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Au commencement était la guerre...21/« Au nom de Dieu, ils sont nôtres ! ». Le siège d'Orléans (1428-1429)

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Orléans a connu plusieurs sièges ou batailles importantes durant l'histoire de France. On pense bien sûr à celui mis par Attila devant la ville en 451 pendant sa campagne en Gaule1. Le siège de 1428-1429, lui, est passé à la postérité grâce à l'intervention de Jeanne d'Arc. La ville est d'ailleurs, dès l'époque, l'épicentre du culte de la Pucelle, bien que celle-ci n'y soit en définitive pas restée très longtemps. Le siège lui-même est souvent éclipsé par la présence de Jeanne, que d'aucuns voient comme celle qui a sauvé le royaume de France d'une chute prochaine aux mains des Anglais. S'il est vrai que l'apparition de Jeanne d'Arc a galvanisé les énergies et a été savamment orchestrée par le roi et son entourage, sur le plan militaire, le siège d'Orléans est intéressant à étudier car il recèle plusieurs caractéristiques importantes de l'art de la guerre à la fin du Moyen Age, alors en pleine transition. Retour sur un siège pas comme les autres.


La « maudite guerre »


« La pitié qui était au royaume de France » : c'est ce que répond Jeanne d'Arc à ses juges, à Rouen, le 15 mars 1431, quand ils lui demandent ce qui lui enseignait l'archange saint Michel. Il faut dire que le royaume de France est alors victime, comme l'Angleterre d'ailleurs, d'une dépression démographique, due non pas à une dénatalité mais à une surmortalité provoquée par les retours réguliers de l'épidémie de peste, apparue en 1347-1349. Une certaine paupérisation de la population se fait jour, mais ne concerne pas tout le monde : les princes, de grands seigneurs, vivent bien, non pas par leurs revenus propres mais par la confiscation d'une fiscalité d'ordinaire réservée au souverain.



Le royaume de France est alors, c'est une banalité de le dire, un monde chrétien, où l'encadrement des populations par l'Eglise est étroit. Cependant, l'Eglise est déchirée, entre 1378 et 1418, par le schisme pontifical entre Rome et Avignon. L'élection de Martin V ne met pas fin immédiatement au schisme puisque le pape doit affronter un concile qui entend bien commencer une « réformation » qu'il estime nécessaire. Si l'on se trouve aussi dans une société d'ordres, c'est un monde relativement ouvert, comme le montre le parcours de Jeanne d'Arc.

La guerre de Cent Ans, ainsi qu'on l'a baptisée au XIXème siècle, prend un nouveau cours à la fin du XIVème siècle. Après la phase de reconquête initiée par le roi français Charles V, mort en 1380, aucun traité ne vient changer la situation sous Charles VI, bien que des tentatives de rapprochement soient engagées avec le roi anglais Richard II. Mais, en 1392, Charles VI connaît sa première crise de démence. Le dauphin Louis, né ensuite en 1397, est trop jeune pour régner. Tout l'édifice monarchique français, monocratique, est ébranlé. De l'autre côté de la Manche, Richard II est renversé (1399) puis exécuté par Henri IV, petit-fils d'Edouard III, qui cherche d'abord à assurer son pouvoir en Angleterre mais qui n'est ni pacifiste, ni francophile.

En France, le contrôle du pouvoir chancelant oppose deux oncles et le frère du roi : Jean, duc de Berry, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et Louis, duc d'Orléans. C'est surtout l'affrontement Orléans-Bourgogne qui est d'importance. A la mort du Hardi en 1404, son fils, le nouveau duc Jean Sans Peur, sentant la fragilité de sa position par rapport au frère du roi, n'hésite pas à faire assassiner Louis d'Orléans en plein Paris dans la nuit du 22 au 23 novembre 1407. Pour beaucoup de contemporains, c'est le début d'un cataclysme politique et militaire. De fait, le meurtre ouvre une véritable guerre civile entre Armagnacs (du nom du comte d'Armagnac, soutien des Orléans) et Bourguignons. Jean Sans Peur, vainqueur de ses sujets liégeois révoltés à Othée en 1408, justifie son acte par un éloge du tyrannicide. Dès 1411, dans sa lutte contre les Armagnacs, il fait appel à un contingent anglais. Les Armagnacs l'imitent dès l'année suivante.

Jean Sans Peur ne peut faire cependant adopter son ordonnance de réformation (dans le sens de retour à la tradition) du royaume en 1413. La même année monte sur le trône anglais Henri V, fils d'Henri IV, qui entend bien récupérer son dû en France. Dès 1415, il débarque en Normandie, s'empare non sans mal de Harfleur puis cherche à gagner Calais en évitant l'armée française. Intercepté à Azincourt, Henri défait l'armée royale dans un des plus grands désastres, pour la France, de la guerre de Cent Ans. La conquête ne commence cependant qu'en 1417 par la Normandie, soumise après la chute de Rouen en 1419. Pendant ce temps, le duc de Bourgogne a installé un gouvernement parallèle à Troyes avec la reine française Isabeau de Bavière, et entre dans Paris en mai 1418. Les Armagnacs réussissent à faire sortir le dauphin Charles de la capitale ; devant la menace anglaise, le duc de Bourgogne accepte de rencontrer le dauphin à Montereau, le 10 septembre 1419. Son assassinat en forme de vengeance pour le meurtre du duc d'Orléans, entrepris à l'instigation d'anciens proches de ce dernier, jette son héritier Philippe le Bon dans les mains des Anglais.

