Arnaud Delalande, collègue ponctuel de travail depuis un certain temps déjà, m'a régulièrement aidé pour l'identification des appareils (avions et hélicoptères) parfois filmés par l'EI dans ses vidéos de propagande militaire. Il tient par ailleurs le blog AeroHisto. Il a publié cette année un livre aux éditions Harpia sur les aviations irakiennes depuis 2004.
Ce petit ouvrage abondamment illustré est surtout réalisé grâce à des témoignages recueillis auprès de pilotes irakiens, donc à la source, en plus d'une courte littérature secondaire mentionnée en fin de volume.
Le premier chapitre fait l'historique de l'arme aérienne irakienne, créée en 1931 par la puissance mandataire britannique. L'aviation irakienne est équipée d'appareils britanniques, et occidentaux, jusqu'au coup d'Etat de 1958, où l'Irak se tourne désormais vers l'URSS. Entre 1963 et 1966 néanmoins les relations reprennent avec les pays occidentaux, et des Hawker Hunter sont encore fournis par les Anglais. L'Irak revient ensuite vers l'URSS. Il participe aux guerres de 1967 et 1973 du côté arabe, cette dernière ayant beaucoup influencé l'aviation irakienne. Le pays mène ensuite des opérations aériennes contre les Kurdes irakiens et connaît des incidents avec l'Iran voisin. Pendant la guerre Iran-Irak, l'Irak, en plus des appareils soviétiques, perçoit des Mirage F1, Super Etendard et Super Frelon français. L'aviation irakienne participe à l'invasion du Koweït en 1990 ; au moment de la phase aérienne de Tempête du Désert, elle déploie une certaine activité les premiers jours avant d'abriter ses avions en Iran. Malgré le blocus et les "No-Fly Zones", elle conserve des appareils en état de vol et effectue des missions jusqu'en 2003. Les appareils sont finalement démontés et enterrés juste avant l'opération Iraqi Freedom.
Le chapitre 2 présente les appareils de l'armée de l'air irakienne recréée en 2004 à partir de rien, puisque les appareils de l'ancienne aviation ne sont pas conservés. Pour l'appui au sol, elle dispose de L-159 tchèques négociés en 2014 et livrés en 2015, de Cessna 208 Combat Caravan acquis à partir de 2008, de F-16 dont les premiers sont arrivés en Irak et 2015, de Su-25 fournis à partir de juin 2014 par la Russie et l'Iran (dont un ex-irakien arrivé en 1991). Pour la reconnaissance, l'armée de l'air irakienne aligne des Beechcraft King Air 350ER, des Comp Air 7SLX, des Pilatus U-28A, des SAMA CH-2000, des Seabird Aviation Seeker SB7L-360. Le transport est assuré par des An-32B vendus par l'Ukraine, des DHC-6 Twin Otter, de 9 C-130 livrés par les Américains à partir de 2005. L'entraînement utilise des T-6A Texan II, des Cessna 172S Skyhawk SP, et des Lasta-95N.
L'aviation de l'armée de terre, branche séparée, est présentée dans le chapitre 3. Elle dispose d'une flotte d'hélicoptères de combat avec des Mi-28NE livrés par la Russie à partir d'août 2015 et de Mi-35M dont les premiers sont arrivés en décembre 2013. La reconnaissance est munie de Bell IA-407 livrés à partir de 2010, d'Eurocopter EC635 fournis par la France à partir de 2011. Le transport est assuré par des Bell UH-1H donnés par la Jordanie en 2005 puis moderrnisés. L'aviation de l'armée de terre a également une flotte importante de Mi-8, Mi-17 et Mi-171. Elle aligne aussi des drones ALIT CH-4B chinois mis en ligne à partir de janvier 2015. L'entraînement se pratique sur des Gazelle, des Agusta Bell AB206, des Bell 206 et Bell OH-58, ainsi que des Bell 407GX et Mi-8/17.
Le chapitre 4, en une double page, présente les futurs appareils irakiens : An-178, AT-6C Texan II, T-50IQ Golden Eagle sud-coréen.
Le chapitre 5 fait le récit des opérations menées par les forces aériennes irakiennes, surtout à partir de la progression de l'EIIL dans la province d'al-Anbar à partir de décembre 2013. La première perte est subie en 2008 mais on remarque qu'elles augmentaient déjà, du fait des tirs adverses, en 2012-2013. Les pertes ont été sensibles à al-Anbar notamment pour les hélicopères de transport. Au moment de la percée de ce qui devient l'EI en juin 2014, les hélicoptères, notamment de combat, sont fortement employés pour ralentir la progression des colonnes de l'EI. Les Su-25 sont également beaucoup engagés ; à partir de septembre ce sont les Mi-28. A noter les pertes subies par missile sol-air (FN-6 ou SA-7) au-dessus de Baiji, mais aussi par DCA comme le canon S-60 de 57 mm que l'on trouve fréquemment dans l'arsenal de l'EI. L'aviation iranienne intervient dans la province de Diyala, près de la frontière, pour soutenir les forces au sol en novembre. En 2015, l'aviation irakienne prend une part importante à la reconquête de Tikrit en mars, et intervient sur les autres points chauds. Les F-16 entrent dans la danse à partir de septembre. Les drones sont employés à partir de décembre. En 2016, l'aviation continue de soutenir les forces au sol et subit encore des pertes de par les antiaériennes de l'EI. Cette partie, très descriptive sur les opérations de l'aviation irakienne et comprenant de nombreux témoignages de pilotes irakiens, est malheureusement trop courte pour permettre à Arnaud Delalande d'évoquer la doctrine des nouvelles forces aériennes irakiennes (esquissée dans certaines lignes du chapitre 1) et leur intégration dans le système de combat de l'EI. C'est peut-être ce qui manque un peu dans ce chapitre.
L'ensemble se complète d'un ordre de bataille des aviations irakiennes, d'une carte des bases aériennes dans le pays et des pertes subies depuis 2005. Ce petit volume de présentation des aviations irakiennes est un outil de travail appréciable, en particulier quand on cherche souvent comme moi à identifier des appareils visibles dans les sources étudiées. Incontournable pour le passionné du sujet également.