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Tom MANGOLD et John PENYCATE, The Tunnels of Cu Chi. A Harrowing Account of America's "Tunnel Rats" in the Underground Battlefield of Vietnam, Presidio Press, 2005, 299 p.

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Tom Mangold et John Penycate sont deux correspondants de guerre britanniques, travaillant pour de grands quotidiens anglais. Ils ont couvert la guerre du Viêtnam ainsi que d'autres conflits à travers la planète. En 1985, ils livrent cet ouvrage consacré aux fameux complexes de tunnels de Cu Chi, un succès éditorial constamment réédité depuis (cette version date de 2005). Les deux journalistes ont pu, à partir de 1978, se rendre au Viêtnam pour visiter Hanoï et Hô Chi Minh Ville (Saïgon). C'est durant ce séjour qu'ils rencontrent le capitaine de district de la guérilla à Cu Chi pendant la guerre du Viêtnam, et qu'ils ont l'idée de bâtir un livre sur les tunnels. Ils peuvent alors rencontrer de nombreux vétérans, alors que du côté américain, ils auront le plus grand mal à retrouver et à faire parler les "rats de tunnel"...

Les tunnels de Cu Chi sont l'ensemble le plus complexe d'un système qui, à son sommet, s'étend quasiment depuis Saïgon jusqu'à la frontière cambodgienne. Ces tunnels n'ont pas été construits sur ordre de Hanoï mais sont une réponse de la guérilla sudiste au pilonnage de l'artillerie, de l'aviation, et à l'utilisation des défoliants, entre autres facteurs. Cu Chi est un district stratégique : situé près de Saïgon, il est également sis non loin de la frontière cambodgienne, par où transite la logistique du Viêtcong. Les tunnels existaient déjà sous le Viêtminh, contre les Français. Ils sont relancés lorsque le Nord-Viêtnam réactive la guérilla au sud, sous l'étiquette du Front National de Libération, en 1960.



L'opération Crimp, la première mission Search and Destroy conduite en janvier 1966 par les Américains dans le district de Cu Chi après leur intervention directe, montre déjà que l'armée des Etats-Unis n'est aucunement préparée à affronter le défi posé par les tunnels. Le Viêtcong disparaît sous terre à l'approche de l'adversaire, laisse des pièges et de petites arrière-gardes pour harceler les Américains. Les Australiens, qui participent à l'opération Crimp, sont les premiers à descendre sous terre pour combattre le Viêtcong dans ses refuges, non sans pertes. Ils essaient d'enfumer les tunnels avec une machine, sans succès. Les Américains, eux, ont recours aux lance-flammes. Le choc est rude néanmoins avec la découverte du complexe de tunnels de Cu Chi et une masse de documents à leur propos : le Viêtcong est un ennemi bien plus coriace qu'escompté.

Le Viêtcong, à Cu Chi, est d'abord composé d'habitants du Sud-Viêtnam. Au moment de l'intervention américaine, les cadres sont souvent d'anciens sudistes exilés au nord après 1954 et revenus au Sud via ce qui devient la piste Hô Chi Minh. La guérilla ne peut pas tenir sans le soutien d'une bonne partie de la population. Le sol de Cu Chi se prête bien à la construction de tunnels, chose qui n'est pas une nouveauté dans l'histoire militaire du Viêtnam. Très élaborés, construits en fonction du physique des Viêtnamiens, les tunnels reflètent cependant la hiérarchie, aussi, au sein du Viêtcong, qui doit en permanence camoufler les entrées et adapter les tunnels face à l'escalade des bombardements aériens.

La vie dans les tunnels est difficile. Préparer la nourriture chaude, même avec les "cuisines de Dien Bien Phu", est plus que compliqué. Le régime alimentaire est spartiate. En revanche, les tunnels servent de fabriques d'armes et de munitions, non seulement à partir des munitions américaines non explosées, mais de tous les objets abandonnés par les Américains, qui sont souvent réadaptés pour servir de pièges explosifs. Le Viêtcong dérobe en 1966 un char M-48 à l'ARVN qui sera retrouvé quelques années plus tard dans un tunnel. Les tunnels servent également à abriter les corps des tués au combat. Le Viêtcong craint cependant l'utilisation des gaz par les Américains, contre laquelle il trouve progressivement des parades.

Certains enfants de Viêtcong naissent sous terre, dans les tunnels, dans des conditions rudimentaires. L'ARVN, quant à elle, n'a jamais souhaité descendre sous terre pour combattre le Viêtcong dans ses bastions souterrains, et ce dès 1963, bien avant l'arrivée des Américains. Après l'opération Crimp, ceux-ci estiment qu'il faut créer des unités spécialisées pour combattre à l'intérieur des tunnels. Le capitaine Thornton dirige la première unité de "rats de tunnel", au sein de la 25th Infantry Division, justement stationnée dans le district de Cu Chi. Une douzaine d'hommes commandée par un officier qui, durant l'opération Crimp, en tant que membre d'une unité chimique, a utilisé gaz CS et explosifs pour tenter de détruire les tunnels.

