Merci
à M. Yves Cadiou, ancien commandant de la 1ère compagnie, 3ème
RIMa, pour son éclairage personnel sur le conflit.
Entre
1978 et 1987, la Libye du colonel Kadhafi, récemment disparu1
au terme du soulèvement qui précipite la chute de son régime,
intervient par quatre fois au Tchad. Si la Libye s'est impliquée
dans la guerre civile au Tchad avant même la révolution qui porte
au pouvoir Kadhafi en septembre 1969, les interventions militaires du
dictateur visent avant tout à mettre la main sur le territoire
contesté du nord du Tchad, la fameuse bande d'Aouzou. Kadhafi
cherche sans doute à faire du Tchad une « république
islamique », à l'image de la Libye, un état-client qui
pourrait servir de tremplin à ses ambitions en Afrique centrale2.
Pour ce faire, Kadhafi s'appuie sur des mouvements rebelles tchadiens
qui fournissent plus ou moins grâcieusement une infanterie d'appoint
et une force de reconnaissance bien utiles pour une armée libyenne
construite selon un schéma conventionnel. La France, de son côté,
vient à trois reprises au secours des différents gouvernements
tchadiens menacés par des rebelles soutenus par Kadhafi -en 1978, en
1983 et enfin en 1986. Au final, l'armée libyenne, privée de ses
alliés tchadiens, est vaincue par les tactiques mises en oeuvre par
l'armée d'Hissène Habré, utilisant de nouveaux matériels
(automitrailleuses, pick-ups Toyota, missiles antichars MILAN,
missiles sol-air Redeyes). Mobilité stratégique, manoeuvres
tactiques, attaques « en essaim », effet de
surprise, raids en profondeur dans le dispositif adverse, tels ont
été les moyens qui ont permis aux Tchadiens de l'emporter dans ce
que l'on a parfois baptisé la « guerre en Toyota ».
A l'heure de l'intervention française au Mali (opération Serval),
il n'est pas ininteréssant de revenir sur ces opérations qui
rappellent, par certains côtés, celles se déroulant actuellement
aux lisières du Sahel, dans la tradition du rezzou3.
La
Libye, Kadhafi et le Tchad
L'implication
libyenne au Tchad remonte bien avant 1969, année du coup d'Etat de
Kadhafi. En 1965, des rebelles tchadiens créent le FROLINAT4
contre la présidence autoritaire et de plus en plus isolée de
François Tombalbaye5.
En août 1968, les Toubous de la Garde Nationale et Nomade se
mutinent dans l'Aouzou. Les relations entre la Libye et le Tchad sont
anciennes en raison des migrations nomades entre les deux pays, et la
sénoussiya, confrérie de Muhammad al-Sénoussi née au
XIXème siècle en Cyrénaïque, creuset du nationalisme libyen,
avait essaimé au sud, dans le Tibesti, près du lac Tchad et
jusqu'au Darfour pour contrer la conquête de l'Algérie française
et étendre son influence. En outre la Libye a des revendications non
satisfaites sur la partie nord du Tchad qui remontent au temps de la
colonisation italienne. Cependant, le roi Idris Ier6
ne veut pas d'une confrontation avec le pouvoir tchadien soutenu par
la France, et ne fournit pas d'armes aux rebelles, simplement une
aide logistique et un sanctuaire.
Tout
change avec l'arrivée au pouvoir de Kadhafi. Celui-ci revendique
rapidement la bande d'Aouzou, au nord, soit un sixième du Tchad, en
se référant à un traité non ratifié conclu en 1935 entre
l'Italie, qui tient alors la Libye, et la France qui occupe le Tchad.
Kadhafi ne s'embarrasse pas des précautions d'Idris7
et fournit un armement aux rebelles du FROLINAT8.
En 1971, celui-ci lance un coup d'Etat contre Tombalbaye qui manque
de peu de réussir. Le président tchadien, voyant sa position
s'affaiblir, convient alors qu'il doit négocier avec Kadhafi. En
décembre 1972, il accepte l'occupation de la bande d'Aouzou par la
Libye en échange de l'arrêt du soutien au FROLINAT. Six mois plus
tard, les troupes libyennes investissent la région et ses
principales villes, et créent une base aérienne près de l'oasis
d'Aouzou. Pour Kadhafi, l'occupation de la bande d'Aouzou (qui recèle
des richesses supposées en uranium) est aussi le moyen de placer la
Libye comme pôle de puissance régionale, tout en se protégeant au
sud contre l'Egypte avec lesquelles les relations sont au plus mal
depuis 19739.
Un vrai test de puissance pour la Libye, face à la France, l'ancien
colonisateur, qui tente de modérer Kadhafi en augmentant les
échanges commerciaux, y compris militaires, tout en restant très
circonspecte sur l'intervention libyenne au Tchad.
Le
13 avril 1975, Tombalbaye est renversé et tué par l'armée qui
porte au pouvoir le général Félix Malloum. L'un des motifs du coup
d'Etat est la reculade devant la Libye : Malloum dénonce
aussitôt le traité signé par son prédécesseur et reprend le
soutien aux rebelles libyens opérant depuis le Tchad. Kadhafi fait
de même de son côté : les rebelles sont organisés désormais
au sein de la 1ère armée de libération dirigée par Ahmed Acyl,
surtout composée d'Arabes du Tchad, et de la 2ème armée de
libération menée par Goukouni Oueddei et Hissène Habré
(comprenant des Toubous, mais de différents clans, du nord du
Tchad). Cette dernière armée va bientôt se scinder sur la question
du soutien libyen : Habré, qui y est hostile, se dégage du
FROLINAT et opère seul, tandis que Oueddei crée les Forces Armées
Populaires avec le soutien de Tripoli. Kadhafi entame une campagne de
communication laissant entendre qu'il pourrait annexer la bande
d'Aouzou : à la fin de l'année, l'armée libyenne, aux côtés
du FROLINAT, occupe déjà, de fait, le tiers nord du Tchad.