Henri V fait signer au roi Charles VI défaillant le traité de Troyes, en 1420, qui déshérite le dauphin Charles et fait de lui le souverain de France et d'Angleterre. Mais il faut l'appui des Bourguignons, réticents, et surtout écraser le dauphin qui n'a pas baissé les armes. Même s'il s'est brouillé avec un allié potentiel, le duc de Bretagne Jean V, Charles reprend le contrôle de la partie sud du royaume, tient des places dans le Bassin Parisien, remporte avec l'aide de renforts écossais des victoires notables contre les Anglais comme celle de Baugé (1421), où périt le propre frère d'Henri V, le duc de Clarence. La situation change brusquement avec le décès imprévu d'Henri V (31 août 1422) suivi dans la tombe, quelques mois plus tard, de Charles VI (21 octobre). Si le dauphin Charles devient Charles VII, il n'a pas été sacré et ses finances sont au plus mal, même s'il dispose de troupes expérimentées. L'année 1423 est équilibrée : succès anglais à Cravant, victoire française à La Gravelle.

En 1424, Charles VII a rétabli son contrôle sur les finances et a reçu des renforts militaires : 2000 chevaliers et écuyers, 6000 bons archers et 2000 porteurs de haches des Highlands, des Ecossais commandés par le comte de Douglas et celui de Buchan. Teodoro di Valperga amène de Lombardie 600 lances et 1000 fantassins. Une taille d'un million de livres tournois doit servir à financer la reconquête de la Normandie, province riche et l'une des clés du royaume. Mais l'offensive française vient mourir à la bataille de Verneuil, le 17 août 1424, une des plus féroces batailles de la guerre de Cent Ans selon les chroniqueurs du temps, dont certains disent qu'elle fut encore plus acharnée qu'Azincourt. Bedford, frère d'Henri V devenu régent de France pour son jeune neveu Henri VI, doit lui-même se dégager à coups de hache. Si les pertes sont lourdes côté français, elles ne le sont pas moins du côté anglais. Charles VII n'a cependant plus d'armée ou presque après Verneuil.

Yolande d'Aragon, la belle-mère de Charles VII, s'assure alors le soutien du frère du duc Jean V de Bretagne, Arthur de Richemont, qui est intrônisé connétable de France (mars 1425). C'est aussi un geste pour tenter une négociation avec les Bourguignons tout en écartant les anciens proches du duc d'Orléans, les Armagnacs qui sont insupportables au duc Philippe le Bon. Arthur de Richemont ne remporte pas malheureusement de succès militaire et n'hésite pas à faire assassiner les conseillers du roi qu'il juge trop gênants, comme Pierre de Giac. En juin 1427, Charles VII le remplace par Georges de la Trémoille, lui aussi ancien proche des Bourguignons. Cette année-là, La Hire et Dunois, Bâtard d'Orléans, deux grands capitaines de Charles VII, chasse les troupes anglaises qui assiégeaient Montargis et Louis d'Estouteville met en déroute une armée anglaise de 2000 hommes sous les murs du Mont-Saint-Michel. Mais aucun de ces succès n'est décisif. Une guerre civile larvée continue avec Arthur de Richemont et le régent Bedford s'attaque aux possessions de Yolande d'Aragon en Anjou. En juin 1428, Salisbury, frère de Bedford, débarque en France avec une nouvelle armée levée en Angleterre, tandis que les états du sud du royaume pressent Charles VII de négocier, ce que celui-ci veut éviter à tout prix. L'intervention de Jeanne d'Arc va rallumer, plutôt que susciter, une ferveur dynastique qui commençait à s'éteindre, et transcender les intrigues qui déchirent la cour de Charles VII.





Jeanne d'Arc devient la Pucelle


Jeanne d'Arc est née dans ce que l'on appelle le « Barrois mouvant », la partie du duché de Bar rattachée féodalement au royaume de France, à la lisière du Saint-Empire. Les seigneurs de Domrémy sont plutôt, cependant, dans l'orbite du duc de Lorraine. Le village est à l'écard de la grande route entre Boulogne et Strasbourg, qui passe par Toul et Grand. Charles II de Lorraine a été proche des Bourguignons mais se tient dans une prudente réserve dans les années 1420 : la ville de Neufchâteau, non loin de Domrémy, sert de refuge à tous ceux qui sont hostiles au traité de Troyes. Le duc de Bar étant mort à Azincourt, des prétendants tenant du roi Charles VII et des Bourguignons s'affrontent pour le titre. Une bataille a lieu ainsi à Maxey, en 1419, le village voisin de Domrémy. Les Anglais occupent Guise en 1424 pour menacer Vaucouleurs, la seule place qui dépend directement, dans la région, de Charles VII, dirigée par son capitaine Robert de Baudricourt. La guerre est donc bien présente dans l'enfance de Jeanne : en 1428, Domrémy est brûlée et ravagée.

