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Du « tueur d'amis » à « l'exécuteur » : brève histoire des Zetas

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 Article publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.


1999. Le chef du cartel mexicain du Golfe, Osiel Cardenas Guillen, fait baptiser sa fille. Après avoir conversé avec les invités, il grimpe dans sa Dodge Durango. A côté de lui, le parrain de sa fille, un partenaire de longue date. Le garde du corps de Guillen, Arturo Guzman Decenas, est assis à l'arrière. Soudain, celui-ci sort son arme et exécute le parrain d'une balle dans la tête. Guillen décerne alors à Guzman le surnom de « Friend Killer ». Guzman, c'est Z-1, le fondateur des Zetas, l'une des organisations criminelles les plus dangereuses et parmi les plus militarisées du Mexique. Après une présentation du groupe il y a deux ans1, voici un retour plus précis sur les différentes phases de l'évolution des Zetas, ou comment une « simple » garde prétorienne hypermilitarisée d'un des grands cartels mexicains est devenue la deuxième organisation criminelle du pays, avant d'être à son tour victime de son succès.


Protection rapprochée... et plus si affinité (1997-2004)


Guillen, le chef du cartel du Golfe, qui reprend le contrôle de l'Etat mexicain du Tamaulipas à la fin des années 1990, devient de plus en plus paranoïaque. Face à ses rivaux, nombreux, il ressent le besoin de disposer d'une garde rapprochée d'élite. Guzman, ancien des GAFES2, unité d'élite de l'armée mexicaine, a l'idée de débaucher 30 de ses camarades, bien armés, bien entraînés et qui sont eux-mêmes capables de former des recrues. Ces 31 ex-soldats forment le noyau d'origine des Zetas.



Guillen élargit bientôt leur mission : de 1997 à 2004, les Zetas protègent le chef du cartel du Golfe mais traquent aussi ses ennemis. Ces missions d'élimination sont conduites essentiellement par les trois membres les plus importants : Guzman, alias Z-1, Pinaza, alias Z-2, et Lazcano, alias Z-3. Leur formation militaire leur donne un avantage de taille pour réussir leurs exécutions : en outre, celles-ci prennent un tour barbare d'une ampleur sans précédent, probablement à des fins psychologiques. A ce moment-là, le mode opératoire des Zetas est bien celui d'une unité paramilitaire : organisation de convois, tirs groupés sur les cibles visées, plans de fuite préorganisés, etc.

Source : http://www.csmonitor.com/var/ezflow_site/storage/images/media/images/map-of-mexican-drug-cartels/9337207-1-eng-US/Map-of-Mexican-drug-cartels_full_600.jpg


Paradoxalement, la clé du succès des Zetas va entraîner un durcissement de l'opposition. Ceux-ci ont en effet placé la barre très haut en termes de formation et de militarisation, et les groupes concurrents vont devoir s'aligner sur ce nouveau standard. La Familia Michoacana, par exemple, un autre cartel né au départ d'un groupe de défense communal, tire également son origine des Zetas et se signale, dès septembre 2006, par la pratique banalisée de la décapitation. Pendant que les Zetas consolident l'emprise du cartel du Golfe sur la côte, l'organisation s'agrandit et évolue. Le changement principal intervient entre 2002 et 2004.

Le 14 janvier 2002, l'armée mexicaine arrête le principal comptable de Guillen, Rivera, « El Cacahuete ». Le 21 novembre, Guzman est tué dans un échange de tirs avec les militaires, à Matamoros. Quelques mois plus tard, le 14 mars 2003, c'est Guillen lui-même qui est arrêté au même endroit. L'ancien policier Eduardo Costilla et le frère aîné de Guillen, Antonio Cardenas, commencent à prendre la relève, bien que l'ancien chef ait toujours les moyens d'agir sur le cartel même derrière les barreaux. Pizana, le n°2 des Zetas, prend la tête du groupe, mais il est capturé en octobre 2004. L'organisation tombe donc sous la coupe de Lazcano, Z-3, dont les actes de violence et les calculs froids lui ont valu d'être appelé « The Executioner ». Avec Lazcano à la tête des Zetas, Osiel Guillen en prison et le cartel du Golfe affaibli, une nouvelle phase commence, jusqu'en janvier 2010. Lazcano considère, en effet, qu'il est désormais à même de discuter sur un pied d'égalité avec le cartel du Golfe, et non de se comporter comme un simple employé.

