Ce livre est la transcription d'un symposium tenu en octobre 1987 à Garmisch, dans l'ancienne RFA, le dernier d'une série de quatre organisé par l'US Army War Collegeà partir de 1984. Ce symposium s'intéresse aux débuts de l'opération Barbarossa, du 22 juin 1941 au mois d'août. Il a la particularité, pour l'époque, de s'appuyer des sources allemandes et soviétiques nouvelles, de rassembler des vétérans allemands encore vie, tandis que le côté soviétique est pris en charge par des historiens anglo-saxons, américains principalement.
Le colonel Glantz se charge de l'introduction dans laquelle il évoque l'Armée Rouge avant Barbarossa. Comme il le rappelle, après la victoire de la guerre civile, cette armée reste encore largement composée de fantassins et de cavaliers. C'est dans les années 1920 que les Soviétiques théorisent l'exploitation en profondeur après la percée du front adverse, et pensent utiliser à cette fin des moyens motorisés et mécanisés. Cette théorisation atteint son paroxysme en 1936. Mais Glantz idéalise probablement encore, à cette date, les résultats obtenus par les Soviétiques : les purges qu'il décrit ensuite sont aussi le résultat du manque d'efficacité dans la pratique des théories très en avance soutenues par de grands penseurs de l'Armée Rouge, comme le rappelle M. Habeck dans son important ouvrage. Non seulement l'Armée Rouge revient à des ambitions limitées en termes de blindés, avec l'expérience espagnole puis celle, désastreuse, en Finlande, mais son état logistique est déplorable. Ce n'est qu'avec les victoires allemandes, et en particulier celle contre la France en juin 1940, que les Soviétiques reviennent à l'idée de plus vastes formations mécanisées. Globalement, l'Armée Rouge recherche les unités les plus vastes possible. Le déploiement des forces avant le 22 juin 1941 montre que Staline a fait déplacer des armées vers l'ouest dès le mois d'avril, ainsi que l'échelonnement des armées en profondeur, de même que celui des corps mécanisés, dont les formations sont dispersées sur un même secteur. Les corps mécanisés sont répartis en 3 échelons successifs, et le district militaire spécial de Kiev est le mieux doté, parce que les Soviétiques attendent l'effort allemand principal sur ce front.
Jacob Kipp, autre historien anglo-saxon, revient sur la planification de guerre des Soviétiques. Sujet controversé. Les Russes, dès avant la Grande Guerre, sont conscients de la taille de leur territoire, de leur faible potentiel en chemin de fer et de la taille énorme de leurs forces, qui fait de la mobilisation une course au déploiement. Ils pensent avoir trouvé une "formule magique" qui s'avère en réalité limitée pendant le conflit. Durant la Grande Guerre, Ismestev formule l'idée selon laquelle le plan de mobilisation doit être réadapté après le déclenchement du conflit pour tenir compte de la "friction". L'Armée Rouge voit naître des théoriciens qui divergent sur la mobilisation mais qui reconnaissent tous qu'elle doit être totale. Certains, comme Toukhatchevsky, pensent déjà à une menace venant d'Allemagne ou des principales puissances occidentales. A partir de 1937, l'Armée Rouge réoriente son dispositif pour deux fronts : le plan quinquennal de 1938-1942 prévoit la naissance de nouveaux matériels blindés et aériens, à la lumière de l'expérience espagnole, qui seront ceux neufs de 1941. Si l'Armée Rouge remporte des succès contre le Japon, annexe les pays baltes, elle est à la peine en Finlande, ce qui entraîne une réorganisation sous l'égide de Timoshenko. La réorganisation est faite dans l'urgence, comme le montre les wargames de décembre 1940-janvier 1941, et la décision de créer 9 (!) corps mécanisés supplémentaires. Les Soviétiques ont bien envisagé une guerre longue, mais ont sous-estimé l'impact qu'aurait le déploiement allemand sur leurs propres forces. Le premier échelon, relativement isolé en avant, est ainsi mal placé pour effectuer sa mission.
Kenneth Macksey, ancien officier et historien britannique, présente l'armée allemande en 1941. Il insiste probablement un peu trop sur le rôle de Guderian et l'aspect "novateur" de la réorganisation de l'armée allemande sous la Reichswehr autour du char (voire encore le livre de M. Habeck). En revanche, il est vrai que la Wehrmacht dispose de moyens de communication, de reconnaissance et d'un soutien aérien rapproché alors sans équivalent du côté soviétique. Macksey souligne cependant que les Panzerdivisionen ont été coupées en deux, en 1940, pour en augmenter le nombre. En outre, les Allemands sont mal renseignés sur l'URSS, n'ont pas de cartes, le terrain est peu connu et le système logistique se dégrade très vite, comme celui de la maintenance des véhicules.
Le général Niepold, ancien officier de la 12. Panzerdivision et bien connu pour avoir écrit un ouvrage sur l'opération Bagration vue du côté allemand (une des sources du livre éponyme de J. Lopez), présente quant à lui la planification allemande. Contrairement à ce qu'il dit ici, on sait aujourd'hui (voir le livre de D. Stahel) que le général Marcks ébauche son plan d'invasion avant même qu'Hitler en formule la demande, en juillet 1940. Hitler, cependant, plutôt que les batailles d'anéantissement près de la frontière, songe plus à des encerclements vers le nord et le sud, suivant l'autre plan, celui de l'OKW préparé par von Lossberg. Ce différend est à la base de l'affrontement entre Halder, qui privilégie Moscou et l'axe central, et le Führer, déjà plus sensible aux richesses de l'Ukraine et au symbole que constitue Léningrad. Le noeud ne sera tranché qu'à la fin août 1941. Niepold reconnaît lui-même que la faute n'est pas imputable à Hitler, car pour lui prendre Moscou n'aurait rien changé : en revanche il souligne que l'absence de stratégie et les revirements successifs ont pénalisé l'armée allemande.