La
première intervention libyenne (1978)
En
1978, l'armée libyenne aide le FROLINAT à passer à une guerre
conventionnelle contre le régime de Malloum et internationalise, en
quelque sorte, le conflit tchadien. En janvier, les forces de
Goukouni, bien ravitaillées en AK-47, en bazookas, en mortiers de 81
et 82 mm et en canons sans recul, occupent le Tibesti, au nord-ouest
du Tchad. Puis le FROLINAT se tourne vers le sud avec le soutien
libyen. Les rebelles fournissent la reconnaissance du terrain et
l'infanterie, Kadhafi les blindés, l'artillerie et l'aviation. En
février, 2 500 rebelles, soutenus par 4 000 Libyens, attaquent la
ville de Faya Largeau, au centre-nord du Tchad. Les 5 000 hommes de
l'armée tchadienne sont rapidement dépassés par la puissance de
feu des chars et des avions libyens : 1 500 défenseurs sont
capturés. Les rebelles tchadiens déploient un armement de plus en
plus sophistiqué, puisqu'ils sont déjà équipés de missiles
sol-air portables SA-7 et de LRM10
BM-16 qui ont joué un rôle important dans la victoire au sol.
Une
force de 800 Libyens reste à Faya Largeau et l'offensive reprend en
avril vers N'Djamena. Malloum demande alors l'aide de la France, qui
dépêche au total 2 200 hommes et des chasseurs-bombardiers
Jaguar11 :
c'est l'opération Tacaud12.
Les Jaguars opèrent en toute impunité car les MiG et Mirage
libyens ont reçu l'ordre de ne pas les affronter directement. Le
régime de Malloum bénéficie donc de la supériorité aérienne.
En outre, les forces françaises reçoivent l'autorisation d'être
engagées dans les combats au sol dès la bataille à Salal (15-25
avril). Dans une série de batailles près de N'Djamena et Ati en mai
et devant Djedaa en juin, les troupes gouvernementales soutenues par
la France repoussent le FROLINAT, qui a perdu 2 000 hommes et un
important matériel, jusque dans la bande d'Aouzou. Les troupes
françaises jouent un rôle important lors des batailles d'Ati13
et de Djedaa : s'ouvre d'ailleurs pour la France, et pour une
armée dont le rôle des unités professionnelles s'amplifie, l'ère
des opérations dites extérieures, et en particulier celles en
milieu désertique.
Malloum
s'entend ensuite, fin 1978, avec Hissène Habré, rapidement nommé
Premier Ministre, qui a bâti une force solide de 2 000 soldats
Toubous. Au sein du FROLINAT, l'échec de 1978 ravive la querelle à
propos du soutien libyen. La 1ère armée de libération (appelée
aussi armée Volcan) y reste favorable, mais n'est pas très
efficace sur le plan militaire. Goukouni, méfiant envers les
intentions des Libyens, ne veut s'allier à ces derniers que de
manière temporaire. En février 1979, Habré chasse Malloum de
N'Djamena et défait l'armée gouvernementale. Goukouni arrive
immédiatement vers la capitale pour contester la prise du pouvoir
par Habré. Finalement, Habré, Goukouni et le colonel Wadal
Kamougue, qui commande les restes de l'armée régulière,
s'accordent sur le souhait de chasser les Libyens du Tchad et forment
le GUNT14.
La
deuxième intervention libyenne (1979)
Kadhafi
réagit en ordonnant l'invasion du nord du Tchad en 1979. Plusieurs
milliers d'hommes appuyés par des blindés et un soutien aérien,
ainsi que l'armée Volcan, marchent sur Faya Largeau. Mais les
Libyens ne disposent plus de l'habileté tactique des Toubous et
Goukouni repousse l'assaillant avec le soutien aérien français
autour de Faya Largeau entre avril et août 1979.
Habré
prend cependant l'ascendant sur ses partenaires et chasse le GUNT de
N'Djamena le 16 mars 1980, rebaptisant son armée les FAN15.
D'abord battues par Goukouni au nord de N'Djamena, Habré parvient à
chasser les forces du GUNT au nord, reprenant Faya Largeau et
Ounianga Kebir ainsi que les plaines septentrionales des Toubous. Le
1er avril, Habré écrase le colonel Kamougue au sud de N'Djamena,
privant Goukouni de son seul allié possible. Celui-ci doit donc
demander, à nouveau, l'appui libyen.
Kadhafi
souhaite retourner au Tchad, mais a compris que Goukouni n'est pas un
allié fiable et qu'il doit accroître son engagement. Le GUNT est
regroupé et encadré au sud de la Libye. Goukouni doit accepter
qu'un officier libyen, Mansur Abd al-Aziz, prenne la tête des forces
du GUNT. En août 1980, Kadhafi concentre des unités régulières et
d'autres de la Légion Islamique16à Sabha, au sud de la Libye. En octobre 1980, avant qu'Habré ait pu
consolider davantage sa mainmise sur le pouvoir, l'armée libyenne,
le GUNT et l'armée Volcan passent à l'offensive au Tchad.
Kadhafi engage 7 000 soldats réguliers avec 300 chars T-55,
plusieurs batteries de LRM BM-21 Grad, une bonne partie de la
Libyan Air Force et 7 000 hommes de la Légion Islamique. Pour
maintenir à distance l'aviation française, une imposante DCA
comprenant des SAM mobiles SA-6 et des canons automoteurs ZSU-23/4
fournit un parapluie antiaérien. Le GUNT et l'armée Volcan
rajoutent 6 à 7000 combattants au total. En face, Habré ne dispose
que de 4 000 soldats à peine, sans armement lourd.