Jeanne, probablement née en 1412, porte le nom de son père, et non celui de sa mère comme c'est la coutume traditionnellement. Ce n'est pas une bergère, élément qui a été rajouté par la suite : elle reste à la maison où elle file la laine, et peut aller aux champs, comme toutes les jeunes filles de l'époque, mais c'est surtout la fille d'un notable. Jacques d'Arc est le doyen du village, cité dans les documents après l'échevin et le maire. Jeune paysanne plutôt aisée, Jeanne a un destin tout tracé : d'ailleurs son père la fiance sans lui demander son avis avec un homme de la région... alors qu'elle se fait remarquer par sa piété. Dès l'été 1424, elle entend les premières voix dans le jardin de son père. Les apparitions, régulières, se font plus pressantes à partir de l'arrivée en France de l'armée de Salisbury, à l'été 1428. Elle dit plus tard être visitée par saint Michel, puis par les saintes Catherine et Marguerite. Les habitants de Domrémy ont d'ailleurs probablement eu vent de ces apparitions avant son départ.


Les Anglais devant Orléans


On connaît assez bien les événements liés au siège d'Orléans, qui démarre en septembre 1428, notamment grâce au Journal du siège d'Orléans, notes prises dans les années 1460 par un témoin oculaire, complété par d'autres sources. Les Anglais et les Bourguignons sont plutôt avares de commentaires, surtout les premiers. Autres sources d'importance : les documents comptables des armées, qui ont été en partie conservés dans les deux camps et qui apportent de précieuses informations.

Thomas de Salisbury débarque en France en juin 1428. Avec lui, 450 hommes d'armes, 2250 archers. C'est l'un des chefs de guerre les plus expérimentés du côté anglais : il a été à Azincourt, à Verneuil, il a participé à la conquête de la Normandie. C'est lui, aussi, qui a été chassé devant Montargis en septembre 1427 par des capitaines français tout aussi brillants : le Bâtard d'Orléans, Raoul de Gaucourt, gouverneur d'Orléans, qui avait dirigé la défense de Harfleur en 1415 face à Henri V ; le seigneur de Villars, des capitaines gascons comme La Hire et Xaintrailles. Salisbury, lui, compte bien faire sauter le verrou d'Orléans et prendre ensuite toutes les places françaises sur la Loire, afin de protéger définitivement Paris et d'entamer l'offensive contre le « royaume de Bourges ». Bedford, le régent, aurait préféré achever la conquête de l'Anjou. Concentrée à Chartres, l'armée anglaise progresse rapidement et s'empare, le 5 septembre, de Meung-sur-Loire, à une dizaine de kilomètres d'Orléans. Elle met ensuite le siège devant Beaugency, tandis que les soudards pillent la collégiale royale de Notre-Dame-de-Cléry. Le 8 septembre, Salisbury paraît pour la première fois sous les murs d'Orléans. Pour priver la ville de secours, il procède à un encerclement méthodique sur 10 à 20 km de rayon. Beaugency tombe le 25 septembre ; à la fin du mois, le nord et l'ouest d'Orléans sont bloqués. John de la Pole, lieutenant de Salisbury, s'occupe de l'est : il prend Jargeau le 5 octobre, Châteauneuf le lendemain. Le 7, Olivet, au sud d'Orléans, est investie, et une reconnaissance est lancée sur les défenses de la ville le soir-même. Orléans est désormais assiégée.

Orléans, située sur la rive droite de la Loire, est alors une grosse ville pour l'époque, peut-être 30 000 habitants avec les faubourgs. Protégée par un rempart et une trentaine de tours, ainsi que par le donjon de la Tour Neuve construit sous Philippe Auguste, Orléans dispose d'un pont de 350 m à 19 arches qui la relie à la rive sud de la Loire. Au milieu, l'île Saint-Antoine, où un fortin a été construit en 1417 après une incursion anglaise -la bastille Saint-Antoine. Au niveau de la 18ème arche, on trouve deux tours solidaires qui protègent l'accès au pont, la bastille des Tourelles. Ville royale par excellence jusqu'à Philippe Auguste, Orléans compte aussi une prestigieuse université de droit civil et c'est le coeur des terres des Orléans . Charles, le fils du duc assassiné par Jean Sans Peur, a été capturé à Azincourt et il est prisonnier en Angleterre.



Charles VII connaît l'importance de la place. Dès juin 1428, il autorise les habitants à prélever des taxes sur des marchandises et le sel pour financer le renforcement des remparts. Le 7 septembre, plusieurs centaines d'hommes arrivent à Orléans, commandés par le Bâtard, La Hire et Xaintrailles. Dunois, Bâtard d'Orléans, prend en charge la défense avec Raoul de Gaucourt. La garde est doublée. Chaque porte est munie d'une cloche pour sonner l'alerte. Au débouché du pont, après les Tourelles, les habitants construisent une levée de terre et un fossé pour en défendre l'accès. Mais l'atout de la ville, c'est son artillerie. Orléans entretient 12 canonniers principaux qui ont la responsabilité de 70 pièces, de la couleuvrine aux gros canons. Montargis en a envoyé un qui porte le nom de cette ville ; un autre canon est baptisé « Rifflart », ou celui qui érafle. Les bourgeois d'Orléans ont fait faire une bombarde. L'artillerie joue un rôle considérable pendant le siège : elle tue plusieurs chefs anglais, dont Salisbury et son neveu Richard Grey. Elle a même ses héros : Jean de Monteclair, dit le Lorrain, est un expert de la couleuvrine. Lorrain installé à Angers, Charles VII l'envoie à Orléans. C'est en quelque sorte un ancêtre des snipers modernes : il tue à distance avec sa couleuvrine, use de malice en faisant croire aux Anglais qu'il a été touché avant de se relever. Jean d'Aulon raconte qu'il lui désigne, pendant l'assaut sur la bastille des Augustins, un Anglais qui anime la défense, que Jean Monteclair abat immédiatement, ce qui permet d'emporter la place.