Lazcano, "The Executioner", donne une nouvelle ampleur aux Zetas.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/thumb/b/b9/HeribertoLazcano-mugshot.png/200px-HeribertoLazcano-mugshot.png



Vers la rupture avec le cartel du Golfe (2004-2010)


A partir d'octobre 2004, les Zetas vont s'émanciper progressivement du cartel du Golfe. Lazcano supervise l'embauche d'anciens des forces spéciales du Guatemala, les fameux Kaibiles, pour renforcer la protection des membres importants de son organisation et les assister pour la sélection de recrues et leur entraînement. Le recrutement est facilité par des contacts secrets au sein de l'armée. Lazcano développe aussi les camps de formation dans le Tamaulipas où les recrues apprennent les bases tactiques des petites unités de combat, l'emploi des armes à feu et des moyens de communication. Il supervise aussi la création d'un réseau radio clandestin. Lazcano élargit également les activités des Zetas au-delà de la simple extorsion : il prend le contrôle, en particulier, des points de contrôle sur les routes principales du trafic de drogue, les plazas, où les rivaux plus faibles doivent acquitter un droit de péage pour convoyer tranquillement leur marchandise.

Pour pérenniser son organisation, Lazcano a également veillé à placer l'argent dans le système bancaire, tout en limitant au maximum les hémorragies internes (pour un peso volé, c'est la mort assurée ou presque) ce qui va permettre de financer les opérations au Mexique et en Amérique Centrale. C'est ce point-là, surtout, qui détermine l'indépendance des Zetas face au cartel du Golfe. Les liens avec ce dernier se distendent encore plus lorsqu'Osiel Guillen est extradé aux Etats-Unis en janvier 2007. Dès le milieu de l'année, les Zetas revendiquent plus de 2 000 hommes, et sont présents dans 24 Etats mexicains. En juin, une attaque coordonnée est montée contre 5 casinos dans 4 Etats différents, et 5 policiers municipaux sont abattus dans le nord du Sinaloa par les Zetas.

Par ailleurs, entre mai et juillet 2007, Lazcano doit participer à des rencontres pour la négociation d'une trêve, aux côtés de Costilla, avec le cartel de Sinaloa. Or Lazcano n'est pas prêt à abandonner sa taxe pour le passage des sicaires de Sinaloa sur son territoire, alors que Costilla, lui, recherche ardemment la trêve. Mi-août 2007, Lazcano s'adresse à 500 de ses hommes rassemblés pour l'occasion et leur fait comprendre qu'il est hostile aux négociations. Dans la seconde moitié de 2007, les Zetas sont particulièrement actifs à Acapulco, Guerrero, où ils cherchent à prendre le contrôle d'un secteur appartenant à l'organisation Beltran-Leyva, qui fait partie de la fédération du Sinaloa.

Costilla ordonne finalement, début 2010, la capture et l'assassinat d'un membre important des Zetas à Reynosa. Il s'agit de Victor Pena Mendoza, un capitaine qui est aussi le bras droit du numéro 2 des Zetas, Miguel Trevino. Celui-ci a demandé la tête du tueur, en vain : dès lors, la guerre est déclarée entre les Zetas et le cartel du Golfe dans le nord du Mexique.


