Konkurs :
ou AT-5 Spandrel en classification OTAN. Un missile antichar guidé introduit
dans l'armée soviétique en 19741,
l'équivalent du missile TOW américain. Ce premier missile antichar
soviétique de seconde génération a été vu pour la première
fois, monté sur des véhicules de reconnaissance BRDM, lors d'une
parade sur la Place Rouge en novembre 1977. Il a beaucoup en commun
avec l'AT-4 Spigot auquel il succède. Il porte jusqu'à 4 km
et a une portée minimale de 100 m. L'allonge est doublée par
rapport au Spigot de même que la vitesse du missile en vol.
Filoguidé, le Spandrel est normalement conçu pour être tiré
à partir de véhicules (BRDM-2 notamment) mais il sera après la
chute de l'URSS beaucoup utilisé au sol par les fantassins.
Dès
le mois de juin 2013, alors que le président américain Barack Obama
décide d'appuyer plus nettement la rébellion syrienne soutenue par
les Occidentaux, en réaction à des attaques utilisant des gaz de
combat, les premiers Konkurs sont signalés dans la région
d'Alep, probablement livrés par l'Arabie Saoudite qui a donc reçu
le « feu vert » des Américains2.
Les Konkurs sont notamment capables de venir à bout des T-72
de l'armée qui restent le poing blindé de Bachar el-Assad. Une
partie des lance-missiles antichars et de leurs munitions vient
probablement des stocks libyens3.
Ces acheminements libyens (comprenant des missiles Konkurs
mais aussi Kornet) auraient été réalisés pour leur part
par des C-17 qataris, dont trois vols au moins ont été répertoriés
en Libye cette année, les armes passant ensuite par la frontière
turque4.
Les sources pro-régime signalent également, au même moment,
l'apparition plus massive des Konkurs (qui seraient d'origine
bulgare et croate) : une arme que les Syriens connaissent bien5
puisqu'ils en ont reçus des centaines de l'URSS6.
Selon les mêmes sources, la Russie aurait ensuite livré du blindage
additionnel et des protections supplémentaires pour équiper les
autres formations du régime à l'exception de la 4ème division
blindée et de la Garde Républicaine, qui en bénéficient déjà en
tant qu'unités d'élite et garde prétorienne. Le Konkurs,
par ailleurs, peut aussi viser les hélicoptères et les appareils
volant à basse altitude. Mais il est plutôt lourd et l'opérateur
doit rester couché en permanence pour assurer la visée et le tir.
On ne sait pas combien de lanceurs ont été acheminés depuis
l'extérieur et les sources sont peu précises quant au nombre de
munitions : l'une évoque 250 missiles, ce qui ferait 5 missiles
pour 50 lanceurs, à supposer qu'on atteigne ce chiffre, ce qui reste
tout de même fort modeste à l'échelle de la Syrie7.
Il est vrai cependant que le mois de juin 2013 connaît une inflation
des vidéos de l'insurrection montrant des destructions de chars ou
de véhicules blindés par des Konkurs ou autres
lance-missiles antichars (Sagger, etc)8.
Capture d'écran d'une vidéo du groupe Ahar al-Sham montrant un tir de Konkurs.-Source : http://www.janes.com/images/assets/437/23437/p1513437.jpg |
Mi-août
2013, une dépêche de l'agence Reuters révèle l'utilisation
par les rebelles syriens de missiles antichars Konkurs dans le
sud de la Syrie, au sein de la province de Deraa9.
Ils sont également employés au nord de Damas, à Laja, par la
brigade Al-Mutasem Bi'Allah. Les Konkurs et leurs missiles ont
été expédiés par l'Arabie Saoudite, qui craint à la fois le
retournement de situation en faveur du régime mais aussi la montée
en puissance des groupes liés à al-Qaïda. L'arrivée de ces
lance-missiles antichars, qui transitent via la Jordanie, a gonflé
le moral des rebelles, en particulier dans le sud. Jusqu'ici ce type
d'armes provenait surtout d'ex-Yougoslavie ou des captures dans les
dépôts de l'armée conquis par les rebelles. Ceux-ci complètent
aussi leurs stocks en continuant de piller les dépôts pris à
l'armée syrienne10.