Raoul de Gaucourt dispose, en septembre, de 5000 hommes pour la défense, plus les quelques centaines entrés à la dernière minute. Mais les effectifs fluctuent tout au long du siège. En mars 1429, il y a par exemple 500 hommes d'armes et 400 hommes de trait. Cependant, les troupes envoyées régulièrement par Charles VII permettent non seulement de tenir la place mais aussi de mener des sorties contre l'assiégeant. La cohabitation entre soudards et bourgeois n'est pas facile au départ, mais le siège soude les volontés. Même les femmes de la ville participent à la défense, une caractéristique que l'on retrouve fréquemment lors des sièges de la fin du Moyen Age.

Côté anglais, les effectifs ne sont pas très nombreux, mais correspondent aux capacités financières et logistiques de l'époque. Aux 2 700 hommes initiaux de Salisbury s'ajoutent les 400 hommes d'armes et 1 200 archers fournis par Bedford, la levée féodale en Normandie disponible au printemps 1429 (200 hommes d'armes, 600 archers) et le contingent bourguignon dont on ignore le nombre. En novembre, moment où les opérations stagnent, il n'y a que quelques centaines d'Anglais devant Orléans. Le contingent bourguignon se retire en avril 1429. Au maximum, il n'y a pas eu plus de 5 à 6 000 Anglais en face de la ville. Et en réalité, on y trouve beaucoup de Français : sujets du duc de Bourgogne et Normands en particulier. Outre Salisbury et son neveu, il y a parmi les chefs les frères La Pole, Talbot, Thomas de Scales, William Neville, William Glasdale, tous expérimentés par les combats en France. Bien préparés, les Anglais disposent eux aussi d'une abondante artillerie. Une pièce de gros calibre, baptisée Passe, envoie des projectiles de plusieurs dizaines de kilos. Le ravitaillement avec Paris est solidement tenu.

Le 12 octobre, Salisbury lance une première attaque sur la ville elle-même. Les Anglais arrivent avant la fin des travaux du boulevard au-delà du fort des Tourelles : les habitants incendient un faubourg et le couvent des Augustins. Mais les assaillants s'y installent et le couvent devient le quartier général anglais. Le 17 octobre, l'artillerie anglaise installée à cet endroit bombarde les Tourelles. D'autres canons, placés sur la levée de Saint-Jean-le-Blanc, bombarde les murailles de la ville. En une journée, ils tirent pas moins de 124 boulets ! Le 21 octobre, une première attaque anglaise sur le boulevard des Tourelles échoue, avec de lourdes pertes (120 tués selon les Français). Les Anglais entreprennent alors de creuser une mine sous le boulevard, mais les Français la détectent et évacuent l'ouvrage en l'incendiant. Abandonnant les Tourelles qu'ils jugent en mauvais état, les Français construisent alors un nouveau boulevard devant la bastille Saint-Antoine, le boulevard de Belle-Croix. Les Tourelles sont évacuées le 23 octobre et les Anglais y entrent le lendemain. William Glasdale prend la tête des hommes placés là.

Salisbury, qui observe la ville depuis une fenêtre des Tourelles le 24 octobre, est atteint par un boulet de canon ou une balle de couleuvrine tirée depuis Orléans. Transporté à Meung-sur-Loire, il y meurt trois jours plus tard. Décontenancés par la mort de leurs chefs, les Anglais, peut-être aussi en prévision de l'hiver, replient dès le 8 novembre une partie de leurs troupes dans les villes proches. Si Glasdale garde le commandement sur la rive sud, au nord, celui-ci est collectif, Talbot semblant dominer. Bedford, qui s'est rapproché à Chartres depuis la mort de Salisbury, n'intervient cependant pas outre mesure, preuve qu'il était opposé au siège. En novembre, le siège se limite au pilonnage de l'artillerie anglaise. Le 25 octobre, des renforts français sont arrivés : plusieurs centaines d'hommes d'armes et d'arbalétriers, des fantassins italiens commandés par Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de Saint-Sévère, maréchal de France, Jean de Bueil, Jacques de Chabannes, Pierre d'Amboise, La Hire. Venue de Blois, l'armée a suivi la rive en évitant les places tenues par les Anglais. Le siège n'est pas établi au sens strict.