L'ouvrage prend ensuite un plan géographique, balayant les 3 fronts principaux du nord au sud, découpant parfois par axe principal. C'est le cas au nord où David Glantz traite, là encore plutôt du côté soviétique, des forces en présence sur l'axe de Siauliai, impliquant le 12ème corps mécanisé et une division du 3ème corps mécanisé. Les Allemands ont bien identifié les forces qui leur font face dans ce secteur, car ils disposent dans les pays baltes d'un renseignement humain plus fourni. Les divisions de fusiliers, à environ 60% de leur effectif, sont déployés sur un échelon seulement. Les composantes du 3ème corps mécanisé sont disposées de telle façon que seuls des chars sont engagés contre les Allemands sur cet axe. Le 22 juin, les Panzerdivisionen avancent particulièrement vite. Les contre-attaques blindées soviétiques n'interviennent qu'en fin de journée le 23 juin, avec un paroxysme deux jours plus tard, avec des combats acharnés à Raisenai notamment. Les corps mécanisés, qui ont perdu jusqu'à 90% de leur effectif, retraitent dès le 26 juin. Les pertes en officiers sont aussi particulièrement lourdes.
Côté allemand, deux anciens officiers de la 6. Panzerdivision, le général von Kielmansegg et le colonel Ritgen, offrent leurs témoignages sur l'axe de Siaulai. Pour le premier, la 6. Panzerdivision a subi le gros des contre-attaques soviétiques tandis que le corps blindé de Manstein, lui, fonce tranquillement sur la Dvina. Il accuse d'ailleurs Manstein d'être partial dans ses mémoires de guerre... il souligne aussi le manque de renseignements qui conditionne le plan d'attaque. Ritgen rappelle que la 6. Panzerdivision est relativement mal lotie au niveau de l'équipement blindé, en particulier (chars tchécoslovaques Pz 35 (t) ). Les deux officiers racontent la dureté des contre-attaques soviétiques de chars à Raisenai, avec notamment un début de panique face aux monstrueux chars KV. Anecdote que l'on retrouvera souvent dans les témoignages allemands du livre : la mutilation des cadavres de prisonniers exécutés ou de soldats allemands encerclés et tués par les Soviétiques. Un leitmotiv trop présent pour être complètement honnête...
Le général von Plato et le colonel Stoves présente quant à eux l'engagement de la 1. Panzerdivision, au sein du XLI. Panzerkorps. Cette division est stationnée en Prusse Orientale dès septembre 1940. Elle cède certaines unités pour former de nouvelles Panzerdivisionen, mais reçoit en complément, en mars 1941, des canons antichars de 50 mm, des véhicules blindés de transport de troupes, etc. Pour le 22 juin, la division avance avec 3 groupes de combat interarmes. La division avance mais reconnaît déjà la ténacité du soldat soviétique. Les chars ont du mal à combattre de nuit, vu les carences matérielles de l'époque, alors que l'Armée Rouge conduit nombre de contre-attaques nocturnes. Venue aider la 6. Panzerdivision, la 1. Panzerdivision se heurte également aux chars KV-1 et 2, qui constituent une grande surprise. Le colonel Stoves souligne aussi que la Luftwaffe a été singulièrement absente au-dessus de sa division, y compris après l'exploitation et la réorganisation de l'unité en deux colonnes de marche après le 26 juin. Von Plato explique que le renseignement allemand était meilleur au nord, en raison de la présence des pays baltes récemment occupés par l'URSS, mais loin d'être parfait. Le déploiement des deux corps blindés au nord a été chaotique dans la nuit du 21 au 22 juin, et la consommation d'essence tout de suite plus rapide que prévu.
David Glantz revient ensuite sur l'axe de Vilnius, toujours au nord, où les Allemands disposent des renseignements les plus complets, ayant quasiment identifié toutes les formations soviétiques présentes sur et près de la frontière. Les Allemands brisent d'ailleurs rapidement le dispositif de l'Armée Rouge, pourtant davantage établi en profondeur que sur l'axe précédent. Dès le 23 juin, les pointes blindées allemandes foncent pour former l'encerclement nord de la poche autour de Minsk ; le 26, le 3ème corps mécanisé est déjà quasiment anéanti. De nombreux commandants de divisions de fusiliers ou de divisions de chars périssent dans les combats.
Côté allemand, on a ici les témoignages du général Ohrloff et du colonel Rothe, qui ont servi tous les deux dans la 7. Panzerdivision, XXXIX. Panzerkorps, Panzergruppe 3. A partir de février 1941, cette division multiplie les entraînements spécifiques (combat interarmes, de nuit, etc), qui lui seront précieux au début de l'opération. Les deux témoins expliquent que la division a connaissance de certaines informations sur les unités blindées adverses : les chars soviétiques ont peu de radio, l'infanterie n'est pas mécanisée. En revanche, ils ignorent tout des nouveaux modèles de chars. Dès le 22 juin, la division se heurte à forte partie : les Soviétiques se font tuer sur place. De violents combats de chars ont lieu près d'Alytus. La division s'empare néanmoins de Vilna. Elle se déplace ensuite pour former la pince nord de l'encerclement autour de Minsk.
Glantz passe alors à l'étude du centre du front, avec l'axe Bialystok-Minsk. Ici, les Allemands sont moins renseignés, chose que l'on retrouvera souvent : ils surestiment les unités de fusiliers et de cavalerie et sous-estiment les formations mécanisées. En réalité, le dispositif de l'Armée Rouge est plus en profondeur que ce que pensent les Allemands. Mais les corps mécanisés sont très dispersés, encore une fois. Les Soviétiques ont prévu une contre-attaque blindée autour de Grodno, dans le secteur où la Prusse Orientale s'avance un peu en URSS. Le 22 juin, le Panzergruppe 2 au sud, avance rapidement, tandis que le Panzergruppe 3 pousse au nord comme nous l'avons vu. La contre-attaque prévue avec les 6ème et 11ème corps mécanisés, voulue par Pavlov, échoue complètement. Tandis que les Soviétiques tentent de monter des contre-attaques au nord, leur ligne s'effondre au sud. La poche de Bialystok-Minsk se forme dès le 26 juin, date où l'ordre de retraite remplace enfin celui des contre-attaques. Le 29 juin, les Allemands entrent à Minsk, et le 1er juillet, les restes de 3ème, 4ème et 10ème armées soviétiques sont prises au piège dans la nasse. Mais la Wehrmacht ne parvient pas à liquider toutes ces troupes encerclées, dont certaines formeront plus tard des détachements de partisans.
