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L'affaire Cicéron (Five Fingers) de Joseph Mankiewicz (1952)

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Mars 1944. Dans la Turquie neutre, l'ambassadeur allemand Franz von Papen (John Wengraf) et son homologue britannique  Sir Frederic Taylor (Walter Hampden) sont à une réception où ils rencontrent la comtesse Anna Staviska (Danielle Darrieux), une Française veuve d'un comte polonais, sans le sou, qui propose ses services pour espionner chacun des camps, sans résultat. Dans la soirée, un homme approche un attaché de l'ambassade allemande, Moyzisch (Oskar Karlweis) : il propose de remettre aux Allemands des documents ultra-secrets pour 20 000 livres. L'homme, Diello (James Mason), est en fait le valet de chambre de l'ambassadeur britannique et l'ancien domestique de la comtesse...

L'affaire Cicéron (pour une fois le titre français est plus explicite que le titre original) est une adaptation du livre de Moyzisch, publié en 1950, et qui donnait de nombreuses informations sur cette affaire d'espionnage. Mankiewivcz s'inspire assez librement du livre, lui-même non exempt de partialité. Les dates sont quelques peu changées (Cicéron se présente en mars 1944, alors qu'en réalité c'est en octobre 1943) ; le nom de certains personnages est modifié (l'ambassadeur britannique) ; des éléments fictifs sont rajoutés (la comtesse) ; des éléments authentiques sont oubliés (le rôle de la secrétaire de Moyzisch) ; etc.



Zanuck, directeur de production de la Fox, obtient les droits d'adaptation du livre de Moyzisch. Produit par Otto Lang, le film est réalisé par Henry Hathaway, que Zanuck a choisi pour tourner un film quasi documentaire, voulu sur les lieux de l'action (la course-poursuite), en mettant Cicéron -et non Moyzisch- au centre de l'histoire, tout  en mettant l'accent sur son intérêt financier et non politique -façon commode de balayer ses liens avec les nazis, pour être plus consensuel. En réalité, le livre de Moyzisch, partial comme on l'a dit, a apporté les premiers éléments de l'affaire, mais à l'époque, Cicéron n'a pas encore publié ses mémoires (il le fera en 1958, en forme de réponse à Moyzisch et au film) et les zones d'ombre permettent justement de grandes libertés d'adaptation cinématographique.



En outre, en 1951, Zanuck confie la reprise de l'ensemble à Mankiewicz, qui arrive en fin de contrat avec la Fox et qui n'apprécie guère le producteur. Mankiewicz revoit le scénario et surtout les dialogues, le tout en quatre mois. James Mason a déjà incarné Rommel dansLe Renard du Désert d'Hathaway (1951). Il est ravi de travailler avec Mankiewicz sur l'Affaire Cicéron, qui reste d'ailleurs un de ses films favoris. Danielle Darrieux remplace au pied levé Micheline Presle, enceinte, et livre une composition subtile On trouve aussi Michael Rennie dans le rôle de Travers, l'agent du contre-espionnage britannique chargé de démasquer Cicéron.



Mankiewicz livre un film d'espionnage où au milieu d'une guerre, des personnages livrent des combats singuliers, intimes, pour un résultat nul (les Allemands ne croient pas aux renseignements ; Cicéron est payé en faux billets...). La découverte de la fausse monnaie, réservée pour la dernière scène, ce qui est excellent, souligne combien Diello ne peut en réalité échapper à son univers de domestique, même quand il croit avoir réussi. La peinture des personnages est ambigüe : Mankiewicz souligne les faiblesses et les travers des Allemands et des Anglais. Paradoxalement, il livre un portrait plutôt sympathique de von Papen (sans doute un peu trop gentil), et ridiculise Moyzisch (même si c'était, en réalité, un nazi convaincu, comme le suggère le film). Diello, lui aussi, a trop confiance en lui, et finit victime de ce trop-plein de vanité. Le réalisateur insiste sur les différences de condition sociale : c'est bien ce qui motive Diello, non pas aimer la comtesse mais devenir maître pour être sur un plan d'égal à égal. Les deux personnages s'influencent réciproquement, et connaissent le même sort. Le réalisateur réussit aussi de grandes scènes de suspense, comme la découverte de Cicéron lorsqu'il s'attaque au coffre-fort muni d'une alarme électrique.



Si le film ne s'appelle pas Operation Ciceron, c'est tout simplement que l'actualité s'y opposait : des émeutes raciales avaient éclaté en 1951 dans un ghetto de Chicago, Cicero. Film encore méconnu de Mankiewicz, mélangeant espionnage et manipulation, L'affaire Cicéron mérite assurément d'être redécouvert.



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