Début décembre, la situation évolue. Le 1er, la garnison anglaise des Tourelles reçoit le renfort de 300 hommes commandés par Thomas de Scales et Talbot. Le 7, avec de l'artillerie supplémentaire, ils tentent un coup de main sur le boulevard Saint-Antoine, qui échoue, notamment parce que les préparatifs anglais sont visibles depuis le beffroi de la ville, qui signale toutes les attaques. Les Orléanais placent ensuite une grosse bombarde pour pilonner les Tourelles. Noël voit une trève entre les deux camps. Quelques jours plus tard, une joute oppose deux chevaliers gascons de la compagnie de La Hire à deux Anglais. Le 29 janvier 1429, La Hire rencontre même Lancelot de Lisle, le maréchal anglais, mais on ne sait pas ce qu'il en sort ; en revanche de Lisle est tué par un boulet de canon en revenant vers ses lignes... Car le 30 décembre, une armée anglaise de 2 500 hommes apparaît sur la rive nord, pour commencer l'investissement de la place. Les Orléanais l'ont bien compris et tentent une sortie, pendant laquelle Jacques de Chabannes est blessé. Les Anglais, encore insuffisamment nombreux pour entreprendre un véritable blocus, s'installent d'abord à l'ouest, sur la route de Blois d'où peuvent provenir les renforts français, dans les ruines de l'église Saint-Laurent. Le 1er janvier, ils attaquent la porte Renard, celle de la route vers l'ouest. Les assiégés font une sortie mais ils ont le dessous. Les Anglais reviennent le lendemain et le 4 janvier, ils attaquent à la fois la porte Renard et le pont à partir des Tourelles, mais sont rejetés. Les pertes sont légères mais les combats deviennent quotidiens : le siège commence réellement.

Le ravitaillement et les renforts arrivent cependant à pénétrer assez faciilement dans la ville. Le 3 janvier, 950 cochons et 400 moutons y sont entrés. Le 5, Louis de Culant, amiral de France, entre par le même chemin : par Blois, sur la Sologne et le port Saint-Loup. Le 10, c'est un convoi de poudre et de vivres qui arrive de Bourges. Les 8 et 9 février, 1500 combattants arrivent à Orléans avec Raoul de Gaucourt, Guillaume d'Albret, William Stuart, frère du connétable d'Ecosse, Gilbert Motier de la Fayette, maréchal de France. Mais ces voyages ne sont pas sans risques : le 9 février, le Bâtard de Bar, qui veut aller à Blois, est capturé par les Anglais. Ceux-ci n'ont cependant jamais pu complètement isoler Orléans. Ils prennent même des vignerons de la ville qui tentent d'entretenir leurs parcelles ! Pire, certains de leurs convois sont capturés, comme celui du 3 avril. Pour prendre Orléans, les Anglais n'ont que deux solutions : l'assaut ou le blocus. Faute d'effectifs ou en raison de la solidité des défenses, ils commencent par la deuxième option.

Ils construisent d'abord un boulevard en aval du fleuve, sur l'île « Charlemagne », puis un autre sur la grève de la rive sud, pour circuler tranquillement entre leurs positions. Lancelot de Lisle, qui commance ces ouvrages, est cependant tué le 29 janvier. Puis ils construisent un autre boulevard pour compléter l'encerclement. Le 15 janvier, les chefs français tentent une sortie, pour gêner les travaux, contre le camp principal de Saint-Laurent : c'est l'échec. Le lendemain, John Falstolf amène 1200 hommes, du ravitaillement et des munitions. Plus nombreux, les Anglais cherchent à empêcher les convois de passer : le 18, ils saisissent près de Jargeau l'un d'entre eux et le bateau qui servait à franchir le fleuve, renseignés par des villageois. Les défenseurs cherchent à reprendre le bateau mais perdent 22 tués et le tireur d'élite Jean de Monteclair manque d'être pris.

Charles VII n'est pas resté inactif depuis le début du siège : tous les grands capitaines ou presque de l'armée fançaise y sont. Le roi envoi en octobre un chirurgien pour soigner les blessés. Surtout, il cherche à rassembler de l'argent et à obtenir l'alliance des Ecossais. Des messagers ou des capitaines font fréquemment l'aller-retour pour le tenir informé du déroulement du siège. Le roi confie enfin une armée de plusieurs milliers d'hommes au comte de Clermont, venu d'Auvergne. Le 10 février, les Orléanais apprennent qu'un important convoi de ravitaillement doit rejoindre l'armée anglaise venant de Paris, avec plus de 300 chariots. Dunois veut s'en emparer et soumet l'idée au comte de Clermont, au connétable John Stuart d'Ecosse et à Louis d'Amboise, qui donnent leur accord. L'opération est périlleuse car il faut prélever les meilleurs défenseurs de la ville pour faire la jonction avec le comte de Clermont, avant d'attaquer le convoi.