Cartel contre cartel : une guerre qui favorise l'expansion (2010-2012)


Trevino ordonne aussitôt l'exécution des partisans du cartel du Golfe dans le Tamaulipas et le Nuevo Leon, en particulier des policiers municipaux qui sont kidnappés et torturés à mort. 16 membres du cartel sont ainsi enlevés. Des convois comptant jusqu'à 40 véhicules utilitaires sport sillonnent les rues des villes frontalières ou les autoroutes proches, avec des hommes armés de lance-grenades et d'armes automatiques. Les policiers ou les militaires arrivent généralement après les affrontements, à tel point que certains soupçonnent « El Chapo », le chef du cartel de Sinaloa, d'avoir soudoyé les autorités pour ce faire.

Des bannières annoncent alors la formation d'une nouvelle fédération entre les cartels du Golfe, de Sinaloa et La Familia. Les halcones, qui travaillent pour les Zetas, se dépêchent de suspendre dans le Tamaulipas des contre-bannières pour braver la nouvelle fédération. Cette guerre symbolique est en outre très médiatisée, d'autant plus qu'en hissant les bannières, chacun en profite pour déposer aussi un morceau de cadavre ou une tête du dernier ennemi abattu. Chassés du Tamaulipas, les Zetas se replient sur Nuevo Laredo au nord-ouest, à Monterrey et Nuevo Leon au sud-ouest, et au sud à Tampico, à la frontière avec Veracruz. Si le Tamaulipas reste entre les mains du cartel du Golfe, les Zetas réussissent à se maintenir, parfois fortement à Nuevo Laredo, à Torreon, dans le Veracruz, le Puebla, le Campeche, le Tabasco et des parties du Quintana Roo et du Yucatan.

Pour les Zetas, c'est un revers sérieux : en mars 2010, avec la perte du Tamaulipas, ce sont toutes les plazas qui ont été perdues, sauf une. La décision de se replier à Nuevo Laredo et Tampico n'a pas été prise à la va-vite, sur un coup de tête : c'est un pari stratégique réfléchi pour préserve la cohésion du groupe, en conservant le contrôle de deux positions importantes pour le trafic de drogue -un port, Tampico, et un point d'entrée sur le marché américain, Nuevo Laredo. Les Zetas ont réussi à surmonter les assauts des autres cartels et ceux du gouvernement, ce qui prouve leur résistance. A Tijuana, l'organisation Arellano-Felix, l'organisation Beltran-Leyva dans le centre du Mexique, et l'organisation Vincente Carillo-Fuentes, ou cartel de Juarez, ont toutes été réduites en ruines par les coups de poing successifs des autorités mexicaines à la même époque.

En avril 2011, Tijuana et Nuevo Laredo sont les deux seules plaza qui ne sont pas encore entre les mains de la nouvelle fédération. Mais les Zetas conservent leur mordant opérationnel : mi-juillet 2010, à Juarez, ils ont organisé le premier attentat à la voiture piégée depuis 15 ans, en utilisant un dispositif de contrôle à distance et en attirant les secours sur place avant de faire exploser l'engin. D'autres attentats à l'explosif suivront, utilisant notamment du C-4, et visant les ennemis des Zetas. En juillet, août et septembre 2010, les Zetas bénéficient des coups portés par le gouvernement au cartel de Sinaloa, avec l'arrestation du n°3 du cartel et de son tueur à gages en chef, La Barbie, ennemi mortel des Zetas. Parallèlement, ceux-ci diversifient leurs activités en s'impliquant dans le trafic humain le long de la côte du golfe du Mexique, puis dans le vol de pétrole à la PEMEX, la compagnie pétrolière nationale.

Dès la fin 2010, les activités d'extorsion et de péage reprennent normalement, augmentées par le trafic de drogue. Cette dernière activité n'est pas prioritaire au sein des Zetas. Mais la séparation avec le cartel du Golfe entraîne l'absence de contacts en Colombie ou d'autres pays andins. Trevino est l'un des principaux promoteurs, au sein des Zetas, du trafic de la cocaïne, notamment parce qu'il dirige l'une des entreprises de fraude immobilière les plus importantes dans les Amériques. Nuevo Laredo, sur l'I-353, est l'une des voies directes vers l'un des marchés les plus importants de la drogue aux Etats-Unis : Chicago.

