Voici une BD fort intéressante, signalée par mon épouse, que je remercie.
L'auteur, Emmanuel Lepage, réalise une oeuvre de commande au bénéficie d'une association travaillant pour les enfants de Tchernobyl. Pour ce faire, il se rend sur place avec une équipe dont certains membres ont déjà fait le voyage dans la zone contaminée. Non sans interrogations et doutes, au départ, cependant, devant les risques encourus...
Après une partie, inévitable, sur la catastrophe elle-même, ses conséquences, ses mensonges, la vision qu'en a l'auteur adolescent, on en arrive au coeur du propos. La leçon globale, que découvre Lepage au fur et à mesure des jours passés sur place, c'est que Tchernobyl ne se résume plus seulement à la catastrophe, la pollution radioactive, des images de mort et de destruction. Lentement, la vie reprend ses droits, y compris au sein de la zone contaminée. Situation paradoxale pour un auteur parti pour faire un carnet de voyage sur le lieu de la plus grande catastrophe nucléaire survenue à ce jour.
Au coeur des ténèbres ukrainiennes, à la rencontre d'un des "liquidateurs" survivants, en visitant la centrale au pas de course sous le crépitement du dosimètre, puis Pripiat, ville devenue fantôme alors qu'elle incarnait la vitrine du monde soviétique avant l'explosion... et pourtant, il est possible de circuler à d'autres endroits moins contaminés. Pénétrer dans la zone devient même un rite de passage pour les adolescents ukrainiens, pour montrer qu'ils deviennent des hommes, étrange jeu du chat et de la souris avec la mort...
Pour sortir de la vision catastrophiste, après avoir abondamment utilisé le noir et blanc, sombre, pour montrer les ruines du désastre, Emmanuel Lepage n'hésite pas à faire appel à de grandes planches en couleur. C'est surprenant, mais finalement le dessin, tout comme le récit, aide à sortir d'une vision manichéenne et réductrice de Tchernobyl. C'est ce témoignage, qui montre très bien le changement de perspective d'un auteur qui refuse de se laisser enfermer dans des idées préconçues, qu'il faut voir.