Moyzisch était l'un des attachés allemands à l'ambassade nazie en Turquie pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1950, pour se disculper de l'accusation de crimes de guerre que lui vaut une lettre de Himmler à von Papen (ambassadeur allemand en Turquie) remerciant ce dernier pour les excellents états de service de Moyzisch, il publie son témoignage sur l'opération Cicéron.
Celle-ci se déroule entre octobre 1943 et avril 1944. Moyzisch dépend officiellement du ministère des Affaires Etrangères de von Ribbentrop. A Ankara, la concurrence entre les services nazis joue à plein : outre les Affaires Etrangères, la SS, l'Abwehr, l'Auslandsorganization der Partei, l'Ostministerium de Rosenberg ont leurs agents en Turquie, pays neutre, lieu de nombreuses tractations. D'après Moyzisch, von Papen ne s'entend pas très bien avec von Ribbentrop. A Ankara, l'ambassadeur anglais est Sir Hughe Knatchbull-Hugessen. Moyzisch part en Allemagne en septembre 1943 ; la situation se dégrade pour les Allemands, et on lui fait comprendre qu'il serait peut-être plus utile au front... suite à un accident, il doit embaucher une nouvelle secrétaire. Enfin, la colonie allemande d'Ankara accueille en héros deux pilotes allemands venus de mer Noire, qui s'avèrent être en fait des déserteurs soldés par les Britanniques... début du faisceau d'événements menant à l'opération Cicéron.
Le 26 octobre 1943, dans la soirée, Moyzisch est appelé par le premier secrétaire de l'ambassade et sa femme, les Jenke, peut-être des espions de Ribbentrop qui surveillent von Papen. Se présente un étrange personnage, qui se prétend le valet de chambre de l'ambassadeur britannique, et qui est disposé à fournir des renseignements importants contre 20 000 livres sterling. Moyzisch et von Papen ont des doutes ; il câble l'information à Ribbentrop, ne pensant pas que celui-ci donne suite, mais l'inverse se produit, le feu vert arrive le 29 octobre. Le lendemain, comme convenu, l'homme revient voir Moyzisch. Celui-ci développe les photos des documents (Cicéron photographie des documents avant de les remettre en place dans le coffre de l'ambassade, ce qui limite les risques), qui s'avèrent authentiques, avant de remettre l'argent. Dans sa précipitation à aller voir von Papen, Moyzisch égare une des 52 photos sur le trottoir, qu'il récupère en catastrophe ! C'est l'ambassadeur allemand qui propose de baptiser l'espion "Cicéron".
L'homme revient le lendemain. Moyzisch le presse de question, mais Cicéron est peu disert. Désormais les rendez-vous ont lieu en ville, et non plus à l'ambassade allemande. Cicéron confie à Moyzisch qu'il déteste les Britanniques, son père ayant été tué par eux (ce qui est en réalité inventé de toutes pièces). Kaltenbrunner commence à s'intéresser lui aussi à Cicéron. Moyzisch reçoit 200 000 livres pour les futures transactions. Puis, début novembre, il est appelé à Berlin par Ribbentrop. Il voyage en train jusqu'à Istanbul en compagnie d'un Anglais (!), puis à Sofia, Kaltenbrunner le convoque avant de voir Ribbentrop une fois arrivé à Berlin. Kaltenbrunner, qui a envoyé les 200 000 livres, pense que Cicéron n'opère pas seul, contrairement à ses dires ; une sourde lutte l'oppose à Ribbentrop, qui n'apprécie pas Moyzisch en raison d'une vieille querelle, et qui pense que Cicéron est manipulé par les Anglais. Consigné à Berlin, Moyzisch devient célèbre grâce à Cicéron : il rencontre Rachid Ali, le dirigeant irakien exilé, le grand mufti de Jérusalem, l'ambassadeur japonais Oshima. Fin novembre, il peut retourner à Ankara. Lors d'une transaction de change effectuée pour Cicéron, Moyzisch est informé que les livres sterling fournies par Kaltenbrunner sont des fausses. Ce dernier lui enjoint d'ailleurs de ne plus informer von Ribbentrop des informations données par Cicéron.
Moyzisch craint pour Cicéron, à qui il fournit à sa demande un appareil Leica, et qui se couvre de bijoux et se fait manucurer, ce qui ne peut manquer de se faire remarquer. Fin décembre, alors que Cicéron remet à Moyzisch l'empreinte de cire du coffre de l'ambassade en plus des rouleaux de pellicule, Moyzisch doit pour la première fois semer une voiture qui semble le suivre. En outre, von Papen, qui se sert des renseignements que Moyzisch lui a fourni, montre à l'ambassadeur turc qu'il en sait plus qu'il ne devrait ; ce dernier prévient les Britanniques, désormais sur leurs gardes. Les Allemands, eux, envoient expert sur expert pour déterminer si Cicéron agit seul ou non... Moyzisch recrute une nouvelle secrétaire allemande, d'une famille expatriée à Sofia, travaillant à la légation. Le 14 janvier 1944, un bombardement allié sur Sofia confirme l'exactitude des renseignements de Cicéron, alors même que les mesures de sécurité à l'ambassade britannique sont renforcées (même si Cicéron assiste à la mise en place d'une alarme électrique, qu'il sait donc désamorcer). Fin janvier, alors que Moyzisch est en vacances à Brousse, un membre de l'Abwehr en Turquie fait défection. Moyzisch se méfie de plus en plus de sa nouvelle secrétaire, personnalité étrange, qu'il veut faire renvoyer. Il demande à Cicéron de mettre la main sur les documents parlant d'une opération Overlord, qu'il pense être le nom de code du deuxième front, même si Berlin est sceptique (en réalité l'ambassadeur anglais n'a jamais eu de documents évoquant Overlord). Mais les derniers documents sont transmis en mars 1944. La secrétaire prend connaissance par hasard de Cicéron ce même mois. Elle amène les deux aviateurs déserteurs à Moyzisch pour qu'ils trouvent un emploi, ce qui renforce les soupçons de ce dernier. Alors que Moyzisch l'emmène faire les boutiques, ils tombent sur Cicéron. Le 6 avril, la secrétaire, qui doit regagner Sofia et ses parents, fausse compagnie à Moyzisch, et rejoint les Anglais. Cicéron lui-même avertit son officier traitant. Moyzisch, convoqué en Allemagne, est contacté par les Britanniques qui tentent de le débaucher. Finalement, après avoir organisé le départ de la colonie allemande et de l'ambassadeur en raison du revirement turc, Moyzisch est interné avec sa famille jusqu'en mai 1945. Il apprend plus tard que tous les billets remis à Cicéron, ou presque, étaient des faux, farbiqués par les SS dans le cadre de l'opération Bernhard. Il se montre amer devant les responsables nazis qui ont appliqué leurs idées préconçues aux renseignements fournis par Cicéron, sans y croire vraiment.