Trevino commence à envoyer, en 2005, de la cocaïne et de la marijuana à Chicago, via Nuevo Laredo4 et Houston, développant son réseau à l'est via la I-40 et l'I-10, et au nord via l'I-35, jusqu'à Chicago, mais aussi Atlanta. Il emploie d'abord des gangs d'adolescents, les Zetitas, puis fait appel aux gangs locaux du Texas, et ensuite à gangs répartis sur tout le territoire comme Mara Salvatrucha /MS-13 : ils sont chargés de distribuer le produit et de protéger le retour des fonds au Mexique. C'est ce trafic qui permet aux Zetas de se développer, avec des ramifications dans pas moins de 37 villes du Midwest, du nord-est et du sud-est des Etats-Unis en 2009, selon un rapport des autorités américaines elles-mêmes.

Un membre du MS-13 arrêté à Houston, en 2009, exhibe le tatouage du gang sur son dos.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/MS-13_tattoo.jpg


En octobre 2009, le FBI monte l'opération Gator Baità Houston. La cible, Willie « Gator » Jones Jr, tient une résidence pour les Zetas, safe house pour les armes, la drogue, et lieu de conditionnement en vue des expéditions via le corridor de l'I-10 en direction de la Lousiane, du Mississipi et de la Floride. Le 16 novembre 2011, la police de Chicago et la DEA démantèlent une cellule locale des Zetas, mettant la main sur plus de 12 millions de dollars et 250 kg de cocaïne. A la mi-novembre, un informateur travaillant sous couvert et transportant un chargement de marijuana est attaqué par 3 membres des Zetas qui pensaient trouver plus de marchandise à bord de son véhicule. L'anecdote montre la violence du groupe et la rivalité grandissante avec le cartel du Golfe, auquel appartenait probablement le chargement.

A ce moment-là, on attribue aux Zetas le contrôle sur pas moins de 10 000 exécutants (!), du Guatemala aux Etats-Unis. Au Guatemala, ils recrutent de jeunes désoeuvrés, les fameux Zetitas, qui sont notamment chargés de prévenir les tireurs du groupe en cas de pénétration adverse sur leur territoire. Si on prend le cas d'un des leurs alliés aux Etats-Unis, le Mara Salvatrucha/MS-13, les différences sont notables. Le MS-13, né à Los Angeles, est un réseau de gangs qui s'étend de New York à L.A., en passant par le Salvador et le Guatemala. On décrit souvent son apparition comme une conséquence tragique des guerres civiles en Amérique Centrale à la fin de la guerre froide, mais en réalité, le MS-13 est le produit des dynamiques de gangs urbains. Il a été créé par des Salvadoriens de Los Angeles et opère désormais dans 42 Etats américains. Le MS-13 n'a pas cependant la cohérence organisationnelle des Zetas : c'est une structure très lâche, un réseau de groupes qui communiquement et collaborent en fonction de rapports de force. Cependant, il existe une hiérarchie, et le MS-13 exerce même une domination régionale au Guatemala. Cette structure décentralisée est aussi plus difficile à pénétrer de l'extérieur. Au niveau des gangs locaux, le commandement est assuré par deux responsables, l'un d'ensemble et l'autre plus spécifiquement chargé des opérations. La loyauté est indispensable à l'égard des gangs les plus influents, ce qui se reflète dans le credo du MS-13, qui consacre l'usage de la force : « Tuer, contrôler et violer ». Le MS-13 se distingue aussi, comme gang, par ses relations avec les cartels de la drogue. Au Mexique, ses membres servent de piétaille aux cartels, dont les Zetas, et d'intermédiaires pour le trafic humain.

A la fin 2011, l'élève a enfin dépassé le maître : les Zetas sont devenus la deuxième plus grand organisation criminelle du Mexique, seulement devancés par le cartel de Sinaloa. Les forces paramilitaires des Zetas étendent leur influence dans tout le pays, et leur adversaire perd du terrain, selon les analystes mexicains.


