Raphaël Delpard est à la fois cinéaste, romancier et "historien" (?). Il a écrit beaucoup d'ouvrages, de fiction ou non, sur l'histoire du XXème siècle. De manière assez évidente, cette activité d'écriture "historique" est probablement une vocation venue sur le tard : le début de l'introduction parlant de "l'enthousiasme qui s'empara des Français le 2 août 1914" montre déjà les limites de la connaissance de l'historiographie du sujet (la Première Guerre mondiale, pour aller vite) par l'auteur. C'est d'autant plus dommage que quelques pages plus loin, R. Delpard cite pourtant l'historien S. Audoin-Rouzeau.
Le sujet du livre est la poste aux armées, que l'auteur aborde en s'inspirant très nettement de l'ouvrage écrit après la Première Guerre mondiale par celui qui en a été le responsable, le général Marty -dont figure un extrait de 25 pages en annexe. On a du mal à comprendre, p.14, quand l'auteur évoque l'historique de la poste aux armées, comment les combats de la guerre de 1870 se déroulent "hors du territoire" (?).
R. Delpard insiste sur l'importance du courrier et des lettres pour les combattants, d'un point de vue moral, à grand renfort de citations de participants au conflit. Le général Marty organise la poste militaire et réforme le système des vaguemestres, qui y joue un rôle fondamental. Plus qu'au courrier des soldats, l'auteur a d'ailleurs tendance à s'étendre sur le courrier écrit aux et par les prisonniers de guerre français en Allemagne, ou les otages civils déportés -on en apprend d'ailleurs beaucoup sur les camps allemands, mais R. Delpard passe assez vite sur les camps français, même s'il évoque les prisonniers allemands. L'abondant volume de courrier durant la Première Guerre mondiale donne naissance au colis sous sa forme actuelle ou à la pasteurisation.
Plus que sur la censure, l'auteur s'étale sur le phénomène des marraines de guerre, qui il est vrai est assez exceptionnel en France pour l'époque. Le chapitre 11, sur les lettres des troupes coloniales, est finalement davantage le prétexte à parler de celles-ci que du courrier qui en est issu. Les deux derniers chapitres sont composés quasi exclusivement d'extraits de correspondance, l'une anonyme, l'autre d'un officier venu de l'aristocratie.
Comme on pouvait s'y attendre, outre l'annexe déjà mentionné, la bibliographie est un mélange de témoignages d'époque, d'ouvrages écrits après la guerre comme celui du général Marty, et de quelques autres plus récents mais où figure visiblement fort peu d'historiens actuels du conflit (et même pas Audoin-Rouzeau pourtant cité en introduction !). Au final, l'ouvrage, qui vise à toucher, manifestement, le grand public, n'est pas particulièrement convaincant. N'étant pas spécialiste du sujet, j'ai appris certaines choses, mais j'ai également vu les limites d'un travail écrit par quelqu'un qui, lui non plus, n'est pas spécialiste du sujet. Etre touche-à-tout ne signifie pas qu'on peut être spécialiste de tout. Les vrais spécialistes penseront probablement que le livre n'apporte pas grand chose à des thématiques qui pour certaines ont été bien défrichées par l'historiographie (la censure, etc). Les non spécialistes comme moi mais qui attendent une certaine méthode, une certaine rigueur, même pour un ouvrage grand public, en verront rapidement les défauts. Ceux qui ne cherchent qu'une vue d'ensemble accessible seront probablement satisfaits.