Les éditions britanniques Osprey, bien connues des amateurs d'histoire militaire, ont récemment lancé une nouvelle collection parmi un catalogue déjà bien fourni : Combat. Le volume n°7 de la nouvelle collection, sorti à l'été dernier, signé David Campbell, dresse une comparaison entre le fantassin allemand et le fusilier soviétique pendant l'opération Barbarossa.
Combat présente, pour les éditions Osprey, un nouveau visage. Les illustrations, généralement plus grandes, sont légendées de manière plus détaillée. Les références citées dans la bibliographie en fin de volume sont beaucoup plus citées, non pas en notes, mais entre parenthèses, dans le texte, jusqu'aux pages. Les cartes, généralement en double page, reprennent un système de numéros qui permettent de mieux suivre la chronologie des opérations et les différents mouvements de troupes.
Ce volume s'intéresse donc au face-à-face entre le fantassin allemand et le fusilier soviétique, qui constituent de chaque côté le gros des forces en présence au déclenchement de Barbarossa. Côté allemand, l'auteur s'intéresse plus précisément aux fantassins des divisions d'infanterie motorisée, peu nombreuses, et qui ne sont créées qu'à partir de 1937 pour accompagner et exploiter les succès des formations blindées. Côté soviétique, les divisions de fusiliers, qui représentent 75% de l'Armée Rouge, pâtissent des carences logistiques qui existent encore en 1941. Les divisions d'infanterie motorisée allemandes, en juin 1941, sont à un summum d'efficacité : le moral est bon, l'expérience considérable car ces unités ont souvent été engagées en première ligne. En revanche, elles manquent d'armes antichars efficaces et elles ont dû absorber des matériels français, tchèques, polonais, ce qui pose des problèmes de disponibilité. Les divisions de fusiliers soviétiques, surtout composées de paysans conscrits, sont mal préparées à absorber le choc de Barbarossa : elles vont pourtant tenir, se montrant parfois redoutables de ténacité. Les fantassins motorisés allemands fonctionnent sur le principe de souplesse du commandement, qui dans la Wehrmacht favorise l'initiative des officiers subalternes à partir d'ordres relativement généraux ; en outre, ils ont l'habitude de combattre en formations mixtes changeant souvent de composition (Kampfgruppen) et sont bien équipés en moyens de communication, pour favoriser une guerre très mobile. En face, les purges ont décapité l'encadrement de l'Armée Rouge, qui connaît une grave pénurie d'officiers et de moyens de communication modernes. Les groupes de combat allemands, organisés autour de la mitrailleuse MG 34, manquent d'armes antichars efficaces même si les armes de poing valent largement celles des Soviétiques. Les fantassins motorisés sont habituer aux manoeuvres offensives et à combattre à pied ou à partir des camions qui les transportent (les véhicules de transport blindés ne seront jamais généralisés). En revanche, les Allemands sont moins bien préparés aux situations défensives. Côté soviétique, les groupes de combat, structurés autour de la mitrailleuse légère DP 28, pâtissent d'un entraînement et d'un encadrement faibles, qui conduisent à des tactiques coûteuses en vies humaines.
L'auteur confronte les fantassins motorisés allemands et soviétiques lors de trois engagements différents de par leur nature. La 10. Infanterie Division (mot.) fait partie du XXIV. Armeekorps (mot.) du Panzergruppe 2 de Guderian, au Groupe d'Armées Centre. L'Infanterie Regiment (mot.) 41 approche, début juillet, du Dniepr. La 117ème division de fusiliers s'est installée en force sur la rive est et garde une tête de pont sur la rive ouest, près de Zhlobin. Le matin du 6 juillet, les Allemands arrivant de Bobruisk butent dans le 240ème régiment de fusiliers, qui fait partie d'une manoeuvre de contre-attaque soviétique, et sont repoussés. Mais les Allemands font évoluer d'autres unités sur les flancs des Soviétiques et les fixent par un tir d'artillerie nourri et des automitrailleuses. Repoussés sur Zhlobin, les fusiliers soviétiques s'accrochent à la localité. Deux bataillons du Panzer Regiment 6 (3. Panzerdivision) appuient les fantassins allemands pour l'assaut ; mais les chars allemands qui manoeuvrent sans soutien d'infanterie se heurtent à forte partie, et une vingtaine d'entre eux restent sur le terrain. La division soviétique repasse le fleuve dans la soirée et fait sauter les ponts sur le Dniepr : elle a perdu 20% de son effectif et un matériel considérable. Les pertes allemandes, réduites en hommes, sont cependant lourdes en blindés, obérant de fait la victoire remportée sur le terrain.
