Merci encore à Yann de m'avoir envoyé ce numéro de Ligne de front. Comme le précise l'éditorial, l'article central sur Stalingrad est venu de discussions internes à l'équipe sur l'opportunité de déterminer si Stalingrad avait eu un impact plus important que la capitulation en Tunisie de mai 1943. J'avoue être sceptique sur un courant qui met fréquemment en cause l'ampleur des victoires soviétiques (certes exagérées par la propagande de l'URSS), car je crois qu'on ne voit encore trop largement les choses que d'un seul bord...
- le premier article est de Fabrice Delsahut et porte sur les radio-codeurs indiens de l'armée américaine. Les Navajos et leur engagement dans le Pacifique ont été popularisés par le film Windtalkers (2002). L'auteur s'attache plutôt à retracer leur intervention sur le théâtre européen, et ce dès la Première Guerre mondiale, ce que je ne savais pas. A noter l'erreur de la légende de la photo p.6 avec Peleliu en 1943 et pas en 1944. Seul regret : la participation des radio-codeurs en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale en Europe est trop peu détaillée.
Le film Windtalkers (2002), réalisé par John Woo (sic), met à l'honneur les radio-codeurs navajos utilisés par les Américains dans le Pacifique.
Le film Windtalkers (2002), réalisé par John Woo (sic), met à l'honneur les radio-codeurs navajos utilisés par les Américains dans le Pacifique.
- Vincent Bernard, du blog Le Cliophage, signe un court article sur le mythe du réduit alpin allemand, l'Alpenfestung. Si des projets allemands ont bien existé, la presse alliée en a fait ses choux gras en amplifiant la menace et les Allemands ont su en jouer par la suite. Les Alliés, échaudés par la surprise des Ardennes, ont voulu jouer la prudence. L'auteur complète par une double page sur la course au nid d'aigle, fort intéressante...
- Xavier Tracol offre un article sur les combats du XIXth Corps américain devant Saint-Lô. Des combats ardus dans un bocage qui force les Américains à s'adapter pour le meilleur, après le pire... Saint-Lô devient la "capitale des ruines".
- le dossier porte donc sur Stalingrad, par Martin Benoist. Comme je le disais en préambule, le discours rejoint le courant historiographique qui relativise le succès soviétique (sans doute à raison quand même). Si les encadrés replacent quand même la portée de la bataille dans sa juste mesure, dans le cas des partisans, je me demande si leur nombre et leur organisation n'étaient pas déjà bien avancés en 1942 (?). Quant à l'état des pertes, les réflexions laissent songeur : l'armée allemande perd quand même plus de divisions en URSS qu'en Tunisie, même si dans ce dernier cas, ce sont des divisions mobiles en majorité... si je suis d'accord avec l'importance symbolique de la bataille, je doute néanmoins de plus en plus sur une bataille menée "au bord du gouffre" du côté soviétique, notamment parce que, encore une fois, on ne voit les choses que d'un seul côté... et que des sources nouvelles ou le recours aux travaux russes fourniraient des surprises ou un utile contrepoint.
- Christophe Dutrône propose un article sur la pacification en Algérie (1955-1959), sujet ô combien délicat au vu de l'historiographie récente du sujet. Globalement la trame est correcte mais je suis en désaccord avec certains points. Dire que le FLN prend en main les populations musulmanes par la terreur (p.53) me semble infiniment réducteur : le mouvement n'aurait jamais gagné sans le soutien d'une bonne partie de la population. Les conditions de vie dans les camps de regroupement (p.56) et la méthode même employée là font beaucoup plus débat que ce que semble dire l'auteur. Enfin, p.61, difficile d'être d'accord avec le constat établissant que la majorité de la population arabe se place dans le soutien au camp français... voir par exemple ma recension de l'ouvrage de Sylvie Thénault,ici. Bref, un sujet qui fait encore débat.
- Xavier Tracol aborde ensuite l'opération Seelöwe, le projet allemand d'invasion de l'Angleterre. Les préparatifs sont insuffisants et marqués par une certaine inexpérience, mais les Allemands avaient pensé aux ports artificiels, aux chars amphibies et même à des véhicules spécialisés. L'invasion eut finalement lieu... lors d'un wargame en 1974 à Sandhurst, sous l'arbitrage de personnalités des deux camps de l'époque. Je vous laisse lire qui fut le vainqueur...
- enfin, François Muratévoque les SS lettons. La Lettonie, qui avait été brutalement annexée par l'URSS en juin 1940, accueille à bras ouverts les Allemands en 1941 qui,pense-t-elle, va lui redonne l'indépendance. Lourde erreur d'appréciation mais par anticommunisme, de nombreux Lettons se jettent à corps perdu dans la collaboration, les massacres antisémites et la Waffen-SS. Ils ne battront avec acharnement que pour la défense du sol natal car la contrainte a parfois été employée par les Allemands, dans le recrutement... la conscription forcée permet à Nuremberg de passer l'éponge sur ce moment sombre de l'histoire lettonne, et en particulier les pogroms et autres exactions contre les Juifs. Cet article est le seulà citer une bibliographie.
Au final, un numéro inégal selon les articles et le propos : à prendre pour les choses auxquelles on s'intéresse.
Ci-dessous, des SS estoniens devant Narva, en 1944. Narva est l'une des grandes batailles de la Waffen-SS, mettant en lumière le recrutement étranger de la branche de l'armée allemande.
Ci-dessous, des SS estoniens devant Narva, en 1944. Narva est l'une des grandes batailles de la Waffen-SS, mettant en lumière le recrutement étranger de la branche de l'armée allemande.