Je continue régulièrement de retrouver, dans des brocantes, sur le marché auprès de bouquinistes, ou ailleurs, ces tomes de la collection bleue de J'ai Lu, la collection "J'ai Lu Leur Aventure". Le n°23 est le témoignage d'un ancien pilote du fameux groupe Normandie-Niémen, qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Soviétiques sur le front de l'est, Roger Sauvage. Ce dernier fait partie du contingent de renfort expédié d'Alger à l'hiver 1943-1944, pour combler les lourdes pertes subies durant l'année 1943.
Après un passage par Le Caire puis Téhéran, le contingent de pilotes est pris en charge par un Dakota soviétique qui, via Astrakan, les conduit à Moscou. Arrivé sur l'aérodrome de Toula le 6 janvier 1944, Sauvage est bientôt formé aux commandes d'un Yak 7 d'entraînement. Un entraînement qui n'est d'ailleurs pas sans casse.. Sauvage a l'occasion de survoler les champs de bataille de la région d'Orel, où de féroces combats ont eu lieu à l'été 1943.
Transféré vers le front en mai 1944, les pilotes enchaînent les patrouilles. Un des frères Challe abat... un Yak soviétique d'un régiment voisin. Le régiment assure la couverture aérienne de l'opération Bagration, en Biélorussie ; il y remporte des victoires, mais subit également des pertes. Les Français occupent des terrains tout juste abandonnés par les Allemands en retraite ; il manque d'abattre un Pe-2 confondu avec un Do 217 allemand... A partir de juillet 1944, le Normandie-Niémen couvre le franchissement par l'Armée Rouge du fleuve qui va compléter son nom de guerre. Basé à Alytous, les Français troquent ensuite les Yak-9 contre des Yak-3. Le 18 septembre, le régiment déménage à Antonovo. Le 14 octobre 1944, alors que les Soviétiques attaquent la Prusse-Orientale, Sauvage remporte ses premiers succès -Fw 190 et Ju 87. Un mois plus tard, le commandant Pouyade laisse le commandement du régiment à Delfino. Le 27 novembre, le régiment opère à partir du sol allemand, en Prusse-Orientale.
Rapatrié en train à Moscou, les pilotes ont la chance de rencontre le général De Gaulle, venu en URSS en décembre 1944. A partir du 15 janvier 1945, le Normandie-Niémen appui le renouveau de l'offensive soviétique sur la Prusse-Orientale. Les missions s'enchaînent, les victoires pour Sauvage aussi. Le régiment est basé à Labiau, ancien terrain de chasse de Me 109, le 27 janvier. Il opère au-dessus de Königsberg et des champs de bataille de Prusse Orientale, notamment au-dessus du terrain de Heiligenbeil, repaire des "Mölders" (la JG 51), une escadre de chasse allemande particulièrement redoutée des Français. La Flak est terrible, et, le 9 février, Sauvage affronte en duel, match nul, un pilote qu'il pense être un as allemand. Le 25 février, les pilotes atterrissent à Friedland, suivant dans leur parcours encore les traces de la geste napoléonienne... Les missions défilent au-dessus de Köngisberg assiégée, pilonnée par l'aviation, recouverte de fumée, jusqu'en avril 1945. Les Français opèrent au-dessus de Pillau, à travers le "Tunnel", cette masse de fumée que le vent rabat à l'ouest de Königsberg. Sauvage opère aussi au-dessus du Samland lors des derniers combats après la chute de la ville. C'est en Prusse-Orientale que les Français apprennent la capitulation du 8 mai 1945. Les pilotes rentrent à Moscou le 1er juin, puis en France le 20, avec leurs appareils soviétiques.
Un témoignage sur une partie du parcours du Normandie-Niémen, à prendre avec ses qualités et ses limites. R. Sauvage a un regard bien à lui sur les Soviétiques, les pays traversés et leur population, en particulier (ses souvenirs ont été écrits quelques années seulement après la guerre, avant d'être réédités par J'ai Lu dans cette collection). Mais le texte n'en demeure pas moins un témoignage de première main sur l'aventure de ce régiment hors-norme.