Le général Lemm, qui a servi dans la 12. Infanterie Division, donne le point de vue allemand sur cet axe. Sa division, pourtant à plein effectif, n'est arrivée qu'en juin 1941 dans le secteur d'attaque. Elle a peu de renseignements sur l'adversaire et le terrain. La 12 I.D. se heurte dès le 22 juin à des complexes de fortifications de campagne. Lemm explique que le soldat soviétique est brave, sait se retrancher, que l'armement est correct, mais que le commandement est faible, que les non-Russes se rendent plus facilement, et que leur logistique est défaillante -ce qui est compensé par d'autres facteurs. Les Allemands perdent beaucoup de chevaux ; le terrain est marécageux ; l'approvisionnement est interrompu. Pour avancer, il faut former des groupes spéciaux motorisés.
Le colonel Durrwanger témoigne également pour le cas de la 28. I.D. . D'après lui, l'invasion de la Russie ne provoque pas l'enthousiasme dans la troupe, consciente de la difficulté ; mais il faut faire son "devoir" de soldat allemand (sic)... La division se heurte elle aussi à des fortifications de campagne défendues jusqu'à la mort. Durrwanger constate aussi que des Soviétiques sont encore présents sur les arrières de la division même quand elle a avancé... et explique que les cas sont nombreux de tirs dans le dos ou de blessés se sacrifiant avec des grenades quand ils sont approchés (de la cruauté allemande, il n'est jamais question). Il insiste également beaucoup sur l'Auftragstaktik, le système de commandement allemand qui favorise l'initiative des subalternes après formulation d'un ordre -sans en montrer les défauts, évidemment.
Le colonel Zobel évoque quant à lui la 3. Panzerdivision. L'unité franchit le Bug le 22 juin, et forme un groupe spécial, des fantassins avec motocyclistes et des sapeurs sur chars, pour éclairer la marche. Il raconte que les échelons arrières ont subi de lourdes pertes de la part des formations soviétiques dépassées, et que l'aviation rouge a également été très présente. La division doit s'arrêter deux jours sur la Bérézina. Elle prend Bobruisk par surprise. Néanmoins, l'infanterie à pied n'arrive pas à suivre le rythme des Panzer, ce qui finit par poser problème. L'aviation soviétique est toujours très active malgré de lourdes pertes, et l'intendance allemande connaît des ratés.
Glantz présente ensuite l'axe Lutsk-Rovno, au sud, là où les contre-attaques blindées soviétiques ont été les plus fructueuses, car le dispositif était plus puissant et échelonné en profondeur. Là encore, les Allemands voient plus d'unité d'infanterie et de cavalerie que de formations mécanisées. Certains corps en réserve se trouvent sur l'emplacement de l'ancienne ligne Staline. Glantz s'intéresse en particulier aux combats autour de Vladimir Volinsky et de Dubno, les deux axes de pénétration allemands. Le 22 juin, les défenseurs frontaliers sont surpris, mais l'Armée Rouge fait monter en ligne ses brigades antichars. Les corps mécanisés soviétiques qui se déplacent pour contre-attaquer sont pilonnés par la Luftwaffe, quand leurs chars ne s'enlisent pas dans les marécages. Les 24-25 juin, une bataille de chars se développe autour de Dubno. Après ces combats de rencontre, la contre-attaque soviétique démarre véritablement le 26. La bataille dure plusieurs jours, mais dès le 1er juillet, les corps mécanisés soviétiques, décimés, se replient. Ils ont freiné l'avance allemande, mais en supériorité numérique, face au Panzergruppe le plus faible, et au prix de lourdes pertes.
Les généraux Thilo, Guderian, von Hopffgarten, Lingenthal offrent le point de vue allemand. Thilo servait dans l'état-major de l'OKH. La manoeuvre au sud, conçue par Halder, prévoyait au départ un enveloppement à partir des bases de départ polonaises et roumaines. Hitler impose un axe principal sur Lublin-Kiev. Thilo concède que les Soviétiques sont mieux commandés au sud ; après la bataille des frontières, ils se retirent sur la ligne Staline et lance de vigoureuses contre-attaques contre les pointes allemandes. Les pertes allemandes sont conséquentes. Guderian sert au III. Panzer Korps. L'entraînement a été intensif mais les nouveaux modèles de chars soviétiques sont inconnus. Guderian évoque lui aussi les commissaires soviétiques tirant dans le dos des troupes allemandes ou la mutilation de cadavres (!), un véritable poncif donc. Hopffgarten et Liegenthal ont servi dans la 11. Panzerdivision. Le premier raconte le parcours de son bataillon motocycliste, lequel a reçu du nouveau personnel à l'automne 1940 qu'il a fallu amalgamer. Le bataillon s'entraîne à être déployé en avant et à combattre avec les chars. Le bataillon assiste aux contre-attaques russes, soutenues par l'aviation. Plus tard, il s'empare de la ville de Berditchev. Le bataillon n'a pas rencontré de chars russes modernes. En revanche, le témoin reconnaît lui aussi la valeur du soldat soviétique. Liegenthal revient quant à lui sur la première rencontre avec le T-34, près de Radziechov, le 23 juin. Il souligne que la division était bien fournie en reconnaissance aérienne, en soutien aérien rapproché et en ravitaillement.
Macksey expose ensuite l'opération sur Smolensk, entre les 7 juillet et 7 août 1941. Bien que les Allemands aient temporairement gagné la supériorité aérienne, leur avance est ralentie par l'état des routes et une logistique défaillante. D'ailleurs, la consommation de pétrole est plus importante que prévu. Les Panzergruppe 2 et 3 ont bien du mal à boucler la poche de Smolensk.
Dieter Ose fournit son point de vue sur cette opération. Hitler choisit finalement d'écarter l'option de Moscou à la fin août, privilégiant les deux ailes. D'après lui, ce serait dû à un retard dans la prise de connaissance du changement d'attitude du Japon, qui abandonne alors toute idée d'attaque de l'URSS en Extrême-Orient. Ose croit également que la décision d'Hitler a été fatale à Barbarossa.