Le 11 février, la plupart des chefs français, menant 1500 hommes, quittent Orléans. Au même moment, le comte de Clermont part de Blois avec 2500 hommes. Les deux groupes doivent faire leur jonction à Rouvray-Saint-Denis, à 40 km au nord d'Orléans. Le groupe orléanais y arrive en premier et campe sur place. Le 12 février, dans l'après-midi, Dunois apprend l'approche imminente du convoi, escorté par John Falstolf, le prévôt de Paris Simon Morhier, 1600 hommes d'armes et les arbalétriers des milices parisiennes. La Hire veut attaquer immédiatement pour conserver l'effet de surprise mais Dunois demande d'attendre le comte de Clermont, qui l'a exigé par courrier. Or les Anglais repèrent les Français, installent leurs chariots en cercle et plantent des pieux dans le sol pour se protéger. Arbalétriers et archers anglais sont placés chacuns sur un flanc, les hommes d'armes étant au centre. En face, les mercenaires gascons sont contre les Parisiens, les Ecossais contre les archers anglais et les hommes d'armes face à leurs homologues. L'armée française n'arrive pas à conserver sa discipline et le connétable d'Ecosse entraîne le reste des troupes à l'attaque. C'est un massacre : les archers anglais s'en donnent à coeur joie et les survivants sont cueillis par une sortie des hommes d'armes anglais. Le comte de Clermont, arrivé trop tard, refuse de prendre part aux combats. Les Français perdent 3 à 600 tués dont le connétable d'Ecosse, son frère et d'autres grands seigneurs. Les survivants, conduits par La Hire et Xaintrailles, se replient sur Orléans. Cette journée reste connue sous le nom de « détrousse des Harengs », les vivres du convoi étant constituées de poisson en ce temps de carême. Le convoi arrive d'ailleurs dans le camp anglais le 17 février.

Le comte de Clermont, qui vient dans la ville assiégée, en repart dès le 18 février. Beaucoup de personnages importants, et 2000 hommes, la moitié de la garnison, partent avec lui : Louis de Culant, et même La Hire. Le Bâtard, Poton de Xaintrailles et le maréchal de Saint-Sévère, qui restent, semblent abattus : ils proposent aux habitants la reddition, ceux-ci refusent et mandent à la place une ambassade au duc de Bourgogne. Début mars, un trou assez large pour laisser passer un homme est découvert dans le rempart. Le lendemain, Dunois doit faire pendre deux hommes qui n'ont pas respecté le sauf-conduit, preuve que la discipline se relâche et que le moral flannche. Des Anglais se déguisent même en femmes pour pénétrer dans la ville ! La situation est pourtant loin d'être désespérée. Pour échapper à la surveillance du beffroi et finir le siège, les Anglais cherchent à creuser un profond fossé. Le 3 mars, les assiégés réussissent à interrompre les travaux par une sortie : Jean de Monteclair tue 5 Anglais avec sa couleuvrine dont Richard Grey, le neveu de Salisbury. Le 8, plusieurs centaines d'Anglais arrivent de Jargeau et de la Beauce. Le 10, ils occupent l'ancien monastère Saint-Loup, à l'est de la ville, qui domine le fleuve, et en font une bastille avec parapet et fossé. Le 20, un nouveau fortin, « Londres », est construit. Manifestement les Anglais cherchent à asphyxier Orléans par une ceinture de bastilles. Au début du mois d'avril, ils en construisent une autre, « Rouen », qu'une sortie des assiégés le 9 ne parvient pas à détruire. Un convoi d'argent pénètre pourtant dans la ville le 13. Les Anglais répliquent en construisant un nouvel ouvrage, « Paris », entre les 15 et 20 avril, mais une sortie parvient à faire rentrer un nouveau convoi le 16.

Les escarmouches continuent en parallèle. Début avril, les Orléanais lancent un raid sur Meung : le capitaine anglais est tué et du bétail ramené. Le 12 avril, 20 Anglais sont capturés dans l'église Saint-Marcel. Le 16, 50 hommes d'armes français venus de Sologne lancent un coup de main sur les Tourelles : ils font 15 prisonniers, et les assiégés tuent 3 sentinelles lors d'une sortie. La détermination des défenseurs semble alors renforcée : il faut dire que dès la fin février, comme le rappelle Dunois lors du procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc de 1456, ils ont eu vent de l'arrivée d'une Pucelle qui doit lever le siège et faire sacrer le roi à Reims. Partie de Vaucouleurs le 13 février, Jeanne est en effet passée à Gien le 18 ou le 19, ce qui confirme le témoignage de Dunois.


De Vaucouleurs à Orléans


Jeanne cherche alors par tous les moyens à quitter Domrémy pour mener à bien sa mission. Elle saute sur la première occasion pour aller rencontrer le capitaine de Vaucouleurs, Robert de Baudricourt, qui l'éconduit. Puis elle va voir le duc Charles II de Lorraine, intrigué par la Pucelle, qui lui donne sa bénédiction. Baudricourt s'incline, suivant aussi les habitants de Domrémy, et Jeanne part le 12 février, journée de la « détrousse des Harengs », accompagnée d'une escorte conduite par Jean de Metz et Bertrand Poulengy. L'expédition n'a rien d'une mission commando derrière les lignes ennemies, mais le voyage reste périlleux. Jeanne arrive à Chinon le 23 février. On prend quelques précautions, probablement, avant de lui faire rencontrer Charles VII, qui est convaincu. Après confirmation de sa virginité, elle passe devant une commission de théologiens à Poitiers. Ceux-ci finissent par accepter ses dires, même si elle inverse l'attendu en déclarant que le signe montrant la pertinence de ses paroles sera la reconquête d'Orléans... mais d'ailleurs en quoi consiste exactement sa mission ? Deux points sont sûrs : lever le siège d'Orléans et faire sacrer le roi. Ce sont les deux objectifs premiers. Mais Jeanne aurait aussi évoqué la reprise de Paris et la libération du duc d'Orléans, captif en Angleterre.

