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Hans VON LUCK, Panzer Commander. The Memoirs of Colonel Hans von Luck, Dell Books, 1991, 355 p.

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Hans von Luck est un officier de la Wehrmacht, ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale en atteignant le grade de colonel (Oberst). Il a servi sur quasiment tous les fronts, en Pologne, en France, en URSS, en Afrique du Nord, en Italie. Il a été proche du maréchal Rommel. Von Luck écrit ses mémoires seulement à partir de 1983, après une rencontre avec l'historien américain Stephen Ambrose, qui vient l'interroger, au départ, sur son rôle le 6 juin 1944. C'est après l'avoir rencontré qu'Ambrose le pousse à écrire ses mémoires. Celles-ci sont donc produites bien après les faites, ce qui ouvre la voie, bien évidemment, aux reconstruction. Von Luck appartient à la catégorie des mémorialistes allemands (non pas les généraux, cette fois, ou les maréchaux, mais l'échelon inférieur) qui ont probablement beaucoup fait pour la fascination américaine à l'égard de l'armée allemande, née dans le contexte de guerre froide et qui perdure aujourd'hui.

Ce n'est d'ailleurs probablement pas un hasard si von Luck commence ses mémoires par la fin : en 1949, prisonnier des Soviétiques en URSS, il se sort d'une mauvaise passe lors d'un interrogatoire avec un des officiers qui se trouvent en face de lui en jouant du destin commun des officiers pris dans la guerre. Façon, déjà, de dédiaboliser le comportement des Allemands en URSS et de réhumaniser celui des Soviétiques...


 

Von Luck est issu d'une vieille famille prussienne. Le récit de ses années de jeunesse, où il mène une carrière militaire, servant dans la Reichswehr dans les premières troupes motorisées (et où il rencontre Rommel comme instructeur), sépare déjà nettement l'armée du nazisme, ce qui laisse songeur. Il a beaucoup voyagé en Europe après la prise du pouvoir par les nazis. Von Luck s'attarde peu sur la campagne de Pologne.

Il fait partie de la division convertie qui devient la fameuse 7. Panzerdivision. Von Luck est beaucoup plus prolixe sur la campagne de France, où Rommel tient la vedette. Il raconte également avec un luxe de détails la capture de Fécamp, puis son arrivée à Bordeaux où il représente quasiment la première autorité militaire allemande d'occupation. Von Luck, selon ses dires, sympathise avec beaucoup de Français, dont deux en particulier à Paris. Il ne se prive pas cependant de collectionner les bons crus pris dans les caves du vaincu... il est déçu de ne pas partir avec Rommel en Afrique en février 1941. Lorsque sa division est concentrée en Prusse Orientale, il se dit sceptique sur l'invasion de l'URSS, ce qui là encore est peut-être une reconstruction a posteriori.

Lors de Barbarossa, von Luck se plaît à souligner l'inanité des tactiques soviétiques mais aussi la grande surprise que constitue la rencontre du T-34. Il raconte aussi comment il manque de se faire tuer par des soldats dépassés par l'avance allemande et qui tendent des embuscades sur la route. La description des villages soviétiques est assez conforme aux stéréotypes nazis, voire allemands datant de la Grande Guerre au moins. Là encore, von Luck explique que les Russes tendent d'abord la main aux Allemands. Il sympathise également avec un pope de Smolensk. Von Luck décrit les camps de prisonniers soviétiques, véritables mourroirs ; mais il ne fait pas grand chose pour soulager le sort des prisonniers, même s'il est horrifié. Il est plus préoccupé par le fait de ramener sa Mercedes avec lui quand il apprend, après la contre-offensive soviétique devant Moscou, qu'il va rejoindre Rommel en Afrique, en janvier 1942. De manière générale, Von Luck ne parle pas de l'association étroite de la Wehrmacht avec les crimes nazis à l'est...