La
troisième intervention libyenne (1980-1981)
Les
Libyens commencent leur offensive en aérotransportant des troupes
dans la bande d'Aouzou et foncent sur Faya Largeau. Fin octobre,
l'attaque se développe et les FAN sont terrifiées par la puissance
de feu libyenne. Les hommes du GUNT détectent les positions
adverses, puis les Libyens arrivent sur zone, se retranchent et font
donner les chars, l'artillerie et l'aviation devant lesquels les FAN
sont totalement dépourvues. Les raids aériens libyens, en
particulier, sèment souvent la panique parmi les soldats tchadiens ;
s'ils ne s'enfuient pas, les chars, ou en dernier recours les hommes
du GUNT, achèvent le travail.
Début
novembre, les Libyens sont maîtres de Faya Largeau et en font une
base logistique. A la fin du mois, ils sont à 60 km au nord de
N'Djamena, à Dougia, où Habré a replié ses troupes pour un ultime
combat. L'assaut sur la capitale, coordonné par des conseillers
soviétiques et est-allemands, commence le 8 décembre et il est
d'abord mené par le GUNT. Les Libyens dépêchent cependant en
soutien de 3 à 5 000 hommes, 200 chars T-55 et toute leur
artillerie, LMR compris. Les combats sont acharnés et les Libyens
expédient pas moins de 10 000 obus pendant les trois derniers jours
de la bataille. La ville tombe le 15 décembre. Kadhafi a réalisé
son objectif : Goukouni est maître de N'Djamena mais doit sa
position à la Libye, et aux 15 000 soldats libyens présents au
Tchad. La campagne représente un véritable succès logistique pour
l'armée libyenne mais s'est révélée coûteuse : 1 500 tués
et probablement de 4 à 6 000 blessés dans le camp de Kadhafi.
En
janvier 1981, celui-ci tente de forcer la main à Goukouni venu à
Tripoli en lui proposant une fusion entre le Tchad et la Libye.
Goukouni, rentré à N'Djamena, rejette violemment les offres de
Kadhafi et les troupes du GUNT affrontent les Libyens près d'Abéché
en avril 1981. Réalisant qu'il est allé trop loin, Kadhafi retire
ses troupes dans la bande d'Aouzou en octobre – un autre exploit
logistique de la part des Libyens. Mais Habré, lui, a reconstruit
les FAN au Soudan17,
soutenu par plusieurs Etats occidentaux et arabes (France,
Etats-Unis, Egypte) qui voient d'un mauvais oeil la mainmise libyenne
sur le Tchad. En mai 1982, les FAN reviennent au Tchad et le 5 juin,
à Massaguet, au nord de N'Djamena, Habré écrase les troupes du
GUNT. Celles-ci se replient vers leur place forte du Tibesti tandis
que Oueddei se réfugie au Cameroun. Le 7 juin, Habré entre dans
N'Djamena et se proclame président du Tchad. Kadhafi recueille les
troupes du GUNT mais ne contre-attaque pas tout de suite : il
veut se préserver le soutien de l'Afrique et hésite à investir
tant d'efforts pour un gain politique jusque là assez faible. Il
préfère consolider ses troupes dans la bande d'Aouzou.
La
quatrième intervention libyenne (1983-1986)
C'est
en 1983 seulement que Kadhafi se sent prêt pour une nouvelle
offensive au Tchad. 11 000 hommes sont déployés dans la bande
d'Aouzou, surtout des réguliers car la Légion Islamique n'a pas
donné satisfaction en 1981. Mais Kadhafi n'envoie que quelques
milliers d'hommes, surtout des unités l'artillerie et de logistique,
et cherche à faire porter le gros des combats sur le GUNT. En avril
1983, les Libyens et le GUNT défont la garnison de Dirbali :
142 hommes des FAN sont tués et 252 capturés sur 1 700 au total. Le
25 juin, le GUNT prend Faya Largeau, puis Abéché et marche sur
N'Djamena. Habré rallie le reste de son armée, désormais baptisée
FANT18,
et affronte le GUNT près d'Abéché en juillet. Il écrase les
troupes du GUNT, reprend Abéché puis Faya Largeau et menace
d'entrer dans la bande d'Aouzou.
La
défaite de Goukouni pousse Kadhafi à intervenir, cette fois-ci en
force. Sans l'appui des chars et de l'aviation libyenne, le GUNT est
condamné à l'échec face aux FANT. Or Kadhafi ne peut se permettre
de laisser Habré l'emporter : outre la perte de prestige que
cela occasionnerait, Habré soutiendrait aussitôt les mouvements
rebelles libyens pour le déstabiliser. Ainsi, en août 1983, une
autre invasion du Tchad a lieu, éclairée par les hommes du GUNT.
Les Libyens engagent 11 000 hommes, presque tous réguliers, des
chars, des véhicules blindés, de l'artillerie, 80 avions de combat,
mais qui restent encore dans un rôle de soutien derrière le GUNT.
Habré, de son côté, a concentré ses 5 000 hommes autour de Faya
Largeau, le long de la route traditionnelle d'invasion. Le 10 août,
les Libyens et le GUNT passent à l'assaut précédés d'un déluge
d'artillerie, de LRM et de chars, et d'un pilonnage effectués par
les Su-2219
et les Mirages opérant depuis la bande d'Aouzou et par les
Tu-16 décollant de Sabha. Les FANT sont rapidement débordées par
les attaques du GUNT appuyées par les chars libyens. Habré ordonne
la retraite après avoir perdu 700 tués, mais parvient à s'échapper
sur N'Djamena.
