Juillet 1918. Alors que Clémenceau passe en revue les troupes australiennes, le lieutenant-colonel Stucker continue de mener la guerre au front avec son groupe de nettoyeurs de tranchée. Parmi eux, le soldat Freeman, un aborigène, qui compte bien attendre le "temps du rêve" de ses ancêtres. Mais Freeman, dont les pratiques sont réprouvées par le commandement, tout comme l'attitude de Stucker, passera le témoin à ce dernier...
Un dernier tome très dense pour cette série Le temps du rêve, un peu hors-norme dans la production de bandes dessinées liée au centenaire de la Grande Guerre. L'évocation des nouvelles tactiques alliées, combinant chars et avions, p.4-5, montre l'effort documentaire des auteurs. De même que la mise en scène des nettoyeurs de tranchée, comme dans le tome précédent. Plus originale est l'apparition de Marcel Mauss, qui vient discuter avec le soldat Freeman (!). Plus classique sans doute est l'évocation du problème du reclassement des anciens soldats, complètement transformés par la guerre. Ce qui est intéressant, c'est que les auteurs montrent par exemple le traitement dans les hôpitaux sur deux volets : celui répressif, inefficace, et celui plus à l'écoute des soldats et qui tente de les apaiser par d'autres moyens que les traitements de choc en vigueur à l'époque. LA BD ne s'arrête pas à l'armistice, heureusement : elle montre combien les semaines suivantes ont été tumultueuses. L'ambivalence des anciens combattants est incarnée par le capitaine Eliott, qui rejoint d'abord un groupe bolchevik des docks anglais (groupe qui lui-même méprise les travailleurs immigrés) avant de rejoindre une formation d'extrême-droite (dont le livre de chevet est Les Protocoles des Sages de Sion), puis ne trouvant aucun sens à ces combats, Eliott décide de partir se battre contre les bolcheviks de Russie. Stucker lui-même finit à Hermannsburg, là où tout a commencé, avec une conclusion peut-être un peu expédiée. Néanmoins, c'est vraiment une série qui vaut le détour, à recommander.