Il passe par les bureaux du personnel à Berlin puis va voir sa famille à Flensburg, où il voit les premiers effets des bombardements aériens alliés. Il gagne l'Afrique du Nord mais il est rapidement blessé pendant la bataille de Gazala en mai 1942. Après avoir été évacué en Allemagne, il retourne sur le théâtre en septembre, peu de temps avant la bataille d'El-Alamein. Von Luck dit estimer les Italiens avec qui il travaille dans son bataillon de reconnaissance ; cependant, avant que le rôle d'Ultra ait été rendu public par les Anglais, il accusait les Italiens d'avoir renseigné les Alliés sur les mouvements logistiques, provoquant de nombreuses pertes de navires, ce qu'il reconnaît lui-même... à une possible réécriture s'ajoute donc la question de ces "trêves" avec les unités de reconnaissance britanniques à l'heure du thé, qui paraissent un peu trop belles pour être authentiques.Outre la supériorité aérienne alliée, il décrit aussi les premiers combats contre les Américains, en Tunisie, en février 1943, où ces derniers, bien que battus, savent ensuite faire preuve d'adaptation. Von Luck, envoyé par le commandement des restes de l'Afrika Korps pour convaincre le Führer d'évacuer la tête de pont, trouve l'atmosphère de Rome irréelle. A Berchtesgaden, Jodl ne le laisse même pas voir Hitler, lui affirmant que son intervention ne servirait à rien. Le bataillon de von Luck fait partie des 130 000 captifs qui capitulent en mai.

Basculé dans la réserve, von Luck tourne entre Berlin et Paris, où se trouve l'école de reconnaissance de l'arme blindée. Il rencontre Dagmar, fille d'un grand notable, mais la famille est inquiétée car d'ascendance juive. Le père de Dagmar finit au camp de concentration de Sachsenhausen. Von Luck tente d'intervenir en sa faveur et va jusqu'à rencontrer Kaltenbrunner, le sinistre chef du RSHA. Il est ensuite affecté à la 21. Panzerdivision, en Normandie, où il prend la tête du Panzergrenadier Regiment 125.

Lors du débarquement du 6 juin 1944, von Luck raconte la frustration ressentie par la division, qui ne reçoit pas d'ordre général de contre-attaque, à cause de l'absence de certains officiers, des atermoiements d'autres, et de la diversion que constitue pour Hitler le débarquement en Normandie. Lorsque la division se met en marche, ses attaques sont stoppées par l'aviation ou les tirs de l'artillerie de marine. Von Luck est en permission à Paris quand se déclenche l'opération Goodwood, le 18 juillet. Revenu en catastrophe, il place une unité de 88 de la Luftwaffe pour pilonner de flanc les chars britanniques, ce qui améliore une situation compromise en attendant l'arrivée des renforts. Von Luck assiste ensuite à la formation de la poche de Falaise, et se replie avec l'armée allemande en traversant la Seine, puis en se glissant entre deux armées américaines qui foncent vers l'est. En septembre, von Luck voit les défaites contre la 2ème division blindée française et les divisions blindées américaines en Lorraine.

En novembre-décembre, la division de von Luck mène des combats furieux contre les Américains, retranchée sur le Westwall, à Saarlautern. En janvier 1945, après avoir été déplacée dans le secteur de Hagenau, elle combat encore violemment en Alsace à la frontière du Palatinat, à Hatten-Ritterschoffen. Von Luck se plaît à souligner des prisonniers noirs d'un bataillon blindé, qui, dit-il, ont reçu l'ordre d'incendier chaque maison allemande d'où sont partis des coups de feu, forcément nazis. Début février 1945, la 21. Panzerdivision est transférée sur le front de l'est. Von Luck organise le départ de Dagmar dans le nord de l'Allemagne, vers Flensburg, où va s'installer d'ailleurs le gouvernement provisoire de Dönitz.