Habré,
à l'image de Malloum en 1978, demande alors l'appui français,
d'autant plus facilement accordé que les Etats-Unis eux-mêmes sont
alors aux prises avec Kadhafi, et poussent Paris dans ce sens.
L'opération Manta, lancée
le 10 août, déploie rapidement 3 500 hommes20
et plusieurs escadrilles de Jaguars au Tchad. Quand les
Libyens et le GUNT se remettent en marche, les Français ont établiune ligne défensive le long du 16ème parallèle, de Salal à Abéché
d'ouest en est. Habré se sert de la protection française pour
contre-attaquer : début septembre, à Oum Chalouba, au centre
du Tchad, au sud-est de Faya Largeau. Assuré du parapluie aérienfrançais, les FANT reprennent Oum Chalouba le 6 septembre et Faya
Largeau quelques semaines plus tard. Kadhafi répond en envoyant ses
appareils larguer du napalm et du phosphore blanc, qui tuent de
nombreux civils dans les deux localités. Habré lance une incursion
dans la bande d'Aouzou, mais la France refuse de mener des opérations
aériennes offensives en soutien. En outre les FANT s'essoufflent :
Habré s'est assuré le concours de 2 000 soldats zaïrois, mais la
force réunie ainsi manque de cohésion. Et les Libyens défendent
davantage la bande d'Aouzou qu'ils considèrent maintenant comme
faisant partie du territoire national.
En
avril 1984, la guerre étant dans l'impasse21,
la France propose à la Libye un retrait mutuel des troupes au Tchad.
Un accord est signé en septembre et les troupes françaises partent
en novembre22.
Les Libyens maintiennent cependant secrètement 6 000 de leurs
soldats dans le nord du Tchad. Loin de se retirer, ils améliorent
les routes entre leur territoire et la bande d'Aouzou et construisent
une nouvelle base aérienne à Wadi Doum, au nord-est de Faya
Largeau, pour mieux appuyer les opérations au-delà de la bande
d'Aouzou. Dès décembre 1984, les Libyens reprenent l'offensive au
Tchad. Ils demeurent cependant prudemment au nord du 16ème
parallèle. A la mi-1985, les Libyens alignent 7 000 hommes, 300
chars et 60 avions de combat. Le GUNT, qui a supporté l'essentiel
des pertes dans les dernières années de guerre, ne compte plus que
2 à 3 000 combattants. Les Libyens doivent donc assumer davantage
les opérations militaires et se reposent sur leur puissance de feu
pour l'emporter.
L'équilibre
des forces se renverse
Alors
que l'armée libyenne est engagée au Tchad, Kadhafi continue d'être
lui-même victime de tentatives de coups d'Etat. En janvier 1983, une
tentative ratée conduit à l'exécution de 5 officiers supérieurs
dont le commandant adjoint de la milice populaire. En mai 1984, un
autre soulèvement mène à des combats à Tripoli devant une caserne
où Kadhafi avait l'habitude de passer la nuit. 5 000 personnes sont
arrêtées, torturées et plus d'une centaine exécutée. En mars
1985, un nouveau complot est déjoué au sein de l'armée et 60
officiers supérieurs sont arrêtés. Finalement, en novembre, le
colonel Ishkal, gouverneur de la province de Syrte, celle d'où vient
Kadhafi, est passé par les armes sous motif de s'être opposé à la
politique étrangère et militaire du dictateur.
En
conséquence, celui-ci sépare plus étroitement les fonctions
militaires de celles de sécurité en multipliant les services de
renseignement et autres organismes de surveillance. Il étend les
« comités révolutionnaires » similaires aux
« cellules » du parti communiste à l'armée. Il
crée ensuite la Jamahiriyyah, une véritable garde
prétorienne de plusieurs milliers d'hommes de sa tribu d'origine
équipée des meilleurs armements dont des missiles sol-air SA-8.
Kadhafi n'autorise pas la création de divisions au sein de son armée
et tout commandement au-dessus de la brigade doit être constitué
pour ainsi dire ad hoc. La milice et les unités de réserve
sont fréquemment attachées aux unités régulières pour renforcer
la loyauté à sa personne. Kadhafi multiplie les chaînes de
commandement, restreint la taille des exercices et interdit de se
servir de munitions réelles, de peur qu'elles ne soient retournées
contre lui ! Au Tchad, en revanche, il laisse des officiers
compétents sur le terrain, se sentant peu menacé en raison de la
distance. Mais les garnisons sont parfois alimentées avec des
bataillons venant de différentes brigades, chacun obéissant à son
unité-mère, ce qui rend difficile une défense coordonnée...
L'équilibre
des forces en présence se renverse, pourtant, et pas en raison des
changements propres à l'armée libyenne. Les tactiques qu'elles
emploient -utilisation massive de la puissance de feu, éventuellement
assauts frontaux, plutôt lents- peuvent être menées à bien par
l'armée même après les choix faits par Kadhafi. Le changement
majeur intervient dans les FANT.
Les
Etats-Unis, en effet, sous le président Reagan, deviennent de plus
en plus hostiles à la Libye et s'apprêtent à soutenir activement
Hissène Habré. En 1985, ils fournissent armes, renseignement,
financement et soutien diplomatique. Avec la France, ils offrent
aussi des équipements plus modernes, un entraînement et un soutien
logistique. Habré et ses lieutenants ont l'intelligence de choisir
ce qui peut les servir au mieux : ils déclinent les chars,
véhicules blindés et l'artillerie lourde et optent pour des
automitrailleuses, des pick-ups, des armes automatiques, des
lance-grenades, des fusils sans recul, des mortiers, des missiles
antichars et des armes antiaériennes. Les FANT demandent en
particulier des missiles sol-air FIM-43 Redeye et des missiles
antichars MILAN.