Jacob Kipp revient sur l'opération vue du côté soviétique, dans sa première phase. Le front concerné s'étale sur 600 km de long et 200 km de profondeur au moins. C'est alors le plus vaste de la campagne. Elle se joue à flancs ouverts, alors que les Allemands regroupent les deux axes ayant contourné les marais du Pripet dans la première phase. La bataille se joue sur le pont terrestre entre Dvina et Dniepr, avec Smolensk au centre-nord de l'ensemble. C'est la porte d'entrée de Moscou. L'infanterie et les Panzer allemands sont largement dissociés. Côté soviétique, c'est le deuxième échelon stratégique qui se retrouve en première ligne. Le 7 juillet, les Allemands sont sur la Dvina. Une contre-attaque soviétique échoue devant Vitebsk. Le Panzergruppe 2 franchit le Dniepr au nord et au sud de Moghilev, où les Soviétiques vont organiser une résistance farouche, que Lukin, commandant de la 16ème armée, essaie de reproduire à Smolensk. Mais les Allemands franchissent rapidement la barrière du Dniepr.
Rothe et Ohrloff reviennent sur les opérations de la 7. Panzerdivision. Ohrloff raconte la reprise du village de Senno, où une première attaque de chars sans soutien d'infanterie échoue. Zobel expose quant à lui le parcours de la 3. Panzerdivision. Regroupée avec la 4. Panzerdivision dans le XXIV. Panzerkorps, l'unité doit venir en aide à la 10. I.D. (mot.), contre-attaquée par les Soviétiques à Slobin (nuit du 6 juillet), près du Dniepr. Elle y laisse un certain nombre de chars détruits. Le choc est grand : l'Armée Rouge a monté une manoeuvre opérative de nuit à l'échelle de la division, et les T-34 ont montré leur pouvoir de destruction. L'assaut au sud de Moghilev est également difficile devant la résistance orchestrée par les Soviétiques. Les tankistes allemands sont épuisés. Le général Koch-Erpach décrit les opérations de la 4. Panzerdivision. Il commandait une compagnie d'infanterie mécanisée. Il note les combats particulièrement durs pour la prise de l'aérodrome de Baranovice le 27 juin, puis décrit plus tard un engagement contre un train blindé. Lui aussi reprend le thème des cadavres allemands mutilés. La défense soviétique au sud de Mogilev, au moment du franchissement du Dniepr, s'avère coriace. Les pertes allemandes sont lourdes. Les Allemands renvoient les prisonniers à l'arrière quasiment sans escorte, et beaucoup en profitent pour s'évader dans la nature, et être à l'origine plus tard de groupes de partisans.
J. Kipp détaille ensuite la deuxième phase de la bataille de Smolensk (20 juillet-7 août). Tandis que la 16ème armée de Lukin est encerclée dans la ville, les Soviétiques montent une contre-attaque avec des groupes ad hoc, mais qui n'avancent pas de manière coordonnée faute de planification aboutie et sont aussi pilonnés par la Luftwaffe. Le groupe Kachalov cherche à encercler le régiment Grossdeutschland, au départ mal soutenu par la 18. Panzerdivision. Alors que la poche à l'ouest de Smolensk se referme, Lukin parvient à faire sortir des unités par le corridor existant à l'est. Au même moment, Joukov est limogé de son poste de chef d'état-major de l'Armée Rouge pour avoir osé évoquer l'abandon de Kiev, à la fureur de Staline. Au 29 juillet, la poche est refermée et les Allemands se permettent une pause d'une dizaine de jours, pour souffler. Halder compte déjà 150 000 blessés dans l'armée allemande. L'Armée Rouge, qui mène une guerre d'annihilation, use au prix du sang le fer de lance de la Wehrmacht.
Le colonel Zobel évoque l'engagement de la 3. Panzerdivision dans la bataille de Smolensk. Durrwanger, de la 28. I.D., pense que les carences soviétiques en termes de tactique sont dues aux purges, au manque d'entraînement au combat interarmes et à la confusion provoquée par les batailles initiales. Il souligne aussi que les Allemands manquent de cartes. Surtout, il s'attarde sur les fameux Soviétiques blessés emportant dans la mort les Allemands qui approchent, qui se suicident, etc. Il dit aussi qu'en URSS, le niveau de combat interarmes standard dans sa division est descendu au bataillon.
Le colonel Glantz se charge de la conclusion pour le côté soviétique. L'avantage, au départ, est clairement aux Allemands ; il est renforcé par les lacunes et défaillances du côté soviétique. Les Allemands profitent du mauvais déploiement soviétique et de l'engagement au coup par coup des armées mobilisées. En revanche, l'incapacité à triompher montre que l'Allemagne ne s'est pas engagée dans le même type de guerre que les Soviétiques. Les Allemands ne peuvent venir à bout de tous les échelons de forces stratégiques de l'Armée Rouge -ils ne le peuvent tout simplement pas, faute de moyens. Sur le plan opératif, aux carences d'un commandement mal formé et inexpérimenté, s'ajoutent des manques en termes défensifs : pas de profondeur, de faibles fortifications de campagne, des chars utilisés en soutien d'infanterie seulement. Mais dès le mois de juillet, les Soviétiques redécoupent leurs forces en unités plus petites, pour mieux manoeuvrer ; la direction globale s'améliore avec la réorganisation des fronts ; les officiers s'aguerissent dans la défaite. La mobilisation totale commence dès l'été 1941. Les bases sont jetées pour de futurs succès au niveau opératif.
Côté allemand, c'est le général Niepold qui conclut. Il explique que les Allemands ont bien mieux manoeuvré en 1941 que les Soviétiques, sur terre comme dans les airs. D'après lui, les états-majors de l'OTAN de l'époque sont trop pléthoriques par rapport à ceux de la Wehrmacht (!). J. Kipp rappelle que pour les Soviétiques, le concept de la phase initiale de la guerre, la seule à pouvoir être préparée du temps de paix, existe dant l'entre-guerres, mais disparaît ensuite jusqu'aux années 1950. Ce n'est qu'avec l'ère nucléaire que l'Armée Rouge y revient. Elle insiste sur la durée de plus en plus courte de la période, la préparation des forces, favorisant le terme "d'opération éclair" dont les modèles sont la Mandchourie en 1945 ou Iassy-Kichinev en 1944. C'est que pour les Soviétiques, toute opération a une dimension politique.