Mi-juillet, c'est la 29. Infanterie Division (mot.), une des meilleures de l'armée allemande, qui arrive devant Smolensk. La ville est défendue par le général Lukin qui commande la 16ème armée. Ses forces se composent à la fois de soldats réguliers et de miliciens de la ville encadrés par le NKVD. Au soir du 15 juillet, les Allemands se présentent au sud-ouest de Smolensk et s'emparent de la moitié sud de la ville. Le lendemain, ils franchissent le Dniepr en canot, les Soviétiques ayant fait sauter les ponts. Dans la partie nord, les fusiliers soviétiques lancent contre-attaque sur contre-attaque. Le cimetière est l'objet de combats particulièrement acharnés. La 16ème armée y laisse 40% de ses effectifs mais la 29. Infanterie Division (mot.) est elle aussi particulièrement victime de cette guerre d'usure : elle doit être retirée de Smolensk les 26-27 juillet. La 16ème armée doit cependant se retirer quelques jours plus tard. Les Allemands constatent que la campagne en URSS leur coûte cher : faute d'infanterie à pied, la 29. I.D. (mot), unité destinée à la guerre de mouvement, a perdu 1 000 hommes dans ces combats de rues.
Fin juillet, le premier échelon d'armées soviétique a été détruit lors de la bataille des frontières ; le second a été éventré sur le Dniepr. Les Soviétiques acheminent donc un troisième échelon d'armées à l'ouest, pour briser l'encerclement allemand autour de Smolensk. Le groupe Kachalov, du nom de son commandant, expérimenté, comprend des divisions de fusiliers à peine formées, mal encadrées, mal armées et mal entraînées. Elles vont affronter, notamment, l'Infanterie Regiment (mot.) Grossdeutchland, considéré comme l'élite de la Heer. Ce régiment est en position à Vaskovo-Vorochilovo le 23 juillet 1941. Les 145ème et 149ème divisions de fusiliers se jettent en vagues humaines sur les positions allemandes et sont saignées par les mitrailleuses, l'artillerie et l'aviation, contre laquelle elles n'ont aucune défense ou presque. Kachalov, atterré par le manque d'imagination de ses officiers, dresse des consignes précises pour les assauts, en vain. En quatre jours, les deux divisions soviétiques perdent 3 000 hommes, contre 455 Allemands. Néanmoins, la Grossdeutschland a souffert de problèmes logistiques (approvisionnement en munitions) et sa composition ne lui permet pas, aussi, de tenir un front large en défense.
Pour les Allemands, les débuts de l'opération Barbarossa confirment la pertinence des choix opérés sous la Reichswehr, mais montrent aussi de graves carences, notamment sur le plan logistique. En outre, la Wehrmacht trouve, avec le fusilier soviétique, un adversaire à sa mesure, qui plie difficilement. Pour l'Armée Rouge, l'invasion met à jour toutes les faiblesses structurelles : les Soviétiques survivent, mais à un prix extraordinaire en vies humaines. Néanmoins, ils réussissent aussi le tour de force de réorganiser leur armée en plein conflit, non sans mal, mais avec des résultats certains dès 1942.
Barbarossa ne se termine pas par un succès allemand, faute de véritable stratégie, et parce que l'étroit poing blindé allemand s'est usé dans les six premiers mois de combat. La logistique tourne encore sur une économie civile. L'échec allemand s'explique aussi par les incessantes contre-attaques soviétiques, lancées pour gagner du temps et faute de mieux. L'URSS compte sur son moral inébranlable et sur ses réserves, en pariant sur une guerre d'usure que l'Allemagne ne pourra pas affronter.
La nouvelle collection Combat d'Osprey, pour ce volume en tout cas, représente une bonne surprise. Outre le texte que j'ai rapidement résumé, on apprécie les cartes de situation pour chaque affrontement, numérotées comme toujours pour suivre les phases du combat, et accompagnées ici de photographies aériennes allemandes donnant une vue concrète du terrain. Le tout se complète de la composition des unités allemandes types évoquées ici et de la bibliographie récapitulative. Les références sont à la fois anciennes et récentes, plus ou moins pertinentes, mais l'auteur parvient à en tirer une bonne synthèse, mieux sourcée et probablement plus convaincante que d'autres volumes Osprey. A confirmer avec d'autres volumes de la collection pour voir si la qualité est toujours au rendez-vous.