sur ses arrières, évacuent une petite ville de 1 130 habitants en février. La 126ème division, attaquée sur ses arrières par les partisans, et dont une unité trouve, dans le rapport en tout cas, des cadavres allemands mutilés par les Soviétiques, exécute plus d'une centaine de prisonniers ; les 15 survivants envoyés à l'arrière sont abattus ensuite après avoir tenté d'agresser leurs gardiens. L'incident se répète à plusieurs reprises, à une époque où la 126ème division contrôle des formations de la 2ème brigade SS, une formation utilisée pour les opérations antipartisans par le Groupe d'Armées Nord. La division n'a pourtant pas tenu compte des ordres qui disent de faire des prisonniers. Cette division se signale donc par une application plus idéologique de la guerre que ses deux consoeurs.
Dans le huitième chapitre, Rutherford explique le changement de la politique d'occupation allemande. La 121ème division reste dans un secteur calme avant d'être transférée sur le Volkhov en avril 1942. Les Allemands ont bouclé la poche une première fois le 20 mars, mais au prix de lourdes pertes : 427 hommes pour un régiment de la 126ème division en deux jours. La bataille dure jusqu'au 28 juin pour liquider la 2ème armée de choc. La 121ème division, qui fait partie de la branche sud, y laisse 5 000 hommes environ, dont près de 600 tués. Les massacres de prisonniers soviétiques ont visiblement été monnaie courante. La 126ème division sort également très éprouvée de l'anéantissement de la poche : de janvier à mai 1942, elle perd plus de 1 200 tués, 3 900 blessés, 340 disparus plus 1 545 cas d'engelures. Les Allemands commencent, avec la raspoutitsa, à vouloir une politique d'occupation plus constructive. Même Reichenau, avant de succomber à une crise cardiaque en janvier 1942, l'avait formulé dans un document. L'OKH le formule explicitement en mai 1942. Küchler, le nouveau commandant du Groupe d'Armées, l'a indiqué dès le mois de février. Les 3 divisions pourtant continuent d'employer des civils pour les travaux forcés, notamment pour construire des routes de fortune dans la boue. Hitler annule l'ordre des commissaires le 6 mai ; la 121ème division, qui en exécute encore un le 13 dans la poche du Volkhov, en épargne un capturé le 30 juin. Ce qui ne l'empêche pas de demander 100 prisonniers au 1er corps pour nettoyer un champ de mines. La 123ème division, qui tient le sud de la poche de Demyansk, dont les unités sont fragmentées, malgré ce manque de cohésion, ne bascule pas dans un comportement plus brutal. Une tête de pont terrestre est finalement établie en avril 1942, et les unités allemandes tiendront la poche jusqu'au repli de février 1943. La 123ème division pose devant ses positions, en 1942, 22 000 mines et 400 rouleaux de fil de fer barbelé. Elle fait travailler de nombreux civils aux travaux de terrassement. Des efforts sont faits pour ne pas laisser mourir de faim les civils, victimes de la famine à l'approche de l'été. Les relations s'améliorent, le commandement se désespérant des contacts que les soldats entretiennent avec les femmes soviétiques. Néanmoins l'Allemagne a besoin de main d'oeuvre : dans le secteur de la 123ème division, 774 personnes sont listées en une semaine pour la déportation en Allemagne ; 7 convois emmènent 911 civils. La division déporte entre 2 et 3 000 civils de son secteur pour limiter la famine et la menace des partisans. La Wehrmacht a-t-elle souffert d'un manque d'effectifs de remplacement avec la contre-offensive soviétique d'hiver ? La 121ème division perd 2 208 hommes entre janvier et mai ; la 126ème plus de 5 300 et la 123ème 4 239. Ecartelé au moment de Barbarossa, le système de remplacement, pour le Groupe d'Armées Nord, retrouve une certaine efficacité. La 121ème division reçoit 1 359 hommes en février, et 1 400 en mars-avril, souvent de Prusse Orientale. La 126ème division reçoit plus de 5 000 hommes jusqu'en avril, dont 10% de convalescents. Ces vétérans sont appréciés car les autres recrues sont de moins bonne qualité. Seule la 123ème division, encerclée, est moins bien lotie : 1 765 remplacements. Les deux autres divisions reçoivent plus d'hommes qu'elles n'en perdent, et gardent une bonne cohésion de recrutement.
