En
décembre 2013, les spécialistes espagnols estimaient que 17
personnes avaient fait le voyage pour combattre en Syrie au sein des
groupes djihadistes1.
Les agences de sécurité du Maroc ont également identifié 3
résidents espagnols supplémentaires qui sont partis faire le djihad
en Syrie2.
11 sont des citoyens espagnols et les 9 autres des immigrés
marocains vivant en Espagne. La plupart viennent de Ceuta, l'enclave
espagnole en territoire marocain, qui compte 85 000 habitants, dont
37% de musulmans. Les Espagnols de Ceuta qui commencent à partir en
Syrie à partir du mois d'avril 2012 appartiennent aux classes
sociales les plus pauvres. Les Marocains sont aussi partis de villes
du continent comme Girona et Malaga. Ce sont tous des hommes, âgés
de 16 à 49 ans, la plupart ont entre 25 et 30 ans et sont mariés.
La plupart sont chauffeurs de taxis, travailleurs non qualifiés,
étudiants ou sous emploi. Sauf 3 ou peut-être 4 d'entre eux, aucun
n'avait de lien particulier avec les réseaux djihadistes
(probablement, même, 19 sur les 20). Au moins deux avaient cependant
participé à des manifestations djihadistes qui se tiennent depuis
2008 à Ceuta et dans une municipalité de la province de Cadix.
Plusieurs avaient participé à des échauffourées contre la police
à Principe Alfonso, un faubourg de Ceuta, et à du trafic de drogue.
L'exception est Mouhannad Almallah Dabas, un Syrien naturalisé
espagnol qui a fait partie de la cellule espagnole implantée par
al-Qaïda dès le milieu des années 1990 avant d'être démantelée
en novembre 2001. Dabas a été arrêté et jugé pour les attentats
de Madrid en 2004, avant d'être relâché. Il est ensuite parti en
Syrie où il se charge des activités logistiques pour le front
al-Nosra, en compagnie de son jeune fils. Il a été tué à Homs en
octobre 2013 au sein du front al-Nosra.
Ceuta
a connu des implantations djihadistes par le passé. En 2006, les
autorités espagnoles conduisent l'opération Duna et arrêtent 10
Espangols et 1 Marocain suspectés d'activités terroristes, même si
9 sont finalement relâchés. En 2007, trois autres personnes sont
également arrêtées. Entre juin et septembre 2013 enfin, ce sont 10
personnes qui sont appréhendées et qui appartiennent à un réseau
organisé, avec des connections internationales, chargé de
radicaliser des recrues et de les expédier en Syrie, dans le cadre
de l'opération Cesto. Parmi les personnes arrêtées, 9 Espagnols de
Ceuta et un Belge. C'est cette opération qui permet d'identifier le
20 djihadistes déjà partis en Syrie3.
Les
Espagnols rejoignent surtout al-Nosra ou l'EIIL, voire le groupe
Harakat al-Sham composé de Marocains. Muhammad al-Kutibi Abu Adam
al-Mughrabi, un citoyen espagnol de Barcelone d'origine marocaine, a
combattu avec al-Nosra jusqu'à sa mort à Alep, le 7 avril 20134.
Ceux qui manquent d'expérience djihadiste subissent un processus de
radicalisation à Ceuta ou dans des communes marocaines voisines
comme Castillejos. On sait ainsi qu'un imam marocain radical venu de
Tétouan, arrêté après les attentats de Casblanca en 2003, a
prêché en juin 2012 dans la mosquée Attauba de Principe Alfonso à
Ceuta. Plusieurs djihadistes partis en Syrie se rendaient à cette
mosquée5.
Deux ou trois agents recruteurs opèrent à travers la frontière au
sein d'un réseau hiérarchisé : on encourage le volontariat en
fournissant de l'argent aux familles. Les volontaires gagnent
Algésiras en ferry, puis rejoignent Malaga ou Madrid où ils
prennent l'avion pour Istanbul. Une fois en Turquie, ils sont
acheminés dans la province frontalière d'Hatay où les membres des
groupes de recueil se chargent de leur faire passer la frontière.
Parfois les vols pour Istanbul partent de Casablanca. En Syrie, les
volontaires passent par des camps d'entraînement. Certains sont
affectés à des cellules kamikazes -trois cas ont été identifiés.
L'attaque kamikaze la plus meurtrière, qui aurait tué plus de 100
personnes, est intervenue en juin 2012 dans la province d'Idlib.
Cette attaque aurait été mené par Rashid Wahbi, un chauffeur de
bus ou de camion de 33 ans, père d'un enfant, originaire du Maroc
espagnol6.
En plus des Espagnols ayant rejoint les groupes djihadistes, au moins
25 autres ont également rejoint précédemment l'Armée syrienne
libre et ont peut-être changé d'allégeance depuis.
Le
5 janvier 2014, la police espagnole arrête Abdelwahid Sadik Mohamed,
un des 20 djihadistes partis en Syrie, considéré comme étant lié
à l'EIIL7.
Il a été arrêté à sa descente d'avion à Malaga, en provenance
d'Istanbul. Originaire de Ceuta, Mohamed était parti en mai en Syrie
via la Turquie et a été formé dans les camps d'entraînement de
l'EIIL. La police espagnole a déjà arrêté plusieurs membres d'une
cellule qui recruterait à Ceuta, notamment des candidats aux
attaques kamikazes. Le chef, Yassin Ahmed Laarbi, a été arrêté en
septembre dernier, après 8 autres personnes en septembre. Une
nouvelle cellule de recrutement pour le djihad en Syrie est
démantelée par la police espagnole en mars 2014. En avril, le
gouvernement espagnol chiffre officiellement à 51 le nombre de
ressortissants nationaux partis faire le djihad en Syrie8.
Abdelwahid Sadik Mohamed.-Source : http://www.le360.ma/fr/sites/le360.ma.fr/files/styles/asset_image_full/public/assets/images/2014/01/abdelwahid_mohamed_sadik.jpg |
1Fernando
Reinares et Carola García-Calvo, « Jihadists from Spain in
Syria: facts and figures », Elcano Royal Institute, 12
décembre 2013.
2Fernando
Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign
Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol
7. Issue 1, p.12-14.
3Fernando
Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign
Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier
2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
4Foreign
fighters from Western countries in the ranks of the rebel
organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in
Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center,
janvier 2014.
5Fernando
Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign
Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier
2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
6Foreign
fighters from Western countries in the ranks of the rebel
organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in
Syria, The Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center,
janvier 2014.
8RICHARD
BARRETT, FOREIGN FIGHTERS IN SYRIA, The Soufan Group, 2 juin
2014.