Hayya Inghamis1-Les
inghimasiyyi de l'EI au combat
Comme
le rappelle un récent article de Bellingcat2,
le concept d'inghimasi renvoie à un combattant armé, muni
d'une ceinture d'explosifs : il utilise d'abord ses armes avant
de se faire sauter au besoin, s'il est à court de munitions ou dans
l'impossibilité d'échapper à l'adversaire. Les inghimasiyyi
sont, pour l'EI, des troupes de choc, destinées à percer les lignes
adversaires pour les combattants intervenant derrière eux. Ils sont
libres de revenir sans s'être fait sauter, du moment que leur
objectif a été atteint. Le nom précède le conflit syrien mais a
été popularisé par les groupes djihadistes nés durant le conflit,
d'abord le front al-Nosra et d'autres, qui les utilisent encore, puis
par l'EI, qui a récupéré le terme. L'étymologie du mot souligne
que l'objectif de ce combattant est de pénétrer les lignes ennemies
pour causer le maximum de dommages. Au sein de l'EI, les inghimasiyyi
sont une catégorie de combattants à part entière qui apparaissent
d'ailleurs comme tels sur les documents administratifs. Les
inghimasiyyi peuvent viser des objectifs civils, comme le font
les deux assaillants de l'hôtel Corinthia à Tripoli en janvier
2015 ; ils peuvent agir par petits groupes pour infiltrer et
détruire une position ennemie, comme c'est souvent le cas en Irak.
Les assaillants du Bataclan, à Paris (novembre 2015) ou ceux de
l'aéroport Atatürk d'Istanbul (juin 2016), bien que non
qualifiés comme tels par l'EI, renvoient aussi à ce concept. Dans
cet article, il sera davantage question de l'utilisation des
inghimasiyyi sur le champ de bataille, en Syrie et en Irak.
Depuis le début de l'année et l'établissement d'un questionnaire
pour renseigner les vidéos militaires de l'EI, j'ai pu traiter 59
productions de l'organisation. Sur ces 59 vidéos, 11 font apparaître
le terme inghimasiyyi pour désigner des groupes de
combattants. Il est probable que d'autres vidéos montrent aussi des
inghimasiyyi mais pour être pertinent, je me suis limité à
ceux désignés par l'EI comme tel. Quel est l'emploi de ces troupes
de choc en Syrie et en Irak dans les opérations militaires de l'EI ?
Cette
vidéo a été mise en ligne le 26 janvier 2016, et montre des
opérations se déroulant probablement début janvier ou un peu
avant. Le groupe de combat de l'EI qui conduit l'attaque comprend au
moins une dizaine d'hommes, avec 2 tireurs PK, 1 tireur RPG-7 portant
en plus une AK-47, un tireur SVD. L'objectif de l'attaque est une
caserne de l'armée irakienne, protégée par des postes avancés qui
la surplombent sur les hauteurs avoisinantes. La caserne est pilonnée
avec des mortiers moyens (82 mm), un mortier léger, un canon sans
recul SPG-9 et un RPG-7. Elle recèle de nombreux véhicules :
des Humvees, et au moins un char T-72 qu'on voit évoluer en
dehors de la caserne, puis à l'intérieur de celle-ci. 2
inghimasiyyi interviennent durant l'assaut, qui a lieu à
l'aube probablement, après le pilonnage : Abu Muslim Al Shami
pénètre dans la caserne mais est tué par le tir du char T-72. Abu
Qatada Al Issawi réussit quant à lui à se faire sauter à
l'intérieur de la caserne et détruit un véhicule (peut-être le
char T-72). La caserne est ensuite mitraillée par une M2HB et une
DSHK protégées derrière des sacs de sable. Pour ouvrir la voie au
groupe de 7 à 8 fantassins, l'EI engage un bulldozer blindé qui
manque d'être détruit par une chaîne d'IED disposée devant la
caserne. En désespoir de cause, un VBIED piloté par un Irakien, Abu
Sarat al Iraqi, est lancé contre la caserne (camion militaire avec
blindage SLAT). Mais les images de positions conquises à la fin de
la position ne collent pas avec la caserne vue précédemment ;
l'EI n'a probablement pas emporté la position cette fois-là.
