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Andrew NAGORSKI, La bataille de Moscou, Tempus 412, Paris, Perrin, 2011, 447 p.

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Andrew Nagorski est un journaliste américain, né en 1947, vice-président de l'Institut Est-Ouest, un think thank fondé en 1980. Il a aussi occupé des responsabilités dans le magazine Newsweek. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages, de fiction ou plus sérieux, comme celui-ci, paru initialement en 2007 et traduit en poche l'année suivante, avant de sortir en poche dans la collection Tempus en 2011.

C'est donc un ouvrage de journaliste, et on peut en sentir les limites dès l'introduction. Quand l'auteur annonce, par exemple, que la bataille de Moscou fut la plus importante de la Seconde Guerre mondiale et "de tous les temps" (sic). En revanche, Nagorski a raison de souligner que la bataille de Moscou, l'un des grands tournants sans aucun doute du conflit, a été relativement éclipsée par le siège de Léningrad ou les batailles de Stalingrad et de Koursk. Cet affrontement comporte pourtant une dimension dramatique, l'URSS semblant, par moment, au bord de l'effondrement. Staline commet certes des erreurs d'appréciation qui entraînent de lourdes pertes, mais sa volonté de rester dans la capitale galvanise aussi les défenseurs et enraie un début de panique. Nagorski cherche à montrer comment Staline a tenu, dans quelles conditions et avec quelles conséquences. Il le fait en se basant surtout sur des témoignages d'acteurs soviétiques de l'époque, qui reviennent sur les événements longtemps après les faits. L'ensemble ne peut espérer combler "le trou béant" qui, selon l'auteur, recouvre la bataille de Moscou -ce qui n'est pas très exact...

On n'a donc pas à faire à une histoire militaire de la bataille de Moscou, mais plutôt à un examen politique, avec une insistance prononcée sur Hitler et Staline, et sur les témoignages de combattants ou d'exécutants des deux dictateurs. Malheureusement, les témoignages, s'ils montrent l'impréparation manifeste, par exemple, de l'Armée Rouge au déclenchement de Barbarossa, ne sont pas remis en contexte et critiqués, ce qui en limite singulièrement la portée. Car Nagorski commence d'abord par présenter les préparatifs et le déclenchement de Barbarossa, heureusement s'en trop s'étendre au-delà du raisonnable. Plus embêtant, on trouve assez rapidement des erreurs factuelles dans le texte : p.105, la directive n°227 "Plus un pas en arrière" est ainsi datée de 1941...au lieu de 1942.

Nagorski s'attarde beaucoup sur les purges staliniennes, qui fragilisent une Armée Rouge en pleine croissance et qui vont dresser une partie des populations soviétiques contre le régime. Mais les Allemands n'en profitent pas et retournent au contraire ces populations contre eux. Le journaliste montre aussi comment les généraux allemands acquiescent facilement au projet de guerre sans pitié voulue par Hitler à l'est : ainsi Manstein argue des atrocités commises par les Soviétiques sur les soldats allemands pour excuser les massacres de prisonniers.  En revanche, sur la question de savoir si Moscou est devenue un objectif trop tard côté allemand, il fait la part belle à Guderian, qui n'est pas sans responsabilités dans l'échec final, et charge beaucoup Hitler.

Nagorski a des pages intéressantes sur le rôle de Joukov dans le rôle de la capitale. De même, il peint assez bien l'observation par les Anglo-Américains de la bataille de Moscou et le rôle des ambassadeurs et des journalistes, selon qu'ils soient pro ou anti-URSS. L'un des meilleurs chapitres est sans doute celui consacré à l'amorce d'évacuation de Moscou à la fin octobre 1941, après les désastres de Vyazma-Bryansk : on voit que le NKVD avait soigneusement planifié la destruction des installations et un mouvement clandestin de guérilla en cas d'occupation allemande, et qu'un début de panique a heureusement été contenu, non sans mal. On retiendra cette troupe de music-hall embauchée par le NKVD pour conduire éventuellement une représentation devant des hauts gradés allemands et leur jeter des grenades au moment opportun ! Nagorski revient aussi sur le mythe de Zoïa Kosmodemianskaïa ou sur la figure de l'espion Richard Sorge. 

L'auteur montre ensuite comment les soldats allemands eux-mêmes, aux côtés de leurs généraux, commencent à comprendre que la guerre à l'est ne sera pas courte et facile. La résistance des soldats soviétiques et le climat prélèvent leur dîme. Nagorski rappelle le rôle des divisions "sibériennes", même s'il a été exagéré. En revanche, il présente assez mal le déroulement de la contre-offensive soviétique, préférant s'intéresser à l'état de délabrement des troupes allemandes et à l'obstination d'Hitler de vouloir s'accrocher à tout prix au terrain, puis des désirs insensés de Staline de contre-attaque généralisée, qui se terminent par de sanglants échecs début 1942. Il montre ensuite comment le dictateur soviétique, au moment de la visite d'Anthony Eden en décembre 1941, a déjà des arrière-pensées pour l'après-guerre et louvoie avec le gouvernement polonais en exil. Nagorski revient aussi sur le rôle du général Vlassov, qui mène une partie de la contre-offensive soviétique, avant d'être capturé en juillet 1942 et de prendre la tête d'un mouvement de collaboration avec les Allemands. Il conclut son récit par la présentation du désastre devant Rjev.

En conclusion -dans le dernier chapitre, Nagorski explique combien la politique de terreur de Staline a provoqué une bonne partie du désastre de 1941. Mais il rejette aussi la traditionnelle cause du climat comme expliquant la défaite allemande. Hitler ses généraux ont commis plusieurs erreurs, dont la principale reste pour lui de ne pas s'être concentré sur Moscou assez tôt. La bataille de Moscou est donc bien l'un des tournants de la Seconde Guerre mondiale : une défaite psychologique pour les Allemands, une victoire précaire pour les Soviétiques, remportée à un prix des plus élevés, le plus élevé du conflit (sic). 

On a donc là un travail de journaliste, dont le côté le plus intéressant reste assurément les détails fournis par des témoignages inédits (comme l'évacuation de la momie de Lénine s le 3 juillet 1941). Malheureusement, l'ensemble manque quelque peu de recul et peine parfois à s'élever au-dessus de considérations simplistes, voire pèche par absence réelle de matière sur l'histoire militaire à proprement parler, en dépit d'intéressantes remarques sur le contexte diplomatique. De ce côté-là, la bibliographie, plutôt conséquente, a sans doute été insuffisamment exploitée. Il y a aussià l'oeuvre une vision très négative, finalement, de l'URSS et de Staline, certes en grande partie fondée, mais un peu trop omniprésente au fil des pages. Enfin, cette traduction française n'est pas forcément parfaite. Utile, mais pas indispensable.




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