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Anne CURRY, Agincourt. A New History, The History Press, 2010, 357 p.

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Anne Curry est professeur d'histoire médiévale à l'université de Southampton. C'est une spécialiste de la guerre de Cent Ans et en particulier de la bataille d'Azincourt. Cette édition de 2010 reprend un livre originellement paru en 2005. Comme elle le dit dans la préface à l'édition de 2006 replacée ici, elle s'attache à travailler au plus près des sources manuscrites. Ce livre fait suite à un autre paru en 2000 sur les sources liées à la bataille et l'interprétation des principaux événements de la campagne.

L'historienne fournit ainsi un récit très détaillé du siège de Harfleur, de la marche d'Henri V vers Calais et de la bataille d'Azincourt elle-même. Les sources sont systématiquement croisées et comparées aux documents administratifs, bien que, du côté français, les chroniques soient avares de détails.

Anne Curry s'attache aussi à montrer combien les récits de la bataille sont à lire à l'aune de l'engagement de chacun : les Anglais attribuent leur victoire à une intervention divine et pour grandir leur succès, gonflent volontairement les forces qui leur font face ; les Français, eux, cherchent surtout un bouc-émissaire au désastre, selon qu'ils sont Armagnacs ou Bourguignons. Pour les Anglais, la victoire d'Azincourt fait partie intégrante d'un folklore national où les archers anglais auraient aussi inventé le fameux signe du V !

Se basant sur les archives administratives, Anne Curry pense que les Français n'ont pu lever qu'une armée de 12 000 hommes au maximum pour contrer l'invasion d'Henry V. Celui-ci dispose du même effectif au début de la campagne mais les pertes subies devant Harfleur et par la maladie l'ont réduit à 9000 hommes au moment d'Azincourt. Charles VI souhaite aligner 3 000 hommes d'armes et 6 000 archers contre son adversaire anglais et l'engager sur la Somme ou près de Péronne. Des hérauts sont envoyés pour défier Henri V dès le 20 octobre : celui-ci fait mouvement vers l'ouest d'Arras puis infléchit sa course vers la côte. Les Français espèrent encore recevoir des renforts de Picardie et de la frontière nord-est le jour de la bataille, le 25 octobre, c'est pourquoi ils retardent le plus possible l'engagement. Paradoxalement, les mouvements d'Henri V mettent l'armée française en difficulté : les effectifs ne sont pas tous là, les chefs arrivent en retard, l'avant-garde est trop compacte et il commence à pleuvoir.

Comme l'explique aussi Anne Curry, le véritable contraste entre les deux armées n'est pas tant celui de la taille (12 000 hommes contre 9 000, peut-être, donc) que celui de la composition. Côté français, on trouve trois quarts d'hommes d'armes, contre 20% côté anglais. Henri V dispose de 7000 archers protégés par des pieux et favorisés par la géographie du champ de bataille. L'avant-garde française doit avancer sous une pluie de flèches et les rares hommes d'armes qui arrivent à approcher leurs homologues anglais sont trop entassés les uns sur les autres pour combattre efficacement. La plupart est tuée après avoir été blessé d'un coup de dague. L'arrière-garde française, voyant le désastre, se replie, ce qui a entraîné par contrecoup des accusations de trahison. Pour Curry, ce sont plus les Français qui ont perdu la bataille que les Anglais ne l'ont gagné.


Ci-dessous, extrait du Henri V de Brannagh (1989), adapté de la pièce de Shakespeare.


 

Le succès d'Azincourt renverse la position fragile d'Henri V, fils d'un usurpateur qui a déjoué, le 1er août 1415, avant de partir pour la France, un complot contre sa personne à Southampton ! Revenu en héros en Angleterre, personne ne conteste plus son autorité.

Si le livre est donc intéressant et renforcé d'un livret central de plus d'une centaine d'illustrations ou photos couvrant les lieux cités (sic), il comprend certaines faiblesses. Les cartes sont trop peu nombreuses et placées en fin de volume, ce qui est un tort car on ne peut suivre les innombrables questions relatives aux localisations (où l'armée anglaise franchit-elle la Somme ? etc). Anne Curry ne développe pas trop, dans le récit de la bataille, les questions techniques qui font pourtant débat depuis longtemps (efficacité du longbow, des armures, etc). Certes, il n'est pas nécessaire de ne parler que de ça (pour ne pas tomber dans le travers de l'histoire technique qui explique tout), mais il faut bien en parler un peu. Si l'historienne se base avantageusement sur les sources primaires, elle néglige peut-être un peu trop les sources secondaires. Même constat lorsqu'il est question du massacre des prisonniers par Henri V, qu'elle attribue à une forme de panique survenue dans l'armée anglaise, sans trop le démontrer. Henri V aurait agi dans une logique de combat jusqu'à la mort, pour dissuader le reste de l'armée française de continuer le combat. Dans la conclusion, elle attribue à Azincourt le qualificatif de "bataille décisive", mais sans trop expliquer pourquoi : or la mort prématurée d'Henri V annule en bonne partie l'avantage remporté à Azincourt...

Au final, un livre indispensable sur Azincourt, mais sans doute pas la référence définitive.

 

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