Jeffry D. Wert est un historien américain spécialisé sur la guerre de Sécession. Il est devenu un passionné du sujet après une visite sur le champ de bataille de Gettysburg durant son enfance. Diplômé en histoire et enseignant, il signe en 1991 un premier ouvrage sur les Rangers de Mosby, qui ont compté parmi les adversaires de Custer, puis une biographie de Longstreet en 1994. Deux ans plus tard, il livre une autre biographie, celle du général George Armstrong Custer.
Au vu du sujet, passionné lui aussi et controversé, on aurait attendu une introduction assez fournie. Peine perdue, il faut se contenter malheureusement d'une petite demi-page où l'auteur annonce qu'il est le premier à dresser un portrait "global" de Custer, sans se focaliser soit sur la période de la guerre de Sécession, soit sur la période de l'après-guerre, ce qui est en fait loin d'être le cas, on le verra plus loin.
Le 9 avril 1865, à Appomatox Court House, les restes de l'armée de Virginie du Nord de Lee avancent contre la 3ème division de cavalerie de l'Union, soutenus par leur artillerie. Mais l'infanterie fédérale a marché toute la nuit pour rejoindre les cavaliers et accueillent les confédérés avec un déluge de feu, tandis que la 3ème division se prépare à charger. Celle-ci est commandée depuis l'automne 1864 par un jeune général de 25 ans à peine, Custer, qui en a fait une des formations de cavalerie les plus agressives du conflit.
Le jeune officier de West Point se retrouve, durant le conflit, là où il a toujours souhaité être, depuis l'enfance. La boucle est bouclée : Custer était là, en 1861, au moment de la déroute fédérale de la première bataille de Bull Run. Le voilà désormais présent pour l'acte final du conflit, ses hommes arborant fièrement une série de drapeaux sudistes capturés derrière lui. Véritable légende vivante au Nord, Custer inspire l'admiration autant que la jalousie. Admiration de ses hommes et de ses surpérieurs, jalousie de ses collègues officiers, parfois blessés par cette étoile montante.
Avant le désastre de Little Big Horn, le 25 juin 1876, Custer a été le protagoniste et souvent le vainqueur de nombreux combats de cavalerie de la guerre de Sécession. Il a joué un rôle important sur le théâtre oriental des opérations, en Virginie et ailleurs : campagne de la Shenandoah, Gettysburg, Trevilian Station, Appomatox. Apprécié de Grant et de Sheridan, d'aucuns font même de Custer le meilleur général de cavalerie nordiste de toute la guerre.
Pour l'auteur, malheureusement pour lui, Custer n'est pas mort à la fin de la guerre de Sécession. Avec la paix, il a dû affronter les guerres indiennes, lui qui était sorti de West Point bon dernier de sa classe, avant de briller pendant la guerre civile. Le climat dur, des problèmes d'approvisionnement et une discipline difficile à maintenir, qui entraînent de sa part des réactions violentes, le font rapidement détester de sa troupe et lui valent une cour martiale. Si pendant les "pauses", il est en adoration devant son épouse, Libbie, il n'en demeure pas moins que Custer ne se retrouve pleinement qu'au feu. Parvenu au sommet pendant la guerre de Sécession, il ne voit pas en fait la moindre raison de changer d'attitude durant ses combats contre les Indiens des Grandes Plaines. A Little Big Horn, il a pris des risques parce que son style de vie lui imposait de se comporter dangereusement. Avec le résultat que l'on sait.
Le livre de Wert est paru en même qu'une autre biographie de Custer, celle de Louise Barnett, et les deux ouvrages profitent alors d'un renouveau historiographique sur Custer marqué par les travaux de Utley et Leckie. La biographie de Wert est pour ainsi dire la plus classique des deux, en ce sens que c'est un long récit de la vie de Custer, où l'auteur, spécialité oblige, est plus à l'aise sur la période de la guerre civile, là où la biographie de Barnett va un peu plus loin, mais se concentre plutôt, elle, sur la période de l'après-guerre. Le problème de la structure du livre de Wert est que 10 des 19 chapitres du livre sont consacrés à la guerre civile et seulement 2 à la période de la naissance au début du conflit. En outre, il n'y a pas de conclusion et les cartes, trop peu nombreuses, ne permettent pas, notamment, de suivre correctement les phases de la bataille de Little Big Horn, ce qui est dommage. Au final, on reste quelque peu sur sa faim car si les interprétations sont parfois intéressantes, la volonté de recentrer le propos sur la guerre de Sécession nuit finalement aux questionnements que l'on serait tenté de se poser sur l'avant et sur l'après, et notamment sur le désastre final de Custer : comme le disait un historien américain qui faisait la recension du livre pour une revue savante, sans le désastre de Little Big Horn, Custer aurait-il atteint la légende et l'immortalité qu'il recherchait sans cesse ?