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Cédric MAS, La bataille d'El Alamein (juin-novembre 1942), Heimdal/Uniformes Magazine, 2012, 127 p.

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Cédric Mas, auteur bien connu de la presse spécialisée pour ses articles ou numéros sur la guerre en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale, a eu la gentillesse de m'envoyer un exemplaire de son livre sur la bataille d'El-Alamein paru à la fin de l'année dernière. Est-il encore besoin de préciser que je fais cette recension en toute transparence ?

Comme il le rappelle dans l'avant-propos, le théâtre d'opérations méditerranéen est apparu à beaucoup d'acteurs du conflit comme secondaire, alors qu'il est en réalité tout aussi important que d'autres, notamment pour les Alliés occidentaux, qui y testent de nouveaux matériels, de nouvelles tactiques, mais aussi pour les Allemands, en termes de propagande, par exemple. Une propagande qui continue encore d'influencer l'écriture de l'histoire de ce front. Cédric Mas choisit ici de s'intéresser à la bataille d'El-Alamein, considérée comme l'un des grands tournants de la guerre en 1942, après Midway et avant Stalingrad. Il se concentre sur la dimension terrestre et établit le récit des faits, tout en questionnant à l'occasion certains points importants de la bataille.

L'introduction rappelle brièvement ce qu'est El-Alamein : une gare, construite en 1908, sur la voie ferrée Alexandrie-Fuka. Avant la Seconde Guerre mondiale, c'est surtout un point de ravitaillement en eau pour les locomotives. Cédric Mas dresse aussi un rapide historique de la guerre en Afrique du Nord jusqu'en 1942. L'Allemagne nazie fait, début 1942, le choix d'une offensive contre Gazala en négligeant Malte, ce qui souligne l'absence de vision stratégique que l'on reconnaît assez largement, désormais, à l'armée allemande. Rommel remporte la bataille en trois semaines, s'empare de Tobrouk le 21 juin 1942, mais est retardé par la résistance des Français Libres à Bir Hakeim. Il envisage alors de pousser jusqu'à El Alamein, qui apparaît pour la première fois dans les plans allemands, alors que Churchill, en raison de la défaite, doit affronter une nouvelle vague de contestations à Londres. Auchinleck prend lui-même le commandement de la 8th Army, mais rien n'y fait : le général Gott, commandant le 13th Corps, flanche, Rommel pousse son avantage. La bataille qui s'engage devant El-Alamein le 1er juillet 1942 est importante, notamment pour les Britanniques, sur un plan psychologique, sans compter que, du côté allemand, on prépare déjà l'extermination des Juifs de Palestine et d'Egypte.

El-Alamein est défendue par 3 "boxes" défensives soutenues par des colonnes en arrière. Mais il y a un vide au centre et les troupes de la 8th Army souffrent d'une grave crise morale, en raison des récents revers. Il y a des problèmes de discipline et même de commandement. L'assaut de Rommel le 1er juillet est mené par des unités épuisées et frappées par une aviation alliée de plus en plus présente. Le 3 juillet, Rommel doit stopper son attaque. Les assauts des 6 et 9 juillet sont infructueux, et Rommel incrimine de plus en plus les Italiens. Les Néo-Zélandais, qui montent à l'attaque de la crête de Ruweisat le 14, sont lâchés par les chars et décimés. A force d'attaque néanmoins, Auchinleck finit par priver Rommel de l'initiative. A ce moment-là, la crise morale est toujours patente au sein de la 8th Army.

Churchill remplace finalement Auchinleck par Gott, vite disparu, et remplacé par Montgomery. Celui-ci redonne confiance à l'armée en affirmant vouloir tenir sur place, en faisant combattre les divisions ensemble, et en changeant la symbolique du commandement, l'entraînement, etc. Faute de logistique appropriée, la Panzerarmee Afrika ne peut se renforcer correctement. En outre la chaîne de commandement est rendue plus complexe le 16 août par des changements de responsabilités. La vie quotidienne des combattants est très dure sur le terrain. Epuisé, Rommel conduit néanmoins l'attaque entre les 31 août et 2 septembre sur la crête d'Alam El-Halfa : menée de manière hésitante, la bataille a souffert d'un manque de renseignement et de surprise, de chance aussi, puisque plusieurs officiers importants sont tués dès le début des combats. Rommel se fait d'ailleurs remplacer par Stumme, tandis que les Anglais lancent sans grand succès des opérations sur les arrières de la Panzerarmee.

L'opération Lightfoot, déclenchée par Montgomery le 23 octobre, met les Italo-Allemands en difficulté malgré des combats très durs. L'offensive ne débouche pas vraiment mais les Anglais s'efforcent d'user les maigres réserves adverses dans une bataille d'attrition, en utilisant aussi leur aviation pour démoraliser l'ennemi. Le 27 octobre, Rommel, de plus en plus pessimiste, ne voit plus d'issue. Pendant qu'il prépare la retraite, dès le 29, Montgomery lance Supercharge, le 2 novembre, pour obtenir la percée. Rommel commence à enclencher la retraite : c'est là qu'Hitler envoie son fameux message, tenir sur place ou mourir, sans que l'on puisse savoir s'il l'a envoyé avant que Rommel n'ordonne de décrocher ou juste après, en réaction. Le contre-ordre du 3 novembre scelle le sort de milliers d'hommes, promis à la mort ou à la captivité. Même si la retraite est de nouveau ordonnée le 4, la Panzerarmee est décimée : le XXème corps italien s'est sacrifié, des scènes de panique se font jour.

Les pertes sont lourdes des deux côtés : plus de 13 000 hommes côté britannique, dont 40% des unités de première ligne. L'Axe perd environ 20 000 hommes pendant la bataille mais aussi 29 000 prisonniers pendant la poursuite. Pourquoi les Britanniques ont-il tenu lors de la première bataille, fin juin-début juillet ? Parce que la résilience anglaise est supérieure aux succès que peut obtenir l'Axe, qui par ailleurs n'a pas suffisamment assuré sa logistique pour poursuivre en Egypte. Si succès allemand il y aurait eu, il aurait davantage porté en termes politiques que militaires. Le choix de Montgomery, par défaut, s'est tout de même révélé décisif. Rommel, brisé, n'est plus le même lors de la bataille d'Alam el-Halfa. En octobre, la Panzerarmme se jette à tort dans la bataille d'attrition et use ses Panzer dans des contre-attaques qui se brisent sur les antichars disposés en avant par Monty. Celui-ci a su faire preuve à la fois de  prudence et d'imagination, même s'il a cherché à s'attribuer des mérites bien plus grands qu'en réalité.

El-Alamein est bien un des tournants de la guerre car c'est la première grande défaite terrestre, à l'ouest, des Allemands et des Italiens, dont l'armée ne se relèvera pas des coupes subies. Succès anglo-saxon et donc davantage revendiqué et analysé, d'ailleurs, dans ce monde-ci.

Au final, un texte intéressant (avec quelques coquilles d'édition), servi par de nombreuses cartes et illustrations bien légendées, des annexes (tableaux listant les chars disponibles en particulier), et une bibliographie commentée. Il ravira sans aucun doute les amateurs du sujet. C'est une bonne analyse opérationnelle de la bataille, sur le plan terrestre, avec des questionnements intéressants sur les moments ou les aspects-clés. Le contrat posé en introduction est donc plutôt rempli.





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