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Fort Graveyard (Chi to suna) de Kihachi Okamoto (1965)

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Août 1945, entre l'attaque soviétique sur la Mandchourie déclenchée le 9 et la capitulation japonaise du 15. Dans le nord de la Chine, le sergent Yosugi (Toshiro Mifune) arrive dans une garnison isolée dirigée par le brutal capitaine Sakuma. Yosugi arrive alors que Sakuma fait fusiller un jeune lieutenant, accusé d'être le seul survivant de la garnison d'un petit fortin avancé dont tous les hommes auraient été tués. Yosugi s'élève contre l'exécution et frappe le capitaine. Jeté en prison, il en est sorti pour se voir confier une mission périlleuse : prendre la tête d'un détachement de 17 hommes, parmi lesquels les 14 membres de la fanfare, de jeunes recrues sans aucune expérience arrivées en même temps que lui, et 3 hommes jetés en prison, pour reprendre à la guérilla communiste le fortin perdu. Yosugi va devoir transformer ses hommes en soldat pour accomplir un tâche qui s'annonce suicidaire...

Chi to suna est assurément un film à voir dans le cinéma de guerre japonais. Okamoto est lui-même un vétéran japonais de la Seconde Guerre mondiale, où il a servi dans l'aviation. Un tiers de sa filmographie ou presque est ainsi consacrée aux films de guerre. Il a connu son apogée dans les années 1960.





Ce film est produit par Toshiro Mifune, l'acteur qui joue le rôle du sergent Yosugi. Le choix du lieu, le nord de la Chine (Mandchourie ?), indiqué dès le début du film, met déjà le spectateur dans l'ambiance, ainsi que la première séquence : on est parmi les troupes japonaises à la toute fin du conflit, harcelées par la guérilla communiste chinoise, aux confins de la "sphère de coprospérité"... Ce n'est que bien plus tard qu'un personnage annonce que l'on se trouve "2 ou 3 jours après l'invasion soviétique de la Mandchourie", soit autour du 11-12 août 1945.



Le réalisateur parvient à un tour de force, certes centré sur Mifune, mais qui ne laisse aucun des personnages trop caricatural. Le sergent Yogusi est le sous-officier charismatique, qui transforme en soldats des novices : mais un lourd secret le motive dans sa tâche, qu'on ne découvre qu'à la toute fin du film. Sakuma, présenté de prime abord comme l'officier impitoyable, se révèle en fait plus partagé. Mais le fil de l'action repose sur la fanfare : les 14 jeunes Japonais passionnés de musique et qui n'ont jamais tiré un coup de feu, comme le montre la première séquence où ils jouent du jazz de Louis Armstrong en arrivant au fort, avant de se disperser au premier coup de feu de la guérilla. Okamoto, passionné de musique, joue sur les hommes de la fanfare, dont la camaraderie en musique, entretenue par le sergent Yosugi, va en faire de redoutables combattants.







Le scénario suit un schéma assez classique, mais Okamoto, là encore, parvient à faire un grand film dans la réalisation. Le sergent teigneux prend la tête d'un groupe a priori incapable de remplir sa mission : mais avec un minimum d'entraînement (réaliste, cela se sent dans les scènes concernées) et une tactique bien pensée, le fortin est enlevé. L'astuce d'Okamoto est de se focaliser sur un petit groupe de soldats japonais, ce qui permet de bien travailler les séquences de combat, assez réalistes pour l'époque : la prise du fortin est un modèle du genre. Les vainqueurs ont ensuite à tenir leur prise contre la contre-offensive de la guérilla communiste, même si l'issue ne laisse pas de doute au fur et à mesure que passent les minutes. A noter que l'on devine plutôt qu'autre chose la qualité de l'adversaire : Okamoto mélange d'ailleurs guérilla et véritables troupes régulières, avec uniforme, côté chinois. Le traitement de l'ennemi peut paraître assez hors de propos avec ce que l'on sait désormais du comportement de la troupe japonaise pendant la guerre : le réalisateur ne montre ainsi qu'un seul prisonnier, non maltraité. De même, le bordel du fort et la prostituée qui suit en permanence Yosugi sont japonais, ce qui permet d'éviter les questions sensibles des "femmes de réconfort"étrangères... et pourtant, en présentant des soldats japonais qui ont déserté pour rejoindre la guérilla communiste, par la dose d'humour introduite avec le jazz et le comportement burlesque de certains soldats japonais, et par la désobéissance des hommes à la stricte discipline militaire, Okamoto semble vouloir réhabiliter quelque part les oubliés du conflit sino-japonais, les simples soldats et les Chinois eux-mêmes. D'ailleurs, ce combat pour un fortin perdu à la veille de la capitulation (cf la dernière scène), les Japonais subissant un siège alors que le gros de la garnison se replie sans eux, traduit une vision très négative de la guerre chez le réalisateur, probablement liée à son expérience du conflit.







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