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Claude DELESSE, Echelon et le renseignement électronique américain, Editions Ouest-France, 2012, 176 p.

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Claude Delesse est à la fois professeur chercheur à la BEM Management School de Bordeaux, docteur en sciences de l'information, et ancienne auditrice de l'IHEDN, entre autres titres. Ce petit volume édité par Ouest-France est publié par le label Cf2R, abréviation de Centre Français de Recherche sur le Renseignement, un think tank fondé en 2000. D'ordinaire les publications de ce think tank ne m'inspirent pas beaucoup, j'ai d'ailleurs relu récemment un autre ouvrage écrit par un membre de ce même groupe qui m'a également laissé sur ma faim.

Ce petit volume, lui, s'attaque au réseau Echelon, le fameux réseau de surveillance électronique dévoilé dans les années 1980 et piloté par la NSA. Pour l'auteur, Echelon comble, pour les Américains, durant la guerre froide, les carences du renseignement humain et aérien sur l'adversaire de l'est. Les Etats-Unis ont associé les Anglais et les membres du Commonwealth (Australie, Nouvelle-Zélande) à leurs moyens SIGINT puis à Echelon. L'outil a aussi servi à espionner des citoyens américains ou même les alliés des Etats-Unis.

Echelon trouve son origine dans les efforts alliés de la Seconde Guerre mondiale, notamment pour casser le code de la machine allemande Enigma. Dès après la fin de la guerre, les Etats-Unis et leurs alliés s'associent pour mettre en commun les interceptions électroniques. Mais l'alliance est asymétrique, car les Américains ne se privent pas d'espionner leurs alliés ou d'autres pays proches, comme la France sous De Gaulle.


 

Pour Claude Delesse, le réseau Echelon trouve sa justification dans la guerre froide, pour intercepter les communications nationales et internationales. D'autant que les Soviétiques avaient créé des réseaux sur le territoire américain dès la Seconde Guerre mondiale. Echelon a parfois servi à manipuler les opinions, et pour surveiller les dispositifs nucléaires adverses ou bien les alliés. Quelques affaires célèbres illustrent le rôle du renseignement électronique, comme le bombardement de l'USS Liberty par les Israëliens durant la guerre des Six Jours ou la capture de l'USS Pueblo par les Nord-Coréens l'année suivante. Dès les années 1980, le réseau est en partie réorienté dans la lutte contre le terrorisme. L'attentat du 11 septembre 2001 provoque un choc : blocage organisationnel, disfonctionnements, cloisonnements, absence de concertation entre les services ont été pointés du doigt. La création de l'Office of Homeland Security par G.W. Bush est contrasté par l'annonce, en 2005-2006, de l'espionnage par la NSA de nombreux citoyens américains.

La NSA a longtemps été une des agences les plus secrètes du renseignement américain. Deux mathématiciens qui font défection à l'est en 1960 apportent les premières informations sur l'agence. Les révélations, par d'anciens membres ou des journalistes, se multiplient durant les années 1970-1980. Le réseau Echelon est révélé pour la première fois en 1988. La première étude approfondie est l'oeuvre d'un Néo-Zélandais, Nicky Hager, en 1996. En France, le réseau Echelon fait particulièrement débat en 1998. Mais malgré toutes les révélations, on en sait en réalité bien peu sur les évolutions du réseau.

Pour l'auteur, Echelon n'est qu'une partie d'un réseau plus vaste, qui capte les renseignements ELINT (électroniques), RADINT (radars) et COMINT (communications, les plus importants en quantité). La NSA est l'agence la plus puissante dans le domaine mais elle collabore aussi avec la CIA et d'autres instances : Governement Communication Headquarter, Communications Security Etablishment Canada, Defense Signals Directorate, Government Communications Security Bureau. La NSA a d'abord construit des stations sur le sol américain, puis dans les pays alliés, qui sont intégrés au réseau.

Echelon est mis à contribution pour le renseignement et l'espionnage économique, au moins dès les années 1990, par exemple pour les négociations du GATT. C'est particulièrement vrai dans les secteurs stratégiques comme la défense. Les partisans du système expliquent que tout le monde fait de même. L'UE a beaucoup discuté d'Echelon jusqu'en 2001, beaucoup moins depuis. Aux Etats-Unis, les citoyens ont parfois pu obtenir un certain contrôle parlementaire, comme la commission Church en 1976 qui mit à jour l'espionnage de militants des droits civiques ou contre la guerre du Viêtnam. Mais la NSA continue d'espionner parfois ses propres citoyens, et nombre d'associations internationales comme Greenpeace.

Selon Claude Delesse, appliquant les idées de John Nye, les Etats-Unis font tout pour conserver la "dominance" (...) informationnelle. Les développements de l'informatique et la nécessité d'être équipé de manière correcte pressent fortement le budget. La NSA doit par ailleurs développer des systèmes de défense et de chiffre (cryptologie). Dans ce domaine, elle travaille aussi avec le secteur privé. Elle s'efforce aussi d'intégrer la doctrine de "guerre de l'information" en profitant des orientations choisies par G.W. Bush. Le cybermonde devient un cinquième "espace géostratégique". Historiquement, les Etats-Unis bénéficient d'une position dominante sur Internet, mais le centre de gravité commence à se déplacer.

Né de la "guerre de l'ombre" de la Seconde Guerre mondiale, Echelon sert les intérêts américains, avec une certaine demésure dans la protection contre la "globalisation", sans pouvoir empêcher les attentats du 11 septembre. Il s'intègre aujourd'hui dans une stratégie nouvelle, mais on n'en connaît encore qu'une petite partie.

Quelque part, l'ouvrage laisse un peu songeur. Non pas en raison de sa taille, réduite, mais aussi parce que l'appareil de notes est réduit au minimum, tout comme la bibliographie, qui compte moins de 20 titres, dont certains auteurs n'inspirent d'ailleurs pas forcément confiance. Je regrette en particulier que certains épisodes historiques évoqués n'aient pas reçu un meilleur traitement (l'attaque du Liberty, la capture du Pueblo, etc). Nul doute que le livre représente une petite introduction correcte, y compris pour des gens comme quoi qui n'y connaissent pas grand chose, mais dès qu'on a refermé le livre, on se dit qu'il faudrait quelque chose de plus consistant. D'autant que le langage employé par Claude Delesse est parfois un peu obscur et tend par moment à employer un jargon peut-être un peu trop recherché (dominance...), qui laisse penser qu'elle veut impressionner, comme on peut le faire dans certains magazines. Mais ça ne prend pas trop, à vrai dire.





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