Le chapitre 9 décrit le prolongement de cette nouvelle politique d'occupation. L'Armée Rouge continue d'attaquer la poche de Demyansk. Les Allemands doivent y transférer plusieurs unités, dont la 126ème division. Celle-ci n'a été retirée du Volkhov que pendant deux semaines. Du 27 septembre au 10 octobre 1942, elle participe à l'opération Michael qui vise à élargir le corridor vers la poche. Les pertes sont lourdes : 1 830 hommes en 13 jours. La 121ème division, elle, est retournée devant Léningrad. Elle est rattachée en septembre à la 11. Armee, celle de Manstein, chargée de mettre Léningrad à genoux. En juillet, elle a dû repousser une attaque soviétique qui a pris ses premières lignes, reconquises au prix de 110 pertes. Le 27 août, l'Armée Rouge tente de réduire le corridor coupant Léningrad des forces soviétiques à l'est de la ville. La 121ème division est engagée pour réduire la pénétration : elle fait 2 060 prisonniers et décompte 1 000 cadavres, mais perd elle-même 591 tués, 2 395 blessés et 97 disparus. Elle est mise au repos pour 3 mois. En juillet, les Allemands ont introduit des cartes de rationnement à Pavlovsk. Mais la 121ème division évacue la population requise pour travailler en Allemagne : 1 410 de Pavlovsk, 1810 de Pouchkine au 9 août. Il ne reste que ceux incapables de travailler ou les femmes et enfants qui travaillent déjà sur place pour la division. La 126ème division, transférée dans la poche de Demyansk, adopte des comportements plus conciliants à l'égard des civils. Cela n'empêche pas qu'elle livre 60 civils, en décembre 1942, à la Geheim Feld Polizei de Staraia Russa. La division utilise cependant des collaborateurs locaux, recrute 237 prisonniers de guerre (Hiwis) et 10 civils en septembre. La Wehrmacht est en effet en pénurie d'hommes : les 350 000 hommes reçus jusqu'en septembre 1942 ne compensent pas les 600 000 pertes. La 121ème division perd un bataillon par régiment d'infanterie, suivie par ses deux homologues, dès le 15 juillet 1942. Les remplacements comblent les pertes mais n'autorisent pas la division à retrouver son niveau d'antan. Néanmoins, les recrues sont mieux entraînées et beaucoup de convalescents reviennent aussi à la 121ème division. La 126ème division, elle aussi, reçoit plus de 2 400 convalescents, ce qui maintient sa cohésion, tout comme la 123ème division qui en réceptionne plus de 1 500, et cette fois de sa région de recrutement. Dans les divisions allemands, ces recrues arrivent dans les unités de combat. C'est la "queue" logistique des unités qui recrute de plus en plus de Hiwis. La 121ème division a un parcours bien différent, en 1942, des deux autres unités, encore une fois. Mais la politique de conciliation avec les civils se heurte aux objectifs d'une guerre d'exploitation. Ce qui assure une énorme variété dans la politique d'occupation.