De la « guerre intestine » à la fin d'une bipolarisation ? (2012-2013)


En 2010 et 2011, les Zetas ont donc résisté à la fois aux assauts de leurs adversaires criminels et à ceux du gouvernement. La vision stratégique de Lazcano et la capacité à combler les pertes et à s'étendre sur de nouveaux territoires ont incontestablement joué. Paradoxalement, en 2012, les Zetas n'ont pas à affronter le cartel de Sinaloa, ce qui aurait semblé logique, mais une rivalité interne entre les deux hommes les plus importants du mouvement.

Miguel Trevino, ancien policier de Nuevo Laredo et numéro 2 des Zetas, est considéré comme un élément impulsif. Lazcano, au contraire, militaire de formation, base toute son action sur la stratégie, sur l'entraînement et le recrutement, et sur un désir non dissimulé de rester en vie. Certains commencent à penser, alors, que Trevino se lasse d'être le n°2. Les autorités mexicaines arrêtent curieusement une série de hauts-responsables proches de Lazcano, comme s'il y avait eu des fuites. Parallèlement, dans les derniers mois de l'administration Calderon, la lutte anti-cartels reprend de la vigueur et les Zetas sont plus vulnérables que le cartel de Sinaloa. Le 13 janvier 2012, Luis Jesus Sarabia Ramon, un membre important des Zetas, est arrêté dans l'Etat de Nueve Leon.

Miguel Trevino Morales, le n°2 des Zetas, prend de plus en plus d'importance à partir de 2005.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5a/Miguel-Trevino-Morales.jpg


Trevino, qui a joué un rôle certain dans l'affrontement avec le cartel du Golfe et le trafic de drogue, sans parler d'un comportement excessivement violent, n'est probablement pas le seul responsable de l'éclatement progressif des Zetas. En août 2010, le chef régional des Zetas à San Fernando, au Tamaulipas, avait procédé à l'exécution de 72 immigrants clandestins puis à celle de passagers de bus détournés -193 morts au total, ensevelis dans des fosses communes. Or les chefs des Zetas lui avaient expréssément demandé de réduire les assassinats pour ne pas trop attirer l'attention de l'armée. L'incident semble donc montrer qu'il existe un découplage entre l'échelon supérieur et les groupes locaux des Zetas.

Un an plus tard, le 25 août 2011, 8 membres des Zetas font irruption dans un casino de Monterrey, au Nuevo Leon, y versent de l'essence et mettent le feu : 52 personnes sont brûlées vives. Le motif : le propriétaire du casinon avait refusé de céder à l'extorsion. L'initiative a visiblement été prise par un sous-fiffre, sans que les chefs de l'organisaient l'aient approuvée. En mai 2012, 49 corps décapités sont retrouvés sur le bord d'une route, dans le Nuevo Leon, près de Cadereyta Jimenez : mais Trevino avait ordonné au chef local des Zetas de déposer les corps au beau milieu de la ville... ce qui là encore, montre des dissensions.

En juin 2012, une guerre des bannières fait rage dans les rangs des Zetas, entre ceux hissant celles qui arborent le portrait de Lazcano et d'autres qui défendent plutôt Trevino. Mais certains experts doutent, en fait, d'une possible guerre intestine au sein du mouvement, à l'exception de tensions peut-être bien présentes parmi la troupe. Le problème réside probablement dans l'expansion fulgurante des Zetas, qui ne tirent que la moitié, tout au plus, de leurs revenus du trafic de drogue. Les immenses rentrées d'argent engendrent certainement une grande frustration parmi les cellules locales, qui assurent l'essentiel des activités, et qui rechignent à voir partir l'essentiel des bénéficies entre les mains des chefs. On assisterait donc, peut-être, à la naissance d'un modèle de « franchise » Los Zetas, avec des cellules locales reproduisant le schéma du groupe.