On ne sait pas grand chose sur les préparatifs de Jeanne pour la guerre. En revanche, le royaume de Bourges met en oeuvre une formidable campagne de communication, comme on dirait aujourd'hui, pour faire connaître cette Pucelle qui prend la tête de l'armée afin de délivrer Orléans. On ressort de vieilles prophéties qui annonçaient la venue d'une vierge chargée de mettre fin aux maux du royaume. On la qualifie de prophétesse et, à ce moment-là, de bergère, tout en évitant soigneusement la question des voix, qui dérange le clergé y compris dans le camp de Charles VII. Jeanne est de plus dotée d'une « maison militaire » : un écuyer, Jean d'Aulon, deux hommes d'armes, Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, deux pages, dont Louis de Coutes. Il y a aussi deux hérauts, D'Ambleville et Guyenne, et sans doute deux frères de Jeanne, Jean et Pierre, ainsi que son confesseur, Jean Pasquerel, et le clerc Mathelin Raoul, qui tient les comptes. Jeanne reçoit une armure mais, surtout, se fait confectionner des drapeaux : un pennon avec une Annonciation et un étendard qui devait probablement porter une représentation de l'Apocalypse avec l'héraldique royale et les mots « Jhesu Maria », selon le culte du Saint Nom alors diffusé par des franciscains comme Bernardin de Sienne. Dès le 22 mars, à Poitiers, elle a adressé une lettre aux Anglais, en forme de défi, qui se termine en appel à la croisade après la libération du royaume -une mission supplémentaire dont elle s'investit aussi.


Le siège d'Orléans est levé


Dès la fin du mois de février, donc, les défenseurs d'Orléans ont connaissance de la Pucelle. Deux envoyés reviennent fin mars-début avril avec les informations récentes. Bedford commet alors une erreur en humiliant le duc de Bourgogne, venu lui soumettre l'offre de négociation des Orléanais. Le 17 avril, le contingent bourguignon se retire. Dans la nuit, les défenseurs saluent le départ en menant une sortie qui aboutit à des combats sanglants. Les Anglais reçoivent cependant des renforts et construisent un nouveau boulevard. Bedford n'a plus de réserves et doit demander des troupes en Angleterre, qui mettront du temps à arriver. Côté français, des hommes entrent encore : le 24 avril, le Bâtard de Masqueran avec 40 hommes d'armes ; le 25, Alain Giron, un Breton, avec 100 combattants ; le 28, Florent d'Illiers, capitaine de Châteaudun assiégé, se jette dans Orléans avec les 400 défenseurs, dont le frère de La Hire. Les Anglais interceptent pourtant un convoi destiné à la ville. La situation est dans l'impasse : les assiégeants ne peuvent emporter la décision, mais les assiégés ne peuvent pas lever le blocus.

Jeanne arrive à Blois le 25 avril. Un gros convoi doit parvenir à Orléans sous escorte, avec Gilles de Rais, le maréchal de Saint-Sévère et la Pucelle : 3000 hommes, 60 chariots de vivres et 435 de bétail. L'armée longe la rive de la Sologne, presque à l'image d'une croisade : on chante le Veni Creator Spiritus, Jeanne a chassé les prostituées et fait confesser les hommes, et a interdit la rapine. Dans la nuit du 28 au 29 avril, le convoi approche du sud d'Orléans. Dunois vient à sa rencontre avec La Hire. L'entrevue est orageuse. Jeanne accepte d'embarquer cependant avec le ravitaillement et quelques troupes pour rentrer plus vite dans la ville, au lieu d'attaquer tout de suite comme elle le voudrait. Son entrée dans la ville a un effet certain sur le plan psychologique. Le lendemain 30 avril, les chefs décident d'attendre le reste de l'armée avant de passer à l'assaut. La Hire et Florent d'Illiers tentent pourtant une sortie infructueuse contre l'ouvrage « Paris ». Jeanne envoie encore des sommations aux Anglais, qui l'insultent copieusement sur les remparts.

A ce moment-là le dispositif anglais est achevé. Autour de la ville, d'ouest en est, le camp Saint-Laurent puis les bastilles Londres, Rouen, Paris, à l'est la bastille Saint-Loup ; au milieu du fleuve, sur l'île Charlemagne, un boulevard ; plus au sud, sur l'autre rive et la grève, la bastille du Champ-Saint-Pryvé ; le fort des Tourelles et le couvent des Augustins, et plus à l'est, la levée de Saint-Jean-le-Blanc. Les Anglais, trop peu nombreux, sont dispersés dans ces bastilles et n'ont pas de réserves. Le 3 mai, 2 000 hommes partent de Blois et arrivent le lendemain dans Orléans par la rive nord, couverts par une sortie des assiégés. Mais Jeanne n'est pas tenue informée des opérations par les chefs français. Des combats éclatent ce jour-là près de la bastille Saint-Loup, un peu isolée dans le dispositif anglais. Les Français sont d'abord victorieux puis ont le dessous. Jeanne, qui se réveille en sursaut, accourt sur les lieux et galvanise les assiégés, qui finissent par emporter la bastille. Beaucoup d'Anglais périssent et il n'y a quasiment pas de prisonniers. Ce n'est pas en soi un miracle : la bastille était peu défendue, puisque les sources évoquent 110 à 190 Anglais tués et 10 à 40 capturés, les Français perdant 2 morts. Talbot a bien fait une sortie depuis la bastille Paris pour aider Saint-Loup mais, averti par le beffroi, le maréchal de Saint-Sévère est lui aussi sorti pour le contrer.

