1917. Le capitaine Hardt (Conrad Veidt), le commandant du sous-marin allemand U-29, est envoyé pour prendre contact avec un agent allemand près des îles Orcades, à proximité de la base de la flotte britannique. Pendant ce temps, Anne Burnett, une institutrice, se rend aux îles Orcades pour tenir son poste. Mais en chemin, elle est enlevée par des agents allemands et une autre femme (Valerie Hobson) prend sa place pour jouer le rôle d'Anne Burnett. Celle-ci donne les instructions de la mission à Hardt : il s'agit de faire couler la flotte britannique par un groupe de U-Boote, grâce aux renseignements obtenus par le lieutenant Ashington (Sebastian Shaw), un traître à la solde des Allemands. Mais la mission de Hardt ne va pas se dérouler exactement comme prévu...
L'espion noir, un film sorti en 1939, marque la première collaboration entre les réalisateurs britanniques Michael Powell et Emeric Pressburger -qui deux ans plus tard signeront le fameux 49ème parallèle. Ils sont réunis par Alexander Korda, un producteur et réalisateur britannique d'origine hongroise, pour adapter un roman d'espionnage de Joseph Storer Clouston, lui-même natif des îles Orcades. Le film est produit par les studios américains Columbia Pictures afin de respecter les quotas dans les cinémas britanniques, qui doivent accueillir des productions nationales.
Comme dans 49ème parallèle, les deux réalisateurs arrivent à aller au-delà de la présentation binaire du film de guerre entre le camp "ami" et le camp "ennemi" -ce qui est d'autant plus remarquable que Pressburger, journaliste et scénariste à l'UFA, a fui l'Allemagne au moment de la montée du nazisme. Et cela a d'autant plus d'impact que le film sort à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en 1939. Si le film débute par une mise en scène autour de l'équipage du sous-marin allemand, qui attire la sympathie, cette vision est contrebalancée par l'exécution de l'institutrice britannique par les agents allemands. Les Britanniques, au contraire, n'apparaissent d'abord pas sous leur meilleur jour, avec l'officier stipendié par l'Allemagne, par exemple. L'insistance sur les portraits d'une communauté locale -celle des îles Orcades- n'est également pas très à l'avantage des Anglais, entre le révérend qui insiste absolument pour inviter tout le monde à dîner afin de bénéficier de tickets de rationnement, ou bien ce civil curieux reconverti en policier scrutateur. Le tout sur fond de paysage écossais nocturne, embrumé. L'étude de caractères de la première partie du film, en huis clos, laisse la place à la course au succès ou à l'échec de la mission. Le final donne comme leçon que la guerre laisse finalement peu de place au sentiment... bref, un film qui annonce par bien des égards 49ème parallèle, ce qui justifie déjà de le regarder.