Pourtant, le 9 août 2012, la police mexicaine découvre les cadavres de 14 membres des Zetas près de San Lui Potosi. Il s'agit d'hommes de main de Caballero, un chef des Zetas dans l'Etat voisin du Coahuila. Ses hommes auraient été tués par la faction de Trevino, qui pense que Caballero a l'intention de quitter les Zetas pour le combattre en s'alliant avec le cartel du Golfe. Ce même mois, les analystes américains multiplient les compte-rendus selon lesquels Trevino aurait bien évincé Lazcano, dernier fondateur historique des Zetas.

En réalité, il semblerait bien que les deux dirigeants des Zetas aient maintenu leur association, et que nombre de rumeurs à propos d'un affrontement interne soient venus des partisans de Trevino qui n'étaient pas satisfaits du leadership de ce dernier. Lazcano est finalement abattu le 7 octobre 2012 par des Marines mexicains à Progreso, dans le Coahuila. Il est ainsi le premier chef important de cartel à être tué dans un échange de tirs depuis 2006. La mort de Lazcano, qui suit la capture de Costilla, le chef du cartel du Golfe, en septembre 2012, là encore par les Marines, et l'arrestation de Caballero, l'adversaire de Trevino, semble profiter au cartel de Sinaloa, dont le chef, « El Chapo », peut espérer s'emparer de Nuevo Laredo, la place forte de Trevino.

Les Zetas et le cartel de Sinaloa, qui ont fini par polariser le secteur des cartels au Mexique, sont concurrencés par l'ascension de nouveaux groupes régionaux à la fin 2012 et dans les premiers mois de 2013 : le cartel de Jalisco Nueva Generacion et les Templiers. Des signes laissent penser que Trevino doit affronter une certaine contestation interne au sein des Zetas, mais sans que le schéma réel soit véritablement clair. Le cartel du Golfe, menacé de disparaître après la capture de Costilla en septembre 2012, a survécu grâce à l'affrontement entre ses rivaux, mais s'est divisé en de multiples factions se jalousant les unes les autres. Une des factions s'impose à Reynosa autour de Ramirez Trevino, mais le cartel du Golfe doit compter sur l'appui de Sinaloa et des Templiers pour contenir la pression des Zetas. Le cartel de Sinaloa, qui employait le cartel de Jalisco Nueva Generacion contre les Zetas dans les Etats du Pacifique et à Guadalajara, a vu son allié s'émanciper et même se dresser contre lui. Ces récentes évolutions au cours de la première moitié de 2013 semblent indiquer que la polarisation des cartels mexicains autour des Zetas et de Sinaloa est bel et bien terminée.


Bibliographie indicative :


Merci à Yves Trotignon qui m'a fourni grâcieusement les analsyes et mémo de Stratfor qui m'ont été particuolièrement utiles pour évoquer les évolutions très récentes de ces derniers mois.

LOGAN, Samuel, « A Profile of Los Zetas: Mexico’s Second Most Powerful Drug Cartel », CTC Sentinel, février 2012, volume 5, numéro 2, p.5-7.

LOGAN, Samuel, « Preface : Los Zetas and a new barbarism », Small Wars & Insurgencies, 22:5, 2011, 718-727.

SULLIVAN, John P., et ELKUS, Adam, « Los Zetas and MS-13 : Nontraditional Alliances », CTC Sentinel, juin 2012, volume 5, numéro 6, p.7-9.

2Grupo Aeromóvil de Fuerzas Especiales. Le groupe trouve son origine en 1986, pour la protection de la coupe du monde football à Mexico. Il est entraîné au départ par le GIGN français. Ensuite, ils sont déployés contre l'insurrection zapatiste du Chiapas (1994).
3Interstate 35, une autoroute qui traverse le centre des Etats-Unis, du Texas au Minnesota.
4Dès le début 2005, les Zetas, profitant des arrestations qui ont désorganisé le cartel du Golfe, s'installe en force à Nuevo Laredo. Le cartel de Sinaloa tente de s'y implanter et la ville se transforme en champ de bataille. A l'automne, les Zetas sont maîtres du terrain, au prix d'une formidable démonstration de violence.

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