Le 5 mai est jour de trêve car jour de l'Ascension. Un conseil de guerre à Orléans réunit tous les chefs français... sauf Jeanne, encore une fois tenue à l'écart. Les Français décident d'attaquer simultanément le camp de Saint-Laurent et les Tourelles. Jeanne finit par se faire révéler le plan : elle envoie une dernière missive aux Anglais sur une flèche tirée dans leurs positions. Dans la nuit du 6 mai, elle traverse le fleuve avec les soldats qui s'emparent sans combats de la levée de Saint-Jean-le-Blanc, abandonnée par les Anglais qui se sont réfugiés aux Augustins. Un premier assaut sur cet ouvrage échoue : Jean d'Aulon et Raoul de Gaucourt couvrent la retraite.  Surviennent alors Jeanne et La Hire qui repoussent une sortie des défenseurs des Augustins, avant de s'emparer de haute lutte de l'ouvrage. Les survivants se réfugient aux Tourelles.

Le 7 mai, Jeanne, blessée la veille par une chausse-trappe, veut prendre les Tourelles. Les capitaines sont contre : selon certaines sources, ils demandent même à Raoul de Gaucourt de fermer les portes pour empêcher Jeanne de sortir de la ville ! Mais celle-ci les fait fléchir. L'assaut initial sur les Tourelles est repoussé, les Anglais luttant pied à pied. Jeanne, toujours au premier rang, est blessé au cou. Au soir, Dunois veut sonner la retraite. Mais Jeanne s'entête, son étendard est porté en avant, les défenseurs du pont sortent du boulevard Belle-Croix jettent des planches et attaquent les Tourelles de ce côté, menés par un chevalier de l'Hôpîtal, frère Nicolas de Giresme. Les Anglais fléchissent, évacuent le boulevard, tandis qu'une partie du pont-levis s'effondre, emportant plusieurs chefs anglais dont Glasdale, qui périt noyé. On ne sait pas si cette destruction est provoquée par le tir d'une bombarde ou par un bateau rempli de matières inflammables qui a bien été jeté sur les Tourelles. Les pertes anglaises sont lourdes, 3 à 600 morts, et la bastille est finalement tombée.

Le lendemain, 8 mai, les Anglais se déploient en ordre de bataille devant la ville. Les assiégés font de même : tous les chefs sont là. C'est un dimanche. Les deux armées s'observent pendant une heure. Jeanne refuse d'engager le combat le Jour du Seigneur. Finalement, les Anglais abandonnent et se replient sur Meung, poursuivis par La Hire et Ambroise de Loré qui, avec 120 lances, s'emparent des bagages et d'une partie de l'artillerie. Le Bâtard de Bar en profite pour s'échapper. Les Orléanais démantèlent les ouvrages anglais. Les 8 et 9 mai, des processions ont lieu dans toute la ville. Jean Gerson, fameux théologien, achève quelques jours plus tard le traité qu'il consacre à Jeanne par cette phrase : « Cela a été fait par le Seigneur » . Thomas Basin, lui, conclut ainsi sur l'épisode : « Dès lors la pointe de fer de la flèche anglaise fut émoussé et ne pénétré plus comme auparavant , dès lors le cours de la Fortune fut changé... » .

Conclusion


Charles VII va faire de Jeanne d'Arc, contrairement à ce qui s'est sans doute passé, la figure centrale de la reconquête d'Orléans. L'issue brutale du siège, décidée en quelque jours, combinée à l'effort de propagande royal, suscite un véritable choc dans le royaume. Le duc de Bretagne, spécialiste des louvoiements entre les deux camps, revient vers Charles VII. Mais les Anglais ne sont pas encore défaits : Jeanne, cependant, au côté des chefs de guerre du roi, reconquiert les villes au fur et à mesure, Jargeau, Meung, Beaugency, avant la victoire de Patay, le 18 juin 1429. La victoire est totale et ouvre la voie à l'expédition du sacre. L'impulsion décisive est ainsi donnée à la phase finale de la guerre de Cent Ans. Charles VII, sacré roi à Reims, a désormais l'initiative, et ne la lâchera plus. Sur le plan militaire, outre le rôle de l'artillerie, le siège d'Orléans montre combien les deux armées en présence restent encore profondément médiévales, malgré des germes de modernité.


Pour en savoir plus :


Philippe CONTAMINE, Olivier BOUZY, Xavier HELARY, Jeanne d'Arc. Histoire et dictionnaire, Bouquins, Paris, Robert Laffont, 2012.

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