Le 2 août, les brigades de Liwa al-Islam et la Force Maghawir
s'emparent ainsi de plusieurs stocks de munitions de l'armée
syrienne dans les montagnes de Qalamoun, au nord de Damas. Des
centaines de missiles Konkurs, Kornet, MILAN, Fagot
sont capturés dans ce qui est probablement l'une des plus grandes
prises de la rébellion, mais les lanceurs, eux, sont aux abonnés
absents11.
Ci-dessous, vidéo d'Ahrar al-Sham (dont est tirée l'image ci-dessus) montrant un tir de Konkurs sur un char de l'armée le 19 juin 2013, dans la province d'Idlib.
Ci-dessous, vidéo d'Ahrar al-Sham (dont est tirée l'image ci-dessus) montrant un tir de Konkurs sur un char de l'armée le 19 juin 2013, dans la province d'Idlib.
Une
analyse de Jane's publiée en août, et qui a étudié plus de
60 vidéos rebelles mettant en scène des lance-missiles antichars
depuis juin 2013, a montré que le Konkurs est alors le
système d'armes dominant. Il est utilisé principalement par les
miliciens du Front de Libération Islamique Syrien, une coalition de
salafistes plutôt modérés soutenus par le Qatar. Mais Liwa
al-Tawhid, qui fait partie du Front Islamique Syrien, plus radical,
reste le principal utilisateur du Konkurs. Les groupes plus
modérés ou les brigades de l'Armée syrienne libre se servent
encore plutôt du HJ-8 chinois, qui lui aussi est arrivé de
l'extérieur plus massivement à partir de juin 2013. L'Etat
Islamique en Irak et au Levant, qui a d'abord mis en oeuvre des
Kornet -ou AT-14 Spriggan- capturés sur l'armée,
commence dès juillet-août à utiliser des Konkurs, ce qui
montre que le mouvement a des connections avec les réseaux qui
fournissent ces armes ou les autres groupes rebelles. La plupart des
vidéos mettant en scène des lance-missiles antichars sont tournées
dans les provinces d'Alep et d'Idlib, preuve que ces armes transitent surtout via la Turquie12.
Ci-dessous, tir de Konkurs par l'Armée syrienne libre.
Ci-dessous, tir de Konkurs par l'Armée syrienne libre.
En
tout état de cause, et depuis fin août-début septembre, si
l'utilisation de missiles antichars a pu assurer ponctuellement
certains succès de l'opposition syrienne13
sur le terrain, il n'en demeure pas moins que leur emploi n'a
absolument pas inversé le rapport de forces. L'introduction de ces
armes plus modernes ne peut compenser l'initiative que le régime
semble avoir reprise avec l'entrée en scène du Hezbollah et
la reconquête de certains secteurs importants depuis mai-juin 2013.
C'est pourtant à partir de ce moment-là que le Qatar, en
particulier, a commencé à soutenir plus fortement le Front
Islamique Syrien piloté par Ahrar al-Sham, un des groupes rebelles
les plus puissants sur le plan militaire14.
Né en janvier 2012, il a participé à toutes les offensives
victorieuses depuis septembre de la même année, et notamment à la
capture de la seule capitale provinciale prise jusqu'ici par la
rébellion, al-Raqqa, le 4 mars 2013. C'est également, et cela va de
pair, l'un des groupes les mieux armés. La livraison des missiles
antichars guidés reflète donc, aussi, d'une certaine façon, la
compétition entre les Etats du Golfe (Arabie Saoudite et Qatar),
entre acteurs moyen-orientaux ou proche-orientaux (Egypte, Qatar) et
occidentaux (Etats-Unis et, derrière, l'Arabie Saoudite). Elle en
dit surtout beaucoup, au-delà d'informations éparses, sur les
fractures de la rébellion syrienne.
Tir de Konkurs sur un T-72.
Tir de Konkurs sur un T-72.
5200
lanceurs étaient encore opérationnels au début des années 2000,
mais seulement 40 en 2005.
http://www.globalsecurity.org/military/world/syria/army-equipment.htm
13Lors
de la prise de la base aérienne de Minnagh, près d'Alep, le 5 août
2013 par exemple. Elle a été facilitée par l'action de Kornet
mis en oeuvre par l'Etat Islamique en Irak et au Levant.
14
Aaron Y. Zelin et Charles Lister, « The Crowning of the Syrian
Islamic Front », Foreign Policy, 24 juin 2013.