Dans le chapitre 10, l'historien évoque la reconstruction du Groupe d'Armées Nord. Celui-ci conserve ses positions jusqu'en 1944. Les 3 divisions, dont 2 ont été retirées de la poche de Demyansk en mars, connaissent une période de répit, mais sont davantage impliquées dans les opérations antipartisans et de déportation de la population qui vont gonfler la résistance. En janvier 1943, les Soviétiques rétablissent un corridor terrestre avec Léningrad. Lorsque le 2ème corps évacue la poche de Demyansk, un mois plus tard, le Führer a édicté le Führerbefehl n°4, qui marque le passage à une politique organisée de terre brûlée et de destruction généralisée en cas de retraite. Tous les hommes valides et toute la population sont évacués, les biens confisqués, tout ce qui ne peut être emmené est détruit. La 123ème division emmène à sa suite plus d'un millier de civils. La 126ème division est l'une des dernières formations à quitter la poche, début mars. La 121ème division, quant à elle, gagne la réputation de "pompier" dans son secteur. Engagée pour contrer une percée du Front du Volkhov, elle perd 3 000 hommes, dont de nombreux officiers et sous-officiers. En juillet-août, elle est déployée contre l'offensive soviétique sur les hauteurs de Siniavino, et perd encore 1 900 hommes. La 126ème division, est qui aussi engagée dans ce secteur, doit mener de violents combats, qui là encore se terminent souvent au corps-à-corps. Les trois divisions reçoivent encore, en 1943, des renforts en quantité suffisante. La 126ème division accueille 6 000 convalescents, la 123ème 2 170. C'est de cette année que date l'incorporation des premiers Allemands de l'extérieur du Reich, qui sont souvent regardés avec suspicion. La 121ème développe un programme d'entraînement réaliste pour ses nouvelles recrues ; le SD détache même un élément à Liuban pour la décharger de la lutte antipartisans. La 126ème division fait de même depuis le printemps 1943. En face en revanche, la qualité de l'entraînement des recrues de l'Armée Rouge, vite incorporées, n'est pas toujours à la hauteur.
Le chapitre 11 revient sur la contradiction entre politique d'occupation et nécessité militaire. Si la 126ème division appelle encore à bien traiter les civils en avril 1943, la 18. Armee fait évacuer le même mois une bande de 20 km en arrière du front. Le mouvement s'étale jusqu'en juin. L'activité des partisans monte en puissance au fil de l'année. La 121ème division est impliquée dans de nombreuses opérations antipartisans, notamment dans la redoutée "forêt des bandits". Le 31 mai, la 18. Armee fait détacher le Jagdkommando de la division dans la zone arrière, le Korück 583, sans grand résultats. La 126ème division, qui arrive devant Léningrad en août, combat les partisans en établissant des zones interdites aux civils et en utilisant les services de deux propagandistes russes. La 123ème division affronte une menace d'une toute autre ampleur, avec une formation organisée, la 21ème brigade de partisans. Elle monte sa propre compagnie de chasse : en avril-mai, une opération conduit à la capture de 144 partisans, 177 autres ayant été abattus. La menace partisane étant réduite, la division commence à organiser son secteur d'occupation et à collecter les ressources alimentaires. Elle aussi évacue près de 1 500 civils à l'arrière. En octobre, le Groupe d'Armées Nord prévoit de déporter pas moins de 900 000 civils sur la position de repli prévue, la ligne Panther. Entre le 30 septembre et le 16 octobre, pas moins de 40 000 personnes sont déplacées de force ; en février 1944, le mouvement aura concerné 295 000 civils. Côté allemand, le moral n'est pas au plus haut : à l'incapacité évidente de prendre Léningrad s'ajoute le pilonnage aérien par les Anglo-Américains des villes du Heimat. La 126ème division subit une chute du moral qui se traduit par les premiers cas de désertion, en novembre 1943. La Wehrmacht répond par un renforcement de l'endoctrinement nazi, avec conférences, lectures, films, comme dans le 50ème corps dont dépend la 126ème division.