Les
forces de Hissène Habré vont pouvoir ainsi mettre au point de
nouvelles tactiques et contrer l'emploi des chars et des avions
libyens. Une des grandes difficultés des FANT était, de fait, de
passer des tactiques de guerre du désert à celle d'une infanterie
classique opérant en masse. Le nouvel équipement, et en particulier
les pick-ups Toyota combinés à des armes collectives, permet
aux hommes des FANT de revenir à leurs tactiques traditionnelles
tout en y ajoutant la mobilité et la puissance de feu. Mouvements
rapides, puis concentration des forces redeviennent le credo des
guerriers Toubous. Ces véhicules redonnent une mobilité stratégique
et une manoeuvrabilité tactique qu'avaient perdu les Tchadiens
lorsqu'ils avaient adopté un armement moderne. Désormais, dans les
combats, ils opèrent selon la tactique de « l'essaim »,
frappant les véhicules libyens de flanc et sur plusieurs directions
simultanément. Ils maintiennent un rythme soutenu dans leurs
opérations, pour dépasser les Libyens trop lents à réagir, pour
isoler leurs petites unités et les détruire par des attaques
multidirectionnelles. Les FANT se déplacent sans cesse, empêchant
le recours à la puissance de feu, attaquant les blindés et les
fortifications de flanc ou sur l'arrière. Des conseillers militaires
occidentaux se chargent aussi de la logistique d'Hissène Habré qui
entravait beaucoup jusque là les opérations. Enfin, Habré peut
compter sur des cadres rompus au combat contre le GUNT et les
Libyens : Idriss Déby23,
Ahmed Gorou, Muhammad Nouri et surtout Hassan Djamous, qui commande
l'armée principale des FANT en 1986 et que certains observateurs
occidentaux comparent alors à Rommel ! Ces chefs organisent les
FANT en compagnies de 150 hommes avec une douzaine de pick-ups :
avec les appuis, des unités plus grandes sont formés de la taille
du bataillon, voire de la brigade.
La
défaite libyenne (1986-1987)
Pour
les Libyens, ces changements passent inaperçus. Kadhafi pense qu'une
nouvelle offensive en 1986 suffira à obtenir la décision comme les
années précédentes. Le choc face aux tactiques du FANT, qui ne
sont pas soutenues au départ par un appui aérien ou une
intervention étrangère, n'en sera que plus dur. Début février
1986, les Libyens et le GUNT passent à l'attaque en direction du
sud. L'ampleur de l'offensive est sans précédent : les Libyens
engagent 5 000 hommes avec des chars et de l'artillerie, de
l'aviation, appuyés par 5 000 hommes du GUNT ou de l'armée Volcan.
Le 10 février, ils attaquent Kouba, Olonga, Kalait et Oum Chalouba
et s'emparent des deux dernières localités. Mais le 13 février,
les FANT, utilisant leurs nouveaux équipements et leurs nouvelles
tactiques, contre-attaquent et chassent le GUNT et les Libyens.
Ceux-ci sont forcés de se replier jusqu'à la bande d'Aouzou et
incapables de reprendre l'offensive jusqu'en mars. Habré persuade
aussi la France, humiliée par le retrait inutile de 1984, d'engager
à nouveau 1 500 hommes et des Jaguars au Tchad : c'est
opération Epervier24.
Dès le 16 février 1986, les avions français attaquent les bases
aériennes libyennes et en particulier celle de Wadi Doum25.
Le lendemain, un bombardier Tupolev Tu-22 libyen attaque N'Djamena en
représailles, mais s'écrase au retour, peut-être victime de la DCA
tchadienne au-dessus de la capitale ; le 18 février, un MiG-25R
libyen fait une passe d'intimidation au-dessus de N'Djamena. Le dispositif français s'articule surtout autour de sa composanteaérienne et antiaérienne, mais les Libyens, sur le plan aérien, ne
sont pas immédiatement surclassés.
Kadhafi
réagit en renforçant son dispositif pour le porter au même niveau
que lors de l'invasion de 1983. Cette fois-ci les Libyens disposent
même d'armes plus modernes : des chars T-62, des véhicules
blindés BMP-1. Mais au lieu de s'adapter face aux nouvelles
tactiques des FANT, ils privilégient le nombre et la puissance de
feu : Kadhafi double l'effectif et expédie chars, artillerie et
avions pour renforcer le corps expéditionnaire. Avant que l'armée
libyenne ne soit prête, pourtant, le GUNT, qui ne compte plus que 2
000 combattants, déserte le camp de Kadhafi et se réfugie dans sa
place forte du Tibesti, chassant les garnisons libyennes de Bardai,
Wour et Zouar. Début décembre, les Libyens envoient un détachement
de 2 000 hommes avec des chars T-62 et de l'aviation pour déloger le
GUNT. Les Libyens reprennent les trois localités ; Hissène
Habré envoie rapidement 2 000 hommes des FANT pour appuyer Goukouni.
Les opérations sont difficiles dans un terrain montagneux qui prive
les FANT de leur capacité manoeuvrière, les Libyens se montrant
plus efficaces en défense statique. Les Tchadiens réussissent
malgré tout à reprendre Zouar et Wour en janvier 1987, mais les
Libyens ne sont chassés de la région qu'en mars, après la victoire
tchadienne à l'est. Ceux-ci sont néanmoins privés de leur
infanterie d'appoint des Toubous et surtout de sa capacité de
reconnaissance, et vont devoir engager directement les FANT, qui vont
exceller dans la mise en oeuvre des tactiques « en essaim »
.