Accompagnés par les Kit Carson Scouts, des Viêtcongs ralliés, les rats de tunnel s'équipent avec des armes de poing légère et maniables en milieu confiné : couteau, petits pistolets (Smith & Wesson calibre 38, par le Colt 45 trop bruyant et encombrant), éventuellement carabines M2. Dans le tunnel, communiquer est difficile : il faut inventer tout un système, de même qu'à la sortie, pour se faire reconnaître et pas "allumer" par les camarades restés à l'extérieur. Le Viêtcong protège les tunnels et leurs environs par toute une série de pièges : explosifs, armes blanches (pointes de bambou, etc), excréments pour favoriser les infections, positions pour tireur embusqué, etc. Dans les tunnels, les Américains se heurtent à toute une faune, utilisée dans les pièges par les Viêtcongs ou présente de manière naturelle : rats, scorpions, abeilles géantes, frelons, mille-pattes, araignées énormes, serpents, fourmis de feu, chauve-souris...

La 25th Infantry Division, qui arrive au Viêtnam à Cu Chi en janvier 1966 mais fournit du personnel sur place depuis déjà trois ans, construit son camp de base au-dessus du complexe de tunnels. Le Viêtcong pénètre fréquemment la base via les tunnels. La division doit organiser un camp d'entraînement aux tunnels pour préparer les nouvelles recrues. Les chiens de combat sont rapidement abandonnés pour la lutte anti-tunnels car le Viêtcong trouve vite des parades efficaces. Le Viêtcong infiltre ses agents dans le personnel viêtnamien utilisé par les Américains au milieu de la base. Lorsque les Américains nettoient le complexe de tunnels sous celle-ci, le Viêtcong en construit un autre tout autour, et ne cesse jamais les attaques. Les tunnels servent aussi à acheminer les troupes et les renforts près de Saïgon pour les grandes offensives. En février 1969, un commando parvient encore à s'introduire dans la base et à y détruire de nombreux hélicoptères américains.

Le Viêtcong bénéficie aussi de spectacles par des troupes itinérantes de comédiens, comme celui qui oeuvre pour le 267ème régiment à Cu Chi, et qui se retrouve un jour à combattre les Américains qui mènent une opération au-dessus des tunnels par hélicoptère. Les grandes opérations multidivisionnaires de Westmoreland, en 1967, visent en particulier les zones de complexes de tunnels. Cedar Falls, en janvier, s'abat sur le "Triangle de Fer" où les Américains croient que se trouve le QG du Viêtcong (ce qui est faux). Prévenu à l'avance, le Viêtcong évacue les lieux, et laisse les Américains tenter, en vain, de détruire les tunnels, tout en déplaçant de force la population pour faire le vide. En réalité, malgré la capture de nombreux documents, les tunnels restent, la population revient, et le Viêtcong aussi. Le Triangle de Fer sert de base de départ à l'offensive du Têt en 1968. Le Viêtcong, dans des conditions parfois cauchemardesques, pratique aussi des interventions chirurgicales dans les tunnels, qui comprennent des hôpitaux. Là encore, il fait notamment avec tout ce qui est récupéré sur les Américains.

Le Viêtcong craint surtout les opérations psychologiques mises en oeuvre par les Américains, dont le fameux programme Chieu Hoi (ralliement), qui fournit à l'ennemi les fameux Kit Carson Scouts utilisés pour explorer les tunnels, même si la défiance est parfois de mise. Les rats de tunnel, malgré tout un arsenal d'armes parfois plus dangereuses pour eux que pour le Viêtcong, conçues pour les aider, n'ont jamais découvert un moyen vraiment efficace de détruire les tunnels. En vérité, comme le montre quelques rapports après action bien documentés, le seul moyen de venir à bout des tunnels et d'y suivre le Viêtcong pour le traquer et l'éliminer. Mais les Américains ne généralisent pas les premières expériences empiriques pour former suffisamment d'hommes capables de telles missions, notamment dans les secteurs où se trouvent le plus de tunnels, ceux des 1st et 25th Infantry Divisions en particulier.

Les rats de tunnel doivent parfois affronter des combattants féminins, comme Vo Thi Mo, qui dirige une section combattante du Viêtcong exclusivement composée de femmes. Si la 1st Infantry Division crée sa propre équipe de rats de tunnel en 1967, la 25th Infantry Division ne prend pas conscience véritablement du problème et préfère recourir à d'autres solutions, moins efficaces. C'est dans l'équipe de la 1st Infantry Division que sert un des plus fameux rats de tunnel, un Cubain exilé aux Etats-Unis, le sergent Pete Rejo.

En 1968, l'offensive du Têt sur Saïgon est montée, très largement, à partir du réseau de tunnels de Cu Chi et du Triangle de Fer. Les sapeurs qui attaquent la capitale sud-viêtnamienne y ont préparé leurs attaques. Après le Têt, les Américains multiplient au-dessus des secteurs de tunnels les largages de défoliants, les frappes d'artillerie, les patrouilles d'hélicoptère Cobra, tandis que le programme de pacification dans les villages bat son plein. Mais ce sont les B-52, rapatriés pour des missions au sud après l'arrêt des bombardements sur le nord en octobre 1968, qui vont pulvériser les tunnels avec leurs tapis de bombes. Néanmoins, les chefs militaires nordistes se réinstallent dans le secteur pour planifier l'assaut final sur Saïgon en 1975. Les tunnels montrent combien le Viêtcong a su se montrer tenace et endurant pendant la "guerre américaine", entre 1965 et 1973.

Bien pourvu en cartes, muni d'un schéma type du complexe de tunnels Viêtcong qui a inspiré bien des illustrations, le livre se présente, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, comme un classique. Indispensable pour qui s'intéresse un tant soit peu à la guerre du Viêtnam.



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