Octobre 1944. A bord du porte-avions USS Yorktown (CV-10, deuxième du nom), le pilote Max Kurtzman, volant sur Corsair, abat plusieurs avions japonais lors d'une attaque kamikaze. Revenu à San Diego avec son porte-avions qui doit réparer ses dégâts, Max est aussitôt arrêté par la police militaire. On lui reproche d'apparaître, plus jeune, sur un numéro de la revue nazie Der Adler, en 1935. Max, jeté en prison, repense alors à ce qui est à l'origine de tout : son enfance en Silésie, en 1930, où il rêve de devenir pilote à côté de ses camarades allemands Werner et Hanna...
On connaît Yann pour ses scénarios talentueux, et notamment celui d'une des dernières séries parues, Le pilote à l'Edelweiss, sur la Grande Guerre. Difficile de se démarquer de la concurrence en cette période de floraison des BD sur l'aviation militaire. Associé ici à Alain Henriet au dessin, Yann brode une histoire qui utilise en partie, on le sent, les mêmes ficelles, sur la Seconde Guerre mondiale. Ce début est peut-être un peu moins réussi que celui du pilote à l'Edelweiss.
On note ainsi que le Fighting Lady, censé être le Yorktown de la classe Essex, est en fait... le Saratoga, d'après son profil p.18. De même, l'engagement des F4U Corsair sur porte-avions de la Navy en octobre 1944 semble bien précoce : rappelons que ces appareils, initialement rejetés comme avions embarqués par l'US Navy, servent d'abord à terre, à partir des îles, aux côtés des escadrilles des Marines, avant que celles-ci ne soient finalement embarquées sur porte-avions fin 1944 et surtout en 1945.
Difficile également de croire à cette rencontre entre un jeune Juif, un Allemand et Hanna Reitsch, personnage bien réel, en Silésie, en 1930. Bien qu'Hanna Reitsch soit effectivement née dans cette région. Les relations entre les trois adolescents sont d'ailleurs un peu convenues (et ils en savent beaucoup sur les événements politiques pour leur âge...), même si la montée du nazisme et son encadrement de l'aviation, d'abord à travers le vol à voile et l'engagement dans les Jeunesses Hitlériennes, sont bien mis en scène. Yann fait également intervenir dans l'aventure le général Donovan, patron de l'OSS, ancêtre de la CIA. A noter également dans les dernières pages de l'album l'apparition du Me 163 Komet, entre les mains de Reitsch, contre une formation de B-17.
Malgré cette entame en demi-teinte, on ne peut que se réjouir de la présence de 4 pages d'interview de Yann en fin d'album, où il explique notamment ses choix scénaristiques. Il n'était peut-être pas nécessaire de remonter jusqu'aux Vandales (!) pour justifier du choix de la Silésie, la période moderne suffisait amplement. Intéressant de voir aussi que Yann était un lecteur assidu de Buck Danny, du Fana de l'aviation et regardait avec avidité les Têtes Brûlées -ce qui renvoie à mon article de L'autre côté de la colline.
Le dessin est agréable sans être forcément inoubliable (sans parler de la couverture, magnifique et qui attire l'oeil), et on attend le deuxième tome intitulé Hanna -Dent d'ours, j'ai oublié de le dire, renvoyant à un talisman précieusement conservé par Max autour de son cou. Car malgré les quelques défauts que j'ai mentionnés, c'est du solide.