Au
début 1987, Kadhafi aligne au nord du Tchad 8 000 hommes, 300 chars,
plusieurs centaines de pièces d'artillerie et de LRM, des
hélicoptères de combat Mi-24 Hind et 60 avions de combat. 2
500 hommes sont engagés dans le Tibesti (Groupe opérationnel sud),
le reste étant concentré dans le Groupe opérationnel Est basé à
Faya Largeau. Le QG de théâtre est à Wadi Doum. En face, Habré a
bâti une force régulière de 10 000 combattants soutenus par 20 000
irréguliers locaux. La force principale des FANT, 4 à 5 000 hommes,
est conduite par Hassan Djamous et Ahmed Gorou. Elle dispose de 70
automitrailleuses Panhard ou V-150 américaines et de plus de
400 pick-ups Toyota armés de mitrailleuses, de canons sans
recul, de mortiers, de lance-grenades et de missiles antichars MILAN.
Le
2 janvier 1987, Habré prévient l'offensive libyenne en attaquant
Fada, défendue par 1 200 Libyens, des chars et de l'artillerie.
Utilisant les tactiques « en essaim », les FANT
emportent la place en 8 heures, tuent 784 Libyens et en capturent 81
tout en détruisant 92 chars T-55 et 33 BMP-1 (29 véhicules
capturés), perdant de leur côté de 18 à 50 tués et de 50 à 100
blessés, et 3 véhicules. La défaite à Fada surprend les Libyens,
qui croyaient leurs positions fixes invulnérables. En outre, pour
gêner l'action de leur aviation, les appareils français attaquent à
nouveau les pistes de Wadi Doum le 7 janvier et détruisent également
les installations radars avec des missiles appropriés. En
conséquence, Kadhafi dépêche plusieurs bataillons de renfort, dont
des unités de la Jamahiriyyah, pour appuyer Faya Largeau et
Wadi Doum. En mars, 11 000 soldats libyens sont installés au nord du
Tchad. Habré vise ensuite Faya Largeau, mais comprend que s'il prend
d'abord Wadi Doum, les Libyens seront forcés d'abandonner la
première ville, faute de pouvoir assurer son ravitaillement.
Wadi
Doum est tenue par une garnison de 6 à 7 000 Libyens équipés de
200 à 300 chars ou véhicules blindés. Les défenses s'étalent sur
6 km autour de la base, qui comprend une piste aérienne avec
plusieurs escadrilles de chasseurs-bombardiers et d'hélicoptères.
Les Libyens la considèrent comme imprenable : les FANT vont
donc chercher à affaiblir psychologiquement et numériquement
l'adversaire avant d'attaquer la place directement. Elles harcèlent
la garnison pour l'inciter à conduire une contre-attaque sur Fada.
Mi-mars, la garnison tombe dans le panneau et envoi un détachement
de 1 500 hommes avec des blindés pour relever le gant. Des
éclaireurs tchadiens suivent la colonne. Le soir du 18 mars, les
Libyens forment un camp en cercle autour de B'ir Kora. Djamous
encercle de nuit la position libyenne avec les FANT. Le 19 mars, à
l'aube, celles-ci passent à l'attaque. Un diversion lancée d'un
côté du camp libyen provoque la panique du commandant de l'unité
qui dépêche ses réserves sur ce point. Les FANT lancent ensuite
l'assaut principal de l'autre côté du camp et pénètre le
périmètre, semant la confusion chez les Libyens en les attaquant
sur leurs arrières, tandis que la force de diversion continue ses
attaques frontales. Les Libyens demandent des renforts à Wadi Doum,
finalement expédiés trop tard et qui sont anéantis par les FANT
dans la nuit du 19 mars, au nord de B'ir Kora. Au total, les Libyens
déplorent 800 morts et comptent 86 chars T-55 détruits et 13
capturés.
Wadi
Doum est mûre pour la curée. Les 4 à 5 000 hommes restants sont
démoralisés par la perte de leurs camarades à B'ir Kora. Fin mars,
les FANT, 2 à 3 000 hommes menés par Djamous encerclent la base.
Contrairement aux Libyens qui ignorent tout de leurs positions, les
Tchadiens reconnaissent soigneusement les approches de Wadi Doum et
en particulier les avenues praticables dans les champs de mines. Le
22 mars, l'attaque commence. Les combats les plus durs sont menés
pour percer le périmètre défensif extérieur, mais les FANT
attaquent sur deux points ce qui leur facilitent la tâche. Les
Libyens engagent leur réserve trop tardivement et par la brèche
qu'elles ont créée, les FANT se répandent dans la base.
L'artillerie libyenne, prise de cours, ne peut tirer un seul obus !
Quatre heures après le début de l'attaque, la défaite est
consommée. Les Libyens tentent de contre-attaquer pendant la nuit
mais échoue. L'aviation n'est que de peu d'utilité contre les
colonnes de pick-ups tchadiens roulant vite et se dispersant
aisément, car elle doit voler au-dessus de 3 000 m en raison de la
menace des Redeyes. Les Libyens laissent dans l'affaire 1 269
tués, 438 prisonniers dont le colonel Haftar, commandant le Groupe
Opérationnel Est, 89 chars T-55, 120 BMP-1, 11 avions légers L-39,
deux bombardiers Tu-22B, deux SF-260W, 4 Mi-24 et plusieurs batteries
de SA-6 et de SA-13. Les unités de la Jamahiryyah ont
partculièrement souffert. Les Tchadiens ne comptent que 29 tués et
58 blessés !
