Le 21 février 1862, deux armées se font face à Valverde, un affrontement de la guerre de Sécession sans commune mesure avec les gigantesques batailles du théâtre oriental, mais pas moins important. Comme le rappelle l'historien Jerry Thompson dans la préface, la brigade de Texans du général Sibley cherche en effet à accomplir la "Destinée Manifeste" de la Confédération voulue par le président Jefferson Davis. En face, les réguliers et les volontaires et miliciens du Nouveau-Mexique commandés par le colonel Canby cherchent à empêcher les Confédérés de s'ouvrir la voie vers le Colorado et la Californie riches en mines, notamment. La bataille de Valverde est le premier affrontement de cette campagne au sud-ouest des Etats-Unis, au-delà du Mississipi.
Pour John Taylor d'ailleurs, Valverde mérite plus que Glorieta Pass, qui lui fait suite, le titre de "Gettysburg de l'ouest". Sibley remporte une victoire à la Pyrrhus qui porte en germe, de fait, la défaite à Glorieta Pass. Les opérations se déroulent au Nouveau-Mexique, un Etat rattaché aux Etats-Unis après la victoire contre le Mexique en 1848. Peu peuplé (90 000 âmes), non relié au reste du pays par le chemin de fer, le Nouveau-Mexique est dominé par 200 familles aisées et sa partie sud ne cachent pas sa sympathie pour les confédérés -qui créent d'ailleurs dès 1861 sur place le nouvel Etat de l'Arizona.
L'expédition confédérée au Nouveau-Mexique doit beaucoup à Sibley, ancien officier de l'armée régulière qui passe au Sud en 1861 et persuade la président Davis de l'intérêt d'une telle entreprise. Les événements semblent d'ailleurs lui donner raison puisque les Texans mettent la main sur plusieurs forts à la frontière quasiment sans rencontrer d'opposition. Sibley forme sa brigade fin 1861 et se met en route en février 1862. Face à lui, Canby, qu'il connait bien pour l'avoir côtoyé dans l'armée régulière avant la guerre.
Canby a articulé son dispositif autour de Fort Craig, pour barrer la route à l'invasion confédérée du Nouveau-Mexique. Il refuse sciemment la bataille rangée que lui propose Sibley devant le fort car le gros de sa troupe comprend des miliciens hispaniques du Nouveau-Mexique à peine enrôlés, dont il n'est pas sûr de la valeur au combat -les préjugés racistes jouant leur part. C'est pourquoi Sibley, pour le forcer au combat, décide de contourner le fort par le nord-est et de franchir le gué de Valverde.
Mais Canby ne se laisse pas surprendre : grâce à une surveillance étroite des mouvements confédérés, il anticipe la manoeuvre et les Nordistes sont les premiers à arriver au gué et à le tenir contre l'avant-garde sudiste. Progressivement, avec l'arrivée du gros des troupes, la bataille, d'une simple escarmouche, se développe. Elle voit d'ailleurs la seule charge de lanciers (semble-t-il ?) de toute la guerre de Sécession, conduite par un escadron confédéré qui est taillé en pièces par le feu et les baïonnettes de volontaires du Colorado.
Alors que les Nordistes semblent prendre l'ascendant et cherchent à balayer le flanc gauche des confédérés en pressant avec leur flanc droit les Sudistes pour les rabattre vers leur ligne, les officiers de Sibley (qui, comme souvent pendant la campagne, est ivre et ne peut diriger les opérations ces jour-là) saisissent leur chance. Pour renforcer leur flanc droit, les fédéraux ont momentanément laissé à découvert leur centre et une batterie d'artillerie qui s'y trouve et pilonne les confédérés. L'infanterie sudiste charge en poussant son fameux Rebel Yell afin d'arriver au contact -l'armement sudiste, de bric et de broc, est plus efficace à courte portée... la percée au centre et la capture de la batterie nordiste entraînent la retraite, ordonnée par Canby, malgré des tentatives de contre-attaque du flanc droit fédéral.
L'armée nordiste n'est cependant pas lourdement défaite et sera capable de tenir la dragée haute à Sibley à Glorieta Pass, un mois plus tard. En réalité, Canby a commis des erreurs à Valverde mais a judicieusement ordonné la retraite au bon moment, sachant qu'il remporterait quoiqu'il en soit une lutte d'attrition que les confédérés ne pouvaient pas gagner. En réalité, Sibley a complètement négligé la logistique de sa campagne, comptant vivre sur le terrain et sur l'accueil favorable des habitants du Nouveau-Mexique... des espoirs rapidement déçus. Ces unités de cavalerie légère, composées d'hommes mal armés, ne peuvent emporter les forts nordistes bien défendus ni affronter les rigueurs du climat. Les soldats confédérés montrent certes de la vaillance au feu, mais cela ne suffit pas à compenser les lacunes de la planification du commandement. Côté nordiste, les volontaires du Nouveau-Mexique n'ont pas démérité, quand on compare leur performance à celles des réguliers, bien qu'ils aient souvent servi de bouc-émissaires commodes pour expliquer les échecs de la campagne.
En annexe, John Taylor peut se permettre le luxe de proposer un tableau détaillé des pertes, rendu possible par la faible ampleur de l'engagement: tous les soldats tués sont mentionnés avec leurs noms ! L'ensemble se complète d'une bibliographie de référence. A noter également que l'ouvrage est abondamment illustré et que de nombreuses cartes permettent de suivre les mouvements de troupes et les phases de la bataille au fil des pages. Un excellent ouvrage de synthèse sur un affrontement méconnu de la guerre de Sécession.