Dans le dernier chapitre, Rutherford décrit la retraite allemande sur la ligne de Panther et la politique de terre brûlée qui l'accompagne. Les deux projets ont été prévus dès octobre 1943, avec un Groupe d'Armées Nord très inférieur en nombre aux forces soviétiques qui lui font face, et qui sert encore de réservoir pour d'autres parties du front. Dans la seconde partie de l'année, Küchler perd 40% de ses effectifs. Avant l'offensive soviétique de janvier 1944, la 123ème division est ainsi envoyée à la 1. Panzerarmee en Ukraine. Réengagée dans la guerre mobile, au sein de la tête de pont de Zaporoje, la division subit 2 300 pertes en octobre 1943. Elle participe à des déplacements forcés de civils, avant d'être détruite lors d'une offensive soviétique déclenchée le 30 janvier 1944. Les 121ème et 126ème division sont encore considérées comme de bonnes unités. L'offensive soviétique frappe la seconde, déployée entre la poche d'Oranianenbaum et Léningrad, le 15 janvier 1944. 40 000 partisans opèrent désormais sur les arrières allemands. La 126ème division se replie pour éviter l'encerclement. Une semaine après le début de l'attaque, elle n'aligne plus que 673 hommes. Küchler ordonne le repli vers la ligne Panther le 29 janvier, contre les ordres d'Hitler, qui le remplace bientôt par Model. La 126ème division est engagée dans une contre-attaque à partir de la rive est du lac Peïpous. La 121ème division est enfoncée sur le front de Novgorod et perd 2 200 hommes. La 126ème division, fracassée, se retranche dans Pskov. Elle trouve encore l'énergie de déporter 2 500 civils vers l'arrière, et 16 500 en tout jusqu'à la fin mars. La 121ème division, qui finit au sud de Pskov, traverse un territoire où tous les villages ont été systématiquement incendiés, et elle contribue elle-même aux incendies. Lors de l'évacuation de Pskov, entre les 24 jun et 5 juillet, la 126ème division fait sauter tous les bâtiments industriels et de sources d'énergie, ne laissant derrière elle qu'un champ de ruines.
En conclusion, l'historien souligne combien le fantassin allemand a participé à la décimation de la population soviétique. Même au Groupe d'Armées Nord, où la mission première reste le combat de ligne, les trois divisions étudiées ont participé à l'entreprise nazie de guerre d'annihilation : extermination des Juifs, famine organisée, lutte antipartisans, déportation de populations, terre brûlée... sous l'idéologie nazie se cachent en fait des visions et des réflexes qui remontent au moins à la Grande Guerre. L'importance du contexte militaire est là, aussi, comme le montre le cas de la 123ème division, plus brutale quand elle est en difficulté. Surtout, l'armée prussienne et allemande développe une logique de nécessité militaire qui n'épargne pas les civils, pour frapper vite et fort. C'est ce que l'on voit durant l'opération Barbarossa, avant la radicalisation provoquée par la crise de l'hiver 1941-1942. Le changement de politique, plus conciliante à l'égard des civils après l'échec de la première campagne est finalement anéanti par les déportations forcées. Et les divisions allemandes étudiées peinent à se départir de comportements brutaux, qui redeviennent la règle avec la retraite de 1944. La 121ème assiste sans broncher au massacre des Juifs à Kovno puis à Pavlovsk. Le massacre des Juifs a été moins important dans le secteur du Groupe d'Armées Nord, mais c'est aussi qu'ils y étaient moins nombreux. La 121ème division s'est faite la complice de la politique d'annihilation à Pavlosvk. Dans la lutte antipartisans, au déchaînement de violence contre les civils de la 126ème division, puis de la 121ème, répond l'organisation méthodique de la 123ème. Celle-là même qui, menacée dans sa survie, a su adapter sa politique d'occupation vers plus de conciliation. C'est aussi la seule qui disparaît avant la fin de la guerre : la faute à un recrutement dans un bastion antinazi, et à des remplacements non issus de sa région d'origine (contrairement à la 121ème, alimentée de manière continue en Prussiens de l'est ?). La 126ème division reste le cas le plus difficile : comment expliquer la brutalité de 1941-1942 ? Par le recrutement assez homogène, par une idéologie nazie plus présente ? Son comportement montre en tout cas que la Wehrmacht avait envisagé, dès le départ, une guerre féroce, d'une violence sans précédent, pour mettre l'URSS à genoux.