La
perte de Wadi Doum est un coup terrible pour les Libyens, forcés
d'évacuer le centre du Tchad et la base de Faya Largeau, devenue
intenable. Kadhafi envoie des renforts pour gonfler la défense dans
la bande d'Aouzou. 12 à 13 000 hommes, un tiers de l'armée
libyenne, s'y trouvent finalement stationnés. Pour relancer leur
appui aérien, les Libyens remettent en chantier la base de Maatan
as-Sarrah dans le sud du pays. Mais, fin juillet 1987, les FANT
prennent des positions dans le Tibesti pour sécuriser leur flanc
ouest en vue de l'attaque sur la bande d'Aouzou. Début août, une
brigade libyenne contre-attaque dans le Tibesti. Le 8, elle reprend
Bardai mais est interceptée à Oumchi par une force équivalente des
FANT, à 80 km au sud de la bande d'Aouzou. Utilisant les mêmes
tactiques que précédemment, les Tchadiens pulvérisent la force
libyenne et la défaite se transforme en véritable déroute :
Djamous entre bientôt dans la ville d'Aouzou, tuant 650 Lybiens, en
capturant 147, ainsi que 111 véhicules, sans compter les 30 chars et
véhicules blindés détruits durant les combats.
Kadhafi
ne se laisse pas démonter pour autant et porte les effectifs libyens
à 15 000 hommes. Il envoie aussi le meilleur général de l'armée
libyenne, Ali ash-Sharif, pour organiser la contre-attaque afin de
reprendre Aouzou. Précédées par un bombardement d'artillerie et
d'aviation26,
la contre-offensive libyenne échoue le 14 août avec 200 tués et
blessés. Ash-Sharif renouvelle l'assaut, en vain : il faut dire
qu'il ne fait pas beaucoup preuve d'imagination tactique, multipliant
les attaques frontales, en pure perte. Le général libyen soumet la
ville à un pilonnage encore plus violent et place des unités de
commandos et de la Jamahiriyyah dans le dispositif. Utilisées
comme troupes de choc, ces forces chassent finalement les Tchadiens
d'Aouzou le 28 août. Le succès libyen est malheureusement dû pour
eux au fait que les commandants expérimentés des FANT ont été
retirés du front pour préparer une autre offensive... la Libye a
néanmoins perdu 1 225 tués et 262 blessés en août dans les
combats autour d'Aouzou.
Habré,
qui tient absolument à reprendre la bande d'Aouzou, projette de
renverser la situation en attaquant les bases de Kadhafi dans le sud
libyen. Il a déterminé avec ses officiers que le principal atout
des Libyens était leur aviation : bien que relativement
inefficace, elle effraie encore les FANT et conduit à disperser
fréquemment les effectifs pour éviter les projectiles. Pour
éliminer cette menace, Habré prévoit d'attaquer la grande base de
Maatan as-Sarrah. Les Libyens, pendant ce temps, souhaitent
capitaliser sur leur succès à Aouzou : début septembre, une
brigade attaque Ounianga Kebir. Djamous, de son côté, mène
plusieurs milliers d'hommes des FANT dans un raid à 200 km à
l'intérieur de la Libye vers Maatan as-Sarrah. Les Libyens sont
défaits devant Ounianga Kebir dès le 5 septembre. Le même jour,
Djamous, qui s'est approché de la base libyenne sans être repéré,
lance l'assaut. Les Tchadiens, renseignés par les photos satellites
américaines, ont progressé jusqu'au nord de Maatan as-Sarrah pour
faire croire à la garnison qu'il s'agit d'un renfort arrivant sur
place. Celle-ci compte 2 500 hommes, une brigade de chars, de
l'artillerie et des fortifications, ce qui ne l'empêche pas de
succomber rapidement. Les Tchadiens détruisent les installations,
les pistes et emportent tout le matériel possible avec eux,
repartant dès le 6 septembre. Ils ont tué 1 700 défenseurs, en ont
capturé 300, ont détruit 26 avions ou hélicoptères (dont 3
MiG-23, 4 Mirages et 1 Mi-24), 70 chars, 30 véhicules
blindés, des batteries de SAM, des radars et de l'équipement
électronique, au prix de 65 tués et 112 blessés. Kadhafi envoie
alors, le 7 septembre 1987, deux bombardiers Tu-22 sur les aérodromes
d'Abéché et N'Djamena, en représailles de la destruction de sa
base aérienne. L'un des deux bombardiers est abattu au-dessus de
N'Djamena par un missile antiaérien Hawk tirée par une
batterie du 403ème régiment d'artillerie français27et
l'autre fait demi-tour.
Fort
heureusement pour Kadhafi, Paris commence à s'inquiéter des
ambitions tchadiennes et force Habré à accepter un cessez-le-feu
avant que celui-ci n'ait pu lancer sa contre-attaque sur la bande
d'Aouzou, de crainte que les Tchadiens ne transportent la guerre en
Libye. Pour l'année 1987, les Libyens ont perdu au moins 7 500 tués,
1 000 prisonniers, 28 avions de combat et plus de 800 chars et
véhicules blindés détruits, tout en n'éliminant qu'à peine un
millier d'hommes des FANT.
Conclusion
Les
relations entre le Tchad et la Libye vont progressivement revenir à
la normale. Kadhafi reconnaît Hissène Habré comme chef d'Etat du
Tchad en mai 1988. Les négociations sur la bande d'Aouzou, en
revanche, se terminent par une impasse à partir d'août 1989. Les
relations s'améliorent lorsqu'Idriss Déby, ancien lieutenant
d'Hissène Habré soutenu par la Libye, chasse celui-ci du pouvoir en
décembre 1990. Déby conserve cependant la position de son
prédécesseur sur la bande d'Aouzou. Finalement, en février 1994,
la Cour de Justice Internationale proclame à une écrasante majorité
que le territoire doit revenir au Tchad. En conséquence, les troupes
libyennes quittent la bande d'Aouzou en mai 1994. Les rêves
d'expansion de Kadhafi ont été définitivement brisés dans les
sables du Tchad. Quant à Idriss Déby, devenu président du Tchad,
il s'emploie à favoriser les Zaghawa du Darfour qui l'ont aidé à
évincer Hissène Habré. Inamovible, ayant fait modifier la
constitution pour se maintenir au pouvoir, Déby provoque l'entrée
en rébellion de Zaghawas déçus par son attitude et qui
s'organisent au Darfour, depuis toujours le sanctuaire des mouvements
de rébellion tchadiens. Soutenu par la France, Déby a jusqu'ici
repoussé toutes les offensives lancées par les mouvements rebelles
-en 2005, en 2006, en 2008- et a conclu un accord avec le Soudan, qui
soutenait officieusement l'opposition tchadienne, en janvier 2010. Et
par-dessus la guerre civile tchadienne et le conflit avec le Soudan
s'est ajouté le drame du Darfour.
