Le carnet de route du lieutenant Gabriel Britsch, mémorialiste de la mission Foureau-Lamy, a été édité par son fils Jacques, lui-même militaire, et qui a fait partie à partir de 1947 du Centre des Hautes Etudes d'Administration Musulmane. Il sert ensuite en Indochine puis en Algérie, puis devient colonel chef de la délégation française à l'OTASE, à Bangkok.
La marche vers l'intérieur du continent africain ne s'accélère vraiment qu'en 1884-1885, avec la conférence de Berlin. Elle a été retardée, côté français, par le massacre de la mission Flatters dans le sud algérien par les Touaregs, dans les contreforts du Hoggar, en 1881. Côté anglais, c'est le soulèvement mahdiste qui bloque la pénétration pour un temps. Jacques Britsch souligne que la colonisation ne faisait pas l'unanimité en France (p.15), ce qui est exact ; pour autant cela réduit-il à néant la thèse de "pillage du tiers-monde" avancée plus tard ? Même si celle-ci est exagérée, la ponction coloniale, côté français, est évidente sur certains territoires... L'initiative vient souvent de chefs militaires, de commerçants ou missionnaires. Fernand Foureau, un colon du sud algérien, se fixe ainsi pour objectifs de relier l'Algérie au Soudan français, soutenu par le ministère de l'Instruction Publique (sur lequel Jacques Britsch insiste de manière un peu trop prononcée, comme s'il avait des comptes à régler...). Flatters, qui organise successivement deux expéditions avant d'être massacré par les Touaregs, n'avait pas cru bon de se munir d'une escorte armée de poids. Le manque de fonds n'empêche pas Foureau de mener 9 expéditions pour mieux connaître les Touaregs, entre 1884 et 1896. En 1897, la Société de géographie affecte à Foureau un legs de 250 000 francs et le met en contact avec un officier de la Maison militaire du président de la République, le commandant Lamy. La mission d'exploration, aux objectifs définis comme scientifiques, est cette fois dûment escortés par 213 tirailleurs de l'ancien régiment de Lamy, le 1er Tirailleurs algériens, par 50 tirailleurs sahariens, 13 spahis et 2 canons Hotchkiss à 200 coups chacun. La mission comprend 10 officiers et 4 autres civils. La mission Foureau-Lamy doit faire la jonction avec deux autres : la mission Voulet-Chanoine partie du Soudan français, et la mission Gentil qui remonte du Congo. La jonction avec la première doit s'effectuer dans la région de Zinder, et dans le sud de l'actuel Tchad pour la seconde. A partir de ce moment-là, le ministère des Colonies prendrait le relais de l'Instruction publique. Les trois missions accusent en fait un retard d'une année : celle de Foureau-Lamy se heurte à la résistance passive des Touaregs de l'Aïr et perd rapidement son troupeau de chameaux, ce qui l'immobilise plus de 8 mois. Le trajet comprend, il est vrai, 2 000 km (!), dont 1 000 sans oasis. Sur le millier de chameaux rassemblé à Ouargla, au départ, il n'en reste que 585 à Iferouane, la première oasis de l'Aïr. C'est pourquoi le carnet de route insiste chaque jour sur le pâturage et l'abreuvoir des bêtes. Foureau et Lamy tentent de négocier avec les confréries musulmanes, puissantes dans la région. La mission française passe en plus au milieu d'une situation chaotique, où les Touaregs du Hoggar effectuent fréquemment des razzias sur leurs voisins. L'arrière de la mission doit être assuré par un goum de 170 sahariens, commandé par le capitaine Pein, établi à Temassinine. Le goum du commandant Poujat doit suivre Pein, forer des puits, établir un poste à Temassinine. Le début de la mission Foureau-Lamy, le 23 octobre 1898, marque donc la pénétration française au Sahara.
L'avant-propos de J. Britsch est malheureusement un peu léger : outre que la conférence et le congrès de Berlin sont confondus, le nom de l'explorateur allemand Barth devient Bach (!). Le récit du lieutenant Britsch est pourtant passionnant. Outre les démêlés avec les Touaregs, on voit comment la mission perd progressivement ses chameaux car trop chargée, l'arrivée en catastrophe de la mission dans la ville d'Agadès, l'affaire du faux sultan (où les Français prennent pour un sultan un personnage qui n'est qu'un représentant de ce dernier...), le premier départ de la mission d'Agadès qui faillit bien se transformer en catastrophe. La pacification de la région de Tasaoua par les Français est égalementr décrite en détails. Malheureusement le texte comprend, d'après Bernard Lanne, de nombreuses erreurs de noms qui ne sont pas corrigées : mieux aurait valu, parfois, donner les noms actuels.
A la fin du livre, on trouve des annexes, placés sans aucun commentaire, qui racontent l'arrivée de la mission Foureau-Lamy sur le Chari, la destruction de l'empire de Rabah et la mort du commandant Lamy. Ils sont certes intéressants mais les erreurs de noms sont nombreuses. Ce qui manque, ce sont surtout des cartes (il n'y en a aucune !), un index, et un lexique des termes spécialisés utilisés dans le texte. L'édition des carnets du lieutenant Britsch n'a pas été achevée de manière satisfaisante, de ce point de vue. Reste qu'en l'absence d'une histoire véritable de la mission Foureau-Lamy, ce document constitue l'un des rares ouvrages disponibles sur le sujet.