L'ouvrage se termine par des interventions de généraux de l'OTAN sur les leçons à tirer de la phase initiale de Barbarossa pour un possible conflit en Europe contre les Soviétiques. Le symposium représente au final une source considérable. Aux exposés des historiens anglo-saxons plutôt spécialisés sur le côté soviétique s'ajoutent les précieux témoignages allemands. Néanmoins, le livre reste très cantonné, mais c'est l'objectif, dans la sphère militaire. Il est peu question ici des données politiques, économiques et sociales, ou culturelles. Sur certains points, il est maintenant dépassé par la recherche la plus récente, en particulier depuis une vingtaine d'années. Surtout, les historiens américains qui redécouvrent l'art opératif à l'époque, depuis quelques années, semblent pour certains idéaliser quelque peu les théories de l'Armée Rouge dans l'entre-deux-guerres et leur application, problématique. Défaut moins grave cependant que ces témoins allemands livrant un récit brut, non critique, alors qu'il oublie sciemment la collaboration avec le nazime pour "charger"à outrance l'adversaire soviétique. C'est peut-être là que le bât blesse un peu. Néanmoins, l'ensemble reste une somme appréciable pour analyser plus en profondeur la phase initiale des opérations sur le front de l'est.
Jacob Kipp, autre historien anglo-saxon, revient sur la planification de guerre des Soviétiques. Sujet controversé. Les Russes, dès avant la Grande Guerre, sont conscients de la taille de leur territoire, de leur faible potentiel en chemin de fer et de la taille énorme de leurs forces, qui fait de la mobilisation une course au déploiement. Ils pensent avoir trouvé une "formule magique" qui s'avère en réalité limitée pendant le conflit. Durant la Grande Guerre, Ismestev formule l'idée selon laquelle le plan de mobilisation doit être réadapté après le déclenchement du conflit pour tenir compte de la "friction". L'Armée Rouge voit naître des théoriciens qui divergent sur la mobilisation mais qui reconnaissent tous qu'elle doit être totale. Certains, comme Toukhatchevsky, pensent déjà à une menace venant d'Allemagne ou des principales puissances occidentales. A partir de 1937, l'Armée Rouge réoriente son dispositif pour deux fronts : le plan quinquennal de 1938-1942 prévoit la naissance de nouveaux matériels blindés et aériens, à la lumière de l'expérience espagnole, qui seront ceux neufs de 1941. Si l'Armée Rouge remporte des succès contre le Japon, annexe les pays baltes, elle est à la peine en Finlande, ce qui entraîne une réorganisation sous l'égide de Timoshenko. La réorganisation est faite dans l'urgence, comme le montre les wargames de décembre 1940-janvier 1941, et la décision de créer 9 (!) corps mécanisés supplémentaires. Les Soviétiques ont bien envisagé une guerre longue, mais ont sous-estimé l'impact qu'aurait le déploiement allemand sur leurs propres forces. Le premier échelon, relativement isolé en avant, est ainsi mal placé pour effectuer sa mission.
Kenneth Macksey, ancien officier et historien britannique, présente l'armée allemande en 1941. Il insiste probablement un peu trop sur le rôle de Guderian et l'aspect "novateur" de la réorganisation de l'armée allemande sous la Reichswehr autour du char (voire encore le livre de M. Habeck). En revanche, il est vrai que la Wehrmacht dispose de moyens de communication, de reconnaissance et d'un soutien aérien rapproché alors sans équivalent du côté soviétique. Macksey souligne cependant que les Panzerdivisionen ont été coupées en deux, en 1940, pour en augmenter le nombre. En outre, les Allemands sont mal renseignés sur l'URSS, n'ont pas de cartes, le terrain est peu connu et le système logistique se dégrade très vite, comme celui de la maintenance des véhicules.
Le général Niepold, ancien officier de la 12. Panzerdivision et bien connu pour avoir écrit un ouvrage sur l'opération Bagration vue du côté allemand (une des sources du livre éponyme de J. Lopez), présente quant à lui la planification allemande. Contrairement à ce qu'il dit ici, on sait aujourd'hui (voir le livre de D. Stahel) que le général Marcks ébauche son plan d'invasion avant même qu'Hitler en formule la demande, en juillet 1940. Hitler, cependant, plutôt que les batailles d'anéantissement près de la frontière, songe plus à des encerclements vers le nord et le sud, suivant l'autre plan, celui de l'OKW préparé par von Lossberg. Ce différend est à la base de l'affrontement entre Halder, qui privilégie Moscou et l'axe central, et le Führer, déjà plus sensible aux richesses de l'Ukraine et au symbole que constitue Léningrad. Le noeud ne sera tranché qu'à la fin août 1941. Niepold reconnaît lui-même que la faute n'est pas imputable à Hitler, car pour lui prendre Moscou n'aurait rien changé : en revanche il souligne que l'absence de stratégie et les revirements successifs ont pénalisé l'armée allemande.
L'ouvrage prend ensuite un plan géographique, balayant les 3 fronts principaux du nord au sud, découpant parfois par axe principal. C'est le cas au nord où David Glantz traite, là encore plutôt du côté soviétique, des forces en présence sur l'axe de Siauliai, impliquant le 12ème corps mécanisé et une division du 3ème corps mécanisé. Les Allemands ont bien identifié les forces qui leur font face dans ce secteur, car ils disposent dans les pays baltes d'un renseignement humain plus fourni. Les divisions de fusiliers, à environ 60% de leur effectif, sont déployés sur un échelon seulement. Les composantes du 3ème corps mécanisé sont disposées de telle façon que seuls des chars sont engagés contre les Allemands sur cet axe. Le 22 juin, les Panzerdivisionen avancent particulièrement vite. Les contre-attaques blindées soviétiques n'interviennent qu'en fin de journée le 23 juin, avec un paroxysme deux jours plus tard, avec des combats acharnés à Raisenai notamment. Les corps mécanisés, qui ont perdu jusqu'à 90% de leur effectif, retraitent dès le 26 juin. Les pertes en officiers sont aussi particulièrement lourdes.
