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Un an après...

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Voilà un an que je suis en disponibilité de l'Education Nationale, comme je l'annonçais à l'époque. L'heure de tirer un petit bilan.

A la question principale que je me posais alors, à savoir est-il possible de redémarrer en sortant de l'Education Nationale et d'exercer une autre activité, même au début "de secours", et de s'en sortir, la réponse est clairement oui. Il n'y a donc aucune fatalité pour les enseignants qui vivent mal leur profession et qui veulent passer à autre chose. Simplement, il faut un peu préparer le terrain en amont, c'est certain : c'était mon cas. Petit tour d'horizon des pistes que j'avais choisies.




1) La presse spécialisée en histoire militaire. J'avais déjà travaillé comme pigiste pour le magazine Champs de bataille,étant étudiant, mais la problématique était différente. Disons-le tout de suite, pour les personnes intéressées, il n'y a pas d'espoir ou presque d'obtenir une place avec un CDD et un CDI. Il faut se contenter d'être pigiste, c'est à dire d'écrire des articles, dossiers, magazines entiers, parfois, en étant payé à la page -les prix variant selon les employeurs et en fonction de la quantité produite, on peut gagner assez d'argent -à condition que les articles intéressent, ce qui est un autre problème. C'est un statut qui a ses avantages (liberté assez grande dans le travail, rythme autodéfini d'écriture, etc) mais aussi de graves inconvénients (paiement souvent décalé après publication, ce qui est pénible, employeurs qui parfois ne s'embarrassent pas d'établir des relations régulières et un tantinet correctes -ou alors qui sont mielleux au début et beaucoup moins par la suite-, aucune couverture sociale par défaut, etc).

Cette année m'a permis de travailler pour de nombreux magazines différents du secteur (pas tous, bien sûr), ce qui m'autorise à analyser leur fonctionnement, les qualités et les défauts de chacun. J'ai été surpris d'abord par la richesse et la variété des intervenants : on trouve de tout , du pire au très bon. Comme souvent, de la même façon que les ouvrages que je peux commenter ici sur l'histoire militaire ou l'histoire tout court, tout dépend de la personne qui écrit et/ou qui dirige. Après un peu de pratique, on distingue assez vite les magazines ou groupes de presse qui proposent le contenu le plus intéressant, ce qui ne signifie pas d'ailleurs que ce sont ceux qui se vendent le mieux (mais les chiffres ne sont quasiment jamais révélés, on ne peut que l'apprendre de manière détournée, et encore, c'est plutôt des tendances que des données numériques). En effet, on pourra dire ce que l'on voudra, mais pour vendre, il faut encore mettre de l'Allemand, de préférence du Panzer et du Waffen-SS. Un argument commercial qu'il faudrait d'ailleurs prouver avec une analyse serrée et chiffrée, pour ne pas parler dans le vide (mais les chiffres sont, là encore, évidemment très difficiles à obtenir). Ceci étant dit, on peut évoquer l'armée allemande, à condition de ne pas ressasser tout le temps les mêmes sujets, de piocher dans les derniers ouvrages parus, et de suivre une méthode que j'appelle, par défaut, "historienne". Comprenez : une problématisation, des sources (eh oui, gros mot pour certains...), quelques notes de bas de pages (sans que cela atteigne le niveau d'une revue scientifique : on reste sur des magazines de vulgarisation, ce ne sont pas non plus des références que l'on citerait à tours de bras dans des livres plus sérieux...), une analyse véritable. Or, tous les magazines sont loin de le faire, pour des raisons assez variées, d'ailleurs. Et ce que l'on baptise péjorativement le "German Bias" finit aussi par faire tourner en rond : on s'enferme dans les mêmes sujets, dans un cercle restreint, et on ne fait plus que ça. On finit même par se convaincre que c'est un postulat incontournable (!). Personnellement, je refuse de me laisser enfermer ainsi. C'est entre autres ce constat qui est à l'origine de la naissance du blog collectif L'autre côté de la colline, avec mes deux amis, depuis mars dernier. Ce n'est pas le seul problème, d'ailleurs, pour certains magazines.

Ne noircissions pas complètement le tableau : comme je le disais, tout n'est pas à jeter. Il y a de bons magazines, non exempts de défauts eux aussi -on peut toujours s'améliorer-, qui remplissent les conditions que je viens d'énumérer, du moins pour l'essentiel. Avec même des rédacteurs en chefs agréables, disponibles, prêts à accepter la critique, à débattre, à proposer des solutions ou des innovations pour s'améliorer. Il y en a peu, mais il y en a. C'est donc rassurant. Malheureusement le secteur n'offre pas de perspective d'emploi stable dans un avenir proche, pour ma part. Ce ne peut être donc qu'une solution temporaire.


2) Les ouvrages. J'avais déjà démarré le premier au moment de ma disponibilité. Il es terminé et sortira à la fin de l'été, j'en reparlerai alors. Il paraîtra dans la collection L'histoire en batailles, chez Tallandier, et portera sur l'offensive du Têt. La collection étant clairement orientée vers le grand public et la vulgarisation, ce sera le propos de cet ouvrage : il ne faudra pas y chercher une analyse fouillée sur le plan du matériel ou une relation très détaillée des combats. C'est une présentation synthétique, problématisée et le plus actualisé possible historiographiquement, de ce moment important de la guerre du Viêtnam, à laquelle je m'intéresse depuis maintenant plusieurs années.