Dans
ce cas, les inghimasiyyi
sont engagés dès le début de l'assaut, après le pilonnage
initial. L'un d'entre eux est tué par un char mais l'autre actionne
sa ceinture d'explosifs et détruit probablement un véhicule (le
char T-72?) ou plusieurs. Le VBIED n'est engagé qu'ensuite, en
dernier recours, le bulldozer blindé n'ayant pas réussi à dégager
un passage pour les fantassins.
Cas
n°2 : « A
l'ombre des épées »-Wilayat Homs
Cette
vidéo a été mise en ligne le 9 février 2016 et montre les
opérations menées par l'EI devant Palmyre, alors défendue face au
régime syrien. Une des séquences montre un assaut de l'EI sur une
position du régime à al-Dawah, à 5 km à l'ouest de Palmyre. Les
positions défensives de départ des combattants de l'EI sont
aménagées avec des levées de terre érigées par plusieurs
bulldozers pour une meilleure protection. Un char T-55 et un char
T-72 stationnent dans ces positions. Une partie des inghimasiyyi
embarque dans un véhicule blindé BMP-1 détourellé et muni de
blindage SLAT sur l'avant et sur les côtés. Le char T-72 est en
avant pour l'assaut : il tire avec son canon et sa mitrailleuse
coaxiale sur les deux positions du régime visées par l'attaque. Les
inghimasiyyi suivent dans le BMP-1 et en pick-up,
débarquent et grimpent l'éminence menant à la première position
(on remarque que l'un d'entre eux porte 2 AK-47). Le groupe d'assaut
comprend au moins 2 mitrailleurs PK et un tireur d'élite sur Steyr
SSG 69. Un Toyota Land Cruiser avec bitube ZU-23 appuie la
progression vers la deuxième position du régime. Parvenus sous les
sacs de sable de cette position, les inghimasiyyiéchangent
des jets de grenades et des tirs d'armes individuelles avec les
défenseurs, qui demandent un appui d'artillerie (mortiers) dont les
obus tombent tout autour des combattants de l'EI. Pris sous un tir de
flanc, les inghimasiyyi pénètrent finalement dans la
position, utilisant des tirs de RPG-7 pour se couvrir, soutenus à
distance par un ou deux mitrailleurs PK.
Ici,
les inghimasiyyi sont utilisés pour un assaut
mécanisé/motorisé assez conventionnel, suivant le char T-72 qui
ouvre la voie, appuyé par un technical. L'armement à leur
disposition est assez conséquent, avec plusieurs tireurs PK, un
tireur RPG-7 et un sniperéquipé d'un Steyr SSG 69, arme
plutôt rare chez les tireurs d'élite de l'EI. La vidéo montre ici
un combat rapproché avec les combattants du régime syrien.
Cette
vidéo a été mise en ligne le 9 février 2016 et évoque
probablement des opérations du début de l'année. L'attaque de l'EI
a lieu dans les environs du barrage de Samarra. Le groupe d'assaut
est assez nombreux : au moins une vingtaine d'hommes, dont un
tireur PK avec arme individuelle de même qu'un tireur RPG-7. La
position visée est pilonnée au mortier moyen et au mortier lourd.
Un VBIED piloté par Abu Muwaiya Al Shami (Syrien), un Humvee
renforcé de plaques de blindage, se jette sur la position : il
est couvert par un ZPU-2 monté sur Toyota Hilux, par une DSHK
montée sur un autre véhicule identique, par une mitrailleuse Type
77/85 sur affût, par une KPV sur Toyota Hilux protégée par
un bouclier et par un bitube AA de 37 mm monté sur camion ainsi que
par un mitrailleur PK. Après l'explosion du VBIED, les inghimasiyyi
avancent appuyée par un monotube ZU-23 protégé par un bouclier sur
Hilux. L'explosion du VBIED provoque la fuite des défenseurs :
la position est prise, et les inghimasiyyi poursuivent à pied
ou en pick-up les fuyards, rattrapés et achevés. Dans leur
élan, les inghimasiyyi, appuyés aussi par un ZPU-2 monté
sur Land Cruiser, enlèvent une autre position tenue par des
miliciens du Badr.
L'assaut
prend ici une forme classique : après le pilonnage initial, le
VBIED se jette sur la position ennemie et son explosion provoque la
débandade des défenseurs. Les inghimasiyyi, toujours ici
très bien armés, n'ont qu'à poursuivre et exécuter les fuyards.
Leur puissance de feu combinée à celle des technicals permet
de prendre la deuxième position face à des miliciens chiites.