Côté allemand, deux anciens officiers de la 6. Panzerdivision, le général von Kielmansegg et le colonel Ritgen, offrent leurs témoignages sur l'axe de Siaulai. Pour le premier, la 6. Panzerdivision a subi le gros des contre-attaques soviétiques tandis que le corps blindé de Manstein, lui, fonce tranquillement sur la Dvina. Il accuse d'ailleurs Manstein d'être partial dans ses mémoires de guerre... il souligne aussi le manque de renseignements qui conditionne le plan d'attaque. Ritgen rappelle que la 6. Panzerdivision est relativement mal lotie au niveau de l'équipement blindé, en particulier (chars tchécoslovaques Pz 35 (t) ). Les deux officiers racontent la dureté des contre-attaques soviétiques de chars à Raisenai, avec notamment un début de panique face aux monstrueux chars KV. Anecdote que l'on retrouvera souvent dans les témoignages allemands du livre : la mutilation des cadavres de prisonniers exécutés ou de soldats allemands encerclés et tués par les Soviétiques. Un leitmotiv trop présent pour être complètement honnête...
Le général von Plato et le colonel Stoves présente quant à eux l'engagement de la 1. Panzerdivision, au sein du XLI. Panzerkorps. Cette division est stationnée en Prusse Orientale dès septembre 1940. Elle cède certaines unités pour former de nouvelles Panzerdivisionen, mais reçoit en complément, en mars 1941, des canons antichars de 50 mm, des véhicules blindés de transport de troupes, etc. Pour le 22 juin, la division avance avec 3 groupes de combat interarmes. La division avance mais reconnaît déjà la ténacité du soldat soviétique. Les chars ont du mal à combattre de nuit, vu les carences matérielles de l'époque, alors que l'Armée Rouge conduit nombre de contre-attaques nocturnes. Venue aider la 6. Panzerdivision, la 1. Panzerdivision se heurte également aux chars KV-1 et 2, qui constituent une grande surprise. Le colonel Stoves souligne aussi que la Luftwaffe a été singulièrement absente au-dessus de sa division, y compris après l'exploitation et la réorganisation de l'unité en deux colonnes de marche après le 26 juin. Von Plato explique que le renseignement allemand était meilleur au nord, en raison de la présence des pays baltes récemment occupés par l'URSS, mais loin d'être parfait. Le déploiement des deux corps blindés au nord a été chaotique dans la nuit du 21 au 22 juin, et la consommation d'essence tout de suite plus rapide que prévu.
David Glantz revient ensuite sur l'axe de Vilnius, toujours au nord, où les Allemands disposent des renseignements les plus complets, ayant quasiment identifié toutes les formations soviétiques présentes sur et près de la frontière. Les Allemands brisent d'ailleurs rapidement le dispositif de l'Armée Rouge, pourtant davantage établi en profondeur que sur l'axe précédent. Dès le 23 juin, les pointes blindées allemandes foncent pour former l'encerclement nord de la poche autour de Minsk ; le 26, le 3ème corps mécanisé est déjà quasiment anéanti. De nombreux commandants de divisions de fusiliers ou de divisions de chars périssent dans les combats.
Côté allemand, on a ici les témoignages du général Ohrloff et du colonel Rothe, qui ont servi tous les deux dans la 7. Panzerdivision, XXXIX. Panzerkorps, Panzergruppe 3. A partir de février 1941, cette division multiplie les entraînements spécifiques (combat interarmes, de nuit, etc), qui lui seront précieux au début de l'opération. Les deux témoins expliquent que la division a connaissance de certaines informations sur les unités blindées adverses : les chars soviétiques ont peu de radio, l'infanterie n'est pas mécanisée. En revanche, ils ignorent tout des nouveaux modèles de chars. Dès le 22 juin, la division se heurte à forte partie : les Soviétiques se font tuer sur place. De violents combats de chars ont lieu près d'Alytus. La division s'empare néanmoins de Vilna. Elle se déplace ensuite pour former la pince nord de l'encerclement autour de Minsk.
Glantz passe alors à l'étude du centre du front, avec l'axe Bialystok-Minsk. Ici, les Allemands sont moins renseignés, chose que l'on retrouvera souvent : ils surestiment les unités de fusiliers et de cavalerie et sous-estiment les formations mécanisées. En réalité, le dispositif de l'Armée Rouge est plus en profondeur que ce que pensent les Allemands. Mais les corps mécanisés sont très dispersés, encore une fois. Les Soviétiques ont prévu une contre-attaque blindée autour de Grodno, dans le secteur où la Prusse Orientale s'avance un peu en URSS. Le 22 juin, le Panzergruppe 2 au sud, avance rapidement, tandis que le Panzergruppe 3 pousse au nord comme nous l'avons vu. La contre-attaque prévue avec les 6ème et 11ème corps mécanisés, voulue par Pavlov, échoue complètement. Tandis que les Soviétiques tentent de monter des contre-attaques au nord, leur ligne s'effondre au sud. La poche de Bialystok-Minsk se forme dès le 26 juin, date où l'ordre de retraite remplace enfin celui des contre-attaques. Le 29 juin, les Allemands entrent à Minsk, et le 1er juillet, les restes de 3ème, 4ème et 10ème armées soviétiques sont prises au piège dans la nasse. Mais la Wehrmacht ne parvient pas à liquider toutes ces troupes encerclées, dont certaines formeront plus tard des détachements de partisans.
Le général Lemm, qui a servi dans la 12. Infanterie Division, donne le point de vue allemand sur cet axe. Sa division, pourtant à plein effectif, n'est arrivée qu'en juin 1941 dans le secteur d'attaque. Elle a peu de renseignements sur l'adversaire et le terrain. La 12 I.D. se heurte dès le 22 juin à des complexes de fortifications de campagne. Lemm explique que le soldat soviétique est brave, sait se retrancher, que l'armement est correct, mais que le commandement est faible, que les non-Russes se rendent plus facilement, et que leur logistique est défaillante -ce qui est compensé par d'autres facteurs. Les Allemands perdent beaucoup de chevaux ; le terrain est marécageux ; l'approvisionnement est interrompu. Pour avancer, il faut former des groupes spéciaux motorisés.
