Edward G. Longacre est un historien américain connu pour ses livres et article sur la guerre de Sécession plutôt que sur la Seconde Guerre mondiale (j'avais eu l'occasion d'évoquer un de ses ouvrages ici). Il se trouve que le père de l'historien a servi dans la 100th Infantry Division pendant la Seconde guerre mondiale : Edward G. Longacre rend d'une certaine façon hommage à son géniteur en évoquant le parcours de cette division méconnue pendant le conflit.
La 100th I.D. débarque à Marseille en octobre 1944. Elle a cette particularité d'être composée à la fois de cadres de la Garde Nationale et de l'armée régulière. Créée en novembre 1942, elle a dû détacher 3 000 de ses hommes au cours de l'année 1944 pour combler les trous dans les unités déjà engagées en Europe. Elle a donc dû attendre deux années avant de monter en ligne à son tour.
La division est engagée dans les Vosges et se heurte à la ligne "Hiver" des Allemands, en avant du Rhin. Les "Centurymen" sont parmi les seuls Américains à ne pas lâcher pied lors des assauts initiaux de l'opération Nordwind, en janvier 1945, qui prolonge la contre-offensive des Ardennes. La division s'empare de la ville de Bitche, en Alsace, ce qui lui vaudra un nouveau surnom affectueux ("Sons of Bitche"). Les fantassins américains, rattachés au VIth Corps, traversent le Rhin le 26 mars 1945.
Les Allemands s'accrochent cependant, même au bord de la défaite. La 100th I.D. va se heurter à une farouche résistance devant la ville d'Heilbronn, entre Heidelberg et Stuttgart. La ville, adossée au Neckar à l'ouest, est protégée par une ceinture de collines dans les trois autres directions. Elle est défendue par des unités qui battent en retraite, comme les restes de la 17. SS-Panzergrenadier Division, par la Volkssturm et la Hitlerjugend, et par des reliquats de l'armée régulière (marins, vétérans de l'Afrika Korps !). Le général Burress, qui commande la division américaine, cherche à limiter les pertes : il fait traverser un de ses régiments au nord de la ville, sur le Neckar, de façon à l'encercler. Mais le commandant du VIth Corps ordonne à Burress d'attaquer les faubourgs nord de la ville avec la 10th Armored Division qui progresse en parallèle au nord de Heilbronn. Les Américains progressent d'abord bien mais le 4 avril, une violente contre-attaque allemande anéantit plusieurs formations américaines, faisant usage de tunnels reliant la ville aux quartiers industriels.
Burress voit partir la 10th Armored Division et la 63rd Infantry Division, qui étaient censés l'appuyer dans la conquête de Heilbronn et qui sont expédiées dans d'autres directions. Le 397th I.R. vient épauler son confrère le 398th I.R., qui a reçu de plein fouet les contre-attaques allemandes. Les Américains tentent d'établir des ponts en face de la ville, mais les 88 allemands les pulvérisent ; avec des pots fumigènes, il est néanmoins possible de faire une trentaine de véhicules blindés sur l'autre berge, avec qu'un énième pont ne soit encore détruit par l'artillerie. Pendant que le 397th I.R. établit une tête de pont en face du centre-ville, le 398th I.R. progresse par le nord tout en nettoyant les villages environnants. Les GI's sont pris à partie par les mitrailleuses, les Panzerfaüste et même par des Nebelwerfer. Le pilonnage est tellement dense qu'un soldat américain au moins retourne sa propre arme contre lui.
Les 5 et 6 avril, les deux régiments procèdent au nettoyage de la ville. Dans l'usine Knorr, les compagnies d'armes lourdes trouvent de quoi refroidir leurs mitrailleuses surchauffées (!). Les Américains rencontrent une résistance parfois fanatique d'adolescents de la Hitlerjugend. De nombreux civils allemands sont tués par l'artillerie ou lors du nettoyage des bâtiments. Les Américains portent néanmoins secours à de nombreux travailleurs forcés soviétiques ou roumains prisonniers des combats. Le 9 avril dans l'après-midi, Heilbronn est quasiment nettoyée par le 398th au nord et par le 399th I.R. au sud. Les différents groupes du 397th I.R. font également bientôt leur jonction. La bataille aura coûté à la division 60 tués, 250 blessés et 112 disparus -pour 1 800 Allemands capturés et un grand nombre tués ou blessés. Les "Centurymen" ont rempli leur mission, non sans affronter une dernière résistance désespérée dans une grande ville allemande (100 000 habitants avant la guerre).
Un ouvrage finalement très classique, sur un historique d'unité, mais à propos d'une division relativement obscure. Surtout, le récit met bien en évidence la résistance parfois désespérée de l'armée allemande et de ses auxiliaires conjoncturels (Volkssturm, Hitlerjugend, autorités locales du parti, etc) sur le front de l'ouest en 1945. Encore une fois, l'entrée en Allemagne n'a pas toujours été une promenade de santé, même du côté anglo-américain.