La
vidéo a été mise en ligne le 26 février 2016 et montre les
opérations de la première quinzaine du mois dans les monts Makhoul,
au nord-est de Baiji. Les positions adverses sont pilonnées au
mortier moyen et lourd, avec un char T-55, un canon D-30 monté sur
camion, un LRM Type 63 sur Hilux et des roquettes artisanales.
Pour ouvrir la voie aux VBIED, l'EI engage un bulldozer blindé
conduit par 2 inghimasiyyi, Abu Ahmad Al Maqrebi et Abu Yassir
Al Hindi. Le groupe de combat couvre l'approche du premier VBIED,
piloté par Abu A'az Al Jazrawi (Saoudien) avec des tirs de RPG-7
(le groupe en a au moins 2). 2 autres VBIED suivent le premier,
pilotés pari Qutaiba Al A'afr et Abu Adham
Al Misri. Un MT-LB détourellé, avec blindage SLAT, et muni d'une
KPV protégée par un bouclier, ouvre la voie. Le groupe monte à
l'assaut au plus près avec AK-47, M-16, PK, RPG-7 et un tireur
d'élite sur SVD Dragunov. La position finit par être
abordée.
Assaut
classique ici : le pilonnage est suivi par la progression d'un
bulldozer blindé, puis par une vague de 3 VBIED qui se font sauter
les uns après les autres sur la même position adverse. Les
inghimasiyyi, toujours lourdement armés (on note les 2
RPG-7), attaquent ensuite une position en surplomb qui domine la
route où se sont engouffrés les VBIED.
Cette
vidéo, mise en ligne début juin 2016, montre la prise par l'EI du
village de Kafr Kalbin, le 27 mai. L'assaut, préparé sur vue
satellite chargée sur une tablette, est lancé de nuit. Le groupe de
combat entre dans le village et élimine la garnison des rebelles
syriens dans une partie du village, s'emparant d'armes et de
véhicules. Les positions rebelles restantes sont pilonnées par un
canon sans recul M40 de 106 mm sur Safir, 2 ZU-23 sur Land
Cruiser, des canons de l'enfer et une KPV sur véhicule. Un VBIED
(4x4 blindé artisanalement) piloté par un Syrien ouvre la voie au
groupe d'assaut. Les inghimasiyyi passent par des trous
pratiqués dans les cloisons des habitations, mais sont aussi obligés
d'évoluer dans les rues. Un ZU-23 sur Land Cruiser les
soutient ; ils sont visés par un A-10. Les rebelles qui
s'enfuient sont pris à partie par 2 tireurs PK et un tireur RPG-7 ;
un sniper abat l'un des fuyards.
Les
inghimasiyyi sont ici engagés en combats de rue. L'assaut, au
départ est nocturne, et couronné de succès. Pour le reste du
combat urbain, la bataille prend un tour classique : un VBIED
ouvre la voie, puis les inghimasiyyi s'engagent dans les rues
en passant par les cloisons percées ou les rues directement.
L'armement est toujours conséquent, à noter l'action du sniper
sur les fuyards.
Cette
vidéo de l'été 2016 montre des opérations de la wilayat
Ninive. On peut voir un groupe de près de 15 combattants avec tireur
SVD et un autre sur fusil de sniping lourd bricolé à partir
d'un tube antiaérien ; des inghimasiyyi s'infiltrent en
rampant dans les positions ennemies. L'assaut est lancé avec un
Humvee embarquant une DSHK en tourelle et des fantassins. Un
VBIED se jette sur les positions averses (pick-up surblindé
avec SLAT à l'avant), couvert par 2 tireurs PK.
Dans
ce cas, l'infiltration des inghimasiyyi précède l'assaut :
d'ailleurs il est probable que plusieurs ou tous se font sauter à
l'intérieur des positions adverses. Le VBIED intervient seulement
après.
Cas
n°7 :« Nette victoire »-Wilayat
Homs
La
vidéo, mise en ligne le 4 juillet 2016, montre la capture par l'EI
du champ gazier d'al-Shaer, au nord-ouest de Palmyre, début mai.
L'assaut s'ouvre par un bombardement effectué par un canon D-30, un
char T-55 avec blindage SLAT de tourelle et un char T-72. Un premier
groupe de combat d'une quinzaine d'inghimasiyyi, avec tireur
PK et pourvoyeur RPG-7, avance en colonne. Des KPV sur Hilux,
un ZU-23 sur Land Cruiser et
un ZPU-4 sur Land Cruiser appuient l'assaut. Un deuxième
groupe d'inghimasiyyi (une douzaine d'hommes au moins, dont un
avec RPG-7 à charge tandem) monte en ligne et court en colonne,
couverts par les technicals, et précédés par un BMP-1.