La division débarque à l'ouest de Küstrin, sur l'Oder, assiégée par les Soviétiques, et tente de la dégager, sans succès, avec la 25. Panzergrenadier Division. Puis von Luck est déplacé en Silésie, face à Koniev. Les Feldgendarmes appliquent strictement les consignes du maréchal Schörner, chef du Groupe d'Armées Centre, et exécutent pour des motifs parfois futiles des hommes de la division de von Luck sur les arrières des troupes allemandes. La division participe à la contre-attaque de Lauban, un des derniers mouvements tactiques allemands couronnés de succès, début mars. Après l'offensive de Joukov, le 16 avril, von Luck se retrouve enfermé avec les restes de la 9. Armee dans la poche de Halbe, au sud-est de Berlin. C'est en tentant d'en sortir qu'il est capturé par les Soviétiques, dix jours plus tard, le 27 avril. 

Von Luck parvient à faciliter pendant la marche l'évasion de plusieurs camarades vers les Américains, sur l'Elbe. Mais il est ensuite transporté dans un camp de regroupement près de Dresde, et commence le voyage en camion vers l'est. Les attitudes des prisonniers varient quant au nazisme, d'après von Luck, les plus jeunes restent encore attachés au souvenir du Führer. Finalement, après être passé par les bords de la mer d'Azov, les prisonniers allemands arrivent en Géorgie, au pied du Caucase. Von Luck atterrit dans un camp faisant partie d'un complexe plus grand, à Tkibuli, où les Allemands doivent travailler dans des mines de charbon. Il est nommé commandant des prisonniers, mais le statut varie en fonction des réponses (qu'il ne donne pas) aux interragoires soviétiques sur les membres de la SS, de la police, ou qui ont participé à la lutte antipartisans. Les premiers prisonniers ne sont relâchés qu'à partir de 1949. Les Allemands sont peu nourris, et la mortalité par maladie est élévée, mais comme le dit von Luck, les Soviétiques n'ont pas forcément un meilleur régime. En 1946, l'officier est affecté à une brigade de construction routière. Von Luck participe à la construction de maisons pour des cadres du parti, ce qui lui permet d'améliorer la situation du camp en gagnant de l'argent. Un semblant de vie culturelle est organisé. Les prisonniers peuvent bientôt écrire et recevoir du courrier. Von Luck est requis une fois pour une opération frauduleuse organisé par un apparatchik. A l'hiver 1947-1948, il est détaché dans une équipe de surveillance des puits de charbon. Il raconte comment il est accueill par des villageois géorgiens isolés qui ont encore le souvenir de la présence allemande pendant la Grande Guerre. A l'été 1948, von Luck assiste à la grève de la faim d'un camp de prisonniers hongrois. Puis il est sollicité par des Géorgiens pour un enterrement chrétien. Fin 1948-début 1949, von Luck est transféré dans un camp aux conditions plus difficiles près de Kiev, alors que commencent les premières libérations de prisonniers. Il suggère une grève de la faim, à l'exemple des Hongrois, pour améliorer les conditions du camp. Finalement, il est  libéré à la fin de 1949. Après avoir rompu avec Dagmar, qui a commencé une autre nuit, von Luck devient réceptionniste de nuit, et tente de se démarquer de son passé. Mais dans les années 1960, il est sollicité par les militaires britanniques pour évoquer son expérience en Normandie, et enchaîne les conférences devant les publics de pays membres de l'OTAN ou d'Europe de l'ouest. En 1984, il rencontre John Howard au 40ème anniversaire du D-Day, après avoir été interviewé par Stephen Ambrose.

Les mémoires de von Luck participent de cette littérature entretenant le mythe d'une Wehrmacht "à visage humain", débarrassée de toute compromission avec l'adversaire, sympathisant avec lui (cas des Britannques) ou reconnaissant sa valeur tout en ayant du mal à le mettre sur un même pied d'égalité (cas des Soviétiques). D'ailleurs les mémoires de von Luck parlent fort peu des réalités militaires (on relève même plusieurs erreurs à propos des matériels ou des détails techniques), mais davantage du parcours d'un officier allemand pendant la guerre, à la fois militaire, civil, et pour finir, prisonnier. Le témoignage, encore une fois, est donc bien plus intéressant de par la reconstruction qu'il opère pour un public surtout américain, ici, que pour son contenu à proprement parler.




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