Le colonel Durrwanger témoigne également pour le cas de la 28. I.D. . D'après lui, l'invasion de la Russie ne provoque pas l'enthousiasme dans la troupe, consciente de la difficulté ; mais il faut faire son "devoir" de soldat allemand (sic)... La division se heurte elle aussi à des fortifications de campagne défendues jusqu'à la mort. Durrwanger constate aussi que des Soviétiques sont encore présents sur les arrières de la division même quand elle a avancé... et explique que les cas sont nombreux de tirs dans le dos ou de blessés se sacrifiant avec des grenades quand ils sont approchés (de la cruauté allemande, il n'est jamais question). Il insiste également beaucoup sur l'Auftragstaktik, le système de commandement allemand qui favorise l'initiative des subalternes après formulation d'un ordre -sans en montrer les défauts, évidemment.
Le colonel Zobel évoque quant à lui la 3. Panzerdivision. L'unité franchit le Bug le 22 juin, et forme un groupe spécial, des fantassins avec motocyclistes et des sapeurs sur chars, pour éclairer la marche. Il raconte que les échelons arrières ont subi de lourdes pertes de la part des formations soviétiques dépassées, et que l'aviation rouge a également été très présente. La division doit s'arrêter deux jours sur la Bérézina. Elle prend Bobruisk par surprise. Néanmoins, l'infanterie à pied n'arrive pas à suivre le rythme des Panzer, ce qui finit par poser problème. L'aviation soviétique est toujours très active malgré de lourdes pertes, et l'intendance allemande connaît des ratés.
Glantz présente ensuite l'axe Lutsk-Rovno, au sud, là où les contre-attaques blindées soviétiques ont été les plus fructueuses, car le dispositif était plus puissant et échelonné en profondeur. Là encore, les Allemands voient plus d'unité d'infanterie et de cavalerie que de formations mécanisées. Certains corps en réserve se trouvent sur l'emplacement de l'ancienne ligne Staline. Glantz s'intéresse en particulier aux combats autour de Vladimir Volinsky et de Dubno, les deux axes de pénétration allemands. Le 22 juin, les défenseurs frontaliers sont surpris, mais l'Armée Rouge fait monter en ligne ses brigades antichars. Les corps mécanisés soviétiques qui se déplacent pour contre-attaquer sont pilonnés par la Luftwaffe, quand leurs chars ne s'enlisent pas dans les marécages. Les 24-25 juin, une bataille de chars se développe autour de Dubno. Après ces combats de rencontre, la contre-attaque soviétique démarre véritablement le 26. La bataille dure plusieurs jours, mais dès le 1er juillet, les corps mécanisés soviétiques, décimés, se replient. Ils ont freiné l'avance allemande, mais en supériorité numérique, face au Panzergruppe le plus faible, et au prix de lourdes pertes.
Les généraux Thilo, Guderian, von Hopffgarten, Lingenthal offrent le point de vue allemand. Thilo servait dans l'état-major de l'OKH. La manoeuvre au sud, conçue par Halder, prévoyait au départ un enveloppement à partir des bases de départ polonaises et roumaines. Hitler impose un axe principal sur Lublin-Kiev. Thilo concède que les Soviétiques sont mieux commandés au sud ; après la bataille des frontières, ils se retirent sur la ligne Staline et lance de vigoureuses contre-attaques contre les pointes allemandes. Les pertes allemandes sont conséquentes. Guderian sert au III. Panzer Korps. L'entraînement a été intensif mais les nouveaux modèles de chars soviétiques sont inconnus. Guderian évoque lui aussi les commissaires soviétiques tirant dans le dos des troupes allemandes ou la mutilation de cadavres (!), un véritable poncif donc. Hopffgarten et Liegenthal ont servi dans la 11. Panzerdivision. Le premier raconte le parcours de son bataillon motocycliste, lequel a reçu du nouveau personnel à l'automne 1940 qu'il a fallu amalgamer. Le bataillon s'entraîne à être déployé en avant et à combattre avec les chars. Le bataillon assiste aux contre-attaques russes, soutenues par l'aviation. Plus tard, il s'empare de la ville de Berditchev. Le bataillon n'a pas rencontré de chars russes modernes. En revanche, le témoin reconnaît lui aussi la valeur du soldat soviétique. Liegenthal revient quant à lui sur la première rencontre avec le T-34, près de Radziechov, le 23 juin. Il souligne que la division était bien fournie en reconnaissance aérienne, en soutien aérien rapproché et en ravitaillement.
Macksey expose ensuite l'opération sur Smolensk, entre les 7 juillet et 7 août 1941. Bien que les Allemands aient temporairement gagné la supériorité aérienne, leur avance est ralentie par l'état des routes et une logistique défaillante. D'ailleurs, la consommation de pétrole est plus importante que prévu. Les Panzergruppe 2 et 3 ont bien du mal à boucler la poche de Smolensk.
Dieter Ose fournit son point de vue sur cette opération. Hitler choisit finalement d'écarter l'option de Moscou à la fin août, privilégiant les deux ailes. D'après lui, ce serait dû à un retard dans la prise de connaissance du changement d'attitude du Japon, qui abandonne alors toute idée d'attaque de l'URSS en Extrême-Orient. Ose croit également que la décision d'Hitler a été fatale à Barbarossa.
Jacob Kipp revient sur l'opération vue du côté soviétique, dans sa première phase. Le front concerné s'étale sur 600 km de long et 200 km de profondeur au moins. C'est alors le plus vaste de la campagne. Elle se joue à flancs ouverts, alors que les Allemands regroupent les deux axes ayant contourné les marais du Pripet dans la première phase. La bataille se joue sur le pont terrestre entre Dvina et Dniepr, avec Smolensk au centre-nord de l'ensemble. C'est la porte d'entrée de Moscou. L'infanterie et les Panzer allemands sont largement dissociés. Côté soviétique, c'est le deuxième échelon stratégique qui se retrouve en première ligne. Le 7 juillet, les Allemands sont sur la Dvina. Une contre-attaque soviétique échoue devant Vitebsk. Le Panzergruppe 2 franchit le Dniepr au nord et au sud de Moghilev, où les Soviétiques vont organiser une résistance farouche, que Lukin, commandant de la 16ème armée, essaie de reproduire à Smolensk. Mais les Allemands franchissent rapidement la barrière du Dniepr.
