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Jean-Paul THUILLIER, Les Etrusques. La fin d'un mystères, Découvertes Gallimard Archéologie 89, Paris, Gallimard, 2009 (1ère éd. 1990), 160 p.

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Jean-Paul Thuillier, ancien membre de l'Ecole Française de Rome, est étruscologue et féru de sport. Sa thèse porte d'ailleurs sur le sport étrusque. Il est professeur à l'ENS d'Ulm et c'est lui qui signe ce volume Découvertes Gallimard sur les Etrusques.

L'Etrurie, disparue "officiellement" au Ier siècle de notre ère, mais en fait dès la conquête romaine du IIIème siècle av. J.-C., a été mythifiée par les empereurs romains, Auguste, Claude, ou Constantin, qui organise encore des jeux étrusques. Au XVème puis au XVIème siècle, les Toscans commencent à redécouvrir les Etrusques, et en font leurs ancêtres à des fins politiques. Le moine Annio du Viterbo spécule déjà sur leur langue, qu'il rapproche de l'hébreu (!). L'étruscomanie commence via les Anglais au XVIIème siècle, mais est encore peu présente au XVIIIème. Il faut attendre les premières fouilles et la fondation de l'académie étrusque de Cortone, en 1727, pour que le phénomène prenne de l'ampleur. Piranese commence à défendre l'origine autochtone des Etrusques, et l'abbé Lanzi, en 1789, publie un ouvrage qui remet enfin à plat le hypothèses les plus farfelues. Les fouilles sont incontrôlées au XIXème siècle, notamment dans les nécropoles de Vulci. La tombe Regolini-Gassi, découverte en 1836, livre une quantité d'or impressionnante. Une exposition a lieu à Londres l'année suivante. Dès lors l'engouement ne se dément plus, avec les visites, et surtout la fondation d'une vraie discipline scientifique. Le second congrès international étrusque en 1985 consacre l'intérêt pour les études étrusques, dominées en France par Jacques Heurgon et en Italie par Massimo Pallotino. La langue pose toujours problème malgré des espoirs vite déçus. A côté des tombes, on fouille aussi de plus en plus les villes.

En réalité, la culture des Villanoviens, proto-Etrusques, s'est épanouie en Italie au contact des colons grecs attirés par le fer de l'île d'Elbe. La civilisation se développe aux VIIème-VIème siècle, sans aucun mystère. Il n'y a pas d'unité politique du monde étrusque. Les Villanoviens, avec leurs urnes cabanes, ont donné naissance à ce monde. A la fin du VIIIème siècle, ce monde est dominé par des princes et l'on commence à distinguer des contacts avec l'Orient. On passe de l'incinération à l'inhumation (tumulus de Caere). Un système de clientèle se met en place ; les tombes se distinguent par l'orfèvrerie et les bijoux. L'écriture apparaît vers 700 av. J.-C. et on sait de mieux en mieux la lire, même si elle demeure parfois obscure.

L'Etrurie des 12 cités est à son apogée en Italie au VIème siècle avant notre ère. Elle influence fortement la naissance de Rome. Les lucumons semblent avoir dirigé les villes dans un système monarchique, avant de laisser la place à des magistrats (zilath). L'Etrurie a aussi ses tyrans tandis que les nécropoles révèlent l'émergence d'une classe moyenne. Production et commerce se développe ; les Etrusques de Caere, alliés aux Carthaginois, défont les Phéniciens lors de la bataille d'Allalia, au large de la Corse (540-535). Les ports sont particulièrement actifs. Les tombes se recouvrent de motifs plutôt gais, les Gaulois découvrent le vin grâce aux Etrusques. Plusieurs Etrusques sont d'ailleurs rois de Rome avant la République ; l'épisode montre aussi l'importance des femmes dans la société étrusque (Tanaquil).

Mais le déclin est proche. En 480, les Carthaginois sont battus à Himère par la nouvelle puissance montante, Syracuse. Six ans plus, c'est au tour des Etrusques d'être défaits sur mer devant Cumes par Hiéron. La perte de Rome empêche les liaisons avec les cités de Campanie. Les Syracusains mènent des raids contre les gisements miniers de l'île d'Elbe et de la Corse, d'où l'envoi d'un petit contingent étrusque aux Athéniens lors de l'expédition de Sicile de la guerre du Péloponnèse. Seules les cités de la plaine du Pô sont encore prospères. Mais bientôt les Romains poussent vers le nord (prise de Véiès en 396) tandis que les Gaulois déboulent au sud. Véiès tombe pour le contrôle des salines de l'embouchure du Tibre et les Romains pratiquent habilement l'assimilation. Les villes tombent une à une jusqu'à la prise finale de Volsinies, en 265-264, juste avant la première guerre punique.

Paysans, artisans, le cadre de vie étrusque est mal connu. Les fouilles se multiplient sur les villes et les palais aristocratiques pour en savoir plus. Les banquets sont fréquemment représentés dans les tombes. La musique et la danse sont également très présentes : les ludions sont à l'origine du théâtre romain. Les jeux étrusques empruntent aux Grecs, mais pas uniquement. Les courses de chevaux sont apparemment très prisées. Les spectacles rustiques sont aussi nombreux.

La romanisation, étroite, se fait notamment par l'implantation de colonies romaines. L'Etrurie reste assez fidèle à Rome pendant la deuxième guerre punique. C'est la partie nord et intérieure qui est la plus riche. L'Etrurie maritime est en déclin. La prospérité du IIème siècle av. J.-C. profite à la région. Pendant la guerre entre Marius et Sylla, l'Etrurie appuie massivement le premier, ce qui lui vaut des représailles et par contrecoup l'accélération de la romanisation.

Un volume d'introduction excellent, complété par la section Témoignages et Documents, avec des sources antiques, le point de vue des romantiques, des archéologues, un aperçu sur la langue et même sur les faux étrusques. La chronologie et la bibliographie complètent l'ensemble (p.152-153).

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