Ce numéro 125 de la fameuse collection bleue "J'ai lu leur aventure" ne reprend pas, pour une fois, les mémoires d'un ancien nazi, mais celles d'Alexei Fedorov, secrétaire du Comité Régional de Tchernigov au sein du parti communiste d'Ukraine, au nord de Kiev, entre cette dernière ville et celle de Gomel.
Fedorov dirige pendant la Grande Guerre Patriotique l'un des groupes de partisans les plus actifs de cette région de l'Ukraine. Ce premier tome montre combien l'organisation des partisans soviétiques sur les arrières de la Wehrmacht n'a pas été chose facile. Elle avait été anticipée avant la guerre, mais les belles constructions théoriques du parti ne tiennent plus devant la violence du choc de l'attaque allemande, le 22 juin 1941, même si, en fin de compte, elles s'avèrent utiles par certains côtés.
Fedorov, après le bombardement et l'occupation de Tchernigov par les Allemands, erre lui-même plusieurs mois à travers les forêts, les marais et les campagnes d'Ukraine, en compagnie de soldats de l'Armée Rouge pris derrière les lignes allemandes -et qui formeront souvent l'essentiel des premiers groupes de partisans-, de paysans souhaitant échapper à l'occupation ou de personnages plus atypiques, comme ce vieillard parlant allemand et qui ne veut pas être réquisitionné comme interprète, préférant s'en aller à chaque fois avec sa vache !
Fedorov découvre que l'organisation clandestine prévue avant le déclenchement des hostilités n'a pas pu se mettre en place. Il faut tout repenser, tout reconstruire, au milieu d'une population plutôt complice des partisans, mais qui compte aussi des éléments antisoviétiques n'hésitant pas à rallier l'occupant pour rétablir l'ancien régime tsariste ou pour y trouver leur profit, comme ce criminel de droit commun visiblement passé au service des Allemands.
L'auteur a néanmoins tendance à penser que la majorité des Ukrainiens a soutenu le camp soviétique pendant la guerre, ce qui est probablement loin d'être le cas. Hormis dans quelques passages, il n'y a cependant aucune intention réelle de propagande : Fedorov expose sans fard ses doutes, ses hésitations, ses ratés même -comme lorsqu'il tire sur un homme qui se fait un peu trop pressant et qu'il suspecte d'être un mouchard, et qu'il rate ! La peinture du mouvement partisan à ses débuts, dans la région de Tchernigov, n'a ainsi rien de glorieux, bien au contraire : on manque d'armes, d'expérience militaire, d'entraînement, même si la population fournit le gîte et le couvert.
Un volume qui a donc le mérite de présenter, dans cette collection bleue, la Grande Guerre Patriotique, sous un angle original, celui des partisans, et par le biais d'un acteur. Cela reste évidemment un témoignage écrit après les faits -comme Fedorov le reconnaît lui-même- et donc à prendre comme tel. Mais on se consolera en se disant que ce n'est finalement pas si courant.