Ce travail d'écriture a été intense et passionnant et m'a permis, aussi, d'entrer dans le monde de l'édition pour voir comment il fonctionnait. J'ai d'autres projets d'ouvrages en cours qui pourront peut-être se concrétiser dès cette année. Là encore, tout reste possible à condition de s'en donner les moyens, mais aussi d'avoir les réseaux pour, comme j'ai pu m'en rendre compte. Merci d'ailleurs à ceux qui m'ont donné un coup de pouce, et qui se reconnaîtront.


3) La thèse. Le gros morceau, et probablement une voie de sortie possible si je ne trouve malheureusement pas d'emploi stable dans les secteurs précédents. J'avoue avoir sans cesse reporter le moment de m'y mettre sérieusement. Pourtant, c'est pour cela que j'avais passé l'agrégation d'histoire : l'historien de formation que je suis aspire à travailler à nouveau sur des sources primaires, avec de vrais questionnements, pour faire un travail de fond qui apporte quelque chose à la recherche -j'aime beaucoup faire de la vulgarisation, la plus intelligente possible, mais cela ne me satisfait pas complètement.

Pris par mes travaux d'écriture dans les magazines en raison d'impératifs financiers, je ne m'y suis mis qu'en mai-juin dernier. J'ai un directeur de thèse potentiel -et pas des moindre- j'ai des contacts avec des personnes qui travailleraient sur des sujets proches du mien. Fin juin, j'ai fourni un gros travail pour tenter, lors d'un oral, d'obtenir une allocation doctorale à l'université de Paris I, où se trouve le laboratoire et le directeur de recherches que je souhaitais rejoindre. J'ai malheureusement échoué : il faut dire que ma préparation s'est faite dans un temps très court (trop court, probablement), que la concurrence était au rendez-vous, et puis, il faut bien le reconnaître, Paris I,  c'est d'un autre niveau que la presse spécialisée en histoire militaire. Il n'y a aucune honte à la reconnaître et c'est même plutôt rassurant.

Malgré cet échec, la piste de la thèse reste pour moi la plus sérieuse et surtout la plus stimulante, même si pour cela je dois retourner dans l'Education Nationale. Cela me donnera peut-être enfin la motivation nécessaire pour apprendre sérieusement le russe, par exemple, de façon à avoir accès à certaines sources. Il me semble aussi que c'est finalement, pour moi, la meilleure solution. Tout comme j'avais vu les limites propres au fonctionnement actuel de l'Education Nationale au bout de deux ans, et ne les avais pas supportées, j'ai également rencontré les limites de l'écriture en tant que pigiste dans la presse spécialisée, qui contient ses propres problèmes, dans un tout autre registre. Mon statut d'agrégé d'histoire, attaché à certaines exigences, me pousse vers la recherche sérieuse et ce projet de thèse, quite à ne pas trouver de place ensuite, ce qui sera probablement le cas. Mais avec la satisfaction, au moins, d'avoir été jusqu'au bout de la démarche.


4) Internet. Je tiens à le mentionner car c'est une vraie possibilité alternative, pour l'histoire militaire, comme j'essaie de le montrer sur ce blog et ailleurs. Je participe moins, depuis l'an passé, à l'Alliance Géostratégique, même si j'ai eu l'occasion récemment de rencontrer plusieurs collègues blogueurs que je n'avais pas encore vus. Il faut dire que mes autres activités m'ont laissé moins de temps pour ce faire.

En revanche, si j'ai lancé l'idée de L'autre côté de la colline avec Adrien Fontanellaz et David François, c'est parce que nous voulions proposer une "vulgarisation" de qualité, si possible, en termes d'articles sur l'histoire militaire, avec des normes "historiennes". Nous sommes limités par le fait que nous ne sommes que trois, mais c'est également un facteur de cohésion : nous nous entendons bien, nous nous sommes rencontrés de visu, et tous les trois respectons les "canons" d'une méthode inspirée de l'université, et traitons de sujets différents et complémentaires. Par ailleurs nous cherchons à élargir le spectre : nous sommes preneurs de contributions externes respectant cette méthode (c'est déjà arrivé une fois), nous interviewons des historiens universitaires, etc. C'est une expérience très enrichissante. Je crois aussi que c'est une forme de réponse aux problèmes rencontrés dans les magazines que j'évoquais ci-dessus. Une des leçons que j'ai tirées de mon travail de pigiste, c'est bien que la plupart des magazines spécialisés du secteur n'a pas encore intégré l'apport que pouvait constituer Internet, en termes de contenus.


Pour conclure, je ne suis pas arrivé véritablement à l'objectif que je m'étais fixé -pas d'emploi stable avec salaire fixe retrouvé- mais le bilan, sur un an, est loin d'être négatif, ne serait-ce qu'en termes de publications papier ou en ligne et de ce que j'ai pu apprendre sur les secteurs concernés. Il faut maintenant rebondir pour faire mieux, si possible, dans la deuxième année de disponibilité que j'ai obtenue.

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