Rothe et Ohrloff reviennent sur les opérations de la 7. Panzerdivision. Ohrloff raconte la reprise du village de Senno, où une première attaque de chars sans soutien d'infanterie échoue. Zobel expose quant à lui le parcours de la 3. Panzerdivision. Regroupée avec la 4. Panzerdivision dans le XXIV. Panzerkorps, l'unité doit venir en aide à la 10. I.D. (mot.), contre-attaquée par les Soviétiques à Slobin (nuit du 6 juillet), près du Dniepr. Elle y laisse un certain nombre de chars détruits. Le choc est grand : l'Armée Rouge a monté une manoeuvre opérative de nuit à l'échelle de la division, et les T-34 ont montré leur pouvoir de destruction. L'assaut au sud de Moghilev est également difficile devant la résistance orchestrée par les Soviétiques. Les tankistes allemands sont épuisés. Le général Koch-Erpach décrit les opérations de la 4. Panzerdivision. Il commandait une compagnie d'infanterie mécanisée. Il note les combats particulièrement durs pour la prise de l'aérodrome de Baranovice le 27 juin, puis décrit plus tard un engagement contre un train blindé. Lui aussi reprend le thème des cadavres allemands mutilés. La défense soviétique au sud de Mogilev, au moment du franchissement du Dniepr, s'avère coriace. Les pertes allemandes sont lourdes. Les Allemands renvoient les prisonniers à l'arrière quasiment sans escorte, et beaucoup en profitent pour s'évader dans la nature, et être à l'origine plus tard de groupes de partisans.
J. Kipp détaille ensuite la deuxième phase de la bataille de Smolensk (20 juillet-7 août). Tandis que la 16ème armée de Lukin est encerclée dans la ville, les Soviétiques montent une contre-attaque avec des groupes ad hoc, mais qui n'avancent pas de manière coordonnée faute de planification aboutie et sont aussi pilonnés par la Luftwaffe. Le groupe Kachalov cherche à encercler le régiment Grossdeutschland, au départ mal soutenu par la 18. Panzerdivision. Alors que la poche à l'ouest de Smolensk se referme, Lukin parvient à faire sortir des unités par le corridor existant à l'est. Au même moment, Joukov est limogé de son poste de chef d'état-major de l'Armée Rouge pour avoir osé évoquer l'abandon de Kiev, à la fureur de Staline. Au 29 juillet, la poche est refermée et les Allemands se permettent une pause d'une dizaine de jours, pour souffler. Halder compte déjà 150 000 blessés dans l'armée allemande. L'Armée Rouge, qui mène une guerre d'annihilation, use au prix du sang le fer de lance de la Wehrmacht.
Le colonel Zobel évoque l'engagement de la 3. Panzerdivision dans la bataille de Smolensk. Durrwanger, de la 28. I.D., pense que les carences soviétiques en termes de tactique sont dues aux purges, au manque d'entraînement au combat interarmes et à la confusion provoquée par les batailles initiales. Il souligne aussi que les Allemands manquent de cartes. Surtout, il s'attarde sur les fameux Soviétiques blessés emportant dans la mort les Allemands qui approchent, qui se suicident, etc. Il dit aussi qu'en URSS, le niveau de combat interarmes standard dans sa division est descendu au bataillon.
Le colonel Glantz se charge de la conclusion pour le côté soviétique. L'avantage, au départ, est clairement aux Allemands ; il est renforcé par les lacunes et défaillances du côté soviétique. Les Allemands profitent du mauvais déploiement soviétique et de l'engagement au coup par coup des armées mobilisées. En revanche, l'incapacité à triompher montre que l'Allemagne ne s'est pas engagée dans le même type de guerre que les Soviétiques. Les Allemands ne peuvent venir à bout de tous les échelons de forces stratégiques de l'Armée Rouge -ils ne le peuvent tout simplement pas, faute de moyens. Sur le plan opératif, aux carences d'un commandement mal formé et inexpérimenté, s'ajoutent des manques en termes défensifs : pas de profondeur, de faibles fortifications de campagne, des chars utilisés en soutien d'infanterie seulement. Mais dès le mois de juillet, les Soviétiques redécoupent leurs forces en unités plus petites, pour mieux manoeuvrer ; la direction globale s'améliore avec la réorganisation des fronts ; les officiers s'aguerissent dans la défaite. La mobilisation totale commence dès l'été 1941. Les bases sont jetées pour de futurs succès au niveau opératif.
Côté allemand, c'est le général Niepold qui conclut. Il explique que les Allemands ont bien mieux manoeuvré en 1941 que les Soviétiques, sur terre comme dans les airs. D'après lui, les états-majors de l'OTAN de l'époque sont trop pléthoriques par rapport à ceux de la Wehrmacht (!). J. Kipp rappelle que pour les Soviétiques, le concept de la phase initiale de la guerre, la seule à pouvoir être préparée du temps de paix, existe dant l'entre-guerres, mais disparaît ensuite jusqu'aux années 1950. Ce n'est qu'avec l'ère nucléaire que l'Armée Rouge y revient. Elle insiste sur la durée de plus en plus courte de la période, la préparation des forces, favorisant le terme "d'opération éclair" dont les modèles sont la Mandchourie en 1945 ou Iassy-Kichinev en 1944. C'est que pour les Soviétiques, toute opération a une dimension politique.
L'ouvrage se termine par des interventions de généraux de l'OTAN sur les leçons à tirer de la phase initiale de Barbarossa pour un possible conflit en Europe contre les Soviétiques. Le symposium représente au final une source considérable. Aux exposés des historiens anglo-saxons plutôt spécialisés sur le côté soviétique s'ajoutent les précieux témoignages allemands. Néanmoins, le livre reste très cantonné, mais c'est l'objectif, dans la sphère militaire. Il est peu question ici des données politiques, économiques et sociales, ou culturelles. Sur certains points, il est maintenant dépassé par la recherche la plus récente, en particulier depuis une vingtaine d'années. Surtout, les historiens américains qui redécouvrent l'art opératif à l'époque, depuis quelques années, semblent pour certains idéaliser quelque peu les théories de l'Armée Rouge dans l'entre-deux-guerres et leur application, problématique. Défaut moins grave cependant que ces témoins allemands livrant un récit brut, non critique, alors qu'il oublie sciemment la collaboration avec le nazime pour "charger"à outrance l'adversaire soviétique. C'est peut-être là que le bât blesse un peu. Néanmoins, l'ensemble reste une somme appréciable pour analyser plus en profondeur la phase initiale des opérations sur le front de l'est.