On
retrouve ici un assaut mécanisé/motorisé, les inghimasiyyi
intervenant après le barrage initial, puis une deuxième vague
montant à l'assaut de nuit derrière un véhicule blindé BMP-1. Les
groupes de combat sont assez étoffés (12-15 hommes) et supérieurs
à la norme standard qui est plutôt de 8-10 hommes ; l'armement
est toujours conséquent (RPG-7 avec charge tandem, etc).
Cas
n°8 : « Les
murs d'al-Fustat »-Wilayat Dimashq
Cette
vidéo, publiée en août 2016, montre notamment les combats à la
centrale thermique de Tishrin, à l'ouest de l'aéroport de Damas,
début avril. L'attaque commence de nuit avec des tirs de technicals,
dont un Hilux avec une mitrailleuse Type 77/85. A l'aube, un
VBIED (BMP-1 détourellé) est jeté contre les positions du régime
dans la centrale (Abu Umar ad-Dar'aoui, Syrien). Un ZU-23 sur Land
Cruiser pilonne les positions du régime, puis les inghimasiyyi
s'ébranlent, avec tireur RPG-7 et son pourvoyeur. Un KPV sur Hilux
appuie également la progression. Le groupe de combat comprend un
tireur PK et un autre avec RPK. Transportés au plus près par
pick-up, les inghimasiyyi investissent la centrale.
On
a encore ici un assaut à l'aube, avec un schéma classique : le
pilonnage initial est suivi par l'action de l'unique VBIED, les
inghimasiyyi intervenant sans un second temps. Comme toujours
l'effectif du groupe de combat est conséquent et l'armement aussi
(PK, RPG-7, RPK cette fois).
Cette
vidéo, mise en ligne fin août 2016, montre des opérations à l'est
et au nord-est de Palmyre en juin-juillet. Une séquence montre un
assaut des inghimasiyyi. Ceux-ci embarquent dans un BMP-1 :
parmi eux un tireur PK et un tireur RPG-7, chacun avec une AK-47 en
plus. La progression est couverte par un canon S-60 monté sur
camion. Le BMP-1 s'arrête devant la levée de terre qui protège la
position du régime attaquée ; les inghimasiyyi
débarquent du BMP-1 et ouvrent le feu dans l'intérieur de la
position. Un autre groupe a été débarqué par Toyota Hilux
ensuite, probablement. La position est emportée, les fuyards du
régime sont massacrés.
Encore
un assaut mécanisé, avec des inghimasiyyi embarqués à bord
d'un BMP-1 ou transportés par pick-up et qui attaquent une
petite position du régime. Le groupe de combat est toujours étoffé,
on remarque comme de coutume que les porteurs d'armes collectives ont
des armes individuelles en plus.
Cette
vidéo, mise en ligne le 22 septembre 2016, montre des opérations du
mois d'août ou du début du mois de septembre. Une des séquences
montre l'assaut d'une position irakienne par des inghimasiyyi,
ici qualifiés de « noirs ». L'assaut est conduit
à bord de véhicules : Humvee avec DSHK en tourelle,
M1117 renforcé de blindage SLAT. Le tireur à la M2HB du M1117 ouvre
le feu sur la position irakienne, puis abat à l'AK-47 3 fuyards. Un
autre inghimasi sort d'une trappe du véhicule et tire aussi à
l'AK-47. Les 2 véhicules attaquent ensuite deux baraquements
voisins : le Humvee débarque des inghimasiyyi qui
investissent la première, tandis que le M1117 tourne en mitraillant
autour de la deuxième, puis tire sur les fuyards de la première
position.
Assaut
complètement mécanisé ici pour les inghimasiyyi : les
2 véhicules attaquent à distance de petites positions de l'armée
irakienne, abattant les fuyards (le M1117 écrase aussi les corps),
débarquant ponctuellement des combattants pour prendre telle ou
telle position.