Pour
en savoir plus :
R.
BUIJTENHUIS, « Le FROLINAT à l'épreuve du pouvoir. L'échec
d'une révolution africaine », in Politique Africaine
n°16, 1984, p.15-29.
Colonel
SPARTACUS, Opération Manta 1983-1984. Les documents secrets,
Paris, Plon, 1985.
Tom
COOPER, « 45 Years of Wars and Insurgencies in Chad », in
Truppendienst n°312, 6-2009 (merci à Adrien Fontanellaz de
me l'avoir signalé).
Kenneth
M. POLLACK, Arabs at War. Military Effectiveness, 1948-1991,
University of Nebraska Press, 2002.
R.
OTAYEK, « La Libye face à la France : qui perd gagne »,
in Politique Africaine n°16, 1984, p.66-85.
Répertoire
typologique des opérations, tome 2 Afrique, CDEF/DREX.
1Il
est capturé puis tué dans les environs de Syrte, le 20 octobre
2011.
2Le
Tchad est clairement, pour Kadhafi, l'enjeu d'une stratégie de
puissance.
3Terme
emprunté à l'arabe et qui désigne une bande armée constituée
pour des raids de pillage, des incursions rapides et brusquées :
par extension, désigne le raid lui-même.
4Front
de Libération Nationale du Tchad.
5Premier
président de la République du Tchad, à partir de l'indépendance
en 1960.
6Souverain
de la Libye depuis l'indépendance, en 1951.
7Dont
il a d'ailleurs renvoyé la garde, composée de Toubous, avec armes
et bagages, au Tchad, dès 1969.
8La
France intervient dès 1969, et jusqu'en 1972 (opération Limousin),
pour soutenir le régime de Tombalbaye, avec plus de 2 500 hommes à
l'effectif maximum. L'armée française perd 39 tués et 102
blessés. C'est la première intervention majeure dans une
ex-colonie depuis la fin de la guerre d'Algérie, en 1962.
9Une
courte guerre frontalière, qui voit la défaite de la Libye, éclate
d'ailleurs en juillet 1977, alors que Kadhafi s'engage de plus en
plus au Tchad.
10Lance-Roquettes
Multiples.
11230
hommes et 54 véhicules arrivent dès le 28 février. 10 Jaguars
sont déployés le 27 avril.
12Du
nom d'un poisson de l'Atlantique. Elle dure de mars 1978 à mai
1980. Les Français perdent 18 tués au combat et 2 Jaguars
abattus pendant l'opération Tacaud. Pour en savoir plus sur
l'opération : http://operationtacaud.wordpress.com/
13Le
19 mai 1978, la 3ème compagnie du 3ème RIMa déloge le FROLINAT
d'Ati : 80 ennemis tués, 7 véhicules détruits, 2 canons
bitubes de 14,5 mm, un canon sans recul de 75 mm, un mortier de 120
mm et un mortier de 81 mm, 6 mitrailleuses, 2 RPG-7 et 70 AK-47 sont
capturés. Au prix de 2 tués et plusieurs blessés.
14Gouvernement
d'Union Nationale de Transition.
15Forces
Armées du Nord.
16Force
paramilitaire panarabe créée par Kadhafi pour servir ses ambitions
en 1972.
17L'aviation
libyenne bombarde les camps des troupes d'Hissène Habré, puis la
ville d'El-Geneina, au Darfour, le 16 septembre 1981, avec 2 SF-160.
Puis un bombardier Tu-22B attaque une station de télévision à
Ondourman.
18Forces
Armées Nationales du Tchad.
19La
seule perte aérienne libyenne pendant cette période est un Su-22.
20En
janvier 1984. Les pertes se montent au total à 13 morts, 8 blessés
et 2 Jaguars perdus.
21L'intervention
française n'est pas conçue par le pouvoir politique -socialiste-
de l'époque comme devant chasser Kadhafi et le GUNT du nord du
Tchad. Le 24 janvier 1984, un raid du GUNT et des Libyens sur un
avant-poste des FANT à Ziguey aboutit à la capture de deux otages
occidentaux. Des Jaguars sont envoyés intercepter la colonne
mais en raison de lenteurs entre le commandement de Manta et
Paris, l'ordre d'attaquer n'intervient qu'une bonne heure plus
tard : le Jaguar du capitaine Michel Croci, touché par
un obus de 23 mm, s'écrase, tuant son pilote.
22L'opération
de retrait est baptisée Silure côté français.
23Qui
s'est distingué en 1984 et qui a suivi ensuite les cours de l'Ecole
de Guerre à Paris, avant de revenir au Tchad en 1986.
24Dont
le dispositif, toujours en place actuellement, a alimenté une
partie de l'opération Serval.
258
Jaguars largent des bombes antipistes BAT-100 sur la base de
Wadi Doum/
26L'aviation
libyenne doit faire face à une défense antiaérienne tchadienne
intense. 9 avions ou hélicoptères sont perdus entre les 17 et 24
août, dont un Tu-22B au-dessus d'Aouzou et un Mirage V dans
la région d'Ounianga Kebir.
27Pour
en savoir plus : http://www.7septembre.fr/index.php