Cette
vidéo, publiée le 12 octobre 2016, montre notamment l'assaut sur la
position dite « brigade d'artillerie » au sud de
l'aéroport militaire de Deir-es-Zor, le 17 septembre. L'attaque
s'ouvre par un pilonnage : KPV sur Land Cruiser, char
T-55, tourelle de BMP-1 montée sur l'arrière d'un Land Cruiser,
ZPU-2 monté sur Land Cruiser, sniper avec fusil anti-matériel
Zijiang M99, canon sans recul B10 de 82 mm, fusil de sniping
lourd bricolé à partir d'un tube antiaérien. 2 ou 3 tireurs PK
appuient la charge d'une dizaine d'inghimasiyyi courant dans
le sillage d'un char T-72, et suivis par un pick-up surblindé
avec plaques et blindage SLAT à l'avant, qui embarque une
mitrailleuse PK. Les inghimasiyyi sont au contact rapproché
une fois atteintes les levées de terre protégeant la position
adverse, qui finit par être prise.
Assaut
très conventionnel, comme souvent autour de l'aéroport de
Deir-es-Zor : il est d'ailleurs probable que d'autres vidéos de
la wilayat al-Khayr montrent des inghimasiyyi au
combat, même s'ils ne sont pas mentionnés explicitement. Il faut
noter ici l'abondance des véhicules de soutien, et des moyens
d'appui légers. Les inghimasiyyi, toujours nombreux dans le
groupe de combat, s'élancent à la suite d'un char T-72 et sont
suivis par un pick-up surblindé armé d'une mitrailleuse.
C'est à eux que revient de prendre la position visée.
Conclusion
Les
11 exemples analysés montrent la diversité d'emploi des
inghimasiyyi sur le champ de bataille et en même temps
quelques tendances. Sur les 11 cas, on peut remarquer que les
inghimasiyyi apparaissent 3 fois dans la wilayat Homs
et 2 fois dans la wilayat Dijlah. Rien d'étonnant à cela :
la wilayat Homs est celle où l'EI mène les combats les plus
conventionnels, ou presque ; quant à la wilayat Dijlah,
elle a un rôle stratégique puisqu'elle couvre l'approche sud de la
ville de Mossoul, où la bataille fait rage depuis le 17 octobre
dernier. Nous avons donc 8 wilayats représentées, 4 en Syrie
et 4 en Irak, ce qui montre que l'emploi des inghimasiyyi
n'est pas une spécificité locale ou régionale. L'utilisation des
inghimasiyyi est variée : dans deux cas, ils sont
envoyés en premier et actionnent leurs ceintures d'explosifs
(Falloujah et Ninive). A quatre reprises, ils sont utilisés dans ce
que l'on peut qualifier d'assaut « classique » de
l'EI : un ou plusieurs VBIED se font exploser sur la position
adverse pour ouvrir la voie, parfois précédés ou suivis d'un
bulldozer blindé, puis les inghimasiyyi entrent en action.
Dans les cinq cas restants, les inghimasiyyi sont employés de
manière conventionnelle : ils servent d'infanterie
d'accompagnement de choc à des chars et/ou des véhicules blindés,
et à trois reprises (dont deux dans la seule wilayat Homs),
ils constituent une infanterie mécanisée à bord de BMP-1 ou
d'autres véhicules (Humvee renforcé de plaques de
blindage-M1117 également « bricolé », avec
blindage SLAT et camouflage, à Dijlah). Il n'y a donc pas de schéma
d'emploi unique d'utilisation des inghimasiyyi mais plusieurs
pratiques que l'on repère assez bien. Sur la forme prise par les
inghimasiyyi, on note que leurs groupes de combat ont un
effectif généralement supérieur à la moyenne (12-15 combattants
au lieu des 7/8-10 habituels) et un armement plus étoffé ou avec
des armes plus rares (Steyr SSG 69 à Homs ; RPG-7 nombreux,
parfois avec charge tandem, etc). Les inghimasiyyi, comme on
l'a vu, n'hésitent pas à mener des assauts nocturnes et à conduire
des combats urbains. Au terme de cette étude, on ne peut constater
que les inghimasiyyi sont une arme de choix dans l'arsenal de
l'EI, au même titre que les VBIED.
Ci-dessous, le nasheed Hayya Inghamis qui m'a inspiré le titre de l'article.
Ci-dessous, le nasheed Hayya Inghamis qui m'a inspiré le titre de l'article.
1Du
nom d'un nasheed de l'EI, souvent utilisé dans les vidéos
militaires, et en particulier quand les inghimasiyyi entrent
en action : https://www.youtube.com/watch?v=hao8dPSXHpE